Procès de Louis XVI
Le procès de Louis XVI est la comparution de Louis XVI, ancien roi de France et de Navarre et ancien roi des Français, devant les députés de la Convention nationale, sous le nom de Louis Capet, du 10 au . L'ancien monarque est déchu de tous ses titres et fonctions depuis le , date de la proclamation de l'abolition de la royauté et de l'avènement de facto de la Première République française. Défendu par les avocats Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, François Denis Tronchet et Raymond de Sèze, il eut à répondre aux accusations de trahison et de conspiration contre l'État, après la découverte notamment de documents compromettants dans « l'armoire de fer » le .
Procès de Louis XVI | ||||||||
L’interrogatoire de « Louis le dernier » par la Convention. | ||||||||
Type | Procès | |||||||
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Pays | France | |||||||
Localisation | Palais des Tuileries, Paris | |||||||
Coordonnées | 48° 51′ 40″ nord, 2° 19′ 50″ est | |||||||
Organisateur | Convention nationale | |||||||
Date | - | |||||||
Participant(s) | Bertrand Barère (président) Députés (jury) Louis XVI (accusé) Défenseurs : • François Denis Tronchet • Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes • Raymond de Sèze |
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Le , le procès prit fin sur la plaidoirie de Sèze. Louis XVI est guillotiné le à 10 h 22.
Contexte
Après un premier envahissement lors de la journée du 20 juin, le palais des Tuileries est pris d'assaut le . Louis XVI, accompagné de sa famille, s'est réfugié dans la salle du Manège au sein de l'Assemblée législative sous la protection du président Vergniaud. Mais au terme de la Constitution, l'Assemblée ne peut siéger en présence du roi . Un expédient est trouvé en plaçant la famille royale dans la loge du logographe donnant sur la salle, un refuge pour passer les nuits étant trouvé dans les ancienne cellules du couvent des Feuillants situé dans l'enceinte du corps législatif. Dans un dénuement extrême, au soir du 10 août, la famille et quelques fidèles s'installent tant bien que mal dans quatre petites chambres, tandis que la séance se poursuit jusqu'à trois heures du matin. Dès le 11 août à six heures du matin, ils sont ramenés dans la loge du logographe où ils passeront au total trois journées dans une chaleur étouffante, subissant «les péroraisons des orateurs s'égosillant à la barre, les crépitements des applaudissements, les cris houleux des tribunes »[1]. L'Assemblée, irrésolue, tétanisée, décréta sur proposition de Vergniaud, non pas la déchéance du roi réclamée par les insurgés, mais la suspension de ses fonctions, ce qui évitait provisoirement le problème de la régence.
Dès ce moment, la sourde opposition entre l'Assemblée et la commune insurrectionnelle se cristallise sur la question du choix d'une nouvelle résidence pour la famille royale et ses serviteurs, le palais des Tuileries étant inhabitable en raison des pillages et des déprédations. Finalement, l'Assemblée cède aux pressions de la Commune, représentée par son procureur-syndic Pierre-Louis Manuel, et accepte le transfert à l'enclos du Temple dans lequel l'hôtel du prieur aurait pu constituer un logement digne des hôtes royaux. Mais, ce faisant, elle livrait, selon Jean-Christian Petitfils, le roi à ses pires ennemis. À compter de ce moment, sans qu'aucune décision formelle n'ait été prise, les otages royaux devinrent de simples prisonniers[1]. En réalité, le 13 août tard dans la soirée, les prisonniers royaux furent installés provisoirement dans la petite tour - où rien n'était prêt pour les accueillir - en attendant que les travaux d'aménagement de la grande tour visant à transformer celle-ci en nouvelle Bastille soient achevés. L'entrepreneur Palloy chargé des travaux était le même que celui chargé de la démolition de l'ancienne Bastille Cfr Op.cit. J-Chr. Petifils, p.1022[1].
La Convention, nouvelle assemblée remplaçant la Législative, est constituée à la suite d'élections au suffrage universel à deux degrés. Malgré une façade de démocratie - l'obligation tant pour les électeurs que pour les élus de justifier d'un revenu imposable, le cens, avait été supprimée - la Convention n'était, selon Jean-Christian Petitfils, guère fondée à incarner le pays dans sa diversité et ses profondeurs, ne fût-ce qu'en raison des abstentions massives[1]. Elle se réunit pour la première fois le , date de la bataille de Valmy. Le , l'abolition de la royauté est proclamée. Louis XVI est dès lors relégué au rang de simple citoyen et appelé par dérision Louis Capet (du nom des Capétiens, dont les derniers rois de France, les Bourbons, sont une branche cadette).
