F.-A.-Gauthier
Le navire moteur F.-A.-Gauthier est un traversier canadien assurant la liaison entre Matane, au Bas-Saint-Laurent, et les ports de Baie-Comeau et Godbout sur la Côte-Nord. Le navire, construit en 2013-2014 au chantier naval Fincantieri de Castellammare di Stabia en Italie, est le plus grand vaisseau de la Société des traversiers du Québec (STQ), mais aussi le plus célèbre, en raison des accidents et défectuosités qui l'accablent.
NM F.-A.-Gauthier | |
Autres noms | N.M. Félix-Adrien Gauthier |
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Type | Traversier / roulier |
Histoire | |
Constructeur | Fincantieri |
Chantier naval | Fincantieri, Castellammare di Stabia, Campanie, Italie |
Commandé | 2012 |
Lancement | 28 juin 2014 |
Mise en service | 13 juillet 2015 |
Statut | En service |
Équipage | |
Équipage | 22 membres |
Caractéristiques techniques | |
Longueur | 133,2 m |
Maître-bau | 22,4 m |
Tirant d'eau | 5,55 m |
Tonnage | 15 901 tonneaux |
Propulsion | 4 Diesel/GNL électrique Wärtsilä |
Puissance | 20 880 kW |
Vitesse | 17-18 nœuds (20 nœuds max.) |
Caractéristiques commerciales | |
Passagers | 800 passagers et 180 voitures |
Carrière | |
Armateur | Société des traversiers du Québec |
Pavillon | Canada |
Port d'attache | Québec |
IMO | 9669861 |
Long de plus de 130 mètres, large de près de 25 mètres et comptant huit ponts, le vaisseau amiral de la société d'État peut accueillir 800 passagers et 180 voitures. Premier traversier fonctionnant au gaz naturel liquéfié en Amérique du Nord et le premier du genre fabriqué en Italie, le F.-A.-Gauthier est certifié pour naviguer dans des conditions de glace difficile à extrême.
À son lancement, le navire est reconnu pour sa conception novatrice. Néanmoins, les avaries se multiplient ; l'alimentation en gaz naturel est défaillante et le système de propulsion montre des signes d'usure prématurée. Dans ses deux premières années en mer, le bateau est mis hors service à plusieurs reprises. Un arrêt de service prolongé de 2018 à 2020 force la STQ à acquérir un premier navire de relève, rapidement mis au rancart en raison de sa vétusté. La société s'en procure un second, inapte dans les glaces hivernales de l'estuaire du Saint-Laurent. Lors des périodes de grande affluence, des navettes aériennes sont mises en place afin de pallier le manque de fiabilité de la liaison maritime. Une enquête de la vérificatrice générale du Québec est déclenchée afin d'éclaircir les circonstances entourant la gestion de la construction et des pannes.
Hors service à l'automne 2020, le traversier a repris la liaison à l'hiver 2021.
Histoire
Dénomination
La STQ reçoit 700 propositions pour le nom de son nouveau navire amiral. Elle choisit finalement la proposition de Michel Patry qui rend hommage à son grand-père Félix-Adrien Gauthier, maire de Matane de 1960 à 1963 et fondateur de la compagnie de navigation Traverse Matane-Godbout, ayant opéré la première liaison maritime régulière entre Matane et la Côte-Nord[1].
Conception
En 2009, Norman MacMillan, ministre délégué aux Transports, annonce que le navire Camille-Marcoux doit être remplacé[2]. Le traversier assurant la desserte depuis 37 ans de la liaison entre Matane et la Côte-Nord est en fin de vie et ne répond pas aux normes de sécurité de Transports Canada qui entreront en vigueur en 2016[3]. Le Gouvernement du Québec annonce à l'été 2011 un appel d'offres afin de construire un nouveau traversier[4] propulsé au gaz naturel liquéfié[2]. Les devis de l'appel d'offres sont conçus par un consortium formé de Deltamarin et Navtech inc. pour le compte de la STQ. La qualité de l'architecture et de l'ingénierie du bâtiment est d'ailleurs consacrée par la Royal Institution of Naval Architects (en), qui attribue la mention « Significant Ship of 2014 »[5].
