Place des États-Unis
La place des États-Unis est une voie située dans le quartier de Chaillot à Paris dans le 16e arrondissement.
16e arrt Place des États-Unis
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Situation | |||
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Arrondissement | 16e | ||
Quartier | Chaillot | ||
Début | Avenue d'Iéna et 2, rue de Lubeck | ||
Fin | 13, rue Galilée et 1, rue Dumont-d'Urville | ||
Morphologie | |||
Longueur | 200 m | ||
Largeur | 60 m | ||
Historique | |||
Dénomination | |||
Ancien nom | Place de Bitche | ||
Géocodification | |||
Ville de Paris | 3406 | ||
DGI | 3381 | ||
Géolocalisation sur la carte : Paris
Géolocalisation sur la carte : 16e arrondissement de Paris
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Images sur Wikimedia Commons | |||
Situation et accès
La place se trouve au débouché de l’avenue d'Iéna, de la rue de Lubeck, de la rue de l'Amiral-d'Estaing, de la rue Galilée et de la rue Dumont-d'Urville. De forme rectangulaire, elle couvre une superficie d’environ 10 000 m2, occupée en grande partie par un jardin public : le square Thomas-Jefferson.
Elle est desservie par la ligne 6 à la station Boissière et par les lignes de bus 22, 30 et N53.
Origine du nom
Elle porte ce nom car elle est située dans un quartier habité par la colonie américaine et qui est proche de l'ancienne ambassade américaine.
Historique
Cette place est ouverte en 1866-1867 par la Ville de Paris sur l'emplacement des anciens réservoirs de Chaillot, alimentés par l'eau de la Seine montée par des pompes à vapeur. Elle a absorbé la rue de Juigné et une partie de la rue de Belloy. Elle prend sa dénomination actuelle par un arrêté du . L'établissement des jardins situés au milieu de la place a fait l'objet d'un arrêté du .
La place de Bitche
Créée par la destruction des anciens réservoirs de Passy[1] (reconstruits en 1866 plus haut, entre les rues Lauriston, Paul-Valéry et Copernic), la place s'appelait originellement « place de Bitche », du nom de la ville de Bitche en Moselle, qui avait vaillamment résisté à l'invasion prussienne pendant la guerre de 1870.
La place des États-Unis
Mais elle changea de nom très rapidement, lorsque Levi Morton, ambassadeur des États-Unis à Paris, y établit en 1881 sa résidence, ainsi que le siège de la légation qui avait dû quitter ses bureaux inadaptés du 5, rue de Chaillot. En effet, le jeu de mot auquel prêtait, en anglais, la dénomination originale[2] émut jusqu'au département d'État de sorte que, sur l'insistance du chargé d'affaires, le préfet de la Seine accepta de rebaptiser la place[3], tandis qu'une place du 19e arrondissement prenait le nom de « place de Bitche ».
La statue de la Liberté
Le fut inauguré le modèle en bronze de la statue de la Liberté de Bartholdi, offerte à la Ville de Paris par le Comité des Américains de Paris.
La statue était placée au centre de la place, en face de la légation des États-Unis[4]. Elle resta à cet emplacement jusqu'en 1888.
Le Monument à La Fayette et Washington
À l'est du square, en haut de la place, se trouve le monument à La Fayette et George Washington (1890), un groupe de bronze par Auguste Bartholdi, offert par les États-Unis.
Le Monument aux Volontaires américains
Le , sur la place des États-Unis, le président du Conseil Raymond Poincaré inaugura le Monument aux Volontaires américains de la Première Guerre mondiale, érigé par souscription publique[5].
La statue de bronze est l'œuvre du sculpteur Jean Boucher qui a travaillé d'après une photographie du poète Alan Seeger. Le nom de l'écrivain se trouve à l'arrière du monument sur lequel sont gravés ceux des 23 autres Américains tombés dans les rangs de la Légion étrangère.
