Modesto Lafuente

Modeste Lafuente y Zamalloa (né à Rabanal de los Caballeros, province de Palencia en Espagne, le et décédé à Madrid le ) a d'abord été journaliste puis historien, écrivain satirique espagnol et homme politique catholique libéral. En tant qu'écrivain satirique il emploie des pseudonymes tel que Fray Gerundio et Pelegrín Tirabeque[1].

Modesto Lafuente
Biographie
Naissance

Rabanal de los Caballeros (d)
Décès
(à 60 ans)
Madrid
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Il est, encore aujourd'hui, considéré comme le pionnier de l'historiographie nationale espagnole. Comme écrivain il se spécialise dans la description des mœurs de son époque qu'il contraste avec ceux d'autres sociétés européennes. Il est l'auteur de l’œuvre Histoire générale de l'Espagne .

Biographie

Fils d'un médecin rural que l'on considère comme un francisé la famille déménage à Cervera de Pisuerga lors de la guerre d'indépendance de L'Espagne . On le scolarise dès lors au séminaire de León en 1819 suivant ainsi le même parcours que son frère Manuel qui y était devenu prêtre . On lui accorda la tonsure en 1820 alors même que le «Trienio Libéral» venait juste de commencer . Il poursuit ses études au séminaire d'Astorga et passe librement devant les Juntes de purification en 1824 comme n'étant pas opposé à l'absolutisme. Il étudie la théologie et le Droit à l'Université de Valladolid tandis que sa famille change de résidence assez fréquemment à cause de la profession de son père qui parcourrait la Vieille-Castille comme médecin rural . Cependant , en 1828, les Universités sont fermés . On a suggéré qu'il était franc-maçon mais cette idée n'est toujours pas prouvée et mérite des recherches plus avancées . Au Séminaire d'Astorga il est nommé Bibliothécaire en 1831 et peu après Maître de conférence en philosophie .

En 1833, à la mort du roi Fernando VII , Modeste Lafuente met en doute l'idée de s'ordonner prêtre définitivement. Il décide finalement de renoncer à sa carrière ecclésiastique pour s'engager en politique au sein du parti libéral. En 1836 , ses supérieurs du séminaire le considèrent déjà un isabelliste et un libéral. On le nomme secrétaire de conseil diocésain et il a , dès lors , aidé à l'étude des conséquences du désamortissement de Mendizabal . Comme écrivain satyrique et sous le pseudonyme de Fray Gerundio , il a toujours renié de ces mesures de redistribution des biens et des terres de l'église qui ont été considérées par une partie de la société comme négatives pour l'église sans pour autant avoir atteint , comme elles le prétendaient , l'amélioration de l'économie du pays .

Comme Libéral progressiste, il a fondé à León le journal Fray Gerundio (1837), de style satirique. Il a continué sa publication à Madrid jusqu'en 1849 avec une interruption entre 1843 et 1848. C'est à partir de cette publication qu'il a diffusé des idées de liberté, de progrès matériel et de morale. Cela lui a reporté une énorme renommée dans toute l'Espagne. Il a écrit les «Capilladas satiriques»[2] sur les mœurs et problèmes des personnages politiques, en adoptant des dialogues comiques entre Fray Gerundio et un jeune méprennant «Pelegrin Tirabèque» .

Il a fait un recueil de ses articles dans la Collection de capilladas et disciplinazos (1837–1840) et de Théâtre social du XIX siècle (1846) ; mais la collection originale comprend quinze volumes dans la première série (1837-1840 et janvier-juin 1842) et deux autres dans la deuxième série (du 5 juin 1843 à janvier 1844). Le formidable succès de personnages à l'image de ceux de Cervantes a été véritablement insolite pour l'époque et lui ont apporté de grands bénéfices économiques.

Lafuente revendique son oeuvre et demande de ne pas la limiter à la simple description des mœurs et des coutumes de l'époque mais plutôt comme document imprégné de politique et d'étude de la société.

Pio Baroja a affirmé qu'il fallait considérer Modeste Lafuente comme un pionnier de la sociologie ou de la sociographie de son temps.

En septembre 1837 il est nommé comme un haut fonctionnaire du gouvernement civil de la province espagnole de Léon. Ses écrits commencent à le rendre populaire. Il préfère cependant de ne pas trop marquer idéologiquement son personnage de Fray Gerundio, malgré son libéralisme notoire. Il exprime vouloir suivre les modèles satiriques de Juvenal et de Cervantes mais , par contre , il nie être partisan de Larra.

En 1838 il rencontre le grand éditeur espagnol Francisco de Paula Mellado, propriétaire du journal La estafeta . Celui-ci lui propose de publier le livre Fray Gerundio à Madrid.

La popularité de ses articles et les polémiques proches à la gouvernance ou à la politique lui rapportent vite des admirations ainsi que des haines , notamment celle du général Prim qu'il ridiculise en presse.

L'été 1840, il entreprends un voyage en Europe. Il rend visite spécialement à la France , à la Belgique ainsi qu'à la Hollande et aux rives du Rhin.