Aucun chantier canadien n'est en mesure de fournir un bateau aux dimensions spécifiées et avec la technologie choisie; le Gauthier deviendrait alors le premier navire de transport de passagers propulsé au GNL en Amérique du Nord[5]. L'appel d'offres est lancé à l'international afin d'assurer une concurrence dans les soumissions[3],[4]. En 2012, la STQ reçoit des offres de STX France, STX Finland Oy et Fincantieri[2]. Bien que l'offre retenue provienne d'un chantier n'ayant pas d'expérience dans la conception de navires-brise-glace de cette catégorie ni avec l'équipement choisi[6], la STQ annonce l'adjudication à Fincantieri de la construction du navire amiral de la STQ au coût de 148 M$[7]. Le coût annoncé est de 40 % moins cher qu'anticipé[3]. Le bâtiment commandé devient alors le premier navire de passagers fonctionnant au GNL à être construit en Italie[5].
Construction
Lors de la construction, les problèmes se multiplient. La STQ dépêche en Italie un technicien en architecture navale et le capitaine du Camille-Marcoux afin d'effectuer des contrôles de qualité. Les émissaires soulignent des vices majeurs tout au long de la construction : des matériaux neufs tels que des conduits d'aération sont abîmés par une importante corrosion, des infiltrations d'eau sont à la source de pourriture dans les panneaux et les éléments structurels, des problèmes de sablage et de peinture retardent l'exécution et un assemblage fautif des pièces met en péril la sécurité des travailleurs et des futurs usagers. L'absence du directeur du contrôle de la qualité de Fincantieri sur le chantier est relevée par les deux lanceurs d'alertes[8]. La STQ renvoie ses envoyés sous prétexte d'insubordination. Le technicien en architecture navale aurait refusé de prendre un congé de maladie, alors que ni les médecins de la STQ, ni le sien n'avaient prescrit de repos. Le capitaine, quant à lui, aurait utilisé une toilette réservée au chargé de projet, plutôt que la toilette turque qui lui était attitrée[8].
Le F.-A.-Gauthier est finalement lancé le . Dès son lancement aux fins d'essais, le manufacturier du système de propulsion constate de graves irrégularités dans son fonctionnement; les essais sont interrompus pour permettre d'analyser le problème[9].
Début 2015, comme les quais des trois ports desservis ne sont pas adaptés au gabarit et au carburant du nouveau navire, des travaux d'une valeur de 10 M$ sont annoncés à Matane, Baie-Comeau et Godbout. Ce sont plutôt 45 M$ qu'allonge la STQ afin d'adapter ses terminaux[10],[11].
Carrière commerciale
Le F.-A.-Gauthier est livré à la STQ en , avec quatre mois de retard[9]. Il est mis en service en . Des avaries surviennent dès la livraison du navire à son nouveau propriétaire. Moins de trois mois après sa mise en service, le système de propulsion au gaz naturel liquéfié fait défaut[12], et le navire fonctionne pendant neuf mois à l'aide du système auxiliaire au mazout[13]. En tout, entre juillet et , la Société répertorie 206 «bris, réclamations et frais encourus d'entretien non régulier»[13]. Parmi les systèmes défectueux, on compte des compresseurs avariés, des ventilateurs non fonctionnels, des câbles électriques sectionnés ou brûlés, des gilets de sauvetage non conformes, de même qu'un gyrocompas et une boîte noire hors service. Des portes, des rampes, des toilettes sont également touchées par des bris, et au moins une fuite de diesel est signalée[14]. Les génératrices font défaut peu de temps après la mise en service, entraînant des ruptures de service en 2016. Les chaises de la cafétéria sont remplacées moins de deux ans après l'inauguration du bateau, en raison de leur usure prématurée[12].
Le système de propulsion fait de nouveau défaut en 2017, causant des pannes en mer[12],[15]. La même année, une vague heurte la proue du navire, endommageant les vérins hydrauliques de la porte avant[16]. Le problème est réglé l'année suivante[12].
Début 2018, un passage du traversier en cale sèche révèle une dysfonction du système de refroidissement des moteurs auxiliaires. Le bris d'une soupape d'alimentation en gaz naturel est aussi découvert[12].
Premier arrêt de service prolongé
Le , la découverte de multiples bris aux propulseurs azimutaux entraîne la mise hors service immédiat du F.-A.-Gauthier, en pleine période des Fêtes[12],[9],[17]. Le NM Félix-Antoine-Savard, navire de relève de la Société, est jugé inapte à remplacer le F.-A.-Gauthier. Un service de navettes aériennes entre Mont-Joli, Pointe-Lebel et Sept-Îles est mis en place pendant la cale sèche[12],[18],[19]. Les frais d'exploitation de la liaison aérienne temporaire s'élèvent à 10 000 $ par jour[20],[21]. Un second navire de relève, le NM Apollo, est acquis de Labrador Marine pour relever le F.-A.-Gauthier, mais les avaries et les accidents se multiplient au cours des 17 jours pendant lesquels il est en service, et Transports Canada interdit sa navigation après l'avoir inspecté[12],[22].
