Ode à Psyché

L'Ode à Psyché (en anglais Ode to Psyche) est vraisemblablement la première des odes écrites par le poète romantique britannique John Keats en 1819. Il s'agit d'une expérience dans le genre, sous la forme d'une version élargie du sonnet destinée à la description d'une scène dramatique.

Ode à Psyché

Amour et Psyché, sculptés dans le marbre (Carlo Albacini, fin du XVIIIe siècle)

Auteur John Keats
Pays Angleterre
Genre Ode
Version originale
Langue Anglais
Titre Ode to Psyche
Éditeur Annals of the Fine Arts, no 15
Date de parution 1820
Version française
Traducteur Albert Laffay, Keats, Selected Poems, Poèmes choisis
Éditeur Aubier-Flammarion bilingue
Date de parution 1968

Ce schéma constitue une rupture par rapport à l'écriture poétique de Keats, généralement plus enclin à se focaliser sur les évasions de son imagination qui s'emploie ici à capter l'intention, proclamée par le narrateur, de redonner vie à Psyché et, métaphoriquement, de se réincarner en Éros, dieu de l'amour.

À cette fin, le poète entend consacrer « une région inviolée » (untrodden region)[N 1] de son esprit pour honorer la déesse négligée et, à lui seul, lui ménager un rituel d'adoration dont il sera le prêtre, cette intériorisation du mythe ancien conduisant à un redéploiement de l'écriture poétique. Pour autant, la composition de l'ode ne répond pas à un schéma régulier : mélange de plusieurs genres, elle fait preuve de souplesse  ou de fantaisie  dans son organisation rythmique et prosodique.

Le maître mot de l'ode est contenu dans son titre : Psyché et psyché, le mythe et l'esprit, ce dernier non incarné, autrement dit le cerveau, dont Keats connaît et utilise l'anatomie pour, en sous-main, fonder son argument sur une base scientifique qu'il sublime à des fins poétiques.

Assez peu apprécié lors de sa parution en 1820, le poème n'a fait que gagner en popularité au cours des générations suivantes, mais il a fallu attendre le XXe siècle pour qu'il soit reconnu comme l'une des grandes odes composées par Keats au printemps de 1819.

Contexte

Genèse et publication

Wentworth Place, maison partagée par John Keats.

Keats n'est pas un écrivain professionnel. Ses émoluments d'assistant chirurgien diplômé du Guy's Hospital de Londres subviennent tout juste à ses besoins. À vingt-trois ans cependant, il quitte la voie médicale pour s'adonner complètement à la poésie. Il loge à Wentworth Place[1], chez son ami Charles Armitage Brown, un poète à ses heures qui veille à recueillir les manuscrits de Keats. Même si l'histoire littéraire a quelque raison de penser que l'Ode à Psyché est la première de la série du printemps 1819 (composée entre le et le [1]), le fait n'est pas scientifiquement prouvé[KB 1]. Pourtant, il existe une lettre de l'auteur à son frère George, datée du [1], où il est dit : « [Voici] le dernier poème que j'ai écrit  le premier et le seul pour lequel je me suis donné un mal même relatif. La plupart du temps, j'ai écrit mes vers à la volée. Ce poème a été composé en prenant mon temps. Je crois qu'il en est plus riche à la lecture, et, je l'espère, m'encouragera à écrire d'autres choses avec un esprit encore plus serein et reposé[C 1] »[1]. Le , un exemplaire est remis à John Hamilton Reynolds, ancien éditeur et ami de Keats rencontré dans le cercle littéraire de Leigh Hunt en 1816. Il existe de légères différences entre cette version et celle que Keats envoie à son frère, mais elles portent surtout sur la ponctuation[1].

L'Ode à Psyché est incluse dans le second volume du recueil Lamia, Isabella, The Eve of St. Agnes, and Other Poems, dont le manuscrit complet parvient à l'éditeur Taylor and Hessey à la fin d'. L'ensemble sort le ou le [1]. Keats a déjà écrit à Brown qu'il n'entretient guère d'espoir (very low hopes) à son propos. De fait, découragé par la critique, il se résigne pratiquement à « tenter son mieux en tant qu'apothicaire[C 2] »[1]. Cependant, quelques bons comptes rendus lui apportent du réconfort, en particulier l'un des premiers, écrit par Charles Lamb dans le New Times du , bientôt suivi d'un autre émanant de Francis Jeffrey[N 2] dans la Edinburgh Review d'août et autres semblables éloges publiés en septembre[1].

Les ventes stagnent cependant, car l'actualité qui occupe l'opinion et envahit la presse concerne l'intention qu'a le roi George IV de divorcer. Si bien que lorsque le recueil commence à éveiller réellement l'attention, ce sursaut, venu trop tard, n'a pas d'impact sur l'avenir du poète : très malade, envoyé en Italie pour tenter une rémission, Keats meurt à l'âge de 25 ans de la tuberculose. L'énorme succès que connaît ensuite son œuvre  et notoirement ses odes du printemps et de   est donc entièrement posthume[1].

Keats et le mythe de Psyché

Boucher, Le mariage de Psyché et de l'Amour (1744).

Keats fréquente le mythe de Psyché depuis longtemps. Dès son enfance, il lit le Dictionnaire classique de Lemprière, offrant de brefs portraits des dieux et des déesses[3],[4], et l'ouvrage en strophes spensériennes de la poétesse pré-romantique Mary Tighe, Psyche, publié en 1805[5], auquel il emprunte quelques tournures de phrases[1], avant d'y revenir en 1818, comme il l'explique à son frère peu avant de composer son ode pour, cette fois, le décrier. Le livre ne lui convient plus, explique-t-il en substance, et désormais, il entend se référer aux sources primaires, Apulée et son Âne d'or[6], traduites en 1566 par William Adlington[7], pour trouver matière à son inspiration[KLC 1].

Références littéraires et mise en forme

Il existe beaucoup de réminiscences miltoniennes dans l'ode de Keats[KL 1] : par exemple, son premier distique rappelle le début de l'élégie pastorale Lycidas (1637) : « Bitter constraint and sad occasion dear » (vers 6)[8], et nombre d'échos renvoient à l'Ode au matin de la Nativité[N 3] :

The Oracles are dumm,
No voice or hideous humm
Runs through the arched roof in words deceiving.
Apollo from his shrine
Can no more divine,
With hollow shreik the steep of Delphos leaving.
No nightly trance, or breathed spell,
Inspire's the pale-ey'd Priest from the prophetic cell.[KL 1].

[Traduction libre] Les oracles restent muets,
Nulle voix ni hideux bourdonnement
Ne ricochent sur les arches du toit en paroles trompeuses.
Dans son oracle, Apollon
Ne saurait prophétiser
En cris sourds l'abandon des pentes de Delphes.
Point de transe nocturne, ou de répit inspiré,
Ne meut le prêtre aveugle du fond sa cellule prophétique.