Les députés se déchirent sur le sort à réserver au roi déchu. Le , la Convention crée une commission de 24 membres, présidée par le Girondin Charles Barbaroux, chargée de l'inventaire de l'énorme masse de documents de tout ordre (correspondances, mémoires, registres) trouvés lors du sac des Tuileries.
Mais, du rapport présenté le 6 novembre par Charles Dufriche-Valazé, il ne ressort qu'une grande confusion, de sorte que le président Barbaroux ne peut que demander un supplément d'instruction.
Le lendemain, 7 novembre, Jean-Baptiste Mailhe présente le rapport du comité de législation sur les aspects juridiques. Il s'agissait de répondre à deux questions essentielles : Louis XVI pouvait- il être jugé pour les crimes qu'on lui impute, commis alors qu'il était couvert par l'inviolabilité prévue dans la Constitution? Et si oui, par qui devait-il l'être ? Il conclut que « Louis XVI peut être jugé par la Convention nationale ». Il affirme que « son inviolabilité constitutionnelle ne disparaît que devant la Nation toute entière. La Convention seule représente la Nation »[2].
La découverte de « l'armoire de fer » aux Tuileries le , qui contient des documents révélant le double jeu de l'ancien roi, rend le procès inévitable. Les révolutionnaires découvrent pas moins de 625 documents dont les plus accablants révèlent la correspondance secrète du roi et de la reine avec leur allié l'Empereur d'Autriche.
Le , la Convention nationale décide que Louis XVI sera jugé par elle[3]. Le Rapport sur les crimes imputés à Louis Capet est présenté aux représentants du peuple le et énonce 33 chefs d'accusation contre Louis Capet. Le procès commence alors.
Procès
Séance du 11 décembre 1792
C’est Bertrand Barère qui préside la Convention nationale. Il fait lire l’acte énonciatif d’accusation qui fut rédigé sur la base du Rapport sur les crimes imputés à Louis Capet de Robert Lindet. Il procèdera personnellement à l'interrogatoire de Louis XVI.
Louis XVI fait son entrée dans la salle de la Convention nationale. Barère prend la parole :
« Louis, la Nation française vous accuse, l’Assemblée nationale a décrété, le , que vous seriez jugé par elle ; le , elle a décrété que vous seriez traduit à sa barre. On va vous lire l’acte énonciatif des délits qui vous sont imputés… Vous pouvez vous asseoir. »
Les principaux chefs d’accusation
Parmi les trente-trois chefs d’accusation, on peut retenir[4] :
- 1. Avoir tenté de dissoudre l'Assemblée nationale constituante le ;
- 4. Avoir refusé de contresigner l'abolition des privilèges, votée le , et la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, votée le ;
- 5. Avoir tenté de corrompre certains députés de l'Assemblée constituante, notamment Mirabeau ;
- 7. Avoir fui à Varennes le , et avoir ordonné le massacre du peuple demandant la fin de la monarchie réuni au Champ-de-Mars le ;
- 8. Avoir accepté tacitement (par le silence) la convention de Pilnitz d', prévoyant le retour de la monarchie absolue en France par intervention militaire des autres puissances européennes ;
- 15. Avoir accepté de même l'existence de l'armée des émigrés postée à Coblentz, et destinée à marcher sur Paris - et avoir lié intelligence avec celle-ci ;
- 18. Avoir tenu un double-jeu diplomatique envers les puissances européennes, et avoir formé des alliances secrètes avec elles ;
- 25. Avoir usé du veto royal contre le décret visant les prêtres réfractaires ;
- 33. Avoir donné l'ordre de tirer sur le peuple, et avoir fait « couler le sang des Français ».
Interrogatoire
Louis XVI écouta les chefs d’accusation assis dans le fauteuil où il avait accepté la Constitution. Après que le secrétaire lui a donné lecture de l’acte énonciatif d’accusation, le président Bertrand Barère reprend ensuite chaque article de l’accusation et questionne Louis XVI[5].