Le , la Société acquiert de nouveau un navire pour relever le F.-A.-Gauthier, le Saaremaa[23], qui entre en service au mois de [24].
Le , le président du Conseil du trésor Christian Dubé demande à la vérificatrice générale du Québec d'enquêter sur le processus d'acquisition du F.-A.-Gauthier, la surveillance des travaux et la gestion des ressources humaines tout au long du projet[2].
Il est d'abord prévu que le navire reprenne la mer à la fin [24], puis la date est repoussée à la fin de l'automne 2019[25], voire l'hiver 2020[26],[27]. Les troubles de propulseurs surgissent de nouveau en , et retardent l'entrée en service et obligent le transporteur à avoir recours au nolisement d'avion afin de couvrir la liaison pendant la période des fêtes[28].
Le traversier reprend du service le au matin, après presque 13 mois d'inactivité[29]. Le navire est remis en fonction sans l'alimentation au gaz naturel[30]. À l'automne 2019, la facture des dépenses imprévues reliées au F.-A.-Gauthier avait été chiffrée à 90 M$[6].
Lors d'un arrêt technique obligatoire au port de Trois-Rivières en , les amarres du navire cèdent pendant un remorquage. Le traversier dérive alors dans les eaux du Saint-Laurent et heurte un fond rocheux[30].
Second arrêt de service prolongé
Au mois de , le navire est de nouveau mis hors service en raison d'un bris de joint d'étanchéité du système de propulsion[31], causant des déversements d'huile dans le port de Baie-Comeau[32]. Le F.-A.-Gauthier est alors remorqué au chantier Davie, à Lévis. Le coût de la réparation est estimé à 3,5 M$[note 1], notamment en raison de l'affrètement nécessaire du brise-glace Northern Ranger (en) afin d'escorter le navire de relève, le Saaremaa I[33],[34],[35],[36],[37]. La remise en service du navire a finalement été effectuée en [réf. nécessaire].
Caractéristiques
Aspects techniques
Coque et cargo
Sur le plan longitudinal, le F.-A.-Gauthier est d'une longueur hors-tout de 133,2 m et d'une longueur entre perpendiculaires de 120,0 m. Sur le plan transversal, le navire fait 22,4 m de maître-bau, avec un tirant d'eau de 5,55 m et un creux de 8,0 m[5]. Grâce à une proue et une poupe spécifiquement conçues à cet effet, la coque est certifiée brise-glace de classe 1A par la société Lloyd's Register, attestant la capacité de naviguer dans des conditions de glace difficiles[5].
Le navire a une capacité de chargement de 1 885 tonnes de port en lourd en poids, et 15 901 tonneaux en volume. Il peut accueillir 800 passagers et 500 mètres linéaires de véhicules (soit 180 voitures), avec une largeur de voie de 3,0 m et une hauteur libre 5,1 m[5].
Système de propulsion
Le F.-A.-Gauthier est propulsé par deux propulseurs azimutaux fabriqués par la société finlandaise Steerprop[38], mus par des moteurs électriques d'une puissance de 7 MW chacun[5]. Les moteurs sont eux-mêmes alimentés par quatre génératrices de modèle 34DF fabriquées par la Finlandaise Wärtsilä. Les groupes électrogènes sont conçus de manière à fonctionner au diésel marin ou au gaz naturel liquéfié. Les réservoirs de diésel ont une capacité de 414 m3, alors que cette capacité est de 500 m3 pour le gaz naturel liquéfié[39]. La puissance générée par le groupe électrogène est de 20 880 kW. La vitesse de croisière du navire est de 18 nœuds (33 kilomètres par heure) en basse saison, et de 20 nœuds (37 kilomètres par heure) en haute saison[39]. Les propulseurs sont certifiés brise-glace de classe 1AS par la société Lloyd's Register, attestant la capacité de naviguer dans des conditions de glace extrêmes. Il s'agit de la plus haute certification, assurant une navigation tout au long de l'année dans l'estuaire du Saint-Laurent[5].
