Rayon de Schwarzschild
En physique et en astronomie, le rayon de Schwarzschild est le rayon de l'horizon d'un trou noir de Schwarzschild, lequel est un trou noir dont la charge électrique et le moment cinétique sont nuls. Cela signifie qu'en dessous de ce rayon tous les photons (circulant à la vitesse de la lumière) ont (en oubliant qu'on est dans un cadre relativiste) des trajectoires elliptiques et ne peuvent s'échapper[N 1].
« demi-rayon de Schwarzschild » et « rayon gravitationnel » redirigent ici. Pour les autres significations, voir rayon et Schwarzschild.
Par extension, c'est une longueur intervenant dans la description relativiste du champ gravitationnel créé par une distribution de masse à symétrie sphérique.
Il peut être défini, en première approximation, comme le rayon d'une sphère à partir duquel la masse de l'objet est tellement compacte que la vitesse de libération est égale à la vitesse de la lumière dans le vide, de sorte que la lumière elle-même ne peut s'en échapper.
Il entre dans la définition du trou noir, modélisé par Karl Schwarzschild. En effet, si le rayon de la distribution de masse de l'objet considéré est inférieur au rayon de Schwarzschild, l'objet considéré est un trou noir dont l'horizon est la sphère de rayon égal au rayon de Schwarzschild.
Mise en évidence
L'éponyme[2],[3],[4] du rayon de Schwarzschild[5] est l'astronome allemand Karl Schwarzschild (-) qui l'a mis en évidence, fin [6],[N 2], en apportant la première solution exacte à l'équation d'Einstein[9]. Cette solution, appelée métrique de Schwarzschild, correspond au champ gravitationnel extérieur à une distribution sphérique de masse dans le vide[9]. Elle s'est avérée ultérieurement décrire un trou noir.
Le rayon de Schwarzschild est une des deux singularités de la métrique[10], l'autre étant la singularité gravitationnelle.
Désignation
Le rayon de Schwarzschild est appelé rayon parce qu'il est associé à la coordonnée radiale r du système de coordonnées de Schwarzschild[11] et qu'il a la dimension d'une longueur[5],[10]. Mais, dans le cas d'un trou noir, il ne doit pas être interprété comme la distance qui sépare la singularité de l'horizon[5],[12].
Le rayon de Schwarzschild est aussi connu comme le rayon gravitationnel[13] mais cette même expression sert également à désigner la moitié du rayon de Schwarzschild[14].
Il est aussi appelé la singularité de Schwarzschild[15],[16] car il est une des singularités de la métrique[N 3].
Expression
En unités usuelles, il est obtenu par[5] :
où :
- est le rayon de Schwarzschild, en mètre ;
- est la constante gravitationnelle, en mètre cube par kilogramme par seconde au carré ;
- est la masse de l'objet, en kilogramme ;
- est la vitesse de la lumière dans le vide, en mètre par seconde.
En unités géométriques, il est donné par[15],[17] :
- ,
avec[17] :
- .
Le rayon de Schwarzschild est ainsi proportionnel à la masse de l'objet[18] : .
La constante gravitationnelle et la vitesse de la lumière dans le vide sont deux constantes physiques :
- 6,674 30(15) × 10−11 m3 kg−1 s−2 (valeur standard actuelle selon CODATA 2018) ;
- 2,997 924 58 × 108 m/s.
Par suite :
- 1,485 23(3) × 10−27 m/kg
Et :
- 1,485 23(3) × 10−27 m
Valeur approchée
La valeur approchée du rayon de Schwarzschild est obtenue par :
où :
- est la masse de l'objet ;
- est la masse du Soleil ;
- est l’unité astronomique.
Donc, approximativement, une masse solaire correspond à 3 km de rayon et un milliard de masses solaires correspond à 20 UA de rayon (soit à peu près l’orbite d’Uranus).
Explication
À la fin du XVIIIe siècle, dans le cadre de la théorie corpusculaire de la lumière[19] d'Isaac Newton (-), John Michell (-) dès puis Pierre-Simon de Laplace (-) en [19] ont tous deux obtenu le rayon critique 2GM / c2 en s'appuyant sur les lois newtoniennes du mouvement et de la gravitation[20] et le principe d'équivalence[19],[20] et en considérant, d'une part, que nul objet ne peut s'échapper d'un corps si sa vitesse est inférieure à √2GM / R et, d'autre part, que la lumière se propage dans le vide à une vitesse c finie[20]. C'est cette approche qui est exposée ci-après.
Pour un objet placé dans un champ de gravité d'un corps, la vitesse de libération, notée et exprimée en m/s, est obtenue par :
- ,
où :
- est la constante gravitationnelle ;
- est la masse du corps, exprimée en kilogrammes (kg) ;
- est la distance de l'objet au centre du corps, exprimée en mètres (m).
Cette valeur s'obtient en deux temps :
1) On dit que, pour un satellite, il y a équilibre entre la force centrifuge et l'attraction de l'astre central de masse M : on obtient une « vitesse de satellisation » qui est indépendante de la masse du satellite. et dépend de (voir les lois de Kepler).
