Ravitaillement en vol

Le ravitaillement en vol (en anglais air refueling, in-flight refueling (IFR), air-to-air refueling (AAR), est le processus de transfert de carburant d'avion d'un aéronef militaire (le pétrolier) à un autre (le récepteur) pendant le vol[1]. Les deux principaux systèmes de ravitaillement en carburant sont probe-and-drogue, qui est plus simple à adapter aux aéronefs existants, et la perche volante, qui offre un transfert de carburant plus rapide, mais nécessite un poste de commande de perche dédié.

Ne doit pas être confondu avec le Ravitaillement vertical, qui consiste à livre du matériel au sol depuis un hélicoptère en vol stationnaire

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La procédure permet à l'aéronef de réception de rester plus longtemps dans les airs, prolongeant ainsi son autonomie ou son temps d'attente en station. Une série de ravitaillements en vol peut donner une autonomie limitée uniquement par la fatigue de l'équipage et des facteurs techniques tels que la consommation d'huile moteur. Comme l'avion récepteur peut être rempli de carburant supplémentaire dans les airs, le ravitaillement en vol peut permettre un décollage avec une charge utile plus importante, pouvant être des armes, une cargaison ou du personnel : la masse maximale au décollage est maintenue en transportant moins de carburant et en faisant le plein une fois en vol. Alternativement, un décollage plus court peut être réalisé car le poids au décollage peut être plus faible avant de faire le plein une fois en vol. Le ravitaillement en vol a également été considéré comme un moyen de réduire la consommation de carburant sur les vols longue distance de plus de 5 600 km. Des économies de carburant potentielles de l'ordre de 35 à 40% ont été estimées pour les vols longs-courriers (y compris le carburant utilisé lors des missions de ravitailleurs)[2].

Généralement, l'aéronef fournissant le carburant est spécialement conçu pour cette tâche, bien que des nacelles de ravitaillement puissent être adaptées aux conceptions d'aéronefs existantes si le système "sonde et panier" doit être utilisé. Le coût du matériel de ravitaillement à bord des avions ravitailleurs et des avions récepteurs ainsi que du traitement spécialisé de l'avion à ravitailler (survol très rapproché en formation de ligne) a fait que l'activité n'a été utilisée que dans des opérations militaires. Il n'existe aucune activité de ravitaillement en vol régulière au civil. À l'origine employé peu avant la Seconde Guerre mondiale à une échelle très limitée à étendre la gamme des transatlantiques civils britanniques hydravions, puis après la Seconde Guerre mondiale à grande échelle pour étendre la portée des bombardiers stratégiques, ravitaillement en vol depuis la guerre du Viêt Nam a été largement utilisé dans les opérations militaires à grande échelle. Par exemple, lors de la guerre du Golfe et de l'invasion du Koweït par l'Iraq, toutes les sorties aériennes de la coalition étaient ravitaillées en carburant, à l'exception de quelques sorties d'attaque au sol à courte portée dans la région du Koweït.

Un Lockheed L-1011 TriStar K1 de la Royal Air Force ravitaillant en carburant deux McDonnell-Douglas F/ A-18C Hornets de la marine américaine (2008).

Nécessité et développement

Premiers essais

Le capitaine Lowell H. Smith et le lieutenant John P. Richter recevant le premier ravitaillement en vol le 27 juin 1923, à bord d'un avion piloté par le premier lieutenant Virgil Hine et le premier lieutenant Frank W. Seifert.

Certaines des premières expériences de ravitaillement en vol ont eu lieu dans les années 1920 ; deux avions à vol lent volaient en formation, avec un tuyau descendu d'un réservoir de carburant tenu dans la main d'un avion et placé dans le réservoir de carburant habituel de l'autre. Le premier ravitaillement en vol, basé sur le développement d'Alexander P. de Seversky, entre deux avions a eu lieu le , entre deux biplans Airco DH-4B de l'United States Army Air Service. Un record d'endurance a été établi par trois DH-4B (un récepteur et deux pétroliers) les 27 et , dans lesquels l'appareil récepteur est resté en l'air plus de 37 h, utilisant neuf ravitaillements en vol pour transférer 687 gallons (2 600 L) d'essence pour avions (Avgas) et 38 US gallons (140 L) d'huile moteur. Les mêmes équipages ont démontré l'utilité de cette technique le , lorsqu'un DH-4 volait de Sumas, dans l'État de Washington, à la frontière canado-américaine à destination de Tijuana, au Mexique, atterrissant à San Diego, en effectuant le ravitaillement en vol à Eugene, en Oregon, et Sacramento, en Californie.