- Le Président : Vous êtes accusé d’avoir attenté à la souveraineté du peuple, le .
- Louis : Aucune loi ne me défendait alors de faire ce que je fis à cette époque.
- Le Président : Le , la veille de la prise de la Bastille, vous avez fait marcher des troupes contre Paris ; vous avez fait répandre le sang des citoyens.
- Louis : J’étais le maître de faire marcher des troupes où je voulais. Jamais mon intention n’a été de faire couler le sang.
- Le Président : Vous avez longtemps éludé de faire exécuter les décrets du . Vous avez permis que, dans des orgies faites sous vos yeux, la cocarde tricolore ait été foulée aux pieds.
- Louis : J’ai fait les observations que j’ai cru justes et nécessaires sur les décrets qui m’ont été présentés. Le fait est faux pour la cocarde ; jamais il ne s’est passé devant moi.
- Le Président : Vous avez répandu de l’argent parmi les ouvriers du faubourg Saint-Antoine, pour les mettre dans votre parti.
- Louis : Je n’avais pas de plus grand plaisir que celui de donner à ceux qui avaient besoin ; il n’y avait rien en cela qui tînt à quelque projet.
- Le Président : Vous avez feint une indisposition pour aller à Saint-Cloud ou à Rambouillet, sous le prétexte de rétablir votre santé.
- Louis : Cette accusation est absurde.
- Le Président : Le , vous avez fait verser le sang des citoyens au Champ-de-Mars.
- Louis : Ce qui s’est passé le ne peut m’être imputé.
- Le Président : Vous avez payé vos gardes du corps à Coblentz ; les registres de Septeuil en font foi.
- Louis : Dès que j’ai su que les gardes du corps se formaient de l’autre côté du Rhin, j’ai défendu qu’ils reçussent aucun paiement.
- Le Président : Vous vous êtes tu sur le traité de Pilnitz, par lequel des rois étrangers s’étaient engagés à rétablir en France la monarchie absolue.
- Louis : Je l’ai fait connaître sitôt qu’il est venu à ma connaissance. Au reste, c’est une affaire qui, d’après la constitution, regarde les ministres.
- Le Président : Vous avez fait couler le sang au .
- Louis : Non, monsieur ; ce n’est pas moi, je me défendrai jusqu'à la fin, ce n'est pas moi !
Le roi déchu prononça ces mots avec une véhémente indignation.
L’interrogatoire fut terminé. « Louis, avez-vous quelque chose à ajouter ? », lui demanda le Président.
« Je demande communication des accusations que je viens d’entendre et des pièces qui y sont jointes et la facilité de choisir un conseil pour me défendre ». On lui présenta les pièces produites à l’appui de l’acte énonciatif d’accusation. Louis dit : « Je ne les reconnais pas ». Il ne reconnut pas davantage sa signature et son cachet aux armes de France au bas d’une lettre à l’évêque de Clermont, et affirma ignorer l’existence de « l’armoire de fer » aux Tuileries. L’audience fut terminée.
Défense de Louis XVI
Le , la Convention accorde des défenseurs à Louis XVI : François Denis Tronchet, Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, Guy-Jean-Baptiste Target, Raymond de Sèze.