2) Pour définir la vitesse de libération , on recherche l'énergie cinétique requise pour s'échapper de l'attraction de l'astre central. Pour ce faire on intègre, entre et l'infini, la valeur de cette énergie cinétique à la distance . On obtient . Ici non plus, la masse du satellite n'intervient pas et où est la vitesse de satellisation à la distance .
Considérons maintenant un objet (satellite) placé à la surface de cette sphère centrale de rayon , alors :
- .
Recherchons la valeur de pour .
Il est le rayon critique prévu par la géométrie de Schwarzschild : si une étoile ou tout autre objet atteint un rayon égal ou inférieur à son rayon de Schwarzschild (qui dépend de sa masse), alors elle devient un trou noir, et tout objet s'approchant à une distance de celui-ci inférieure au rayon de Schwarzschild ne pourra s'en échapper.
Notions connexes
Paramètre gravitationnel standard
Le rayon de Schwarzschild est lié au paramètre gravitationnel standard, noté et égal au produit de la constante gravitationnelle par la masse de l'objet, soit : .
En effet, .
Masse de Planck
La masse de Planck, notée , est, par définition, la masse pour laquelle le rayon de Schwarzschild et la longueur d'onde de Compton, notée , sont égaux à la longueur de Planck, notée .
Masse linéique de Planck
La masse linéique de Planck normalisée est celle d'un trou noir de Schwarzschild de diamètre quelconque.
Ce même facteur intervient dans de nombreuses autres quantités en relativité générale. Par exemple, le rayon minimal d'une orbite circulaire stable autour d'un objet est : si un objet orbite à moins de trois rayons de Schwarzschild d'un autre, il entrera en collision avec la surface (ou sera avalé dans le cas d'un trou noir).
Définition et calcul
Le terme rayon de Schwarzschild est utilisé en physique et en astronomie pour donner un ordre de grandeur de la taille caractéristique à laquelle des effets de relativité générale deviennent nécessaires pour la description d'objets d'une masse donnée. Les seuls objets qui ne sont pas des trous noirs et dont la taille est du même ordre que leur rayon de Schwarzschild sont les étoiles à neutrons (ou pulsars), ainsi que, curieusement, l'univers observable en son entier.
Les distorsions de l'espace-temps au voisinage d'un trou noir rendent le concept de distance un peu subtil. Le terme de rayon de Schwarzschild se réfère en fait au rayon que l'on associerait à un objet d'une circonférence donnée en géométrie euclidienne : il n'est pas possible de mesurer le rayon d'un trou noir en le traversant (puisque rien ne peut s'en échapper), il est par contre possible d'en mesurer la circonférence en faisant le tour sans y pénétrer.
Ce rayon est de ce fait appelé horizon du trou noir (on ne peut voir ce qui se passe à l'intérieur). Le rayon de Schwarzschild est proportionnel à la masse de celui-ci.
Calcul classique
Un calcul de la vitesse de libération de la lumière utilisant uniquement les équations de Newton avait été fait dès 1784 par John Michell.
En mécanique newtonienne, l'énergie cinétique d'un corps en orbite autour du trou noir est donnée par :
- ,
et son énergie potentielle par :
- ,
où :
- est la constante de gravitation,
- la masse du trou noir,
- la masse du corps,
- sa vitesse,
- leur distance.
Si l'énergie potentielle est supérieure à l'énergie cinétique, le corps en orbite ne peut pas s'échapper. En égalisant ces énergies dans le cas d'un corps se déplaçant à la vitesse de la lumière, on obtient :
où est le rayon de Schwarzschild en mètres, la masse du Soleil et la vitesse de la lumière. Toute particule (y compris la lumière) se trouvant à une distance inférieure à du trou noir ne peut pas avoir suffisamment d'énergie cinétique pour se libérer de son influence. La valeur exacte de ce rayon est modifiée dans le cas où l'objet considéré possède une charge électrique non nulle ou un moment cinétique. En pratique, seul le moment cinétique joue un rôle, la charge électrique étant négligeable dans toutes les configurations où des trous noirs sont produits, mais dans tous les cas, le rayon de Schwarzschild exprimé en kilomètres est de l'ordre de trois fois la masse de l'objet considéré exprimée en masses solaires.
Calcul relativiste
Le rayon de Schwarzschild est défini par la valeur au-delà de laquelle la métrique de Schwarzschild devient valide et définit un espace-temps de Schwarzschild.
Dans ce système de coordonnées sphériques, la métrique de Schwarzschild a la forme :
est le rayon de Schwarzschild associé à l'objet massif, qui est la valeur où la métrique devient invalide (intervalle d'espace-temps infini) et représente de ce fait un horizon pour cette métrique.
L'espace-temps de Schwarzschild[21] est une variété d'espace-temps dont la topologie, définie à partir du domaine de validité de la métrique pour , est le produit[21] :
- ,
où est le rayon du corps de masse [21].
