Langues occitano-romanes

Les langues occitano-romanes (catalan : llengües occitanoromàniques, occitan : lengas occitanoromanicas) sont une branche des langues romanes qui englobe l'occitan et le catalan élargie parfois à l'aragonais, au piémontais et au royasque.

Ne doit pas être confondu avec Langues d'Occitanie.

Occitano-roman

Langues filles catalan (valencien, baléare, alguérois, roussillonnais)
gascon/béarnais (aranais)
occitan (auvergnat, limousin, provençal, vivaro-alpin)
piémontais[1] ?
royasque ?
aragonais ?
Pays Andorre, Espagne, France, Italie, Monaco
Région Occitanie culturelle, incluse dans tout ou partie des régions administratives :
Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes, Centre-Val de Loire, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, mais aussi Monaco, Val d'Aran (Catalogne), Vallées occitanes (Piémont et Ligurie), Guardia Piemontese (Calabre).
Pays catalans :
Catalogne, Communauté valencienne, Îles Baléares, Pyrénées-Orientales, Franja de Ponent (Aragon), El Carxe (Région de Murcie), L'Alguer (Sardaigne)
Nombre de locuteurs 16 500 000[réf. nécessaire]
Typologie SVO
Classification par famille
Statut officiel
Langue officielle Andorre
Catalogne
Îles Baléares
Communauté valencienne
Italie (langue minoritaire)
Type langue vivante
L'occitano-roman est au cœur du continuum linguistique des langues romanes.

Elles se parlent dans cinq pays d'Europe: en Andorre, en Espagne (Catalogne, Communauté valencienne, Îles Baléares, Frange d'Aragon, El Carche), en Italie (Vallées occitanes, Alghero, Guardia Piemontese), en France (région culturelle d'Occitanie et Pyrénées-Orientales catalanes), et à Monaco, ainsi qu'historiquement dans le comté de Tripoli (Liban), en Algérie française et dans les possessions de la couronne d'Aragon : Duché d'Athènes, Sud de l'Italie, etc.

On retrouve aussi des communautés linguistiques existantes ou historiques dans l'Europe protestante (Allemagne, Suisse, etc.) et dans le Nouveau Monde : Argentine, Uruguay, États-Unis, etc.

Un débat existe sur l'existence de ce groupe de langues où s'opposent des critères linguistiques à des critères politiques. Toutefois, dans leur forme écrite, le catalan moderne et l'occitan moderne sont hautement intelligibles ; le pourcentage de lexique commun est supérieur à celui existant entre l'espagnol et le portugais. Les langues occitano-romanes sont donc très proches, de plus elles forment un continuum linguistique transitionnel entre les langues ibéro-romanes et les langues gallo-romanes[2]. La proximité avec les parlers gallo-italiques peut aussi être relevée. De fait, il existe des raisons fondées pour considérer les langues occitano-romanes comme un groupe phylogénétique valide (sens linguistique) ; à la différence des anciennes classifications qui les faisaient appartenir à des groupes polyphylétiques différents (sens géographique).

Classification

Catalan

Le groupe occitano-roman au sein des langues romanes selon Y. B. Koryakov[3].

Selon certains linguistes, l’occitan et le catalan doivent être considérées comme des langues gallo-romanes. D’autres linguistes y classent l'occitan, mais considèrent le catalan comme faisant partie des langues ibéro-romanes. Certains linguistes classent le catalan dans le diasystème occitan. De ce fait, le catalan serait considéré comme une variante occitane de type Ausbau[4].

La question en débat est autant politique que linguistique, car la division classique entre gallo-roman et ibéro-roman repose sur l'idée que la France et l'Espagne sont des États-nations. Cette classification s'appuie donc plus sur des critères territoriaux que sur des critères historiques et linguistiques. L'un des principaux promoteurs de l'unité des langues de la péninsule Ibérique était le philologue espagnol Ramón Menéndez Pidal. En France, un courant autour de Gaston Paris s’attacha à présenter l'unité des dialectes gallo-romans en y incluant l'occitan. Tandis que déjà bien avant d'autres linguistes comme Wilhelm Meyer-Lübke[5] et Friedrich Christian Diez ou plus récemment comme Louis Alibert[6] ont soutenu la parenté de l'occitan et du catalan.