À la différence de celles qui suivent, l'Ode à Psyché doit encore quelque chose à l'ode dite « irrégulière » que pratiquent Wordsworth et Coleridge, comme Intimations of Immortality from Recollections of Early Childhood (Wordsworth) (Suggestions de l’immortalité à partir de réminiscences de la tendre enfance) à laquelle répondent aussitôt Dejection: An Ode (Ode à la mélancolie) et France: An Ode (Ode à la France) (Coleridge)[9] ; les vers y sont de longueur irrégulière et les strophes diffèrent l'une de l'autre. Au départ, la lettre destinée à George Keats contient un manuscrit avec deux strophes respectivement de 34 et 32 vers ; dans l'édition de 1820, chacune est scindée en deux, si bien que le poème comprend à ce stade quatre strophes de 24, 12, 14 ou 18 vers[KL 2]. La Poetry Foundation le présente en cinq strophes[10], mais Albert Laffay suit Arthur Quiller-Couch qui, dans The Oxford Book of English Verse, publié en 1919[11], opte pour trois, des vers 1 à 23, puis de 24 à 35, enfin de 36 à 67[KL 3],[N 4]

Poème

Texte


Ode to Psyche

I.
O Goddess! hear these tuneless numbers, wrung
By sweet enforcement and remembrance dear,
And pardon that thy secrets should be sung
Even into thine own soft-conched ear:
Surely I dreamt to-day, or did I see
The winged Psyche with awaken'd eyes?
I wander'd in a forest thoughtlessly,
And, on the sudden, fainting with surprise,
Saw two fair creatures, couched side by side
In deepest grass, beneath the whisp'ring roof
Of leaves and trembled blossoms, where there ran
A brooklet, scarce espied:
Mid hush'd, cool-rooted flowers, fragrant-eyed,
Blue, silver-white, and budded Tyrian,
They lay calm-breathing, on the bedded grass;
Their arms embraced, and their pinions too;
Their lips touch'd not, but had not bade adieu,
As if disjoined by soft-handed slumber,
And ready still past kisses to outnumber
At tender eye-dawn of aurorean love:
The winged boy I knew;
But who wast thou, O happy, happy dove?
His Psyche true!
II.
O latest born and loveliest vision far
Of all Olympus' faded hierarchy!
Fairer than Phoebe's sapphire-region'd star,
Or Vesper, amorous glow-worm of the sky;
Fairer than these, though temple thou hast none,
Nor altar heap'd with flowers;
Nor virgin-choir to make delicious moan
Upon the midnight hours;
No voice, no lute, no pipe, no incense sweet
From chain-swung censer teeming;
No shrine, no grove, no oracle, no heat
Of pale-mouth'd prophet dreaming.
III.
O brightest! though too late for antique vows,
Too, too late for the fond believing lyre,
When holy were the haunted forest boughs,
Holy the air, the water, and the fire;
Yet even in these days so far retir'd
From happy pieties, thy lucent fans,
Fluttering among the faint Olympians,
I see, and sing, by my own eyes inspir'd.
So let me be thy choir, and make a moan
Upon the midnight hours;
Thy voice, thy lute, thy pipe, thy incense sweet
From swinged censer teeming;
Thy shrine, thy grove, thy oracle, thy heat
Of pale-mouth'd prophet dreaming.
IV.
Yes, I will be thy priest, and build a fane
In some untrodden region of my mind,
Where branched thoughts, new grown with pleasant pain,
Instead of pines shall murmur in the wind:
Far, far around shall those dark-cluster'd trees
Fledge the wild-ridged mountains steep by steep;
And there by zephyrs, streams, and birds, and bees,
The moss-lain Dryads shall be lull'd to sleep;
And in the midst of this wide quietness
A rosy sanctuary will I dress
With the wreath'd trellis of a working brain,
With buds, and bells, and stars without a name,
With all the gardener Fancy e'er could feign,
Who breeding flowers, will never breed the same:
And there shall be for thee all soft delight
That shadowy thought can win,
A bright torch, and a casement ope at night,
To let the warm Love in!

Ode à Psyché

I.
Ô Déesse ! écoute ces harmonies sans rythme, expression
D’une douce contrainte et d’un cher souvenir.
Et pardonne-moi de murmurer tes secrets
Même à ta propre oreille à la conque délicate :
Sûrement ai-je rêvé aujourd'hui, ou ai-je vu
L’ailée Psyché de mes yeux éveillés ?
J’errais, ne pensant à rien, dans une forêt
Lorsque soudain, défaillant de surprise,
J’aperçus deux belles créatures, étendues côte à côte
Dans l’herbe la plus touffue, sous le dais bruissant
Des feuilles et des tremblantes floraisons, là où court
Un ruisselet, à peine visible.
Parmi les silencieuses fleurs, aux fraîches racines, aux taches parfumées
Bleu, blanc d’argent, aux boutons pourpres de Tyr,
Elles reposent, la respiration calme, sur le jeune gazon ;
Leurs bras et leurs ailes s’enlacent ;
Leurs lèvres ne se touchaient pas, mais ne s’étaient jamais dit adieu,
Comme si, disjointes par la caressante main du sommeil,
Elles étaient prêtes encore à dépasser le nombre des baisers échangés
Lorsque tendrement l’amour ouvre les yeux du matin :
L’enfant ailé je le reconnus.
Mais qui étais-tu, ô heureuse, heureuse colombe ?
Sa Psyché ! elle-même !
II.
Ô la dernière née et de beaucoup la plus aimable vision
De toute la hiérarchie évanouie de l’Olympe !
Plus belle que l’étoile de Phœbé entourée de saphirs
Ou que Vesper, l’amoureux ver luisant du ciel ;
Plus belle qu’eux, quoique tu n’aies aucun temple,
Ni autel enguirlandé de fleurs,
Ni chœurs de vierges exhalant de délicieuses litanies
Aux heures de minuit ;
Ni voix, ni luth, ni pipeau, ni suave encens
Fumant d’un brûle-parfum balancé avec des chaînes ;
Ni châsse, ni bocage, ni oracle, ni fiévreuse
Incantation psalmodiée par un prophète aux pâles lèvres.
III.
Ô toi, la plus brillante ! quoique venue trop tard pour d’antiques offrandes.
Trop, trop tard pour la lyre ingénument croyante,
Lorsque sacrés étaient les rameaux des forêts hantées.
Sacrés l’air, l’eau et le feu ;
Pourtant, même en ces jours si éloignés
Des heureuses piétés, tes ailes resplendissantes,
S’agitant parmi les Olympiens évanouis,
Je les vois, et je chante inspiré par mes propres visions.
Donc, souffre que je sois ton chœur et que j’entonne une litanie
Aux heures de minuit :
En l’honneur de ta voix, ton luth, ton pipeau, ton suave encens
Fumant d’un brûle-parfum balancé avec des chaînes ;
Ta châsse, ton bocage, ton oracle, la fiévreuse
Incantation psalmodiée par un prophète aux pâles lèvres.
IV.
Oui, je serai ton prêtre, et te construirai un temple
Dans quelque région inexplorée de mon esprit,
Où mes pensées, telles des ramures, nouvellement jaillies d’une délicieuse douleur,
En guise de pins, murmureront dans le vent.
Loin, loin alentour, ces arbres groupés dans l’ombre
Garnissent de pic en pic les sauvages déclivités de la montagne ;
Et là, zéphyrs, torrents, oiseaux et abeilles,
Endormiront par leurs berceuses les Dryades vêtues de mousse,
Puis, au cœur de cette vaste quiétude,
Je veux édifier un sanctuaire rose
Avec les treillis entrelacés de mon cerveau en travail,
Avec des bourgeons, des clochettes, et des étoiles innommées.
Avec toute la flore que peut simuler la Fantaisie,
Qui créant des fleurs, — ne créera jamais les mêmes ;
Et là il y aura pour toi toute la joie apaisante
Qu’une pensée chimérique peut procurer.
Une torche étincelante, et une baie ouverte la nuit
Pour permettre au chaud Amour de s’y introduire[12].