Sur le socle, de chaque côté, sont gravées deux citations du poète traduites par Alain Rivoire, extraites de Ode à la mémoire des volontaires américains tombés pour la France, « pour être lue devant les statues de La Fayette et de Washington à Paris au Decoration Day, le ». Cette ode fut écrite par le poète peu avant sa mort :
« Ils ne poursuivaient pas de récompenses vaines, ils ne désiraient rien que d'être sans remords, frères des soldats bleus, à l'honneur à la peine et de vivre leur vie et de mourir leur mort. »
« Salut frères, adieu grands morts, deux fois merci. Double à jamais est votre gloire d'être morts pour la France et d'être morts aussi pour l'honneur de notre mémoire. »
En 1978, la partie orientale de la place, vers l'avenue d'Iéna, est renommée « place de l'Amiral-de-Grasse » en hommage à son action durant la guerre d'indépendance des États-Unis.
Bâtiments remarquables et lieux de mémoire
Square Thomas-Jefferson
Le centre de la place forme un square, le square Thomas-Jefferson, où se trouvent[6] :
- deux aires de jeux pour enfants ;
- le monument au dentiste américain Horace Wells (1815-1848), pionnier de l'anesthésie, inauguré le au cours de la dixième session de la Fédération dentaire internationale. Sur la face latérale droite de l'embase du monument, le sculpteur René Bertrand-Boutée a gravé le médaillon du physiologiste Paul Bert ;
- le buste de l'ambassadeur américain Myron Timothy Herrick, par le sculpteur Léon-Ernest Drivier, est inauguré le [7] ;
- une plaque commémorant les attentats du 11 septembre 2001, agrémentée d'un jeune chêne rouge d'Amérique, planté après l'événement.
Bâtiments remarquables
- No 1 : façade secondaire de l'ambassade du Koweït. Ancien hôtel de la comtesse Branicka, lieu de rencontre de la diaspora polonaise au début du XXe siècle.
- No 2 : hôtel Ephrussi. Construit en 1886 par Ernest Sanson pour le banquier Jules Ephrussi, il a ensuite appartenu au roi d'Égypte Fouad Ier, qui l'a acheté en 1922, avant d'être saisi par la République d'Égypte, qui y a installé la résidence de son ambassadeur.
- Hôtel Ephrussi.
- Hôtel Ephrussi à l'angle de l'avenue d'Iéna.
- No 3 : c'est ici que Levi Morton installa sa résidence et, pour une brève période, les bureaux de la légation des États-Unis d'Amérique[3]. La romancière américaine Edith Wharton a habité l'hôtel.
- No 3 bis : ce petit hôtel en brique et pierre a été construit pour Mme de Meyendorff, avant de devenir la demeure du peintre mondain Théobald Chartran et de sa femme Sylvie, dont le salon réunissait artistes, gens de lettres et hommes politiques[8].
Pendant l'occupation allemande de Paris, durant la Seconde Guerre mondiale, c'est une annexe de la Gestapo française de Pierre Bonny, installée aux quatrième et cinquième étages ; il y a des cellules où des prisonniers sont assassinés, des prises de guerre et des marchandises trafiquées y sont stockées, et des réceptions mondaines y ont lieu[9],[10].
De nos jours, le bâtiment accueille l'ambassade de Bahreïn. - No 4 : hôtel Deutsch de la Meurthe. Construit pour Henry Deutsch de la Meurthe (1846-1919), industriel et pionnier de l'aviation. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'hôtel a été occupé par la Gestapo. Il a ensuite été la résidence, à partir de la fin des années 1940, du financier Alec Weisweiller (1913-2005), petit-fils de Henry Deutsch de la Meurthe, et de son épouse, née Francine Worms (1916-2003), mécène de Jean Cocteau ; aujourd'hui, résidence de l'ambassadeur du Koweït en France.
- No 6 : ancien hôtel du prince Alexandre Bariatinski (1870-1910) et de la princesse, née Catherine Alexandrovna Iourievskaïa (1878-1959), fille légitimée d'Alexandre II de Russie ; aujourd'hui showroom des cristalleries d'Arques. L'industriel du tissu et homme d'affaires James Schwob d'Héricourt (1874-1939) y a été propriétaire.