En 1850 il édite le premier tome de son Histoire générale de l'Espagne[3], une tâche immense qui le mobilise jusqu'en 1866 et qui lui vaut d'être nommé membre de l'Académie royale d'histoire l'année 1853, en prononçant un discours d'introduction sur les Fondements et vicissitudes du Califat de Cordoue, les causes et les conséquences de son déclin.

Modesto Lafuente évolue du libéralisme à une position plus conservatrice et modérée. À partir de 1854 il travaille dans le cercle de Leopoldo O'Donnell et de l'Union Libérale. Il ne croit plus, à cette époque aux extrêmes en politique et prends part , pendant le Bienio Progressiste , à la rédaction d'une nouvelle Constitution espagnole. En 1856 il est nommé directeur de l'École Supérieure de Diplomatie[4]et il devient membre du Conseil Supérieur des Archives et des Bibliothèques. En 1865 il est nommé membre du Conseil d'État. Il est décédé en 1866 . Ses restes mortels se trouvent à Mayorga (Valladolid). Décoré avec la grande croix de l'Ordre d'Isabelle la Catholique, il est membre de l'Académie royale de l'Histoire où on y conserve, encore de nos jours, son portrait.

Son Œuvre

Mis à part ses travaux comme journaliste et chroniqueur satyrique, Modesto Lafuente est principalement et à jamais considéré comme l'auteur de l'Histoire Générale de l'Espagne des temps les plus anciens jusqu'à aujourd'hui (1850-1867) en six tomes et 30 volumes. Cet ouvrage démarre après la lecture par l'auteur de l'oeuvre française Histoire d'Espagne (Paris 1839) de Charles Romey en neuf tomes. Lafuente s'est senti mécontent de ne pas trouver une oeuvre d'ensemble sur l'histoire de son propre pays depuis l'époque révolue de Juan de Mariana. Il s'est donc décidé à écrire et à publier une oeuvre rédigé par un espagnol. Pour ses desseins encyclopédiques il a obtenu l'appui de son éditeur de presse Francisco de Paula Mellado. Après une première édition, la seconde va être publiée entre 1874 et 1875 comptant 13 volumes. Plus tard, une révision de Juan Valera, avec la collaboration d'André Borrego et d'Antonio Pirala va aboutir à une publication en 25 volumes qui va être poussée jusqu’à la mort d'Alphonse XII (1887-1890). Une dernière édition amplifié jusqu'à la majorité d'age d'Alphonse XIII coordonné par José Coroleu et Gabriel Maura y Gamazo a été édité à Barcelone para Montaner et Simon en 1930.

l'Histoire Générale de l'Espagne est considérée par certains comme un exemple parfait, un paradigme de l'historiographie libérale espagnole du XIX siècle car on considère cette oeuvre comme la première histoire d'Espagne conçue avec une vision unitaire de la nation depuis les temps les plus reculés[5]. Elle présente un concept nouveau[6] qui essaye de surmonter l'ancienne histoire de Juan de Mariana de 1600. Grâce à sa large diffusion on estime qu'elle a beaucoup contribué à la conscience nationale espagnole. Elle s'appuie sur une vision de l'histoire de l'Espagne providentialiste unifiée et chrétienne depuis ses origines et toujours favorisée para la Providence.

«Il y a, fortunément, un autre principe plus élevé, plus noble, plus consolateur auquel accourir pour expliquer le déroulement général des sociétés: La Providence, que, quelques uns, de ne pas l'avoir comprise, ont confondu avec le fatalisme.»
Théâtre social du XIX siècle, publié en 1862.

Modeste Lafuente est donc considéré comme un paradigme officiel de l'historiographie espagnole du XIX siècle[7].

D'autres œuvres telles que : le Voyage de Fray Gerundio en France, en Belgique, en Hollande et sur les versants du Rhin (1842)[8], un ouvrage satirique qui met en relief les mœurs des sociétés ; ou bien encore : Voyage aérostatique (1847)[9], une satire politique sur l'Europe, et La question religieuse (1855) sur la défense de l'unité catholique espagnole complètent son répertoire d'écrivain.

Modeste Lafuente est l'introducteur du terme "Reconquista" pour se rapporter à la période historique qui commence lors de la conquête Omeyyade d'Hispanie en 711 et qui va jusqu'à la chute du Royaume Nasride de Grenade face aux royaumes chrétiens en expansion en 1492.[10]