Résumé

Le narrateur commence le poème par une adresse à la déesse Psyché à qui il demande de prêter attention à ses paroles. Qu'elle veuille bien lui pardonner de chanter ses propres secrets. Alors qu'il errait de par la forêt, il a trébuché sur deux belles créatures couchées dans l'herbe, sous un toit de feuilles bruissantes et cernées par un anneau de fleurs. Enlacés par leurs bras et leurs ailes, mais sans que leurs lèvres ne se joignent, ils étaient comme sur le point d'échanger des myriades de baisers. Le narrateur annonce qu'il connaît le jeune éphèbe ailé, mais demande le nom de la jeune fille, question à laquelle il répond lui-même : « C'est Psyché ! »[13]

Il s'adresse de nouveau à la princesse et la décrit comme la plus jeune et la plus belle des divinités de l'Olympe. Il en est sûr, ajoute-t-il, encore qu'elle ne dispose d'aucun des attributs de sa divinité, ni temples, ni autels, ni chœurs. Sans doute est-ce dû à son extrême jeunesse, elle est venue trop tard dans le monde pour jouir des « vœux antiques » (antique vows), des lyres et de l'encens. Lui cependant, et lui seul, sera son chœur, sa musique et son oracle, son prêtre même, prêt à lui offrir un sanctuaire intérieur[10], entouré d'un treillis de pensées aussi belles que la nature et placé sous la garde de son imagination (fancy) ; Psyché y goûtera de tendres délices (all soft delight) et une croisée demeurera ouverte sur la nuit pour qu'entre l'« amour ardent » (warm Love)[13].

Analyse

Mosaïque d'époque romaine trouvée dans une villa à Cordoue (Espagne).

Kenneth Allott écrit que l'Ode à Psyché est « la Cendrillon des grandes odes de Keats[CCom 1] ». Sans doute la première de la séquence composée en 1819, elle reste parfois considérée comme une expérience dans le genre[14].

Prémices

Lorsque Keats parle d'un « esprit serein et sain » (peaceable and healthy spirit) dans la lettre à son frère, assertion retrouvée dans la préface du poème, il semble émerger d'une période dépourvue d'inspiration : sans illusion sur le genre humain, soumis au feu de critiques peu amènes, blasé par l'expression de nobles idéaux jamais mis en œuvre, irrité par une entrevue avec Coleridge du qui se complaît dans un monologue égocentrique, soumis à l'influence de ses aînés  l'allusion aux « Olympiens flétris » (faint Olympians) concerne aussi les poètes de la première génération romantique , il ajoute : « Je vois et je chante par mes seuls yeux inspirés » (I see, and sing by my own eyes inspired). D'où ce retour à la mythologie grecque, jamais loin dans sa poésie, surtout depuis qu'il fréquente Leigh Hunt, et plus attrayante à ses yeux que les valeurs chrétiennes dont il s'est peu à peu détaché[15].

C'est ainsi qu'il se rapproche de Psyché, déjà évoquée dans l'un de ses poèmes, I stood tiptoe (Je me tenais sur la pointe des pieds)[16]. Que cette déesse soit arrivée sur la scène tardivement, artificiellement créée par le Romain Apulée après l'âge d'Auguste, lui convient bien : dépourvue d'un rituel d'adoration, jamais honorée par les sacrifices, sans temple ni prêtre, elle demeure une terre vierge propice aux pensées qui se pressent en son esprit, d'autant qu'elle représente l'âme et semble prête à recevoir les fruits de sa nouvelle philosophie, la « philosophie de la vallée de l'âme » (vale of soul-making philosophy)[17],[15].

Dans sa lettre, Keats résume cette philosophie en une question : « Ne voyez-vous pas à quel point il est nécessaire qu'un « Monde de Souffrances et de Soucis » s'empare de l'Intelligence et en fasse une Âme[C 3] ? » Nanti de cette nouvelle approche, il assume ses souffrances passées et en compose le terreau de ses créations à venir, des pensées nouvelles (branched thoughts, new grown), nées d'une souffrance désormais agréable (pleasant Pain), remplaçant les austères pins des vieilles antiennes (instead of pines) (vers 50-53)[15].

Ainsi, purgé des dogmes et des préjugés, Keats s'adonne à tout ce que sa nouvelle conception de la vie peut lui offrir, loin de la « vallée des larmes » du christianisme ; le concept du Christ sauveur chargé d'apaiser les maux de l'homme laisse place à la promotion du chagrin comme forgeron de l'âme et donne la part belle à l'indépendance et la résolution, propices à un nouvel investissement poétique[15]. C'est donc le cœur « frais, sain et tranquille » (fresh, peacable and healthy) qu'il aborde un nouveau royaume, étrange synthèse d'idées qui se coalescent en Psyché. L'acceptation stoïque et même l'appréciation de la douleur (pleasant pain) conduit à un état de loisir (leisure) indispensable à la création, dont l'Ode à Psyché est le héraut, car les autres odes suivront[15].

Enlèvement de Psyché, par William Bouguereau (1895).

Le poème ne calque en rien l'action du mythe[N 5] d'Éros et Psyché[KBM 1]. Dans l'original, Psyché est la fille d'un roi[N 6], d'une beauté si parfaite qu'elle excite la jalousie d'Aphrodite, à laquelle elle se voit comparée. Elle a deux sœurs aînées, d'une grande beauté également, mais sur lesquelles Psyché l'emporte de loin. Toutefois, contrairement à ses sœurs, elle ne trouve pas d'époux, les foules se contentant de venir la contempler comme une œuvre d'art et de la vénérer au point d'omettre de célébrer la véritable déesse. Cette dernière, jalouse de cette rivale et offensée d'un tel sacrilège, ordonne à Éros de la rendre amoureuse du mortel le plus méprisable qui soit. Cependant, alors que le dieu s'apprête à remplir sa mission  et le mortel prévu doit être un serpent des plus venimeux , il s'éprend de la belle en se blessant avec l'une de ses flèches. Pour cacher son identité divine, il ne peut l'approcher qu'une fois la nuit tombée. Un soir, Psyché, curieuse de voir cet étrange amant, allume une torche, et aussitôt Éros prend la fuite et disparaît[N 7]. La jeune princesse se met en quête de le retrouver : elle ignore toutefois la vindicte d'Aphrodite, qui lui inflige des épreuves quasi insurmontables. Éros finit par demander à Zeus de la changer en déesse afin qu'il puisse passer le reste de ses jours à son côté[KBM 1].

