Mabea piriri

Mabea piriri est une espèce d'arbuste sud-américaine appartenant à la famille des Euphorbiaceae (famille du ricin).

Il est connu en Guyane sous les noms de Bois-lait ou Bois-lélé (créole de Saül)[3] ou Bois à calumet[4]. Au Suriname on le désigne sous les noms de Bakaa Poeirenga (Saramaka), Baririe Koli Kakkekoro (Arawak), Koenbotassi, Wepenjana atakarie, Pakjira emoeroc, Wepe lana noc takalli (Karib)[5]. Au Guyana, on l'appelle Swizzle stick (Créole), Bariri-kuti (signifie "pied de faucon" en Arawak à cause de ses branches verticillées), Yukuyapoi (Karib)[6]. Au Venezuela, on l'appelle Molenillo, Pata de gallina, Pata de grulla, Pata de paují, Usibe (espagnol)[7].

Description

Mabea piriri est un arbre pouvant atteindre 15(–25) m de haut, produisant un latex blanc en cas de blessure. Son troncs produit des contreforts arrondis très bas. Ses branches sont parfois verticillées. Son écorce brun pâle est lisse avec quelques fissures verticales. L'écorce interne est brun-orangé. Les tiges sont glabres à glabrescentes. Les pétiole des feuilles est long de 7-11 mm. Les feuilles glabres, ont des marges dentelées à sub-entière, sont étroitement oblongues-elliptiques, ont base aiguë, un apex acuminé à caudé, et mesurent 7-13 x 2,5-4,5 cm. Elles portent de petites glandes circulaires le long de la marge abaxiale. Les inflorescences sont terminales et à l'aisselle, des feuilles supérieures, sont parfois ramifiées (1 à 3(5) à l'extrémité d'un rameau). Les unités racémeuses mesurent 6-8 x (2)2,5-3,5 cm, sont vert pâle, comportent 2-4 fleurs pistillées chacune et sont portées sur un pédoncule long de 2,5 −9 cm. Les bractées des fleurs staminées portent des glandes vert foncé, longues d'environ cm, et insérées 1,5 à 1 mm au-dessus du rachis. Les pédicelles sont longs de 6-9-(-12) cm sur les fleurs staminées, et 10-15 mm sur les fleurs pistillés. Les fleurs staminées mesurent 1,5-2 mm de diamètre est comportent 15-25 étamines. Sur les fleurs pistillées, l'ovaires est densément couvert de poils dendritiques. Le style, long de 2 à 2,6 cm est conné sur la moitié de sa longueur. Le fruit est une capsules de 1,5-2 cm de diamètre, recouvertes de poils brun rougeâtre[3]. Les ovaires et fruits sont toujours bruns[7].

Répartition

On rencontre Mabea piriri du Venezuela, à la forêt côtière atlantique du Brésil en passant par les Guyanes (Guyana, Suriname, Guyane), et le bassin amazonien[7].

Écologie

Il pousse depuis le niveau de la mer jusqu'à 900 m d'altitude, dans les forêts tropicales sempervirentes des basses terres, jusqu'aux premiers reliefs montagnards, et parfois sur les berges des cours d'eau ou les forêts secondaires[7]. Il préfère le sous-bois des forêts de terre ferme non inondées. En Guyane, il fleurit de septembre à novembre, fructifie de décembre à février[3].

Mabea piriri a la particularité de ne pas connaître de dédifférenciation végétative lors du passage au stade sexuel[8].

Au Venezuela, Mabea piriri est une des espèces les plus communément consommées par le tapir, et aussi une des plus communes dans son habitat naturel[9].

Utilisations

Le bois de Mabea piriri est utilisé pour la construction[7].

Les tiges creuses de Mabea piriri étaient employées sous l'ancien régime pour réaliser des tuyaux et embouts de pipe, d'où le nom de « Bois à calumet »[10],[11],[4].

Dans le Nord-ouest du Guyana, les populations amérindiennes emploient Mabea piriri comme plante médicinale, ressource technologique et matériau construction d'importance mineure : le latex est sert de collyre pour soigner les yeux endoloris. La tige verticillée est taillée en un ustensile de cuisine pour battre le lait au chocolat ou la purée de banane. Son bois considéré comme durable est utilisé en "bois rond" dans la construction de maisons[6].

Le latex de Mabea piriri est riche en caoutchouc[12]. Son écorce, amère et astringente aurait des propriétés fébrifuges[13].

L'extrait alcoolique de Mabea piriri présente des propriétés acaricides sur la tique Dermacentor nitens comparables à la deltaméthrine[14].

