Référendum constitutionnel roumain de 2018
Un référendum constitutionnel d'origine populaire visant à modifier la définition de la famille dans l'article 48 de la Constitution a lieu les et après un long débat public en Roumanie. Le changement aurait eu pour conséquence de définir le mariage entre deux personnes sous un sens strictement hétérosexuel, rendant inconstitutionnelle une légalisation du mariage homosexuel. Malgré un vote positif de la part de plus de 90 % des votants, le référendum échoue à réunir une participation supérieure au quorum exigé de 30 %, à peine plus de 20 % des électeurs s'étant rendus aux urnes, ce qui en rend le résultat légalement invalide.
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Référendum constitutionnel roumain de 2018 | ||||||||||||||
et | ||||||||||||||
Corps électoral et résultats | ||||||||||||||
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Inscrits | 18 279 011 | |||||||||||||
Votants | 3 857 308 | |||||||||||||
21,10 % | ||||||||||||||
Votes blancs et nuls | 76 111 | |||||||||||||
Mariages hétérosexuels uniquement | ||||||||||||||
Oui | 93,40 % | |||||||||||||
Non | 6,60 % | |||||||||||||
Résultats officiels | ||||||||||||||
Contexte juridique
Si les articles 258-4, 259-1, 271 et 277-1 du Code civil font mention de « maris et femmes », l'article 48-1 de la constitution de la Roumanie définit la famille comme fondée sur le mariage librement consenti entre les « conjoints »[N 1] (en roumain, soți)[1],[2].
Mise en œuvre
Craignant que la définition non genrée de la constitution puisse permettre à l'avenir la légalisation du mariage homosexuel, les membres de l'association Coalition pour la famille (en roumain : Coaliţia pentru Familie) annoncent vouloir l'amender afin qu'elle définisse le mariage comme l'union entre un homme et une femme. La mesure rendrait ainsi la légalisation des mariages entre personnes de même sexe inconstitutionnelle dans le pays[3]. Les promoteurs de l'initiative lancent une initiative fin 2015 afin de réunir sous six mois le quorum de 500 000 signatures nécessaires pour initier une proposition d'amendement constitutionnel en vertu de l'article 150 de la constitution. Activement soutenue par l'Église orthodoxe roumaine, la Coalition pour la famille en recueille plus de trois millions du au [1],[4].
La cour constitutionnelle les déclare valides et ouvre la procédure de projet de loi référendaire le , mais du fait des élections législatives organisées cette année là le projet n'est débattu à la Chambre des députés que le de l'année suivante.
Après un vote favorable de la chambre le par 232 voix pour, 22 contre et 13 abstentions, un référendum légalement contraignant était attendu pour le [5]. Le projet de loi reste néanmoins gelé du fait d'une importante crise politique, qui mène à des modifications de la loi sur l'organisation des référendums.
Le président Klaus Iohannis s'oppose en effet catégoriquement au projet, utilisant tous les moyens à sa disposition pour le faire échouer. Il décide dans un premier temps de bloquer la procédure en accord avec la loi no 3/2000 sur l'organisation des référendums qui lui donne autorité sur la date d'organisation du scrutin, qu'il ne fixe pas. En réaction, la Chambre des députés modifie la loi le , permettant entre autres au gouvernement de désormais fixer lui-même librement la date du vote. La Cour constitutionnelle casse cependant la nouvelle loi, un délai d'un maximum de trente jours étant explicitement mentionné dans la constitution entre le vote du projet et la tenue du scrutin. La chambre modifie alors à nouveau la loi référendaire afin de fixer un délai précis, tout en respectant le maximum de trente jours, de sorte que le président ne dispose plus d'aucune marge de manœuvre. La Chambre des représentants et le Sénat s'accordent par navette sur cet amendement du au .
Iohannis renvoie ensuite la loi devant la Cour constitutionnelle le , mais celle ci la valide le . Aucune autre date n'est alors été fixée, mais les représentants du Parti social-démocrate (PSD) affirment que le référendum devrait avoir lieu à l'automne, le ou le [6]. Le PSD au pouvoir annonce qu'il organisera une manifestation pour soutenir le changement dès l'automne[6], avant d'y renoncer. Malgré une ultime tentative de recours le à l'encontre de la loi référendaire de la part de Iohannis, la Cour constitutionnelle le rejette le , et Iohannis finit par se résigner à l'entériner le [1].
Le Sénat ne se prononce ainsi finalement que le , validant le projet par 107 voix pour, 13 contre et 7 abstentions[7],[8]. Le suivant, la cour constitutionnelle émet un avis confirmant sa légalité par 7 voix contre 2[1]. Début septembre, les dirigeants du PSD s'étaient auparavant accordés sur un décret allongeant la période de vote, qui est étendue du 6 au ; la tenue du scrutin sur deux jours visant à s'assurer d'une plus grande participation[9]. Le , le gouvernement peut ainsi annoncer officiellement la tenue du référendum[1]
Conditions
En accord avec les articles 2 et 90 de la constitution roumaine[10] ainsi que les articles 1 et 5 de la loi électorale no 3 du [11] amendée en 2013 et 2018[12], un tel référendum nécessite pour être déclaré valide que le total des votes favorables atteigne la majorité absolue (50 % +1) des suffrages exprimés et que le total des votes valides atteigne le quorum de 25 % des inscrits, auquel doit s'ajouter un taux de participation minimal de 30 % des inscrits[13].