De la simple vision au transfert poétique

L'action de l'ode commence par la vision qu'a le narrateur de deux êtres noués dans un baiser non encore consommé. S'il reconnaît immédiatement les traits d'Éros, il demeure stupéfait que Psyché se trouve à ses côtés. Pour exprimer cet étonnement, le poète utilise des vocables choc, tels fainting s'évanouir ») et une courte mais pressante séquence interrogative, la répétition de happy et l'exclamation finale : « C'est Psyché ! » (vers 7-12, 21-23)[KBM 2].

Le narrateur compare ensuite la nouvelle déesse qu'est Psyché avec les autres divinités. Si elle les surpasse en beauté et en qualité, elle n'en reste pas moins négligée des hommes qui vouent aux autres une adoration ritualisée en un culte. À cette fin, Keats multiplie les contrastes entre les dieux décrépits de l'Olympe et l'éclat de la jeune princesse : s'opposent ainsi loveliest la plus belle »), superlatif absolu, et faded fanés ») qui s'applique à la hiérarchie divine tout entière, que corse l'insistance sur l'épithète comparative fairer plus belle »), deux fois répétées (vers 24-31)[KBM 3].

La liste des termes relatifs à l'adoration religieuse dont Psyché est privée se rétrécit ensuite aux seuls rites que le narrateur imagine devoir servir la gloire de la nouvelle déesse[KBM 4] : vœux, lyre, bois, air, eau et feu sacrés (vers 36-43). En un véritable transfert poétique, son inspiration condense en lui seul tous les attributs de cette adoration et il s'offre en prêtre exclusif dont le chant se fait hymne de louange (vers 50-53)[KBM 5].

Dans sa conclusion, le narrateur décide métaphoriquement de repousser les limites de sa conscience, de façon que son inspiration poétique se hisse jusqu'à servir de sanctuaire à la nouvelle déesse (vers 58-67)[KBM 6].

« Je », « tu » et « il »

La Cassagnère, qui utilise le découpage du poème en cinq strophes, rappelle que dans cette ode, Keats réécrit un texte ancien[KLC 1]. Ce tableau d'une union amoureuse   souvent représentée en peinture  se voit projeté dans la première strophe, lorsque sont décrits (vers 9-10) :

Deux êtres radieux, étendus côte à côte
En l'herbe épaisse sous les chuchotantes frondaisons[KL 4]

Une scène classique que le poète reconstruit « en se mettant lui-même en scène comme le producteur autour duquel elle s'articule[KLC 1] ». De fait, telle est la teneur du préambule dont le texte est transcrit dans la lettre-journal de février-mai 1819 : « Souvenez-vous, écrit Keats, que Psyché ne fut personnifiée comme déesse que du temps d'Apulée le platonicien qui vécut après le siècle d'Auguste ; que par conséquent la déesse ne fut jamais l'objet d'un culte ou de sacrifices animés d'un peu de l'ancienne ferveur — peut-être même n'a-t-on jamais songé à elle dans la religion antique. Je suis trop orthodoxe pour permettre qu'une déesse païenne demeure ainsi négligée[C 4] ».

La célébration de Psyché reprend un moment de l'histoire où viennent de s'éteindre les divinités, « la hiérarchie évanouie des Olympiens » (vers 24), image complexe qui comprend les dieux antiques, mais aussi par analogie, le Dieu chrétien et sans doute encore, cette fois par métonymie, « les plus hautes créations littéraires s'inscrivant dans le contexte de ces croyances révolues[KLC 2] ». Ainsi, Psyché surgit sur fond de crépuscule des dieux et des grands genres poétiques, comme une vision personnelle et intime du sujet qui la fonde dans son énonciation[KLC 2] : « Je vois et chante, par mes seuls yeux inspirés » (vers 43). Par là, Psyché « est intronisée comme intériorité du sujet qui la parle et la loge à l'intérieur de lui-même. Le tableau des deux amants dans la forêt est « rêvé » et « vu » (vers 5), perception endopsychique au sein d'une activité onirique et visionnaire du « je »[KLC 2] ». Se retrouve le concept de Bachelard d'« immensité intime »[19] instauré par la relation entre les deux strophes qui encadrent l'ode : les éléments descriptifs composant le paysage sylvestre de la première se retrouvent dans la dernière sous forme de métaphores, « des signifiants dans un langage de l'intimité[KLC 3] ».

Ce sens d'un extérieur intime appelle un redéploiement de l'écriture lyrique : en même temps qu'elle dessine l'espace intérieur, l'ode met en place une nouvelle énonciation, instaurant à côté du « je » le « tu » de Psyché, l'« autre » au sens plein du terme[20], « c'est-à-dire approché comme une véritable personne, avec son psychisme et ses désirs propres, de même que « je », mais extérieure, ayant avec « je » une relation de transcendance[KLC 3] ».

À l'intérieur de cette structure « je-tu », apparaît une troisième instance[KLC 4]. Dans le texte, le « je » se décrit, se contemple dans l'acte d'observer l'autre. S'opère à l'intérieur de lui-même un dédoublement narcissique entre le « je » spectateur et le « je » explorateur « engagé […] dans la quête pour ainsi dire orphique, héroïque, d'une psyché profonde[KLC 4] ». La seconde moitié de l'ode laisse apparaître, dans les optatifs de la troisième strophe et les futurs de la quatrième, une nouvelle écriture lyrique qui s'approprie le rôle de l'épopée. Rôle héroïque qui entre en scène comme « troisième personne », un « il » dont le référent mythologique de surface est le dieu-Amour (the warm love), mais qui « fonctionne dans le mythe keatsien comme image spéculaire du « je »[KLC 4] ».

La dernière strophe a pour verbe-clef « construire » (vers 50) et ses verbes déclinent le paradigme du « faire » de l'écriture poétique : build construire »), dress dresser, édifier, [mais aussi] vêtir, décorer, orner »[21]), working œuvrant »), breed engendrer »), feign façonner »)[N 8]. Dans cette optique, le distique :

And there shall be for thee all soft delight
That shadowy thought can win (vers 64-65)

Et là il y aura pour toi toute la joie apaisante
Qu’une pensée chimérique peut procurer

évoque l"accès à une impensable jouissance (soft delight) « maîtrisée, symbolisante […], pensée « ombreuse », « pensée de l'ombre » (shadowy) et aussi « pensée pleine d'ombres d'elle-même » (full of shadows)[KLC 6] ». Cette poétique de l'écriture-limite[22] se retrouve reformulée dans un sonnet réflexif écrit trois jours plus tard dans la lettre-journal suivant l'ode :

Let us inspect the lyre, and weigh the stress
Of every chord, and see what may be gained
By ear industrious, and attention meet. (vers 7-9)

[Traduction libre] Inspectons la lyre et apprécions la tension
De chaque accord, et voyons ce qu'il y a à gagner
Par l'attention de l'industrieuse oreille.

