Passion (musique)
Dans la musique sacrée « classique », une passion est une catégorie d'oratorio, c'est-à-dire une composition musicale pour solistes vocaux, chœur et orchestre, dont la principale caractéristique est d'être écrite à partir du récit de la passion du Christ.
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Histoire de la Passion en musique
La mise en musique des derniers jours de la vie du Christ est une tradition qui remonte aux premiers siècles de la chrétienté. Les premières sources écrites remontent au IXe siècle mais on sait que la Passion selon le récit des quatre Évangélistes était psalmodiée à quatre jours différents de la Semaine sainte. Au XIVe siècle, la tradition partageait les rôles entre trois religieux : le premier (voix de ténor) était le narrateur (l'Évangéliste ou historicus), le second (voix de basse) jouait le rôle du Christ et le troisième (voix d'alto) celui des autres personnages (soliloquentes), tels que Pierre, Judas, Pilate. Les paroles de la foule (turba) et des disciples étaient chantées à l'unisson par les trois chantres.
Au cours du XVe siècle la polyphonie envahit la musique de messe et donc la Passion : la Passion-motet était chantée entièrement en polyphonie par un même ensemble vocal (Demonteus). Au XVIe siècle s'imposa une fusion de la Passion chorale à une voix et de la Passion-motet polyphonique pour donner le genre « responsorial » où, souvent, seules l'introduction et la conclusion étaient écrites en polyphonie.
En Allemagne, à l'époque de la Réforme, l'allemand remplaça le latin des textes religieux et dès 1530, un ami de Luther, le compositeur Johann Walther introduisit un genre de Passion-répons en allemand, où une polyphonie très simple à quatre voix était réservée aux turbae, alors que les paroles de l'Évangéliste et des divers acteurs étaient psalmodiées. Mais les instruments de musique restaient interdits dans les églises au temps de la Passion, ce qui limitait les possibilités musicales de cette forme.
Au XVIIe siècle, Heinrich Schütz a été le dernier compositeur à rester attaché à la Passion-répons, genre qu'il a su imprégner de sa grande sensibilité. Peu à peu une nouvelle technique de composition, la monodie, venue d'Italie s'imposa. Ce chant d'un homme, un héros, soutenu par les instruments, comporte aussi des récitatifs dramatiques et des airs (aria) qui traduisent les divers états de l'âme. L'opéra couronnera avec succès ce chant qui sera aussi fructueux dans la musique religieuse.
La Passion perdit alors son importance au profit de l'oratorio et le sujet fut traité sous la forme d'un « Oratorio de la Passion » . Le texte, désormais librement adapté des Évangiles, épousait un déroulement dramatique, proche de l'opéra. L'air permettait désormais d'exposer de manière subjective et de commenter en parabole la tragédie de la Passion alors que jusqu'ici la méditation lyrique était réservée au chœur d'entrée et au chœur final, représentant la communauté idéalisée des chrétiens. Dans l'ancienne Passion chorale, même les fidèles participaient en chantant un cantique avant et après la lecture de l'Évangile.
Un « Oratorio de la Passion » est par exemple la Passion selon Saint Matthieu écrite en 1663 par Johann Sebastiani, maître de chapelle du prince électeur de Brandebourg. Cette composition introduit un grand nombre de chorals chantés par un soliste accompagné de cordes comme des arias, dans le but de « faire naître plus de dévotion ». Ces insertions à caractère contemplatif préparent le type des Passions de Bach.
Moins connues que celles de Bach, les Passions de Telemann sont cependant plus nombreuses : on en connaît ainsi 46, dont 23 ont été retrouvées. Le corpus de Passions de Telemann comprend 5 oratorios de la Passion contre 41 Passions (reprenant le strict texte des Évangiles dans les récitatifs).
Les livrets de Neumeister
L'ajout de strophes de cantiques ou de poèmes d'invention libre aux textes de l'Évangile, loin de constituer un idéal littéraire, aboutissait à une juxtaposition d'éléments et de styles disparates. Aussi plusieurs librettistes essayèrent de réécrire le texte de l'Évangile et les commentaires lyriques dans une langue homogène. Les textes des cantates rédigés de 1700 à 1716 par Erdmann Neumeister en sont le prototype.
Le livret de Brockes
Barthold Heinrich Brockes, conseiller municipal à Hambourg écrivit la plus célèbre version poétique de la Passion du Christ. Parue en 1712 sous le titre « Der für die Sünde der Welt gemartete und sterbende Jesus » (« Jésus martyrisé et mourant pour le péché du monde »), cette passion fut mise en musique entre autres par Reinhard Keiser en 1712, par Haendel et Telemann en 1716, par Mattheson en 1718 ainsi que par Stölzel en 1725. Le livret de la Passion selon saint Jean de Bach emprunte au texte de Brockes.
Comme la musique de la Passion ne faisait pas encore partie fixe de la liturgie des Vêpres du Vendredi saint, elle ne pouvait pas être totalement composée sur un texte moderne et devait de toute façon comporter le récit total et inchangé de l'Évangile. Cependant on intercala entre les paroles du Nouveau Testament des parties dites « madrigalesques », c’est-à-dire des airs sur des paroles d'invention libre qui commentent le texte biblique et des chorals d'écriture homophone et très expressive qui représentent l'assemblée des fidèles. Si elle ne chantait plus la mélodie en même temps que le chœur (au jubé ou à la tribune), l'assemblée entendait, en quelque sorte, chanter son propre rôle.
Bibliographie
- La Passion dans l'histoire et la musique : du drame chrétien au drame juif, Frans C. Lemaire, Paris, Fayard, 2011, 565 p. (ISBN 978-2-213-63167-7).
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