Plaidoirie de la défense
Extrait de la plaidoirie[6] de Romain de Sèze en faveur de Louis XVI, le
« Citoyens représentants de la Nation, il est donc enfin arrivé ce moment où Louis accusé au nom du peuple français, peut se faire entendre au milieu de ce peuple lui-même ! Il est arrivé ce moment où entouré des conseils que l’humanité et la loi lui ont donnés, il peut présenter à la Nation une défense et développer devant elle les intentions qui l’ont toujours animé ! Citoyens je vous parlerai avec la franchise d’un homme libre : je cherche parmi vous des juges, et je n’y vois que des accusateurs ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis, et c’est vous mêmes qui l’accusez ! Vous voulez et vous avez déjà émis votre vœu ! Vous voulez prononcer sur le sort de Louis et vos opinions parcourent l’Europe ! Louis sera donc le seul Français pour lequel il n’existe aucune loi, ni aucune forme ! Il ne jouira ni de son ancienne condition ni de la nouvelle ! Quelle étrange et inconcevable destinée ! Français, la révolution qui vous régénère a développé en vous de grandes vertus ; mais craignez, qu’elle n’ait affaibli dans vos âmes le sentiment de l’humanité, sans lequel il ne peut y en avoir que de fausses ! Entendez d’avance l’Histoire, qui redira à la renommée : « Louis était monté sur le trône à vingt ans, et à vingt ans il donna l’exemple des mœurs : il n’y porta aucune faiblesse coupable ni aucune passion corruptrice ; il fut économe, juste et sévère ; il s’y montra toujours l’ami constant du peuple. Le peuple désirait la destruction d’un impôt désastreux qui pesait sur lui, il le détruisit ; le peuple demandait l’abolition de la servitude, il commença par l’abolir lui-même dans ses domaines ; le peuple sollicitait des réformes dans la législation criminelle pour l’adoucissement du sort des accusés, il fit ces réformes ; le peuple voulait que des milliers de Français que la rigueur de nos usages avait privés jusqu’alors des droits qui appartiennent aux citoyens, acquissent ces droits ou les recouvrassent, il les en fit jouir par ses lois. Le peuple voulut la liberté, il la lui donna ! Il vint même au-devant de lui par ses sacrifices, et cependant c’est au nom de ce même peuple qu’on demande aujourd’hui… » Citoyens, je n’achève pas… Je m'arrête devant l'Histoire : songez qu’elle jugera votre jugement et que le sien sera celui des siècles. »
En venant à la réfutation des chefs d’accusation, Romain de Sèze les divisa adroitement : tenant pour nuls ceux qui étaient antérieurs à la Constitution ou qui avaient été amnistiés par elle, et ceux qui lui étaient postérieurs mais dont les ministres assumaient légalement, la responsabilité, il nia l’appel à l’étranger et déclara Louis XVI irresponsable des tractations menées par ses frères avec l’Autriche. Il nia pareillement l’envoi des subsides aux émigrés, l’accusation manquant à vrai dire de preuves formelles. Ce fut la partie la moins solide de la défense, ce qui importait d’ailleurs assez peu, les députés de la Convention ayant la conviction que Louis XVI avait pactisé avec l’ennemi.
Déclaration de Louis XVI pour sa défense
Déclaration de Louis XVI pour sa défense le [7]
« On vient de vous exposer mes moyens de défense, je ne les renouvellerai point ! En vous parlant peut-être pour la dernière fois, je vous déclare que ma conscience ne me reproche rien, et que mes défenseurs ne vous ont dit que la vérité.
Je n’ai jamais craint que ma conduite fût examinée publiquement, mais mon cœur est déchiré de trouver dans l’acte d’accusation l’imputation d’avoir voulu répandre le sang du peuple, et surtout que les malheurs du 10 août me soient attribués.
J’avoue que les preuves multipliées que j’avais données dans tous les temps de mon amour pour le peuple, et la manière dont je m’étais toujours conduit, me paraissaient devoir prouver que je craignais peu de m’exposer pour épargner son sang, et éloigner à jamais de moi une pareille imputation[8]. »
Condamnation
Délibérés
Le , à l'issue des débats, les 749 députés sont appelés nominalement (en commençant par le département du Gers) pour répondre à deux questions :
- Louis Capet est-il coupable de conspiration contre la liberté publique et d'attentats contre la sûreté générale de l'État, oui ou non ?
- Le jugement de la Convention nationale contre Louis Capet sera-t-il soumis à la ratification du peuple, oui ou non ?
À la première question, 718 députés étant présents, 642 votent « oui »[9], 32 font diverses déclarations, 3 ne répondent pas et 10 se récusent ou s'abstiennent.[réf. nécessaire]
À la seconde question, 721 députés étant présents, 286 votent « oui », 423 votent « non », et 12 se récusent ou s'abstiennent.
Le 16 et , les députés sont à nouveau appelés nominalement à donner leur avis sur la peine à infliger à l'accusé (en commençant cette fois par le département de la Haute-Garonne). La question du sursis est tranchée lors de la séance du (en commençant à nouveau par le Gers).
À la troisième question portant sur la peine, sur 721 députés étant présents, 366 votent « la mort » et 34 pour la mort avec condition[C'est-à-dire ?] ; 321 votent pour la détention[9].