Le navire est équipé de deux propulseurs d'étrave d'une puissance de 1 500 kW chacun[5].
Salles des machines
Le pont 1 ou « salle des machines - niveau 1 » occupe une partie réduite de la longueur et du maître-bau. Il est entièrement occupé par la salle des machines. Il accueille le socle des groupes électrogènes, côté poupe, ainsi que la base des réservoirs de gaz naturel liquéfié. Derrière le premier pont sont installés les propulseurs azimutaux[39].
Le pont 2 ou « salle des machines - niveau 2 » occupe toute l'aire de flottaison. Comme le pont 1, il comprend principalement la salle des machines, avec, au centre, les groupes électrogènes et les réservoirs de gaz naturel liquéfié. Une salle de contrôle et un carré d'équipage sont aménagés côté poupe, entre les moteurs alimentant les propulseurs et les groupes électrogènes[39].
Ponts véhiculaires
Le F.-A.-Gauthier compte trois ponts véhiculaires[40].
Le pont 3 ou « pont principal » est le pont situé au niveau des rampes de chargement des véhicules. Répartis sur le pourtour du navire, quatre ascenseurs doublés de cages d'escaliers assurent le lien entre le stationnement et les autres ponts accessibles aux passagers[39].
Le pont 4 ou « pont mezzanine » est un pont intermédiaire entre le pont principal et le pont supérieur des véhicules. Il est constitué de deux mezzanines longitudinales dotées de rampes inclinables permettant aux véhicules de rejoindre le pont supérieur depuis le pont de chargement[39].
Le pont 5 ou « pont des véhicules » est le dernier pont accueillant les véhicules. Le stationnement occupe les trois derniers quarts de la longueur[39]. Le chenil est situé sur le cinquième pont, à bâbord vers la poupe[39],[41]. La partie près de la proue est occupée par le quartier d'équipage, qui compte 16 cabines[39].
Ponts supérieurs
Le pont 6 ou « pont des passagers » est le pont situé au niveau de la passerelle d'embarquement des passagers. Depuis l'accès piéton, un hall d'entrée permet les déplacements vers la billetterie, la boutique, la consigne à bagages, le bistro, la cafétéria, le bureau du commissaire de bord, l'infirmerie, les toilettes côté poupe ainsi que le salon du Capitaine-Joseph-Hovington, offrant des sièges et des tables dans une verrière panoramique à l'arrière du navire[39],[40]. La cuisine, située au centre du navire côté bâbord, donne à la fois sur le bistro et la cafétéria[39], qui offrent des repas préparés avec des produits locaux, tels que poissons et crevettes[41]. Vers l'avant du navire, à tribord, un salon réservé aux camionneurs permet aux routiers de se reposer à l'écart des deux autres salons de passagers[39],[40]. Cette salle de repos est aménagée à l'entrée du salon du Capitaine-Henri-Piuze, près de la salle de réunion destinée aux gens d'affaires[39].
Le pont 7 ou « pont promenade » comprend une section intérieure, composée de la mezzanine du salon du Capitaine-Joseph-Hovington, d'une salle de jeu et d'un coin d'allaitement. Le pont-terrasse comprend différentes aires tantôt exposées aux éléments, tantôt couvertes ou protégées par une baie vitrée[41]. Une cantine y sert des collations issues de produits du terroir et des bières de microbrasseries locales[42]. On trouve aussi au septième pont, côté proue, les quartiers d'équipage ainsi que des salles mécaniques et électriques[39].
Le pont 8 ou « pont de navigation » comprend deux ponts d'observation; un à l'avant, l'autre à l'arrière. Le timonerie, composée d'un poste de pilotage et d'un bureau, loge à l'avant du bâtiment. Entre le pont d'observation avant et la timonerie sont entreposés deux canots pneumatiques[39].
Notes et références
Notes
- Certains travaux sont couverts par la garantie du fabricant.
- La conception du modèle 34DF, utilisé à bord du F.-A.-Gauthier, est basée sur le modèle 32. Voir (en) Wärtsilä, « Wärtsilä 34DF », sur wartsila.com (consulté le ).
Références
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- Nathaëlle Morissette, « Traversiers: vacances entre deux rives », La Presse, , p. 6-7 Vacances-voyages (lire en ligne )
- Joane Bérubé, « Le F.-A.-Gauthier, un an plus tard », sur Radio-Canada.ca, (consulté le )
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