Anatomie et poésie

Tout compte fait, l'Ode à Psyché tient beaucoup à la connaissance qu'a acquise Keats de l'anatomie du cerveau lors de sa formation médicale au Guy's Hospital[23]. La mention récurrente de la « région inviolée de son esprit », l'idée d'un « sanctuaire » (fane) présentées dans la dernière strophe, tout cela relève d'une architecture et d'une topographie cérébrales fondées sur des données scientifiques alors avérées. Au cours des dix années précédant l'entrée de Keats à Guy's, la neuroanatomie réalise des progrès spectaculaires et deux spécialistes, F. G. Gall et son assistant J. G. von Spurzheim, s'ils popularisent la pseudo-science de la phrénologie, mettent surtout au point une nouvelle méthode de dissection qui gagne l'estime de leurs plus virulents critiques[23][N 9].

Aussi, dans l'ode, l'esprit s'identifie-t-il au cerveau, organe et non notion abstraite[25], dont la topographie se traduit en images instituant un décor, « chaînes de montagne bien dessinées » (well-ridged mountains), « arbres en bouquets sombres » (dark-cluster'd trees), « treillis de pensées branchues » (branched thoughts), autant d'expressions rappelant les convolutions, les fissures et les branchements cérébraux, les ruisseaux (streams) évoquant le réseau sanguin qui donne au sanctuaire de la déesse sa belle couleur « rose » (rosy). D'ailleurs, l'usage du verbe dress, déjà mentionné, renvoie à la profession de Keats, d'abord « panseur » de plaies (surgical dresser). À cela s'ajoute le bandage métaphorique du « treillis d'un cerveau en éveil » (wreath'd treillis of a working brain), image particulièrement riche correspondant au « serpentin des connexions et leur structure fibreuse » que Keats a relevé dans des notes[26]. D'autres images s'écartent de la neuroanatomie, mais tiennent de la nouvelle psychologie en vigueur, fondée sur la biologie et non plus sur la philosophie. Ainsi, shadowy thoughts, pensées de l'ombre, ombreuses, etc., n'est pas seulement une belle expression poétique, mais évoque la « connaissance inconsciente »[27]. De même, le casement ope at night fenêtre ouverte la nuit »), renvoie à fenestra rotundum, soit l'une des « fenêtres rondes » de l'oreille interne, et à sa connexion au cerveau, connues depuis les travaux de Domenico Cotugno, qui, dans son De Aquaeductibus Auris Humanae Anatomica Dissertatio (Naples, 1761), décrit pour la première fois les aqueducs du vestibule et du limaçon[28],[29]. Au-delà du substrat anatomique, cependant, l'image évoque la perméabilité de l'organe au monde extérieur, que ce soit par l'œil, l'oreille, le nez ou la bouche[26].

Ainsi, le poète explore les passages obscurs de l'esprit, ses régions inviolées, mais les habille d'abeilles, d'oiseaux, de Dryades et de fleurs surnaturelles, si bien que son ode passe de la science au mythe avec des topoi poétiques encore traditionnels. Le titre du poème Ode à Psyché prend alors une signification nouvelle : Psyché, c'est la déesse attardée de l'Olympe, mais aussi la « psyché », l'esprit non désincarné, autrement dit le cerveau. Ce refus de la séparation entre l'esprit et le corps se retrouve dans nombre des œuvres de Keats, dans les « fronts rougis » (flushed brows), le « pouls palpitant » (throbbing lovers) des amants en feu, les références aux effets des substances délétères, le vin, l'opium, la ciguë, comme dans les premiers vers de l'Ode à un rossignol. Ainsi, une grande partie de son pouvoir poétique se fonde sur son aptitude à exprimer les impressions du corps en une « heureuse combinaison d'audace lexicale et de tact prosodique[CCom 2] ».

Autres aspects thématiques

Éros et Psyché se révèlent au regard en un moment d'« intensité keatstienne », car ils ne se trouvent ni unis ni séparés, mais existent dans un espace situé entre les deux[31].

Qu'à terme puisse se constater leur union n'existe que dans l'ode de Keats, le mythe initial les enveloppant d'une totale obscurité. D'autre part, se pose la question de savoir si le narrateur est dans un état de veille ou de rêve, questionnement habituel dans les odes de Keats, retrouvé dans l'Ode sur l'indolence, l'Ode sur une urne grecque et l'Ode à un rossignol. Quoi qu’il en soit, éveillé ou non, son état de conscience lui permet de s'identifier à Éros, puisqu’il se sent épris de celle qui représente ici la pysché, soit l'âme ou l'esprit[KB 2].

L’argumentation de l’ode se fonde sur le fait que Psyché a été négligée pour avoir accédé à l'immortalité bien après les divinités gréco-romaines[KB 3]. Outre l’explication historique évidente, compte surtout la détermination du poète de réserver à son inspiration une petite partie de son esprit encore inviolée (untrodden region), pour remédier à ce manque. Ici, Keats retrouve certaines des préoccupations que Wordsworth, en particulier, exprime dans The Recluse (Le Reclus)[32],[KB 4],[33], long poème jamais terminé, mais dont les fragments, d’après Johnston, présentent une réelle cohérence : s’y révèle en effet un mouvement dialectique entre l’engagement du poète à créer une épopée de la rédemption et sa fascination pour une poésie d’ordre privé destinée à explorer son propre génie (comme dans le Prélude)[34].

D'un point de vue personnel, il est vrai, Keats et Psyché ont beaucoup en commun. Comme la déesse « nouvellement arrivée », Keats se voit lui aussi « en dernier arrivé », sinon en arriviste  il n'a « ni naissance, ni éducation », selon la formule de Coleridge[KM 1] , en lutte pour se frayer une place dans la hiérarchie des poètes. En se prévalant d'incarner le sanctuaire, le chœur, le culte  et son officiant  de Psyché, il transfère sur elle sa propre vulnérabilité et même prescrit un antidote commun, une mission à la fois culturelle et sociale, restaurer ensemble au cœur du présent dégénéré les « heureuses piétés » (happy pieties) du passé classique, les anciennes vertus (antique vows), aujourd'hui oubliées, engagement certes virtuel, mais passionnément vécu[KM 1].