- No 7 : immeuble construit à l'emplacement de l'hôtel appartenant à Ida Rubinstein, danseuse et mécène.
- No 8 : ce bel hôtel particulier a appartenu au début du XXe siècle au président G.-E. de Saint-Paul, conseiller d'État, puis il a abrité le célèbre salon littéraire de la poétesse Edmée de La Rochefoucauld, réputé être l'antichambre de l'Académie française.
- No 10 : hôtel de Brantes. Il abrite aujourd'hui les bureaux d'un cabinet d'avocats.
- No 11 : hôtel Bischoffsheim (dit également de Noailles), de 3000 m². Construit en 1895 par Ernest Sanson pour le financier Ferdinand Bischoffsheim (qui y installe des peintures de Rubens, Edward Burne-Jones, Van Dyck, Rembrandt ou encore Goya, ainsi qu'une collection de bronzes), puis occupé après lui par sa petite-fille, la vicomtesse Marie-Laure de Noailles, qui y reçoit artistes et écrivains et y donne des fêtes costumées[11], notamment dans la salle de bal et le jardin (par exemple, le , le Bal des matières, en présence des écrivains Paul Morand et Maurice Sachs ou de la peintre Valentine Hugo). Elle confie la décoration des salons du premier étage à Jean-Michel Frank (en particulier le fumoir et le boudoir). De nombreuses personnalités y passent, comme Yves Saint-Laurent à la fin des années 1960, Jean Cocteau, Christian Dior, Salvador Dali ou encore François-Marie Banier. Comme le note Vanity Fair : « Catholiques et juifs, homosexuels et hommes à femmes, communistes et nationalistes, surréalistes et cubistes, fortunés et sans le sou : tous sont accueillis. » Marie-Laure de Noailles transforme finalement le fumoir en atelier et y peint.
Après la mort du couple, l'hôtel devient en 1983, pour 80 millions de francs (réaménagé par l'architecte Pascal Desprez, qui y fait notamment creuser une piscine, avec des sculptures d'Aristide Maillol), la propriété du financier saoudien Akram Ojjeh (qui y installe le siège de sa société, le groupe TAG, au rez-de-chaussée). Aux toiles contemporaines de Chagall, Masson et Mondrian, ou des portraits de Marie-Laure de Noailles par Balthus et Cocteau, succèdent désormais des Van Gogh, Monet, Renoir et Pissaro, un portrait du général Moustapha Tlass ainsi qu'un mobilier XVIIe-XVIIIe siècle, issu pour l'essentiel de la vente Wildenstein de 1977. Le roi d'Arabie saoudite et la reine de Suède y sont invités. Sa femme, Nahed Ojjeh, hérite de l'immeuble à sa mort, en 1991, et y reçoit des personnalités, comme l’homme d’affaires Jean-Marie Messier, l’essayiste Alain Minc, le journaliste Alexandre Adler, l’homme politique Dominique de Villepin[12], le neurologue Yves Agid, le biologiste Jean-Didier Vincent, l'historien Marc Fumaroli ou encore l'écrivain Jean d'Ormesson. Depuis 2003, il est occupé par les cristalleries de Baccarat ; cette entreprise a rénové l'hôtel avec l'aide du designer Philippe Starck pour y installer un luxueux showroom, un musée du cristal et un restaurant (Cristal Room)[13].
- Hôtel de Noailles.
- Son jardin.
- No 12 : siège de la société Pernod-Ricard.
- No 14 : immeuble construit à l'emplacement de l'hôtel de la duchesse d'Isly (en 1910).
- No 16 : hôtel de Yturbe.
- Après avoir abrité le siège de l'ambassade des États-Unis, il est devenu la propriété de Francisco-María de Yturbe y Anciola, ancien ministre des Finances du Mexique, qui y passa la fin de sa vie et lui a donné son nom ; il passa ensuite à son fils aîné, Francisco-Tirso de Yturbe, diplomate mexicain en poste à Paris, puis au deuxième fils de celui-ci, Miguel de Yturbe, également diplomate, époux de María Teresa Limantour, fille de José Yves Limantour, qui fut ministre des Finances du Mexique pendant dix-huit ans au temps de Porfirio Díaz ; la famille de Yturbe possède par héritage depuis 1944 le château d'Anet (Eure-et-Loir).