Il y a cependant des faits historiques incontestables, le catalan et l'occitan ont pour origine commune le même type de latin. C'est le résultat d'une intensité similaire de romanisation en Catalogne et en Occitanie, liée à la proximité de Rome. C'est aussi la conséquence de l'existence partagée d'un substrat aquitano-ibérique en Gascogne et dans la Catalogne historique. Les deux langues partagent également un superstrat germanique d'intensité limitée, principalement d'origine wisigothe et accessoirement franque. Quant à la présence musulmane, celle-ci n'a laissé que peu de traces linguistiques dû à une occupation de courte durée dans la vieille Catalogne, la Septimanie et l'établissement musulman du Fraxinet dans le massif des Maures. Les autres régions d'Occitanie n'ayant connu que des raids passagers. La naissance du catalan et de l'occitan est également arrivée à un moment où l'antique Catalogne et l'Occitanie appartenaient à l'empire carolingien. Le catalan s'est détaché de l'occitan en 1934 à la suite de la proclamation d'intellectuels catalans, alors qu'un an auparavant ils classaient dans Centenari de la Renaixença catalana de 1933, les pays catalans comme "pays d'oc".

Pendant le Moyen Âge, durant cinq siècles de convergence politique et sociale de ces territoires (du VIIIe au XIIIe siècle), il n'y avait pas de distinction claire entre l'occitan et le catalan. Par exemple, le troubadour Albertet de Sisteron fait dire à lui-même dans une tenson :

Monges, causetz segon vostra siensa,
Qual valon mais Catalan, o Francès.
E met sai Guascuenha e Proensa,
E Lemozi, Alvernh e Vianes,
E de lai met la terra dels dos Reis.
E quan sabetz dels totz lur captenensa
Vueil qe·m digatz en cal plus fis pretz es[7].

« Moines, dites-moi lequel, selon vos connaissances, vaut le plus : le catalan ou le français ? Et je mets ici [dans le groupe des Catalans] Gascogne et Provence, Limousin, Auvergne et Viennois alors que c'est la terre de deux rois. »

À Marseille, une chanson typiquement provençale est appelée « chanson catalane »[8].

Même au XIXe siècle, l'un des noms usuels de la langue catalane était le nom de langue limousine alors que cette appellation se réfère aujourd'hui à un des dialectes de la langue occitane.

Gascon

La réponse à la question de savoir si le gascon ou le catalan doivent être considérés comme des dialectes occitans ou des langues distinctes a longtemps été une question d'opinion ou de convention, plutôt que basée sur des critères scientifiques. Cependant, deux études récentes soutiennent que le gascon est considéré comme une langue distincte. Pour la toute première fois, Stephan Koppelberg a appliqué une approche quantifiable fondée sur des statistiques pour tenter de résoudre ce problème. Sur la base des résultats obtenus, il conclut que le catalan, l'occitan et le gascon devraient tous être considérés comme trois langues distinctes[9]. Plus récemment, Y. Greub et J.P. Chambon (Université de la Sorbonne, Paris) ont démontré que la formation de Proto-Gascon était déjà terminée à la veille du VIIe siècle, alors que Proto-Occitan n'était pas encore formé à cette époque[10]. Ces résultats ont incité les linguistes à abandonner la classification conventionnelle du gascon, en favorisant l'alternative de «langue distincte»[citation nécessaire]. Les deux études ont soutenu l'intuition précoce de feu Kurt Baldinger, un spécialiste de l'occitan médiéval et du gascon médiéval, qui a recommandé que L'occitan et le gascon doivent être classés comme langues distinctes.[11],[12]

Le « Bulletin de l'observatoire des pratiques linguistiques », publié par le ministère de la Culture français, estime pour sa part, que seule l'appartenance du béarnais/gascon à l'ensemble occitan peut être légitimement discutée[alpha 1]. Il poursuit en précisant qu'un consensus se dessine pour considérer que le béarnais/gascon « constitue, du point de vue de sa genèse[alpha 2], un ensemble distinct de l'occitan proprement dit ». Mais en évoluant en « symbiose » avec ce dernier depuis des siècles, le béarnais/gascon est généralement considéré comme étant une variété de la langue d'oc.

Langues filles

Pierre Bec considère[13] un domaine occitano-roman, au sens large, qui regroupe les langues et dialectes (parlers) du midi de la France (exception faite du basque aux caractéristiques distinctes et du poitevin-saintongeais qui est une langue d'oïl). Sur la base de différents traits linguistiques communs ou distinctifs, il conclut en deux façons, selon lui, de regrouper ou séparer les sous-ensembles de ce domaine occitano-roman, d’abord :

  • Le nord-occitan, où CA et GA latins sont palatisés en cha (tsa) et ja (dja). Il comprend le (ou les parlers) limousin(s), auvergnat(s) et "vivaro-alpin"(s) (mentonasque, roquebrunasque, gardiol). La limite sud du nord-occitan est la ligne ca/cha (comme, en toponymie, castelnau ou castetnau vs chateauneuf en français).
  • L’occitan méridional comprend les languedocien(s) et provenç(al, aux) (niçois, shuadit ou judéo-provençal †). Le Rhône est la limite entre languedocien et provençal. À l’ouest, le languedocien « est approximativement limité par la Garonne, prolongée par son affluent l’Ariège (limite avec le gascon) ».
  • gascon/béarnais (langue officielle lorsque le Béarn était un État indépendant, les trois formes de gascon sont parlées en Béarn)