Une fois encore, l'attitude de Keats n'est pas sans points communs avec celle de Wordsworth, confronté à l'acceptation conjointe d'une expérience d'ordre personnel et du monde extérieur[35]. À ce propos, Walter Evert explique que dans l'Ode à Psyché, le combat intérieur n’a « rien de commun avec le monde actif et peut-être même n'a nulle vérité à offrir, même au rêveur visionnaire[CCom 3] ». Anthony Hecht, cependant, prend le parti inverse et reste persuadé que chez ce narrateur, le monde extérieur et le monde intérieur se trouvent forcément liés, sinon la prise en considération du problème est vouée à l’échec[37]. Quoi qu’il en soit, conclut Evert, « nulle part le narrateur ne prétend que son adoration de Psyché puisse être d’un quelconque secours à l’humanité ; pour autant, sourd du poème la plénitude de la joie d’une imagination désormais débridée[CCom 4] ».

Autre thème que relève Andrew Bennett : « comme tous les poèmes, l’ode « est « entendue » à la fois par elle-même (c’est-à-dire « non-entendue ») et par un public qui la lit et l’entend différemment[CCom 5] ». Pour soutenir cette interprétation, il s’arrête sur le double sens (double-entendre) qu’il prête au son du mot wrung, prononcé comme rung, soit rʌŋ, évoquant un bourdonnement auriculaire (ringing in the ears), autrement dit une résonance intérieure[40]. À ce compte, le lecteur n’est qu’un intermédiaire entre le narrateur et la déesse, ce qui pose la question de son statut aussi bien au sein qu’en dehors du poème[40].

L'Ode à Psyché est-elle optimiste, se demande en définitive Motion[KM 2]. La réponse est oui, dans la mesure où elle réussit à unir le corps et l'esprit, la nature et l'imagination. Pourtant, la « pensée voilée (ombreuse, porteuse d'ombres) » (shadowy thought) qui termine le poème laisse planer une certaine ambiguïté. En sanctuarisant une partie de son esprit, le narrateur offre à la déesse un tribut sincère, mais incomplet, car, explique Motion, « non réel »[KM 2]. Ce n'est point là une contradiction, mais une constatation que reflète la texture du texte, ne serait-ce que l'opposition entre ombre (shadow) et lumière (bright), et l'insistance sur la « chaleur », ici oxymorique, d'un amour virtuel (warm love). Certains critiques y décèlent un excès de brio, une nouvelle langue pas authentiquement keatsienne[41], encore que sa vie de poète durant, Keats s'est acharné à en acquérir les clefs[KM 2].

Structure formelle

Dans l'Ode à Psyché, écrit Albert Laffay, « Keats tâtonne, cherche une technique[KL 2] ». De fait, le poème s'aventure dans un nouveau genre et établit un schéma qui se voit peu ou prou reproduit dans les cinq autres grandes odes de 1819. D'après Bate, bien que Keats se soit penché sur le langage poétique, l'expression y reste inférieure à celles qui suivent[KB 5], ce que corrobore Laffay lorsqu'il utilise une litote en rappelant simplement qu'« elle [l'ode] a de grandes beautés[KL 2] ».

Forme élargie du sonnet

L'importance formelle de l'Ode à Psyché provient de ce qu'elle constitue la première tentative de Keats d'utiliser une forme élargie du sonnet, avec des vers plus longs et, en conclusion, un message ou une vérité. De plus, pour éviter que ce message ou cette vérité n'apparaisse comme la seule fin du poème, se trouve incorporée une sorte d'histoire avec des attributs narratifs, une action, des personnages. À cela, Keats ajoute une préface, initiative qui ne sera pas répétée dans les odes suivantes, non plus d'ailleurs que les détails du décor qui s'y trouvent brossés par implication[KB 2].

Les critiques ne s'accordent pas toujours sur l'usage que fait Keats du sonnet. Ainsi, Garrod pense qu'il considère toutes ses variantes possibles, mais ne retient que ce qui convient à son style poétique. En particulier, il privilégie la forme pétrarquienne et les rimes en cascade des strophes en octaves[42]. En revanche, Ridley voit dans l'ode une reprise du schéma des rimes, propre au sonnet shakespearien[43].

Bate, lui, se situe entre ces extrêmes et prétend que Keats s'efforce d'éviter les écueils des deux formes. Ainsi, l'Ode à Psyché commence par un schéma de rimes selon la norme shakespearienne, mais modifié en ABAB CDCD EFF EEF, puis les vers qui suivent se scindent en plusieurs groupes : un quatrain, distiques, et un vers séparé. Ensuite, les douze vers restants reviennent à la forme shakespearienne, mais sans le distique final. Enfin se dessinent deux quatrains en CDDC, suivis de deux vers qui répètent le schéma précédent, et d'un quatrain final en EFEF[44].

D'après Laffay, l'ode de Keats ne procède pas de l'ode dite pindarique : les huit premiers vers de chaque strophe forment le huitain d'un sonnet shakespearien (ABAB, EDED) ; la deuxième réduit à trois pieds les vers 6 et 8, et la troisième se présente avec la variante ABAB, CDDC. Les quatorze premiers vers de la première constituent même un sonnet complet, à cette différence près que le sixain est à l'italienne avec EFF EEF suivant un huitain à l'anglaise. Quant à la deuxième strophe, c'est un sonnet shakespearien amputé de son distique, et le début de la quatrième en est un autre dont le distique suit le huitain « au lieu de former conclusion[KL 2] ».

Schéma irrégulier

À y regarder de plus près, l'ode ne présente aucun schéma régulier : les strophes varient en longueur (23, 12, 14, 18), en séquence rimée, en prosodie, ressemblant de ce fait plus à une rapsodie spontanée qu'à une forme poétique consacrée[45]. Les vers sont iambiques mais varient de dimètre à pentamètre. La rime la plus fréquente est ABAB, mais les exceptions abondent, au point que certains vers lui échappent, par exemple hours (ˈaʊəz) à la fin de la troisième strophe[45].

La première strophe est essentiellement en pentamètres iambiques, sauf les vers 12, 21 (trimètres) et 23 (dimètre). Le schéma des rimes complet est ABAB CDCD EFGEEGH IIJJ KIKI, ensemble pouvant se scinder en cinq parties : deux paires de quadrimètres avec une alternance en ABAB CDCD, puis une séquence plus lâche de sept vers très irrégulière, incluant deux mots sans rime, roof (ruːf) (vers 10) et grass (grɑːs) (vers 15), le schéma EFGEEGH, deux distiques IIJJ ET une section avec des rimes alternées en KIKI[45].

La deuxième strophe, plus courte et plus simple, suit le schéma de rimes alternées ABAB CDCD EFEF, et les seules irrégularités sont d'ordre métrique avec deux trimètres aux vers 6 et 8. Il en résulte que la section cdcd est quelque peu différente des autres, les vers en d s'avérant plus courts[45].