Le , après que des contestations se sont élevées sur les chiffres énoncés la veille, plusieurs députés n'étant pas d'accord avec les opinions qu'on leur attribuait, un nouvel appel nominatif aboutit exactement à la majorité simple de 361 voix[10]. Certains ont fait remarquer que cette voix était celle du citoyen Philippe-Egalité, ci-devant duc d'Orléans, le cousin du roi. On y ajouta les 26 voix de ceux qui, tout étant pour la mort, avaient demandé que le sursis soit examiné en fonction de l'intérêt public. Ce qui aboutit à une majorité de 387 voix sur 721 votants pour condamner à mort le monarque déchu[1]. Sur les 721 députés présents, 361 votent la mort et 26 pour la mort sous réserve d'examiner la possibilité d'un sursis à exécution (amendement Mailhe) : « Je ferai une observation. Si la mort a une majorité, je pense qu'il serait digne de la Convention nationale d'examiner si il ne serait pas politique et utile de presser ou de retarder le moment de l'exécution[11] ») — sursis à exécution qui pouvait être une tentative déguisée de sauver l'ancien roi en espérant un retournement de situation et en repoussant donc l'exécution de la sentence à jamais. Le vote, commencé le 18 janvier à 10 h 30, ne s'achève que le 19 janvier à deux heures du matin. L'amendement est rejeté par 370 voix contre 310, et 10 absentions[1].
L'accusé est donc condamné à mort, le sursis temporaire à l'exécution de la peine n'étant pas retenu.
Annonce de la condamnation
Vers deux heures de l'après-midi, en cette journée du , la Convention envoie à la maison du Temple une délégation chargée de notifier le verdict au condamné. Ladite délégation est conduite par Dominique Joseph Garat, ministre de la Justice. Il est dans sa tâche assisté de Jacques-René Hébert, substitut du procureur de la Commune, et de Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, l'un des défenseurs de l'ancien roi pendant son procès.
Les voyant arriver, le roi déchu remarque les sanglots de son avocat. Avant même l'énoncé du verdict, il lui déclare : « Je m'attendais à ce que vos larmes m'apprennent ; remettez-vous, mon cher Malesherbes[12]. »
Garat lui annonce alors l'énoncé du verdict puis lui précise aussitôt que la sentence sera mise en œuvre dans les vingt-quatre heures. À la surprise de tous, l'ancien roi reste impassible. Hébert, l'ayant jusqu'alors toujours méprisé et insulté dans ses articles parus dans Le Père Duchesne, écrira plus tard : « Il écouta avec un sang-froid rare la lecture du jugement. Il eut tant d'onction, de dignité, de noblesse, de grandeur dans son maintien et ses paroles, que je ne pus y tenir. Des pleurs de rage vinrent mouiller mes paupières. Il avait dans ses regards et dans ses manières quelque chose de visiblement surnaturel à l'homme. Je me retirai, voulant retenir des larmes qui coulaient malgré moi et bien résolu de finir là mon ministère[13]. »
Requêtes de Louis XVI et réponse de la Convention
Après avoir écouté le verdict le condamnant à la guillotine, Louis XVI formule à la délégation un certain nombre de requêtes : il demande l'octroi de trois jours de délai avant l'exécution pour mieux se préparer à mourir, demande que l'on fasse venir auprès de lui l'abbé Henri Edgeworth de Firmont, que l'on diminue sa surveillance, que sa famille vienne le voir une dernière fois « librement et sans témoin », et enfin que la nation prenne soin de ses proches[14].
Il écrit à la Convention en ces termes :
« Je demande un délai de trois jours pour pouvoir me preparer a paraitre devant la presence de Dieu. Je demande pour cela de pouvoir voir librement la personne que j'indiquerai aux Commissaires de la Commune, et que cette personne soit a l'abri de toutte inquietude et de toutte crainte pour cet Acte de Charité qu'elle remplira aupres de moi. je demande d'estre delivré de la surveillance perpetuelle que le Conseil General a etabli depuis quelques jours.
Je demande dans cet intervalle a pouvoir voir ma famille quand je le demanderai et sans temoins. je désirerois bien que la Convention Nationale s'occupat tout de suitte du sort de ma famille, et qu'elle lui permit de se retirer librement et convenablement ou elle le jugerait a propos.
