Oasis
Une oasis[1] (du grec ancien ὄασις / óasis) désigne une zone de végétation isolée dans un désert aménagée par les humains pour l'agriculture, tirant profit d'une source d'eau (résurgence d'eaux profondes, nappe phréatique, rivière venant se perdre dans le désert, etc.).
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Nature de l'oasis
Le mot « oasis » est passé dans le langage commun pour désigner un espace réduit au milieu du désert rendu fertile par la présence d’eau. Or, dans sa définition anthropologique et archéologique, une oasis est un terroir créé par la main de l’homme et entretenu par l’introduction d’un système de gestion technique et sociale de la ressource en eau, de matériel biologique et de travail. Cet espace cultivé, mis en culture grâce à l'irrigation (avec par exemple des seguias ou les foggaras en Algérie) est donc parfaitement artificiel, et sa création et son maintien impliquent une présence humaine et un apport continu de travail; une oasis peut donc être définie comme l’association d’une agglomération humaine et d’une zone cultivée (souvent une palmeraie) en milieu désertique ou semi-désertique[2],[3],[4].
Une palmeraie d’oasis est un espace fortement anthropisé et irrigué qui supporte une agriculture classiquement intensive et en polyculture[2]. L’oasis est intégrée à son environnement désertique par une association souvent étroite avec l’élevage transhumant des nomades (très souvent populations pastorales et sédentaires se distinguent nettement). Cependant, l'oasis s’émancipe du désert par une structure sociale et écosystémique toute particulière. Répondant à des contraintes environnementales, c’est une agriculture intégrée qui est menée avec la superposition (dans sa forme typique) de deux ou trois strates créant ce que l'on appelle « l'effet oasis »[2] :
- la première strate, la plus haute, est formée de palmiers dattiers (le palmier dattier caractérise la plupart des oasis) et maintient la fraîcheur ;
- une strate intermédiaire comprend des arbres fruitiers (oranger, bananier, grenadier, pommier, etc.) ;
- la troisième strate, à l’ombre, de cultures basses (maraîchage, fourrage, céréales).
Une autre constante de la structure oasienne est le travail en planches de culture, une organisation de l’espace appropriée à l’irrigation par inondation[2].
La présence d’eau en surface ou en sous-sol est nécessaire et la gestion locale ou régionale de cette essentielle ressource est stratégique[5], mais non suffisante, à la création de tels espaces. Le Sahara, dont les oasis n'occupent qu'un millième de la surface, est l'exemple type de l'actualisation de cette potentialité par les humains, mais pas l'unique. À travers le monde, le système oasien nourrit au moins dix millions de personnes. A contrario, il existe des régions désertiques sans oasis, malgré la présence d’eau (le désert du Kalahari, par exemple).
La création d’oasis est aussi contingente de l'Histoire : de nombreuses oasis ont été créées ou se sont développées pour leur rôle de relais sur des routes commerciales alors en développement (route saharienne de l'or, route asiatique de la soie, etc.)[6].
Rôle de l'oasis
Les oasis ont sans doute joué un rôle important dans l'établissement des routes commerciales empruntées par les caravanes (transport de marchandises et de voyageurs/pèlerins), qui y trouvaient de quoi se désaltérer et se restaurer. À l'inverse, des oasis ont pu être créées ou développées parce qu'elles pouvaient servir de relais sur ces routes du désert.
Les oasis n'étaient donc pas des points isolés et perdus dans les déserts, mais toujours de véritables plaques tournantes, des hubs[7]. Ces fonctions ont largement diminué avec la diminution du mode de transport chamelier. Il n'en reste pas moins qu'elles sont le foyer d'établissements humains très importants dans le désert (voire des relais pour les migrations contemporaines: les migrants d'Afrique subsaharienne à destination de l'Europe)[7] et d'une production agricole très loin d'être négligeable.
Développement
Les oasis sont l'objet régulier de projets de développement, nationaux ou internationaux, visant ces territoires comme potentiels agricoles ou touristiques, et témoignant de l'intérêt porté à ces écosystèmes limites en milieu désertique.
Au niveau des ONG et associations, il existe par exemple le Réseau associatif de développement durable des oasis, (RADDO) créé en 2001 qui rassemble des associations de Tunisie, d'Algérie, du Maroc, de Mauritanie, du Niger et du Tchad. Son but — emblématique des approches environnementalistes récentes — est d'enrayer le déclin des oasis du Maghreb et la dégradation de leur écosystème par la mise en place d'actions d'amélioration de la gestion de l'eau et de la production de semences, d'aide à la diversification des activités et à la formation à l'agrobiologie.
L'extension des zones cultivées peut amener à une surexploitation de réserves d'eau souvent fossiles ou peu renouvelables. Ce fut largement le cas en Tunisie, par exemple, où la région du Jérid (Sud-Ouest, gouvernorat de Tozeur) vivait de l'eau de ses sources « naturelles »; elle ne dépend plus aujourd'hui que de forages modernes équipés de puissants moteurs: la surexploitation des nappes aquifères profondes (Complexe terminal et Continental intercalaire) a finalement épuisé ces sources « naturelles » (elles sont toutes à sec aujourd'hui) et, si l'on peut dire, leurs gestions locales techniques et sociales[5],[8].
Exemples
- Afghanistan
- Algérie
- Arabie saoudite
- Chili
- San Pedro de Atacama, etc.
- Chine
- Égypte
- Iran
- Tabas, etc.
- Libye
- Maroc
- Mauritanie
- Niger
- Bilma, etc.
- Ouzbékistan
- Pérou
- Huacachina, etc.