Développement après-guerre

Un ravitailleur KB-29M (en haut) ravitaille en carburant le Boeing B-50 Superfortress Lucky Lady II au moyen d'un tuyau bouclé, lors du premier tour du monde sans escale du monde en 1949.

En 1949, un bombardier Boeing B-50 Superfortress (version améliorée du B-29) appelé Lucky Lady II entre dans l'histoire en effectuant le premier vol autour du monde sans escale, grâce à plusieurs ravitaillement en vol effectués par des KB-29. Il se pose le sur la base texane dont il était parti, après 94 h de vol. Au delà de l'exploit technique et humain, il s'agissait d'une démonstration de force à l'adresse des soviétique, montrant qu'aucun point de la carte n'était hors de portée des bombardiers américains[3].

Techniques et standards

Probe-and-drogue

Dans technique probe-and-drogue, l'avion ravitailleur déploie derrière lui un tuyau relativement souple, terminée par un panier-parachute qui le freine et le stabilise par sa trainée aérodynamique. L'avion à ravitailler est équipé d'une perche. Le pilote de l'avion ravitaillé est chargé de la manœuvre, il doit positionner la perche de son avion derrière le panier et prendre très légèrement de la vitesse sur le ravitailleur pour l'enclencher dans le tuyau. Une fois cette opération réalisée, le transfert de carburant peut commencer[4].

Perche télescopique

Dans cette deuxième technique, l'avion à ravitailler se place derrière et sous le ravitailleur. L'avion ravitailleur est chargé de la manœuvre. Il déploie une perche télescopique qui vient d'emboiter dans un réceptacle placé sur le dos de l'avion ravitaillé. Cette technique permet un débit supérieur de carburant, de l'ordre de 3 000 L/min. Cependant, les petits appareils comme les chasseurs ne peuvent pas accepter un tel débit, et leur ravitaillement n'est pas plus rapide qu'avec la technique probe-and-drogue. En revanche, la perche télescopique permet de ravitailler plus rapidement des gros avions (bombardiers, avions-cargos), et elle se prête naturellement à leur manque de maniabilité comparée aux chasseurs, leur rôle étant passif. Cette technique nécessite un équipement important sur l'avion ravitailleur, avec un poste dédié pour le pilote de la perche[4].

Histoire opérationnelle

Guerre de Corée

La première mission opérationnelle en temps de guerre utilisant un ravitaillement en vol a lieu le . Ce jour là, trois RF-80A de reconnaissance photographique sont ravitaillés par un KB-29 au dessus de la Mer du Japon, pour une longue mission au-dessus de la Corée du Nord[5].

Guerre des Malouines

Pendant ce conflit, la Royal Air Force britannique mène une série de raids sur des cibles sur les Malouines depuis une base située sur l'Île de l'Ascension, à une distance de 6 300 km. Elle ne dispose comme ravitailleur que de bombardier Handley Page Victor transformés, d'une capacité assez limitée. Ainsi, pour que deux bombardiers lourds Avro Vulcan puissent frapper aux Malouines et revenir à Ascension, pas moins de onze Victors sont nécessaires, certains étant là uniquement pour ravitailler d'autres ravitailleurs[6].

Conflits successifs dans le Golfe

L'opération Tempête du désert a utilisé le ravitaillement en vol à très grande échelle, plus qu'aucune opération précédente. Plus de 300 avions ravitailleurs ont été utilisés par la coalition, et ont effectué près de 5 000 sorties au total[7].

Avions ravitailleurs

Ravitailleurs dérivés d'avions de lignes

Le Boeing KC-135 Stratotanker, premier avion à réaction dédié au ravitaillement en vol, a été développé en parallèle avec le Boeing 707 et partage nombre d'élément avec lui, même si son fuselage est plus petit. Cet avion est entré en service en 1957 et constitue, depuis cette date, un élément-clé de la capacité de projection à longue distance de l'US Air Force. Plus de 700 exemplaires ont été construits. Une grande partie ont été, dans les années 1980, remotorisés avec des réacteurs plus modernes, augmentant considérablement leur capacité. Outre l'US Air Force, l'Armée de l'air française a aussi acheté cet avion (14 exemplaires). Le Chili, Singapour, et la Turquie ont ensuite acheté des avions américains d'occasion. En 2021, le KC-135 est en cours de retrait progressif[8].