Aragonais

La position de l'aragonais est moins claire, il partage un certain nombre d'anciens isoglosses importants avec le catalan et l'occitan qui ne figurent pas dans les langues ibero-romanes. Cependant, la langue navarro-aragonaise a subi une restructuration majeure dans les derniers siècles et elle s'est considérablement rapprochée des langues ibéro-romanes, occultant certaines des caractéristiques occitano-romanes. Le navarro-aragonais a pratiquement disparu de tout son territoire historique. Seul subsiste aujourd'hui le haut-aragonais (accroché aux Pyrénées) qui est la forme la plus proche de l'occitan général et du catalan.

Royasque et brigasque

Le royasque et le brigasque sont considérés comme des parlers de transition entre l'occitan et le ligure. Ils sont généralement classés dans le ligure. Cependant la population locale revendique son appartenance à l'Occitanie.

Piémontais

Les premiers documents en piémontais datent du XIIe siècle, alors que la langue était encore très proche de l'occitan. Le piémontais littéraire s'est développé aux XVIIe et XVIIIe siècles et possède toujours une norme propre et stable. Bien qu'il fasse une transition entre le lombard et l'occitan, il est habituellement classé dans le gallo-italique. Toutefois, il possède également un lexique, une phonétique et une morphosyntaxe particulière.

Autres classifications possibles

Même si la plupart des linguistes actuels séparent le catalan de l'occitan, les deux langues sont parfois comme une seule dans les travaux de linguistes tentant de classer les dialectes de l'occitan dans des groupes supradialectaux.

C'est le cas de Pierre Bec[14] ou, plus récemment, de Domergue Sumien [15]. qui définissent (p. 36, p. 52-54) une « structuration supra-dialectale » en décrivant, pour un ensemble « aquitano-pyrénéen (centré autour du gascon) », des traits communs du gascon avec le languedocien pyrénéen – parlé au sud, environ, d’une ligne Bordeaux-Toulouse-Narbonne.

Les deux se rejoignent dans un groupe supradialectal aquitano-pyrénéen ou préibérique incluant le catalan, le gascon et une partie du languedocien. Tandis qu'ils ont classé le reste de l'occitan dans un autre groupe (Sumien: arverno-méditerranéen) ou dans deux autres groupes supradialectaux (Bec: arverno-méditerranéen, occitan central). Cette classification (structuration) supra-dialectale comprend trois groupes :

Comparaison lexicale

Transcription phonétique et écritures normées des chiffres dans les différentes variétés occitanoromanes [16],[17]:

GLOSE Occitan septentrional Occitan méridional Catalan
AuvergnatLimousin Gascon LanguedocienProvençal OrientalOccidental
'1'un / yna/ynɔ

un, una

yⁿ / ynɔ
un / una
y / yɔ
un / ua
yn / ynɔ
un / una
yn / ynɔ/yna
un / una
un / unə
un / una
un / una
un / una
'2'du / dua

dous, doàs

du / dua
dos / doas
dys / dyɔs
dus / duas
dus / duɔs
dos / doas
dus / duas
dos / doas
dos / duəs
dos / dues
dos / dues (val. dos)
dos / dues (val. dos)
'3'tre / tri

tres

tɾej
tres
tɾes
tres
tɾes
tres
tɾes/tʀes
tres
trɛs (bal. trəs)
tres
tres
tres
'4'katʀə

quatre

katɾe
quatre
kwatə
quatre
katɾe
quatre
katɾe/katʀe
quatre
kwatrə
quatre
kwatre
quatre
'5'ʃiⁿ

cinc

ʃiⁿ
cinc
siŋk
cinc
siŋk
cinc
siⁿ/siŋk
cinc
siŋ / siŋk
cinc
siŋ / siŋk
cinc
'6'sej

seis

sej

sieis

ʃeis
sheis
sjɛjs
sièis
sjɛj
sièis
sis
sis
sis
sis
'7'setə

sete

se
sèt
sɛt
sèt
sɛt
sèt
sɛ/sɛt
sèt
sɛt
set
sɛt
set
'8'œ / œj

eut / uèit

œj / œi

uech / ueit

wɛit
ueit
ɥɛʧ
uèch
ɥɛ/ɥɛʧ
uèch
bujt (bal. vujt)
vuit
bujt (val. wit)
vuit (val. huit)
'9'nɔw

nòu

nɔw
nòu
nɔw
nòu
nɔw
nòu
nɔw
nòu
nɔu
nou
nɔu
nou
'10'de

detz

de
dètz
dɛʦ
dètz
dɛʦ
dètz
dɛs
dètz
dɛu
deu
dɛu
deu

On distingue les formes masculines et féminines pour les chiffres '1' et '2'.