Je recomende a la bienfaisance de la Nation touttes les personnes qui m'etoient attachés, il y en a beaucoup qui avoient mis toutes leur fortune dans leurs charges, et qui n'aiant plus d'appointements doivent estre dans le besoin, et mesme de celles qui ne vivoient que de leurs appointements. Dans les pensionaires il y a beaucoup de vieillards, de femmes et d'enfants qui n'avoient que cela pour vivre.
a la Tour du Temple le Janvier 1793
[signé] Louis »
La délégation se retire puis revient donner la réponse de la Convention à ces différentes requêtes : celles-ci sont toutes accordées, hormis le délai supplémentaire de trois jours. L'exécution aura donc lieu comme prévu le lendemain.
La délégation se retire définitivement. Il est 18 h en cette soirée du ; le lendemain a lieu l'exécution de l'ancien roi.
Notes et références
- Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, dl 2021 (ISBN 978-2-262-09745-5 et 2-262-09745-3, OCLC 1286322075, lire en ligne)
- Louis-François Jauffret, « Chapitre II- Rapport et projet de décret, présentés à la Convention nationale, au nom du Comité de Législation, le 7 novembre 1792, l'an premier de la République, par Jean Mailhe, député du département de la Haute-Garonne », dans Histoire impartiale du procès de Louis XVI, ci-devant Roi des Français, t. 1, Paris, Chez C. F. Perlet, an 1 de la république (lire en ligne), p. 94-125
- François Denis Tronchet, Chrétien Guillaume de Lamoignon de Malesherbes et Romain de Sèze Le procés de Louis XVI, ou Recueil contenant les décrets qui y sont relatifs, 1793, p. III.
- « Le procès de Louis XVI », sur justice.gouv.fr (consulté le )
- Louis-François Jauffret, Histoire Impartiale du Procès de Louis Xvi, ci-devant roi des Français, 1793, p. 59 à 80.
- L'intégralité de la plaidoirie de Raymond de Sèze dans Causes célèbres de tous les peuples d'Armand Fouquier, 1858.
- Discours de Louis XVI lors de son procès.
- Convention nationale, Débats de la Convention nationale, 1828, p. 248.
- Michel Biard, Philippe Bourdin, Silvia Marzagalli, Révolution, Consulat, Empire : 1789-1815, Pairs, Belin, , 715 p., p. 104
- Simone Bertière, Les reines de France au temps des Bourbons. [4], Marie-Antoinette l'insoumise, Librairie générale française, (ISBN 2-253-15572-1 et 978-2-253-15572-0, OCLC 491042775, lire en ligne)
- Bernardine Melchior-Bonnet, Le Procès de Louis XVI, Paris, Perrin, , 281 p. (lire en ligne), p. 162 à 164
- Jean de Viguerie, Louis XVI, le roi bienfaisant, Éd. du Rocher, Paris, 2003.
- Pierre Lafue, Louis XVI, l'échec de la révolution royale, Hachette, Paris, 1942.
- Bernard Vincent, Louis XVI, Gallimard Folio biographies, 2006, p. 13-14.
Bibliographie
- Claude Goyard (dir), Le bicentenaire du procès du roi, Actes du colloque de Paris, Sénat, , Palais de justice, , F. X. de Guibert, 1993
- Le Procès de Louis XVI, roi de France, avec la liste comparative des appels nominaux et des opinions motivées de chaque membre de la Convention nationale (1797), première édition Paris, 1798 (ouvrage saisi et détruit), 2e édition Paris, Lerouge, 1814 (reprint 1981, publications H. Coston).
- Jacques Isorni, Le Vrai Procès du Roi, Marcel Jullian 277 p., 1980
- Albert Soboul, Le Procès de Louis XVI, Paris, Julliard, 1966, 267 p
- Jacques-Philippe Giboury, Dictionnaire des régicides, Paris, Librairie académique, Perrin, 1989
- Michel Biard, Philippe Bourdin, Silvia Marzagalli, Révolution, Consulat, Empire : 1789-1815, Paris, Belin, 2014, 715 p
- Jean-Clément Martin, L'exécution du roi : 21 janvier 1793 : la France entre République et Révolution, Paris, Perrin, 2021, 411 p
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Rapport relatif au jugement de Louis XVI.
- Le procès de Louis XVI sur le site du ministère de la Justice
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