Le KC-10 Extender est un ravitailleur en vol dérivé du gros-porteur Douglas DC-10. Lancé pour disposer d'un ravitailleur complémentaire au KC-135, de capacité supérieure, il est entré en service en 1981. Soixante exemplaires ont été construits[9].

À la fin des années 1970, la Royal Air Force a acheté des Vickers VC10, des avions de ligne longs-courriers qui commençaient à être retirés du service commercial, et les a convertis en ravitailleurs[10]. La guerre des Malouines ayant fait apparaitre la nécessité d'un avion de capacité supérieure, des Lockeed L-1011 Tristar, appareils de même taille que les DC-10, s'y sont ajoutés dans les années 1980. Après leur retrait de la RAF, certains de ces appareils ont été achetés par une société militaire privée américaine[11].

Airbus a développé deux ravitailleurs : l'Airbus A310 MRTT, utilisé par les armées de l'air allemande et canadienne, a été construit sur la base de cellules d'A310 d'occasion. Il associe au ravitaillement d'autres capacités (transport de palettes, de troupes, évacuation sanitaire, etc.). L'Airbus A330 MRTT est dérivé de l'A330, il a été vendu à la France, la Grande-Bretagne, l'Australie, la Corée du Sud, Singapour, l'Arabie saoudite, les Émirats, l'Espagne, et un groupe de pays de l'OTAN, pour un total de 61 exemplaires[12].

Le Boeing KC-46 est un Boeing 767 transformé en ravitailleur, il remplace progressivement les KC-135 de l'USAF.

Avions-cargos militaires

Plusieurs avions cargos militaires possèdent la capacité de ravitailler en vol (et peuvent eux-mêmes être ravitaillés).

L'Airbus A400M peut recevoir deux nacelles de ravitaillement sous les ailes, et ainsi ravitailler deux appareils à la fois. Sa capacité de carburant est de 50 tonnes, et, pour les missions de ravitaillement, peut être inclus en plaçant deux réservoirs complémentaires (6 tonnes chacun) dans la soute[13].

Avions plus légers en buddy refueling

Un A-6, avion d'attaque au sol, équipé pour ravitailler un super-étendard

Certains avions plus petits, comme des chasseurs ou des avions d'attaque au sol, peuvent être équipés en buddy refueling, c'est-à-dire pour ravitailler un avion du même type, ou de la même catégorie. Dans ce cas, l'avion reçoit sur un de ses points d'emport une nacelle dédiée, capable de déployer une sonde de ravitaillement (technique probe-and-drogue). Il est aussi équipé de plusieurs réservoirs externes et son armement est réduit au minimum. Il devient ainsi un petit ravitailleur, capable de fournir du carburant (en quantité très modeste par rapport à une citerne volante) à un avion ami[14].

Drones

Le drone MQ-25 a la capacité de ravitailler les F-18 et les F-35 et est actuellement en développement. Les pilotes peuvent avoir du mal au début car ils n'ont pas la même confiance dans les drones que dans les avions ravitailleurs pilotés[15].

Applications civiles

Une éphémère application civile du ravitaillement en vol a existé juste avant le seconde guerre mondiale. Quatre hydravions à coque Short Empire, utilisés par Empire Airways (en) (absorbé peu après par la BOAC) ont, à partir de 1938, été équippés d'équippement pour le ravitaillement en vol et de réservoirs supplémentaires, pour devenir capables de liaisons transatlantiques. Deux Handley Page H.P.54 Harrow ont été modifiés pour le rôle de ravitailleurs, et opéraient l'un depuis l'Irlande, l'autre depuis Terre-Neuve. Les modifications sur les avions avaient été effectuées par la société Cobham, toujours impliquée, en 2022, dans le ravitaillement en vol[16].

Le ravitaillement en vol pourrait potentiellement être utilisé sur des vols civils long-courrier, comme méthode pour réduire la consommation de carburant. En effet, un avion long-courrier est lesté par la quantité de carburant nécessaire : le dernier litre de carburant utilisé à l'atterrissage a du être transporté pendant tout le vol. En utilisant le ravitaillement en vol, il serait théoriquement possible de faire voler l'avion moins chargé. Dans une étude publiée en 2014 est étudié le cas d'un vol de 9 000 km, utilisant un ravitaillement en vol à mi-chemin. Différents types d'avion ravitailleurs sont considérés, avions de lignes modifiés (Boeing 767 par exemple), ou d'une configuration aérodynamique plus avancée (type aile volante). Il en ressort qu'une économie nette de carburant est possible par rapport à un vol direct classique, pouvant aller jusqu'à 15%. Certains scénarios permettent aussi une (très faible) économie par rapport à un vol avec une escale[17].