Histoire naturelle

En 1775, le botaniste Aublet propose la diagnose suivante[4] :

Mabea piriri par Aublet (1775) Planche 334 fig. 1.
- L'on a repréſenté une feuille & un fruit de grandeur & groſſeur naturelles. Toutes les parties des fleurs ont été groſſies. - 1. Feuille du Mabier Calumet ou Piriri. - 2. Bouquet de fleurs mâles en bouton, garni, à ſa baſe, d'une écaille & de deux glandes. - 3 Bouquet de fleurs mâles épanouies, garni de mime. - 4. pédoncule des fleurs 3 garni d'une écaille & de deux glandes. - 5. Deux étamines, une vue de face, & l’autre vue par le dos. - 6. Calice de fleur femelle. - 7. Ovaire dans le calice. Style. Stigmates. - 8. Ovaire ſéparé du calice. - 9. Ovaire coupe en travers. - 10. Semence que l'ovaire contient. - 11. Capſule. - 12. Une loge oſſeuſe qui s'ouvre encore en deux valves avec élaſticité, & qui contient une graine. - 13. Loge qui s'ouvre en deux valves. - 14. Capſule de la Fig. 1. - 15. Fleurs femelles. - 16. Fleurs mâles. - 17. Stipules.[4]
« MABEA (Piriri) foliis ovato - oblongis, acuminatis. (Tabula 334. Fig. 1.)

Frutex trunco quinque-pedali ; ramos plures, ſarmentoſos, longiſſimos, ſuprà arbores ſparſos, & propendentes emittente. Folia alterna, ovato-oblonga, in acumen longum deſinentia, integerrima, ſuperne viridia, inferne albicantia, brevi petiolata. Stipulæ binæ, breves, anguſtæ, acutæ, deciduæ. Flores paniculati, denſiſſimi, maſculi terni, pedunculati, ab codem pedicello exeunt, ad baſim glandulis duabus & bradea muniuntur. Flores feminei infra maſculos, ſolitarii, pedunculati.

Tota planta vulnerata ladeum ſuccum fundit.

Florebat, fructumque ferebat Maio.

Nomen Caribamm PIRIRI MABÉ ; Gallicum CALUMET.
 »

« LE MABIER Calumet. (PLANCHE 334.)

C’eſt un arbrisseau dont le tronc a cinq à ſix pieds de hauteur, & environ ſix pouces de diamètre. Son écorce eſt cendrée, liſſe, & rend un ſuc laiteux, pour peu qu'on l'entame. Son bois eſt jaunâtre. De ce tronc s'élèvent pluſieurs branches ſarmenteuſes, qui s'étendent fort haut, & ſe répandent ſur les arbres voiſins, en laiſſant pendre des rameaux, qui ſont chargés de feuilles alternes, oblongues, ovales, terminées en une longue pointe. Elles ſont liſſes, vertes en deſſus, & blanches en deſſous. Leur pédicule eſt court, & porte à ſa baſe deux stipules longues & étroites, qui tombent.

Les fleurs viennent à l'extrémité des rameaux en grand nombre, rangées en longue panicule.

Ces fleurs ſont, les unes mâles & en très grand nombre: au deſſous de celles-ci ſont quelques fleurs femelles dont le nombre varie de huit à dix, & toujours placées à la partie inférieure de la panicule.

Les fleurs mâles ſont portées ſur un pédoncule de trois lignes de long, garni de deux écailles, qui, dans le milieu de ſa longueur, a deux corps oblongs, arrondis, ſurmontés d'une écaille, & au deſſous il ſe partage en trois filets qui ont chacun à leur ſommet une très petite fleur.

Le calice eſt d'une ſeule pièce à cinq dents aiguës.

Les étamines ſont au nombre de neuf, de dix ou de douze, preſſées les unes contre les autres, & attachées au fond du calice. Leur filet eſt très court. L'anthère eſt arrondie, à deux loges, qui s’ouvrent en deux valves, & répandent une pouſſière jaune.

Les fleurs femelles ſont ſolitaires, ſur un pédoncule long. Leur calice eſt d'une ſeule pièce, arrondi, évaſé, à cinq dents aiguës.

Le piſtil eſt un ovaire renferme en partie dans le calice. Il eſt oblong & à trois côtes arrondies, ſurmonté d'un style long d' environ un demi-pouce, qui ſe partage en trois stigmates longs, tournes en ſpirale.

L'ovaire devient un fruit ſec de la groſſeur & de la forme du grain de raiſin. Il eſt à trois côtes arrondies. Son écorce, qui eſt charnue en ſe deſſéchant, ſe ſéparé & laiſſe à découvert une capsule à trois loges ligneuſes, laquelle ſe partage en trois parties. Chacune de ces parties s'ouvre avec élaſticité en deux valves, & jette une graine arrondie, de couleur brune, tachée de gris.

Toutes les parties de cet arbriſſeau rendent, de même que l'écorce, un ſuc laiteux.

