Victor Ier

Victor Ier, mort à Rome en 198 ou 199, est un évêque de Rome qui accède à l'épiscopat vraisemblablement vers 189.

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Victor Ier

Portrait imaginaire de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs (mosaïque du milieu du XIXe siècle)
Biographie
Naissance Afrique
Décès
Rome
Pape de l'Église catholique
Élection au pontificat vers 189
Fin du pontificat vers 198/199

.html (en) Notice sur www.catholic-hierarchy.org

Premier évêque romain de langue latine, son épiscopat est marqué par la controverse quartodécimane dans laquelle son opposition aux évêques de la province d'Asie, bien qu'infructueuse, constitue l'une des premières manifestations de l'autorité que l'Église romaine entend exercer sur d'autres Églises.

Selon le comput de la tradition catholique, qui le considère comme saint et le célèbre le , il est le 14e pape.

Éléments biographiques

Épiscopat

Suivant le Liber Pontificalis[1], Victor est le fils d'un dénommé Félix et originaire d'Afrique romaine[2]. À l'exception du Catalogue libérien, les sources s'accordent sur le fait qu'il succède à Éleuthère pour un pontificat de dix années, généralement situé entre 189 et 199[2].

Premier pape de langue latine[3], suivant Jérôme de Stridon[4], il semble que Victor a participé de la latinisation d'une Église romaine alors encore fortement imprégnée de l'influence gréco-orientale de ses origines[5]. Jérôme rapporte en outre[2] qu'il est l'auteur de « quelques opuscules sur la célébration de la fête de Pâques et sur divers sujets »[6].

Il semble également que ce soit le premier évêque de Rome à avoir entretenu des contacts avec la maison impériale : il aurait obtenu la libération de chrétiens déportés dans les mines de Sardaigne — au nombre desquels son successeur Calixte[7] — en ayant sollicité l'intercession de la concubine de l'empereur Commode, Marcia, peut-être elle-même chrétienne[2].

Malgré le peu de sources que l'on possède sur son épiscopat, l'évêque semble l'avoir mené avec une certaine vigueur : il est l'auteur de l'excommunication de Théodote de Byzance venu prêcher à Rome sa doctrine adoptianiste, déchoit de son sacerdoce l'écrivain gnostique Florinus[5] mais est surtout resté dans l'histoire ecclésiastique pour son implication dans la controverse quatrodecimane.

Controverse quatrodécimane

Sous son pontificat se cristallise l'une des premières controverse liturgique d'importance qui divise les églises chrétiennes autour de la date de la célébration de Pâques : par une « tradition fort antique »[8], les églises de la province d'Asie mineure suivent la tradition juive de la Pessa'h et célèbrent Pâques le 14e jour de la première lune de printemps, le 14 Nissan — d'où l'appellation de « quatrodéciman » —, quel que soit le jour de la semaine[9] ; a contrario, la plupart des autres églises chrétiennes , dont l'Église de Rome, la célèbrent le dimanche qui suit le 14e jour[10].

Cet état de fait occasionne l'agitation des communautés chrétiennes dès le milieu du IIe siècle et différents synodes sont organisés sur la question dans plusieurs régions[11]. Une rencontre est en outre organisée à Rome entre l'évêque de Smyrne, Polycarpe, venu au nom des évêques asiates, et son collègue romain Anicet[3] qui, bien que n'ayant pas réussi à le convaincre, « reste pourtant en paix avec lui »[12]. Mais la fin du siècle connaît une résurgence de la controverse : en réponse à un courrier perdu de Victor[11] qui se revendique vraisemblablement de l'autorité apostolique de Pierre et de Paul[13], les évêques d'Asie organisent une réponse à travers la voix de l'évêque Polycrate d'Éphèse, défendant la légitimité de leur pratique par une antiquité qu'il font remonter aux apôtres Jean et Philippe, sous-entendant que cette apostolicité vaut bien celle dont se réclame Rome[12].