Les éditions de son oeuvre

  • Histoire Générale de l'Espagne depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours. Discours préliminaire. Édition de Juan Sisinio Pérez Garzón. Urgoiti Éditeurs: Mutilva Basse, 2002.
  • Fray Gerundio. Journal satirique de politique et habitudes, Madrid: Imprimerie de Mellado, deuxième édition, 15 volumes (OSU, Main Library: Rare Books collection), 1839.
  • [11]Histoire générale de l'Espagne depuis les temps primitivos jusqu'à la mort de Fernando VII, par Monsieur Modeste Lafuente, continuée depuis dite époque jusqu'à nos jours par Monsieur Juan Valera avec la collaboration de D. Andrés Borrego et D. Antonio Pirala. Barcelone: Montaner et Simón, 1888-1890.
  • Théâtre social du XIX siècle . Madrid: P. Mellado, 1845-1846.
  • Voyage aérostatique De Fray Gerundio et Tirabeque: un caprice qui témoigne de l'expédition aérienne de Fray Gerundio et de son lègue dans le ballon de Mr. Arban et en sa compagnie, le soir du 1 novembre 1847. Madrid: P. Mellado, 1847.[12]
  • Fray Gerundio Revue européenne. Madrid: Établissement Mellado, 1848.
  • Voyages de Fray Gerundio en France, en Belgique, en Hollande et sur les versants du Rhin. Madrid: Établissement Tipográfico, 1842.
  • Fondation, croissance et chute du califat de Cordoue. Discours d'introduction lu par M. Modeste Lafuente lors de la prise de possession du fauteuil académique à la Réelle Académie de l'Histoire. Madrid: Établissement Mellado, 1853.

Références

  1. « Modesto Lafuente y Zamalloa | Real Academia de la Historia », dbe.rah.es (consulté le )
  2. (es) Modeste Lafuente, « Fr. Gerundio »
  3. Benoît Pellistrandi, « Les enjeux de l'histoire dans le débat politique de l'Espagne d'isabelle II (1833-1868) », Les Cahiers du Centre de recherches historiques, no 13, (ISSN 0990-9141 et 1760-7906, DOI 10.4000/ccrh.2716, lire en ligne, consulté le )
  4. Escuela Superior de Diplomática (España), Reglamento de la Escuela Superior de Diplomática : creada en Madrid por Real Decreto de 7 de octubre de 1856 y confirmada por la Ley de Instruccion Pública de 9 de septiembre de 1857 : precedido de una introducción histórica y acompañado de la legislacion vigente sobre archivos y bibliotecas., Imp. y Est. de M. Rivadeneyra, (OCLC 912339381, lire en ligne), page 7
  5. Roura i Aulinas, Lluís. «Histoire nationale et histoire régionale en Espagne, XIXe et XXe siècles. Le cas de la Catalogne». HMiC: història moderna i contemporània, 2006, Núm. 4, p. 214, https://raco.cat/index.php/HMiC/article/view/53284.
  6. Gonzales Antonio. Essence, providence et histoire ancienne dans la construction de l'identité historiographique espagnole. In: Dialogues d'histoire ancienne, vol. 31, n°1, 2005. pp. 129-143. DOI : https://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_2005_num_31_1_2488 p-131
  7. Modesto Lafuente como paradigma oficial de la Historiagrafía española del siglo XIX: una revisión bibliográfica, Francisco de Asís López Serrano. https://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?codigo=421790
  8. Paul Aron et Bibiane Fréché, « Les relations littéraires entre la Belgique et l’Espagne (1830-1914) », Textyles [En ligne], 38 | 2010, mis en ligne le 15 décembre 2013, consulté le 15 août 2022. URL : http://journals.openedition.org/textyles/328 ; DOI : https://doi.org/10.4000/textyles.328
  9. Enric-Eduard Giménez, « Les voyageurs espagnols à Versailles : entre l’absence et la fascination », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne],  | 2020, mis en ligne le 08 décembre 2020, consulté le 15 août 2022. URL : http://journals.openedition.org/crcv/18527 ; DOI : https://doi.org/10.4000/crcv.18527
  10. Martín Federico Ríos Soloma, La Reconquista: una construcción historiográfica (siglos XVI-XIX), Marcial Pons Historia, , 211 p. (ISBN 978-84-92820-47-4, lire en ligne)
  11. Gaudeau, Bernard. Etude sur Fray Gerundio et sur son auteur, le P. José Francisco de Isla 1703-1781. Retaux-Bray, 1890.
  12. Giménez, Enric-Eduard. "Les voyageurs espagnols à Versailles: entre l’absence et la fascination." Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles. Sociétés de cour en Europe, XVIe-XIXe siècle-European Court Societies, 16th to 19th Centuries (2020).

Bibliographie

  • Mérimée Ernest, Cirot Georges. Agrégation et certificat d'espagnol : Notes bibliographiques sur les auteurs et les questions du programme pour le concours de 1907. In: Bulletin Hispanique, tome 9, n°1, 1907. pp. 92-102. https://doi.org/10.3406/hispa.1907.1520 www.persee.fr/doc/hispa_0007-4640_1907_num_9_1_1520
  • Corredera, Edward Jones. The Diplomatic Enlightenment: Spain, Europe, and the Age of Speculation. Brill, 2021.
  • Gaudeau, Bernard. Etude sur Fray Gerundio et sur son auteur, le P. José Francisco de Isla 1703-1781. Retaux-Bray, 1890.
  • Mònica Fuertes-Arboix, La sátira política en "Fray Gerundio" (1837-1842) de Modesto Lafuente, Alicante: Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes,
  • Ricardo García Cárcel, La construcción de las historias de España, Madrid: Marcial Pons,

Articles connexes

Liens externes

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