Prises de position
Seule une minorité de la population soutient ouvertement le mariage homosexuel ou même le partenariat civil en Roumanie. En 2015, 26 % des Roumains sondés se déclaraient favorables au mariage homosexuel, contre 74 % s'y opposant[14]. Plusieurs personnalités notables ou partis politiques majeurs s'opposent cependant à l’organisation du référendum. Selon un sondage organisé en , 34 % des électeurs roumains auraient l'intention de participer au scrutin, dont 90 % en faveur du Oui[15].
Le président Klaus Iohannis, issu de la minorité allemande et de confession luthérienne, a déclaré qu'en tant que membre d'une minorité ethnique et religieuse, il soutient la tolérance et l'ouverture envers ceux qui sont différents tout en rejetant le fanatisme religieux et les ultimatums[16].
L'Union sauvez la Roumanie, un parti d'opposition représentant la troisième force politique au Parlement et seul parti en Roumanie à se déclarer favorable à une légalisation[17], a également tenu un vote interne sur la question et a décidé de s'opposer au référendum[18].
Un projet de loi préparé en concertation avec des ONG et le Conseil national contre les discrimination devait par ailleurs être voté avant la rentrée afin de légaliser les unions civiles ouvertes aux homosexuels. Celles-ci réuniraient les mêmes droits que le mariage à l'exception de l'adoption conjointe. L'Église orthodoxe roumaine s'est déclarée opposée à ce projet[19].
Position | Partis politiques | |
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✔ Pour | Parti social-démocrate (PSD)[20] | |
Parti national libéral (PNL)[21] | ||
Parti Mouvement populaire (PMP)[22],[23] | ||
Parti de la Grande Roumanie (PRM)[24],[25] | ||
Noua Dreaptă (ND)[26] | ||
Parti Roumanie unie (PRU)[27] | ||
Boycott | Union sauvez la Roumanie (USR)[28] | |
Parti vert (PV)[29] | ||
Mouvement Roumanie ensemble (MRI)[30] | ||
Neutre | Alliance des libéraux et démocrates (ALDE)[31] | |
Union démocrate magyare de Roumanie (UDMR)[32] |
Résultats
Le scrutin s'ouvre le de 7 h à 21 h et le de 7 h à 21 h. Au cours de cette première journée de vote, 1 046 583 électeurs se déplacent aux urnes sur 18 millions d'inscrits sur les listes électorales, soit 5,72 % de participation[33]. Le à 19 h 0, heure locale, le taux de participation atteignait 18,87 %, avant de s'établir à 20,96 % à la clôture des bureaux de vote. Le quorum pour modifier la constitution n'étant pas atteint, le référendum est légalement invalide[34].
Choix | Voix | % Votants | % Inscrits | Quorum |
---|---|---|---|---|
Pour | 3 531 732 | 93,40 | 19,32 | |
Contre | 249 412 | 6,60 | 1,36 | |
Votes exprimés | 3 781 144 | 98,03 | 20,69 | 25 % |
Blancs et invalides | 76 111 | 1,97 | 0,42 | |
Total des votants | 3 857 308 | 100,00 | 21,10 | 30 % |
Abstentions | 14 421 703 | 78,90 | ||
Inscrits | 18 279 011 | 100,00 |
Répartition des suffrages exprimés :
Votes Pour (93,40 %) |
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▲ | |||
Majorité absolue |
Répartition des inscrits :
Taux de participation (21,10 %) |
Taux d'abstention (78,90 %) | ||
▲ | |||
Majorité absolue |
Suites
Le Parti social-démocrate, l'Alliance des libéraux et démocrates, l'Union sauvez la Roumanie et l'Union démocrate magyare de Roumanie décident peu après le référendum d'apporter leur soutien au projet de légalisation de l'union civile entre couples de sexes opposés ou de même sexe[36].
Ces unions offrirait aux couples un cadre légal permettant de faire reconnaitre leurs droits en matière de liens familiaux et d'héritage, tout en interdisant explicitement l'adoption. À l'opposé du référendum, le projet de loi ne cherche pas à restreindre ou même définir le sexe des individus liés[37]. Les signataires du projet de loi affirment que celui-ci renforcera le droit à une « vie familiale » pour plusieurs catégories de personnes qui, pour une raison ou pour une autre, ne veulent ou ne peuvent pas avoir recours à un mariage. L'église orthodoxe roumaine renouvelle son opposition à de telles unions, de même que le Parti national libéral.