Les vers 10, 12 et 14 de la troisième strophe sont des trimètres, le reste garde le pentamètre iambique avec un schéma de rimes en ABAB CDDCEF GHGH. La seule dérogation est que moan et hours n'ont pas d'homologue : moan ('məʊn) rime vaguement avec fanes ('feɪnz) et Olympians (ə'limpiənz)l, tandis que hours ('aʊəz) se marie plutôt mollement avec vows ('vaʊz) et boughs ('baʊz). Si de telles rimes doivent compter, la strophe s'organise donc en ABAB CDDCDA EFEF[45].

La dernière strophe comprend aux vers 16 et 18 deux trimètres et suit une séquence de rimes relativement simples et naturelles à la poésie anglaise, ABAB CDCD EE FGFG HIHI. Autrement dit, chaque section se compose de quatre vers avec un schéma de rimes alternées, à l'exception du distique EE des vers 9-10[45].

Contrairement à ce qu'une telle analyse peut laisser accroire, l'Ode à Psyché est construite avec bien plus de liberté que les odes qui la suivent. Plus que la complexité, c'est la spontanéité dont elle témoigne, à la différence de ses homologues qui demeurent régies par un schéma ordonné et des séquences récurrentes plus facilement identifiables[45].

Synesthésie

Une des caractéristiques stylistiques de l'Ode à Psyché est l’usage de la synesthésie[N 10], ce mélange-mutation des sens, retrouvée dans les autres odes de 1819[47].

À considérer la seule première strophe, le narrateur s’adresse à Psyché en décrivant son soft-conched ear (sɒft-kɒŋkt ɪə) (« oreille à la conque délicate »), puis il fait subtilement allusion à sa couche partagée, les amants se trouvant « étendus côte côte », couch'd (kaʊtʃt). Les sonorités des deux expressions se répondent, le second participe passé faisant écho au premier, un écho légèrement altéré. En ce rapprochement, la vue et le toucher (ce dernier virtuel) s’entremêlent et s’unissent : il ne s’en faut que d’une substitution de lettre, « n » cédant la place à « u », pour que la fusion soit complète[47].

Plus loin, l’association de deux adjectifs composés, que sépare le nom commun flowers fleurs »), cool-rooted flowers / fragrant-eyed, associe au moins trois sens, le toucher (le frais, la préhension), la vue (l’œil) et l’odorat (le parfum), si bien que l’œil devient la pseudo-métaphore d’une carpelle de fleur. Là, explique Stewart, pointe la catachrèse, figure de style dont l’absurdité apparente s'appuie sur une logique imparable[47].

En fin de strophe, la fusion des sens frise l'audace, car tout semble être vu par un eye-dawn, « l'œil de l'aube » ou « l'aube-œil », que génère spontanément le mélange de l’aube (dawn), de l’aurore, logée dans son adjectif aurorean[48], de l’amour (love), de la tendresse (tender) et de la vision (eye) : tender-eyed dawn of aurorean love (ˈtɛndəraɪd dɔːn ɒv 'ɔrə'rɪən lʌv) (« tendrement l’amour ouvre les yeux du matin »)[47].

Accueil critique

Enlèvement de Psyché, par Paul Baudry, château de Chantilly (1885).

Leigh Hunt, ami de Keats[49], déclare à propos de l'ode : « Lorsque Mr Keats se trompe dans sa poésie, c'est qu'il gère mal les bonnes choses qu'elle contient, surtout l'exubérance des idées. En deux ou trois occasions, cela lui arrive dans un vers de l'Ode à Psyché, et il réagit fort mal, comme le feraient Marino ou Cowley… mais dans ce recueil, cela ne se produit que deux ou trois fois[CCom 6] ».

Quant à Robert Bridges, au tournant du XIXe siècle, il déplore que la dernière partie de l'ode exagère les images et les symboles aux dépens de l'idée  l'une des caractéristiques de la manière d'écrire de Keats. Pour autant, « l'extrême beauté [du poème] gomme toute déception. Le début n'est pas très bon, mais le milieu est excellent[CCom 7] ». Plus tard, T. S. Eliot écrit que « les odes — spécialement l'Ode à Psyché — suffisent à sa [celle de Keats] réputation[CCom 8] ».

Kenneth Allott juge que l'Ode à Psyché est « la Cendrillon des grandes odes de Keats », qu'il est difficile de comprendre pourquoi elle reste si négligée ; il ajoute « qu'au moins deux poètes laissent entendre que la façon dont elle est traitée est pour le moins mesquine et imméritée[CCom 9] ». Après quoi, Allott cite Bridges et Eliot, dont il partage peu ou prou les vues, et conclut que le poème n'est « ni dénué de failles ni la meilleure des odes, mais qu'en tant que tel, c'est une remarquable réalisation illustrant mieux qu'aucune autre œuvre, la pleine maîtrise de sa puissance poétique et un détachement artistique pour le moins insolite. C'est dire que l'architecture de l'ode est la plus élaborée de toutes et qu'à coup sûr, elle atteint un sommet dramatique sans égal[CCom 10] ».

Walter Jackson Bate, quant à lui, déclare que « le poème a toujours intrigué les lecteurs […], et que confrontés à son énigme, nous n'y revenons qu'après avoir pris connaissance des autres odes dans l'espoir d'y avoir trouvé des clefs de lecture, espoir chaque fois déçu[CCom 11] ». Il ajoute aussi que « certains critiques en mal de nouveautés se sont employés à émettre l'idée que ce poème, d'une façon obscure mais fondamentale, a plus à offrir en son ensemble que toutes les autres odes réunies[CCom 12] ».

Pour Harold Bloom, les derniers vers de l'ode « surpassent tout ce qui a pu se faire dans l'art de créer un mythe[CCom 13] ». Et, poursuivant cette veine, il ajoute : « L'Ode à Psyché est à la fois centrale et unique en cela que son art naît comme spontanément, fondé sur une prise de conscience aussi singulière que centrale que Keats fige dans toute sa concrétude[CCom 14] ».

Annexes

Traductions en français

  • (en) John Keats (trad. Gallimard), Poèmes et Poésies, Paris, Gallimard, .
  • (fr + en) Albert Laffay (traduction, préface et notes), Keats, Selected Poems, Poèmes choisis, Paris, Aubier-Flammarion, coll. « Bilingue Aubier », , 375 p., p. 303, 306. 

Ouvrages et articles

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  • (en) Heathcote Garrod, Keats, Oxford, The Clarendon Press, , 157 p. 
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  • Marc Porée, « Ce que faisaient, ce que voulaient les mains de Keats », temporel, revue littéraire et artistique, (lire en ligne, consulté le )

Liens externes

  • « Poetry Foundation, Ode to Psyche ».
  • , animation audio avec reconstitution du mouvement des lèvres de Keats.
  • , Rachel Blau DuPlessis lit l'Ode to Psyche.
  • , l'Ode to Psyche, pour soprano, baryton, chœur et orchestre, par William Hawley.
  • , l'Ode to Psyche, animation audio, par Charles T.