Rayon de Schwarzschild des objets astronomiques
Du fait de la petitesse de la quantité dans les unités usuelles, le rayon de Schwarzschild d'un objet astrophysique est très petit : pour la masse de la Terre, il est de seulement 8,9 millimètres. Puisque le rayon moyen de la Terre est d'environ 6 370 kilomètres, la Terre devrait être comprimée jusqu'à atteindre 4 × 1026 fois sa densité actuelle avant de pouvoir s'effondrer en un trou noir. La masse volumique de l'objet ainsi formé soit 2 × 1027 g/cm3 serait très supérieure à celle du noyau des atomes (valeur typique 2 × 1017 g/cm3). Il n'est pas facile de former des trous noirs de faible masse.
Un trou noir stellaire typique a un rayon qui se compte en dizaines de kilomètres. Pour un objet de la masse du Soleil, le rayon de Schwarzschild est d'environ 2,95 kilomètres, ce qui est bien inférieur aux 700 000 kilomètres du rayon actuel du Soleil. Le rayon de Schwarzschild du Soleil est également sensiblement plus petit que le rayon que le Soleil aura après avoir épuisé son carburant nucléaire, soit plusieurs milliers de kilomètres quand il sera devenu une naine blanche. Des étoiles plus massives peuvent cependant s'effondrer en trous noirs à la fin de leur vie. Dans le cas d'un trou noir supermassif, du genre de ceux que l'on trouve au centre de nombreuses galaxies, le trou noir a une masse de quelques millions à plusieurs milliards de masses solaires, pour un rayon de plusieurs millions à plusieurs milliards de kilomètres, soit moins que la taille de l'orbite de Neptune. Cette petite taille rend difficile la détection directe des trous noirs, faute d'une résolution angulaire suffisante. Il reste cependant possible d'imager directement le trou noir central de notre Galaxie par des méthodes d'interférométrie à très longue base (VLBI). D'éventuels trous noirs primordiaux, de très faible masse (quelques milliards de tonnes) pourraient éventuellement exister. De tels trous noirs seraient de taille microscopique, et ne seraient détectables que par leur rayonnement, résultant du phénomène d'évaporation des trous noirs.
Utilisations
Le rayon de Schwarzschild apparaît dans l'expression de nombreux effets relativistes, tels que l'avance du périhélie[22] ou l'effet Shapiro.
Notes et références
Notes
- Le demi-rayon de Schwarzschild ou rayon gravitationnel[1] est la moitié du rayon de Schwarzschild (pour lequel ces trajectoires sont circulaires).
- Entre le , date de parution de l'article d'Einstein sur lequel Schwarzschild s'appuie[7], et le suivant, date de la lettre par laquelle celui-ci annonce sa découverte à Einstein[8].
- L'expression singularité de Schwarzschild peut aussi désigner la singularité gravitationnelle située au-delà de l'horizon des événements d'un trou noir de Schwarzschild[16].
Références
- (en) Gravitational radius sur astrophysicsformulas.com (consulté le 12 juin 2014)
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- Heyvaerts 2012, chap. 9, sect. 9.3, § 9.3.1, p. 194.
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- Taillet, Villain et Febvre 2013, s.v. singularité de Schwarzschild, p. 626, col. 2.
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- Hobson et al. 2009, n. 5, p. 153.
- Rougé 2002, chap. 8, sect. 8.1, § 8.1.3, p. 120.
- Schutz 2003, chap. 4, p. 36.
- Choquet-Bruhat 2008, chap. IV, sect. 5, p. 78.
- Taillet, Villain et Febvre 2013, s.v. avance du périhélie, p. 53, col. 1-2.
Voir aussi
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- [Pérez et al. 2008] José-Philippe Pérez (dir.), Olivier Pujol, Christophe Lagoute, Pascal Puech et Éric Anterrieu, Physique : une introduction, Bruxelles, De Boeck Université, , 1re éd., 1 vol., XII-492, ill. et fig., 21,5 × 27,5 cm (ISBN 978-2-8041-5573-5, EAN 9782804155735, OCLC 244443184, BNF 41139171, SUDOC 122944461, présentation en ligne, lire en ligne).
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Autres
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- [Einsenstead 1982] Jean Eisenstaedt, « Histoire et singularités de la solution de Schwarzschild (-) », Archive for History of Exact Sciences, vol. 27, no 2, , p. 157-198 (OCLC 5547723531, DOI 10.1007/BF00348347, JSTOR 41133669, Bibcode 1982AHES...27..157E).
- [Schutz 2003] (en) Bernard Schutz, Gravity from the ground up : an introductory guide to gravity and general relativity [« un guide d'introduction à la gravitation et à la relativité générale »], Cambridge, Cambridge University Press, hors coll., , 1re éd., 1 vol., XXVI-462, 20,1 × 25,4 cm (ISBN 978-0-521-45506-0, EAN 9780521455060, OCLC 492472672, DOI 10.1017/CBO9780511807800, SUDOC 075868741, présentation en ligne, lire en ligne).
Articles connexes
Liens externes
- [Oxford Index] (en) « Schwarzschild radius » [« rayon de Schwarzschild »], notice d'autorité no 20110803100447401 de l'Oxford Index [html], sur la base de données Oxford Reference de l'OUP.
- (en) Cours astr160 de l'université Yale
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