Les signataires regroupant près de 70 % des membres du Parlement, un vote positif du projet est alors jugé très probable[36]. Le vote est cependant repoussé, puis le projet abandonné à la suite du retrait du soutien du Parti social-démocrate, dont notamment le président de la Chambre, Liviu Dragnea. D'autres projets de légalisation des unions civiles sont déposés par des indépendants ou des membres de l'opposition au cours de l'année suivante. Tous sont rejetés au Sénat[38],[39],[40].
Notes et références
Notes
- Familia se întemeiază pe căsătoria liber consimțită între soți, pe egalitatea acestora și pe dreptul și îndatorirea părinților de a asigura creșterea, educația și instruirea copiilor.
Références
- (de) « Rumänien, 7. Oktober 2018 : Ehe nur zwischen Mann und Frau », sur sudd.ch.
- « ARTICLE 48 - La famille », sur Constitution de la Roumanie, Chambre des députés : « La famille est fondée sur le mariage librement consenti entre les conjoints ».
- (en) Irina Marica, « Romania to organize referendum against same-sex marriages in May », sur Romania-Insider.com, .
- (en) « Romania moves closer to ruling out possibility of legalizing same-sex marriage », sur Reuters, .
- (ro) « Propunere: Referendumul pentru redefinirea familiei, pe 10 iunie », sur Digi 24, .
- (ro) « PSD renunță la marele miting din luna iunie. Când ar putea avea, totuși, loc », sur Digi 24, .
- « Roumanie : un référendum pour rendre inconstitutionnel le mariage homosexuel », sur Le Monde.fr, (consulté le ).
- (en-US) « Romania moves closer to ruling out same-sex marriage », sur yahoo.com, (consulté le ).
- (ro) « Referendum privind redefinirea familiei în Constituţie, pe 7 octombrie », sur Digi24HD, .
- « CONSTITUTION DE LA ROUMANIE », sur www.cdep.ro.
- (ro) « LEGE nr.3 din 22 februarie 2000 privind organizarea şi desfăşurarea referendumului », sur www.cdep.ro.
- (ro) « Legea 341/2013 pentru modificarea si completarea Legii nr. 3/2000 privind organizarea si desfasurarea referendumului. Lege nr. 341/2013 », sur www.dreptonline.ro.
- (ro) « De câte voturi este nevoie pentru aprobarea unui referendum », sur www.digi24.ro, (consulté le ).
- (en) « Religious Belief and National Belonging in Central and Eastern Europe » [PDF], sur pewresearch.org.
- (ro) « Sondaj CURS: 90% dintre cei care merg la referendum vor vota pentru redefinirea familiei », sur www.revista22.ro, .
- (ro) Raluca Pancu, « Iohannis, mesaj pentru cei care vor redefinirea „familiei" în Constituție: E greșit să mergem pe calea fanatismului religios », sur Gândul, .
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- (de) Traian Danciu, « Ein Plebiszit gegen Europa », sur Die Zeit, .
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- (ro) Iulia Roșca, « Traian Băsescu a anunțat ce face la referendum », HotNews.ro, .
- (ro) « Tăriceanu: Suntem obligați să organizăm un referendum pe tema redefinirii familiei. România nu va deveni mai puțin liberală », Digi 24, .
- (ro) « Familia este foarte importanta,familia traditionala romaneasca crestina, noi PRM pe 7 octombrie spunem DA », .
- (ro) « Răspunsuri la aproape toate dezinformările virale și intoxicările mediatice despre Referendumul din 6-7 octombrie », .
- (ro) « Noua Dreaptă organizează "Marşul Normalităţii" », Radio România Actualități, .
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- (ro) « ”O judecată dreaptă va decide”. Ce vor să facă ”Verzii”, Bistrița Civică și comercianții din centru », sur timponline.ro, .
- (ro) « Mișcarea România Împreună nu girează, prin participare, referendumul pentru familie », sur romaniaimpreuna.ro, .
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- (en) « LIVE UPDATES: Romania’s family referendum: 9 PM turnout - 5.72 percent; 1,046,583 voters », sur business-review.eu, .
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- (ro) « Rezultate – BIROUL ELECTORAL CENTRAL », sur referendum2018.bec.ro (consulté le ).
- Noua lege a parteneriatului civil: ce drepturi vor avea homosexualii. Surse: PNL i-a interzis Marei Mareş să semneze iniţiativa
- Projet de loi (en roumain)
- (ro) « Surse: PSD NU mai susține legea parteneriatului civil. Proiectul nu a mai fost depus în Parlament », sur ActiveNews - Știri nefiltrate (consulté le ).
- (ro) https://facebook.com/1362825400, « Ce sanse sunt ca Parlamentul sa adopte legea parteneriatului civil. Surse: Dragnea s-a razgandit. PNL e impartit », sur adevarul.ro, Adevarul, (consulté le ).
- (ro) 68, « Parteneriatul civil a fost respins de Senat », sur www.digi24.ro (consulté le ).
Articles connexes
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