Articles connexes

Notes et références

Citations originales de l'auteur

  1. (en) « the following poem, the last I have written, is the first and only one with which I have taken even moderate pains; I have, for the most part, dashed off my lines in a hurry; this one I have done leisurely; I think it reads the more richly for it, and it will I hope encourage me to write other things in even a more peaceable and healthy spirit[2] »
  2. (en) « try what [he could] do in the Apothecary line »
  3. (en) « Do you not see how necessary a World of Pains and Troubles is to school an Intelligence and make it a Soul? »[17]
  4. (en) « You must recollect that Psyche was not embodied as a goddess before the time of Apuleius the Platonist who lived after the Augustan age, and consequently the Goddess was never worshipped or sacrificed to with any of the ancient fervour—and perhaps never thought of in the old religion—I am more orthodox than to let a heathen Goddess be so neglected[18] »

Citations originales des commentateurs

  1. (en) « the Cinderella of Keats's great odes[14] »
  2. (en) « finely balanced combustion of lexical daring and prosodic tact[30] »
  3. (en) « no relevance to the world of external action and perhaps no truth to offer even the visionary dreamer himself[36] »
  4. (en) « the narrator never states that this worship of Psyche or embracing the imagination would aid mankind, but the poem does rejoice in exercising the imagination[38] »
  5. (en) « ’heard’ both by itself (and therefore not heard) and by an audience that reads the poem and 'hears' it differently[39] »
  6. (en) « When Mr Keats errs in his poetry, it is from the ill management of the good things,--exuberance of ideas. Once or twice, he does so in a taste positively bad, like Marino or Cowley, as in a line in his 'Ode to Psyche'… but it is once or twice only, in his present volume[50] »
  7. (en) « for the sake of the last section, tho' this is open to the objection that the imagery is work'd up to outface the idea—which is characteristic of Keats' manner. Yet the extreme beauty quenches every dissatisfaction. The beginning of this ode is not so good, and the middle part is midway in excellence[51] »
  8. (en) « The Odes — especially perhaps the Ode to Psyche — are enough for his reputation[52] »
  9. (en) « [The ode] is the Cinderella of Keats's great odes, but it is hard to see why it should be so neglected, and at least two poets imply that the conventional treatment of the poem is shabby and undeserved[14] »
  10. (en) « is neither unflawed nor the best of odes, but to me it illustrates better than any other Keats's possession of poetic power in conjunction with what was for him an unusual artistic detachment, besides being a remarkable poem in its own right. This may be another way of saying that it is the most architectural of the odes, as it is certainly the one that culminates most dramatically[14] »
  11. (en) « [the poem has] always puzzled readers [...] But finding the poem so elusive, we return to it only after we know the others far better. If we had hope to use them as keys, we discover they do not quite fit the lock[KB 5] »
  12. (en) « the itch for novelty has encouraged a few critics to suggest that the poem, in some dark but fundamental way, has more to it as a whole than do the later odes[KB 6] »
  13. (en) « rivals any as an epitome of the myth-making faculty[53] »
  14. (en) « The poem Ode to Psyche is unique, and also central, for its art is a natural growth out of nature, based as it is upon a very particular act of consciousness, which Keats arrests in all its concreteness[54] »

Notes

  1. Réminiscence des Poèmes de Lucy de Wordsworth.
  2. Francis Jeffrey (Andrew Geddes).
    Francis Jeffrey est l'un des plus brillants journalistes du XIXe siècle, notoire pour avoir fondé la Edinburgh Review qui publie pendant de longues années les jeunes poètes et écrivains, et ouvre ses colonnes aux débats publics de son temps.
  3. John Milton vers 1629.
    L'Ode au matin de la Nativité de John Milton est composée en pour célébrer l'accession du poète à la maturité. Publiée en , elle figure en première position, mais Milton a préalablement écrit nombre de poèmes en latin et grec.
  4. À des fins pédagogiques et pour suivre les commentaires de la plupart des critiques ou auteurs, le découpage en quatre strophes est ici maintenu.
  5. Selon les différentes analyses, les dieux sont nommés sous leur nom grec ou latin : ainsi Éros devient Cupidon, Aphrodite, Vénus et Zeus, Jupiter.
  6. Dans d'autres versions, Psyché est fille d'un marchand.
  7. Ici encore, le mythe varie d'une version à une autre : le père de Psyché se rend à Didymes pour supplier Apollon de permettre à Psyché de se marier. Psyché doit être abandonnée sur un rocher au sommet d'une colline, où viendra la chercher son futur époux, un monstre. Le père exécute les ordres divins et abandonne sa fille à son destin. Cependant, Zéphyr emporte la jeune femme jusqu'à une merveilleuse vallée et la dépose dans l'herbe tendre, non loin d'un palais. Psyché y découvre un festin qui l'attend ; elle est servie par des personnages invisibles, dont elle entend seulement les voix. Elle s'endort ensuite dans une chambre somptueuse. Plus tard dans la nuit, son époux (Éros) la rejoint, lui demandant de ne jamais chercher à connaître son identité, cachée par l'obscurité de la chambre. Toutes les nuits, il lui rend visite puis la quitte avant l'aurore. La jeune femme apprécie de plus en plus ces rencontres. Rien ne manque à son bonheur, si ce n'est de connaître le visage et le nom de son amant nocturne, et de revoir sa famille. Renommée informe les deux sœurs de Psyché du triste sort de cette dernière, qui passe pour être morte sur Terre. Psyché, ne pouvant supporter de voir ses sœurs pleurer, convainc son époux de lui permettre de les inviter. Les deux sœurs, amenées immédiatement par Zéphyr au palais d'Éros, sont aussitôt folles de jalousie à la vue de tant de richesses et de bonheur. Lors d'une autre visite, elles persuadent Psyché que son époux n'est rien d'autre que l'horrible monstre de l'oracle, et qu'il est de son devoir de le tuer, à moins qu'elle ne veuille être dévorée. Terrifiée à cette idée, la jeune fille profite du sommeil de son amant pour allumer une lampe à huile afin de percer le mystère. Elle découvre alors le jeune homme le plus radieux qu'elle ait jamais vu. Une goutte d'huile brûlante tombe sur l'épaule droite du dieu endormi, qui se réveille aussitôt et s'enfuit.
  8. feign, comme le latin fingere, signifie à la fois « simuler » et « façonner »[KLC 5]
  9. Gall avance la théorie que le cerveau se divise en un grand nombre d'organes fonctionnels, chacun d'eux correspondant à une activité ou disposition mentale, l'essor, l'amour, la spiritualité, la gourmandise, le langage, l'appréciation de la forme et la couleur des objets, etc. Selon lui, la fonction mentale est d'autant plus développée que l'organe correspondant est grand[24].
  10. En littérature, il s’agit de la juxtaposition de termes issus des champs lexicaux applicables aux cinq sens. Les mots choisis appartiennent à des domaines sensoriels distincts, mais ne font pas référence à une réalité de sens différenciés[46].

John Keats, Cambridge, Mass., Belknap Press of Harvard University Press, 1963

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Autres sources

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