- Soudan
- Dongola, Atbara, Wadi Halfa, etc.
- Syrie
- Tunisie
- Turkménistan
- Yémen
Notes et références
- Selon l'Académie française, oasis est du genre féminin, depuis la 6e édition du dictionnaire de l'Académie française (1835)
- Vincent Battesti, Jardins au désert, Évolution des pratiques et savoirs oasiens, Jérid tunisien, Paris, Éditions IRD, coll. « À travers champs », , 440 p. (ISBN 978-2-7099-1564-9, lire en ligne)
- Vincent Battesti, « Les relations équivoques et les oasis », Sécheresse, Science et changements planétaires, vol. 10, no 2, , p. 150-151 (ISSN 1147-7806, lire en ligne)
- Vincent Battesti, « Définition courte de l’oasis », sur vbat.org,
- Vincent Battesti, The Power of a Disappearance: Water in the Jerid region of Tunisia in B. R. Johnston & all. (eds), Water, Cultural Diversity & Global Environmental Change: Emerging Trends, Sustainable Futures?, 2012, UNESCO/Springer, p. 77-96. (ISBN 978-9400717732). En ligne (archives ouvertes).
- Yves Lacoste, « Oasis », Encyclopædia universalis, Paris, vol. XVI, 1990.
- Vincent Battesti, Les possibilités d’une île, Insularités oasiennes au Sahara in Thierry Sauzeau & Gaëlle Tallet (dirs), Mer et désert de l’Antiquité à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016 à paraître. En ligne en archives ouvertes.
- Vincent Battesti, « Des ressources et des appropriations. Retour, après la révolution, dans les oasis du Jérid (Tunisie) », Études rurales, Paris, éditions EHESS, vol. 2013/2, no 192, Appropriations des ressources naturelles au sud de la Méditerranée, , p. 153-175 (ISBN 978-2-7132-2398-3, ISSN 0014-2182, lire en ligne)
- Pierre Gentelle, « L'oasis de Khulm », Bulletin de l'Association de Géographes Français, vol. 46, no 370, , p. 383–393 (DOI 10.3406/bagf.1969.5901, lire en ligne, consulté le )
- Paul Blanchet, « L'oasis et le pays de Ouargla », Annales de géographie, vol. 9, no 44, , p. 141–158 (DOI 10.3406/geo.1900.6212, lire en ligne, consulté le )
- Maurice Zimmermann, « L'irrgation dans l'oasis de Dakhel », Annales de géographie, vol. 27, no 146, , p. 152–153 (lire en ligne, consulté le )
- Jean Despois, « Trois oasis libyennes », Annales de géographie, vol. 78, no 425, , p. 112–114 (lire en ligne, consulté le )
- Pierre George, « L'oasis de Tachkent », Bulletin de l'Association de Géographes Français, vol. 33, no 257, , p. 85–97 (DOI 10.3406/bagf.1956.8023, lire en ligne, consulté le )
- Albert Demangeon, « L'oasis de Damas », Annales de géographie, vol. 40, no 225, , p. 314–317 (DOI 10.3406/geo.1931.11264, lire en ligne, consulté le )
Voir aussi
Bibliographie
- Vincent Battesti, Jardins au désert, Évolution des pratiques et savoirs oasiens, Jérid tunisien [détail de l’édition], Éditions IRD, coll. À travers champs, Paris, 2005, 440 p. (ISBN 2-7099-1564-2) (en accès libre sur HAL)
- (en) Vincent Battesti, « The Power of a Disappearance: Water in the Jerid region of Tunisia », dans Barbara Rose Johnston & all. (dirs), Water, Cultural Diversity & Global Environmental Change: Emerging Trends, Sustainable Futures?, Paris, Jakarta, Unesco/ Springer, 2012, p. 77-96. (ISBN 978-94-007-1773-2) (en accès libre sur HAL)
- M. Ferry, S. Bedrani, D. Greiner, Agroéconomie des oasis, CIRAD, GRIDAO, Montpellier, 1999, 230 p.
- Yves Lacoste, « Oasis » dans Encyclopædia Universalis, vol. XVI, Paris, 1990.
- Nadir Marouf, Lecture de l'espace oasien, Sindbad, La Bibliothèque arabe, coll. Hommes et sociétés, Paris, 1980, 281 p.
- A. G. P. Martin, Les oasis sahariennes, Auguste Challamel, Paris, 1908, 404 p.
- A. Moussaoui, Espace et sacré au Sahara : Ksour et oasis du sud-ouest algérien, CNRS, coll. CNRS anthropologie, Paris, 2002, 291 p.
- Les oasis au Maghreb, Mise en valeur et développement, Actes du séminaire Gabès, 4-. Tunis, Cahier du C.E.R.E.S., Série Géographique, vol. 12, 1995, 352 p.
- Ben Mohamed Kostani, Les oasis marocaines précoloniales, cas de Gheris, publications de l'IRCAM, 2005
- Ben Mohamed Kostani, L'Oasis de Gheris et le protectorat, mécanismes de changement et formes de résistance, thèse de doctorat, 2002, en cours de publication.
- Fayçal Ababsa Smati, Introduction au cours de socio-économie du développement des régions sahariennes en Algérie. Agroscopies, Volume 1, 2007, Publication de l'INRA Algérie, ( (ISSN 1112-7929)).
- Fayçal Ababsa Smati, « Les possibles différés de l'agriculture saharienne en Algérie », Agroscopies Volume 2, 2008. Publication de l'INRA Algérie, ( (ISSN 1112-7929)).
Articles connexes
Liens externes
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