Au cinéma

  • Docteur Folamour (1964) a enregistré de véritables images d'une opération "en plein boom" entre l'US Air Force KC-135 Stratotanker et le B-52 Stratofortress dans un air turbulent.
  • En pleine tempête contient une scène où un hélicoptère HH-60 tente de faire le plein en cas de mauvais temps, mais ne réussit pas. Ceci était basé sur de vrais événements survenus lors de la Tempête de l'Halloween en 1991.
  • Nimitz, retour vers l'enfer (1980) contient de véritables images d'une opération "enquête-drogue" entre un Intruder KA-6 de la marine américaine et un F-14 Tomcat de l'USS Nimitz (CVN-68).
  • La Somme de toutes les peurs comporte une séquence de ravitaillement en vol avec le NEACP E-4B. Dans le commentaire, l'auteur Tom Clancy décrit le ravitaillement en vol comme « un rapport sexuel entre deux avions à 35 000 pieds ».
  • Air Force One contient une séquence dans laquelle un pétrolier KC-10 reçoit l'ordre de ravitailler en vol Air Force One, mais l'avion détourné devient instable. Le pirate de l'air lance Air Force One dans la rampe de ravitaillement en carburant provoquant un incendie et l'explosion du pétrolier KC-10.
  • Furtif présente une scène où EDI tente de faire le plein chez un gros transporteur de carburant ressemblant à un dirigeable, mais se voit refuser l'accès à l'avion. En réponse, EDI tire l'ancre flottante du tuyau et se fixe directement au tuyau.

Notes et références

  1. (en) "AAR" can also stand for After Action Review (i.e. debriefing); "IFR" also stands for Instrument Flight Rules.
  2. (en) Nangia, « Operations and aircraft design towards greener civil aviation using air-to-air refuelling », The Aeronautical Journal, vol. Paper no 3088., no November, , p. 705–721 (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  3. (en) « Lucky Lady II: The story of the first non-stop, round-the-world flight », sur www.fai.org, (consulté le )
  4. (en) Federation of American Scientists, Air Force Aerial Refueling Methods: Flying Boom versus Hose-and-Drogue, (lire en ligne).
  5. William Cahill, « The Korean War and the Maturation of SAC Reconnaissance », Air Power History, vol. 59, no 3, , p. 38–53 (ISSN 1044-016X, lire en ligne, consulté le )
  6. « OPERATION BLACK BUCK 1 DURING OPERATION CORPORATE: 30 Apr – 1 May 1982 | Wycombe World Online - RAF High Wycombe », sur www.wycombeworldonline.co.uk (consulté le )
  7. « 'Largest Air Refueling Operation In History' Highlighted During Tanker Living Legends Series », sur www.defense-aerospace.com (consulté le )
  8. (en-US) « KC-135 Stratotanker », sur U.S. Air Force (consulté le )
  9. Paul E. Eden, Encyclopedia of modern military aircraft, Amber Books Ltd, (ISBN 1-904687-84-9 et 978-1-904687-84-9, OCLC 79862721, lire en ligne)
  10. « RAF VC10s », sur vc10.net (consulté le )
  11. (en) Tyler Rogoway, « Retired RAF Tristars Will Get New Lives As Contracted Aerial Refuellers », sur The Drive (consulté le )
  12. (en) « Ventes et livraison (Airbus) »
  13. (en-US) Christina Mackenzie, « French A400M completes helicopter-refueling drills », sur Defense News, (consulté le )
  14. United States Navy et McDonnell Aircraft, F-4 Phantom II Pilot's Flight Operating Manual, (lire en ligne)
  15. « Se connecter à Facebook », sur Facebook (consulté le )
  16. Richard K. Air Force History and Museums Program, Seventy-five years of inflight refueling : highlights, 1923-1998, Air Force History and Museums Program, (ISBN 0-16-049779-5 et 978-0-16-049779-7, OCLC 40388423, lire en ligne), p. 15
  17. (en) G. Rocca et M. Li, « CONCEPTUAL DESIGN OF A PASSENGER AIRCRAFT FOR AERIAL REFUELING OPERATIONS », sur www.semanticscholar.org, (consulté le )

Voir également

Articles connexes

Bibliographie

  • René J. Francillon, Éric Fauré et Michel Bénichou, La grande histoire du ravitaillement en vol, Clichy, coll. « Docavia » (no 62), , 176 p. (ISBN 978-2-84890-145-9, EAN 9782848901459, BNF 42022547)

Liens externes

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