- Propriété de la SCI MA Meunier dirigée par le Groupe Mabrouk, dont les propriétaires sont des proches de l'ancien président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali[14].
- No 17 : immeuble d'appartements locatifs et siège du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR). L'homme d'affaires libanais Samir Traboulsi habitait cet immeuble au moment de l'affaire Pechiney-Triangle.
- No 18 : immeuble construit par l'architecte Pierre Humbert pour Mlle de Montesquiou-Fezensac.
Au cinéma
- Une scène du film La Mémoire dans la peau (2002), figure le no 11, au croisement de la rue de l'Amiral-d'Estaing, comme l'hôtel particulier d'un ancien dictateur africain.
Références
- Jacques-Constantin et Auguste-Charles Périer avaient installé deux machines à vapeur (la Constantine et l'Augustine) près de la place de l'Alma pour pomper l'eau de la Seine et la refouler dans les réservoirs de Passy. Cette pompe à feu de Chaillot fonctionna du 8 août 1781 jusqu'en 1900.
- Bitch : femme de mauvaise vie.
- « Lieux de mémoire américains à Paris », sur usembassy.gov (consulté le ).
- Selon le Petit Journal du 10 mai 1885 : « La Ville de Paris a accepté ce don y voyant une preuve de la fraternité entre les deux pays. Le Conseil municipal assistera en corps à l'inauguration officielle de la statue mercredi 13 mai, à 2 heures, place des États-Unis. Depuis quelques jours, une charpente est dressée au milieu de la place, en face de l'hôtel de la légation des États-Unis, les ouvriers s'occupent activement de mettre en place le piédestal provisoire qui supporte une réduction au cinquième de la statue destinée à l'Amérique. L'opération de la fonte a eu lieu jeudi, à 3 heures, dans les ateliers de M. Thiébault, rue de Villiers […] Le choix de l'emplacement adopté a été dicté par des raisons de haute convenance que chacun peut apprécier : mais il nous parait devoir être modifié dans l'avenir. Une statue de cette importance, 16 mètres de haut piédestal compris, réclame un développement d'espace très considérable pour se présenter dans de bonnes conditions à la vue et la place des États-Unis ne nous parait pas réunir ces conditions. »
- Le 21 janvier 1917, treize jours avant la rupture des relations diplomatiques entre les États-Unis et l'Allemagne, avait été organisée à Paris à la Comédie-Française, une soirée d'hommage aux volontaires américains engagés dans les troupes françaises. Présidée par le sous-secrétaire d'État à l'Administration militaire, René Besnard, cette cérémonie avait été marquée par le lancement d'une souscription publique dans le but d'ériger un monument aux volontaires américains.
- « Square Thomas-Jefferson », sur paris.fr (consulté le ).
- Institut de stratégie comparée, Commission française d'histoire militaire, Institut d'histoire des conflits contemporains, www.stratisc.org.
- André de Fouquières, Mon Paris et ses Parisiens. Les quartiers de l'Étoile, Paris, Éditions Pierre Horay, 1953, p. 176.
- Serge Garde, Valérie Mauro et Rémi Gardebled, Guide du Paris des faits divers. Du Moyen Âge à nos jours, Le Cherche Midi, 2004, p. 258-259.
- SOE in France: An Account of the Work of the British Spécial Opérations.
- Armelle Héliot, « Les grands bals de l'après-guerre : munificence et charité bien ordonnée », Le Figaro, 29-30 juillet 2017, p. 19.
- Ariane Chemin, « Les dîners de madame Ojjeh », Le Monde, 2 octobre 2006.
- Julien Nenault, « Les folles nuits des Noailles », Vanity Fair, no 9, mars 2014, p. 200-209.
- « Les belles adresses des Ben Ali », Le Monde, 1er février 2011.
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