Anciennes régions de langues occitano-romanes

L'occitan a disparu des anciennes provinces du Poitou, de l'Aunis, de la Saintonge ainsi que de l'Angoumois. Il a été remplacé par la langue d'oïl dans ces régions entre Loire et Gironde.

L'occitan a disparu de la Guipuzcoa au début du XXe siècle[18].

Le catalan a gagné du terrain sur l'occitan dans le Capcir et peut-être le Roussillon[19].

L'occitan s'est éteint en Wurtemberg au milieu du XXe siècle[20].

Notes et références

Notes

  1. L'intégration du provençal, du languedocien, du limousin, de l'auvergnat et du vivaro-alpin à l'ensemble occitan ne fait pas débat pour le bulletin ministériel.
  2. Le gascon/béarnais contient un important substrat aquitain, ou proto-basque, ce qui le distingue des autres parlers occitano-romans.

Références

  1. F.RUBAT BOREL, M.TOSCO, V. BERTOLINO, Il Piemontese in Tasca, cours élémentaire et guide de conversation en langue piémontaise publié par Assimil Italia, 2006, (ISBN 88-86968-54-X): « a un francese ricorda una parlata occitana [...] Il piemontese si trova nel punto d’incontro di due grandi gruppi di lingue neolatine, [...], presentando caratteri comuni a entrambi i gruppi, proprio per la sua posizione di frontiera. » traduit par « à un français cela lui rappelle l'occitan. Le piémontais est situé au point de rencontre de deux grands groupes de langues romanes, présentant des caractéristiques communes aux deux groupes en raison de sa position frontalière ».
  2. Pierre Bec (1963, 1995) La langue occitane, Paris : Presses universitaires de France
  3. Koryakov Y. B. Atlas of Romance languages. Moscou, 2001
  4. Composition linguistique des nations du monde
  5. Das Katalanische , Heidelberg, 1925
  6. Gramatica occitana segon los parlars lengadocians, Montpelhièr, 1976
  7. Jacques Marseille (sous la direction de), Dictionnaire de la Provence et de la Côte d'Azur, Éd. Larousse, Paris, 2002. (ISBN 2-03-575105-5)
  8. M. Milà i Fontanals, De los Trobadores en España, p. 487.
  9. (oc) Stephan Koppelberg, « El lèxic hereditari característic de l'occita i del gascó i la seva relació amb el del català: conclusions d'una anàlisi estadística », Actes del Vuitè Col.loqui International de Llengua i Literatura Catalanes, Tolosa de Llenguadoc, 12-17 de setembre de 1988, Vol. 1, 1989, (ISBN 84-7826-083-8), págs. 109-122, Abadia de Montserrat, , p. 109–122 (lire en ligne, consulté le )
  10. (de) ETH-Bibliothek Zuerich, « Note sur l'âge du (proto)gascon », sur E-Periodica (consulté le )
  11. Kurt Baldinger, « La langue des documents en ancien gascon », Revue de Linguistique Romane, no 26, , p. 331–347
  12. Kurt Baldinger, « Textes anciens gascons », Revue de Linguistique Romane, vol. 26, , p. 348–362
  13. Pierre Bec, La langue occitane, 1995, coll. Que sais-je ? no 1059, Paris, Presses universitaires de France [1re éd.1963]
  14. BEC Pierre (1973), Manuel pratique d'occitan moderne, coll. Connaissance des Langues, Paris: Picard
  15. Domergue Sumien (2006), La normalisation de l'occitan pluricentrique:. Nouvel ENJEU sociolinguistique, développement du lexique et de la morphologie , coll. Publications de l'Association Internationale d'Études Occitanes, Turnhout: Brepols
  16. Indo-european numerals (Eugene Chan)
  17. Diccionari Alcover-Moll
  18. Joan Francés Blanc. "Se parlèva enqüèra naturalament gascon au Bascoat en 1928"], A Vòste 24.02.2016
  19. Christian Nique. Précis d'occitan et de catalan.
  20. Ernst Hirsch. Beiträge zur Sprachgeschichte der württembergischen Waldenser.

Voir aussi

Bibliographie

  • Pierre Bec, Manuel pratique de philologie romane, vol. 2, Paris, Picard
  • Charles Camproux, Les langues romanes, Paris, P.U.F., coll. « Que sais-je ? »,
  • Pierre Bec, La langue occitane, Paris, P.U.F., coll. « Que sais-je ? »,

Articles connexes

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