Victor organise probablement un synode à Rome qui condamne les pratiques quatrodécimanes [11] et répond par un acte — qui ne nous est pas parvenu mais dont Eusèbe a eu connaissance[3]— d'excommunication de l'ensemble des communautés d'Asie mineure qu'il accuse d'« hétérodoxie », faisant prendre au contentieux liturgique un tour doctrinal[12]. La violence de la réaction de l'évêque de Rome et son autoritarisme contrarient la plupart de ses collègues qui s'accordent pourtant avec lui sur le fond[12] :nombre d'entre eux lui font part de leur mécontentement « d'une façon fort tranchante »[14], déniant à Victor l'autorité qu'il affiche, et Irénée de Lyon, sans évoquer le point de l'autorité, invite Victor à la compréhension et à la charité[15], poussant l'évêque romain à se raviser[3].

Si la mesure comminatoire de Victor reste ainsi sans effet — l'usage quatrodéciman se prolonge d'ailleurs au-delà du concile de Nicée (325)[9]—, l'épisode est néanmoins un jalon souvent retenu par les historiens[16] sur le chemin de la « primauté » que revendiquera bientôt l'Église romaine[17] sur les autres Églises[18].

Postérité et vénération

Victor meurt en 198 ou 199 et Zéphyrin prend sa succession[5]. La tradition veut qu'il ait connu le martyre[2] et soit enterré au côté de l'apôtre Pierre, des affirmation rejetées par la recherche[2]. Il figure comme saint catholique à la date du dans le Martyrologe romain[19].

Notes et références

  1. « Liber Pontificalis : XV. VICTOR », sur www.thelatinlibrary.com (consulté le )
  2. Levillain 1994, p. 1719-1720.
  3. Roselyne Dupont-Roc (dir.) et Guggenheim Antoine (dir.), Après Jésus : L'invention du christianisme, Albin Michel, (ISBN 978-2-226-45033-3), p. 594
  4. Livre des hommes illustres, 53
  5. Kelly 1994, p. 16-17.
  6. Livre des hommes illustres, 34
  7. Mayeur et al. 2000, p. 651.
  8. Eusèbe de Césarée, « Histoire ecclésiastique : Livre V, 23 », sur remacle.org (consulté le )
  9. Simon Claude Mimouni et Pierre Maraval, Le christianisme des origines à Constantin, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », (ISBN 978-2-13-052877-7), p. 447
  10. Mayeur et al. 2000, p. 504.
  11. Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de la papauté : 2000 ans de mission et de tribulations, Tallandier, (ISBN 2-02-059006-9), p. 37
  12. Mayeur et al. 2000, p. 505.
  13. Il faut néanmoins attendre le siècle suivant et les querelles sur le renouvellement du baptême des Novatiens qui oppose l'évêque de Carthage Cyprien et l'évêque de Rome Étienne (254-257) pour que l'argument d'une suprématie de juridiction issue de l'autorité pétrinienne apparaisse explicitement, même si elle reste là encore sans effet ; cf. (en) David M. Gwynn, « Episcopal Leadership », dans Scott Fitzgerald Johnson (éd.), The Oxford Handbook of Late Antiquity, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-027753-6), p. 879
  14. Eusèbe de Césarée, « Histoire ecclésiastique : Livre V, 24 », sur remacle.org (consulté le )
  15. Mayeur et al. 2000, p. 508.
  16. Mayeur et al. 2000, p. 507.
  17. Mayeur et al. 2000, p. 641.
  18. Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de la papauté : 2000 ans de mission et de tribulations, Tallandier, (ISBN 2-02-059006-9), p. 38
  19. (la) Congregazione per il Culto Divino e la Disciplina dei Sacramenti, Martyrologium Romanum, Libreria Editrice Vaticana, (ISBN 9788820972103), p. 418

Bibliographie

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