Je l'ai trouvé dans l'île de Caïenne, aux environs de la ville, & à Loyola ; il croît auſſi dans la terre ferme, au Comté, & ſur les bords de la rivière de Sinémari. C'eſt principalement dans cet endroit que j'ai vu cet arbriſſeau s'élever ſur de très grands arbres, en laiſſant pendre des rameaux que je pouvois atteindre avec les mains.

Les Créoles & les Nègres à Caïenne emploient les menues branches de cet arbriſſeau, pour en faire des tuyaux de pipe. C'eſt par cette raiſon qu'ils l'ont appelle BOIS A CALUMET. Il eſt nommé PIRIRI MABÉ par les Galibis. »

 Fusée-Aublet, 1775.


Notes et références

  1. Tropicos.org. Missouri Botanical Garden., consulté le 27 novembre 2021
  2. (en-US) « Mabea piriri Aubl. - synonyms », Tropicos, Saint Louis, Missouri, Missouri Botanical Garden (consulté le )
  3. (en) Scott A. Mori, Georges Cremers et Carol Gracie, Guide to the Vascular Plants of Central French Guiana : Part 2. Dicotyledons, vol. 76, New York Botanical Garden Pr Dept, coll. « Memoirs of the New York Botanical Garden », , 776 p. (ISBN 978-0-89327-445-0), p. 285-287
  4. Jean Baptiste Christophe Fusée-Aublet, HISTOIRE DES PLANTES DE LA GUIANE FRANÇOISE, rangées suivant la méthode sexuelle, avec plusieurs mémoires sur les différents objets intéreſſants, relatifs à la culture & au commerce de la Guiane françoiſe, & une Notice des plantes de l'Iſle de France. volume II, Londres et Paris, P.-F. Didot jeune, Librairie de la Faculté de Médecine, quai des Augustins, (lire en ligne), p. 867-870
  5. (en) A. A. Pulle et J. Lanjouw, Flora of Suriname : DIALYPELATAE, vol. II, PART 1, Leiden, E.J. Brill - Foundation Van Eedenfonds, , 1-500 p., p. 80
  6. T. VAN ANDEL, Non-timber forest products of the North-West District of Guyana - Part I & II, Universiteit Utrecht. Tropenbos Guyana Series 8A-8B, , Part I 320 p., Part II : 341 p (ISBN 90-393-2536-7, lire en ligne)
  7. (en) Paul E. Berry, Hans-Joachim Esser, Julian A. Steyermark (eds.), Paul E. Berry (eds.), Kay Yatskievych (eds.) et Bruce K. Holst (eds.), Flora of the Venezuelan Guayana, vol. 5 - Eriocaulaceae–Lentibulariaceae, St. Louis, MISSOURI BOTANICAL GARDEN PRESS, , 833 p. (ISBN 9780915279715), p. 163-167
  8. Roelof Oldeman, « Une disjonction entre la sexualité et la dédifférenciation végétative chez le Mabea piriri Aubl. (Euphobiaceae) », Comptes Rendus de l'Académie des Sciences.Série D : Sciences Naturelles,, vol. 267, , p. 1358-1360 (ISSN 0249-6305, lire en ligne)
  9. (en) Leonardo A. Salas et Todd K. Fuller, « Diet of the lowland tapir (Tapirus terrestris L.) in the Tabaro River valley, southern Venezuela », Canadian Journal of Zoology, (DOI 10.1139/z96-159)
  10. Antoine Suarez, « Les pipes à fumer de style « africain » sous l’ancien régime en Guyane française (XVIIe – XVIIIe siècles) », Cahiers LandArc, no 25, , p. 1-12 (lire en ligne)
  11. Antoine Suarez, La production artisanale des pipes à tabac locales : typologie et étude socio-culturelle : Contributions à l'étude de l'Archéologie des Plantations en Guyane Française entre les XVIIe et XVIIIe siècles, Université Paris I - Panthéon Sorbonne - M2 Archéologie des Amériques, (lire en ligne)
  12. Benoît-Édouard Dutoit, Histoire naturelle, médicale et pharmaceutique, de la famille des euphorbiacées, Paris, faculté de médecine de Paris, coll. « thèse de doctorat en médecine », (lire en ligne), p. 15-16
  13. Édouard Heckel, Les plantes médicinales et toxiques de la Guyane française : catalogue raisonné et alphabétique, Mâcon, Protat frères, , 160 p. (lire en ligne), p. 112
  14. (pt) Anderson da Silva Oliveira, Antunes da Silva Barbosa, Jéssica Taiane Gomes Gregório, Joiciane Serafim Pereira, Alex Alves Dantas, Miguel Bezerra da Silva Junior, Jobson da Silva Nascimento et Thiago Moreira Da Silva, « Comparação na eficácia de fitoterápicos com carrapaticida deltametrina », Ciência Veterinária nos Trópicos, vol. 19, no 2, (lire en ligne)

Voir aussi

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