Sécheresse de 1976 en Europe

La sécheresse de 1976 en Europe a affecté une partie de l'Europe entre l'automne 1975 et l'été 1976[1].

Sécheresse de 1976 en Europe
Localisation
Régions affectées
Caractéristiques
Type
Date

Causes de la sécheresse

Dès décembre 1975, l'anticyclone des Açores, à 1 035 hPa, est remonté vers le nord, au large de l'Irlande, et se trouve donc très proche de son homologue d'Amérique du Nord, à 1 045 hPa sur le sud du Groenland. Ces deux anticyclones conjugués font barrage aux précipitations venant de l'Atlantique et empêchent celles-ci d'arroser l'Europe. En janvier, si les hautes pressions polaires refluent vers l'Amérique, celles de l'Atlantique, au contraire, se rapprochent des côtes européennes, s'installent notamment au nord de l'Espagne et font barrage aux basses pressions islandaises qui pourraient permettre aux nuages de venir sur l'Europe[2].

En février, ce sont encore les anticyclones conjugués des Açores (à 1 025 hPa, des Açores au Portugal) et de Sibérie1 040 hPa sur la Biélorussie, l'Ukraine et la Roumanie) qui font obstacle aux précipitations, phénomène qui se répète en mars et en avril, et qui entraîne de surcroît des coups de froid favorisant le maintien de ces anticyclones tout au long du printemps. Dès le début du mois de mai, le déficit pluviométrique est important et les températures montent très rapidement en conséquence[2], ce qui entraîne « de vives inquiétudes pour les cultures fruitières et légumières, ainsi que pour la production de fourrage » et amène Le Monde à prédire que « s'il ne pleut pas d'ici une quinzaine de jours, la situation deviendra particulièrement grave »[3].

En mai, le front de hautes pressions est quasi constant à 1 020 hPa environ entre la Carélie et Madère, empêchant les précipitations atlantiques d'atteindre l'Europe[2].

Observations météorologiques

Températures

Au mois de mai.

Dès le début du mois de mai, on observe des températures inhabituelles pour l'époque, en particulier en Aquitaine et dans les Charentes :

Au mois de juin.

Les températures observées dans le Sud-Ouest de la France s'élèvent encore, mais des records sont également battus à Paris et surtout en Angleterre :

Au mois de juillet.

Pluviométrie

En France, au printemps, les sols ne sont pas aussi secs qu'ils ont pu l'être lors de certains printemps postérieurs (2003, 2006, 2007, 2010, 2011, 2012, 2014, 2017 et 2018 notamment) grâce à quelques épisodes pluvieux en février et en avril. En revanche, le printemps 1976 se caractérise par un niveau assez bas des nappes phréatiques à cause d'un léger déficit pluviométrique de l'hiver[6].

Avec un déficit en pluie de 46 % sur la France, le printemps 1976 est le deuxième printemps le plus sec observé depuis le début des mesures fiabilisées de Météo France en 1959 et après la sécheresse de juillet 2022[7],[8],[9],[10]. Le déficit de précipitations en 1976 est très marqué notamment au nord d'une ligne Bordeaux-Metz, le littoral méditerranéen restant excédentaire sur l'année[1]. À Évreux, le total cumulé des précipitations d'avril, mai et juin est de 21 mm d'eau contre 150 mm habituellement[11].

Les précipitations ne sont pas inexistantes, notamment en juin, mais il s'agit souvent d'orages très violents, accompagnés de grêle qui ravage les cultures, et dont l'eau ne s'infiltre pas en raison de la dureté des sols[2],[12].

Au Royaume-Uni, la pluviométrie cumulée moyenne pour les deux mois de juin et juillet 1976 est de 49 mm[13]. Certains comtés, au Sud-Ouest du pays, connurent 45 jours consécutifs sans précipitations[14]. La pluie revient en Angleterre fin août[15] et en France dès le mois de septembre.

Impact de la sécheresse

Conséquences sur l'agriculture et les prix alimentaires

En France.

Dès le mois de mai, les agriculteurs constatent le déficit pluviométrique et en redoutent l'impact sur les cultures. Dans son édition des 13 et 14 juin, Le Monde indique que « la récolte sera inférieure de 20 millions de quintaux aux prévisions les plus optimistes ». Le même journal fait état le 16 juin de l'augmentation du kilo de tomates de 4,30 francs à 7,20 francs en une semaine[3].

L'eau se réchauffe aussi (la mer est à 22 °C début juillet sur les côtes landaises) et la pisciculture en souffre également, avec la mort de nombreux poissons soit par manque d'oxygène (dans les bassins) soit par concentration trop importante de polluants (dans les rivières)[2].

Le 28 juin, M. Lemaire, un agriculteur de Cuinchy, se suicide[3]. Au total, la canicule fait 6 000 décès en surnombre, mais le bilan humain est passé inaperçu durant la calamité[16],[17].

En Allemagne

Dans le centre de l'Allemagne de l'Ouest (de l'Eifel jusqu'à la Franconie), la sécheresse compromet les récoltes agricoles : sont compromises notamment les cultures vivrières (betteraves, pommes de terre), mais aussi l'élevage bovin, porcin, volailler[18].

Conséquences hydrologiques

Dès le mois de juin, la production hydroélectrique baisse de 30 % faute d'eau dans les réservoirs de barrage[3],[19]. La Loire est quasiment à sec à Tours[20].

Incendies de forêt

Les premiers incendies se déclenchèrent début juin en Charente, mais c'est surtout le grand incendie de la Palmyre, près de Royan, en août qui fut médiatisé : près de 1 000 hectares touchés dans une zone très touristique[21],[22]. Au total, on estime que près de 90 000 hectares ont été brûlés au cours de l'été 1976[23]. Le Journal officiel de la République française mentionne quant à lui un total de « 105 000 hectares de forêts, landes, maquis et garrigues [qui] ont été brûlés en France en 1976, soit 1,33 % de la forêt française. À titre de comparaison, de 1960 à 1975, la moyenne annuelle touchée par les incendies sur l'ensemble du territoire français est de 32 000 hectares. »[24].

Mesures de lutte contre la sécheresse

Intervention de l'armée française, pour transporter la paille destinée aux éleveurs. Ici, le 57e régiment de transmissions en Bourgogne.

Une opération de solidarité permet avec l'aide logistique de l'armée française de transporter du fourrage aux zones sinistrées. L'armée délivrera des millions de mètres cubes d'eau potable aux communes qui n'en disposent plus[25].

La taxation de l'exportation de paille et de fourrage est décidée le 17 juin, accompagnée d'une aide de 50 millions de francs français destinée aux départements qui manquent d'eau, et de 146 millions de francs destinés aux éleveurs[3],[19].

Alors que la sécheresse est maximale, le , Valéry Giscard d'Estaing, président de la République, évoque la possibilité de lever un impôt exceptionnel. La mesure se concrétise le 25 août par une aide de 2,2 milliards de francs, financés par une majoration de 4 à 8 % de l’impôt sur le revenu au-dessus d’un seuil défini (payable également sous forme de prêt) C'est notamment cette augmentation des prélèvements qui conduit à la démission de Jacques Chirac de son poste de premier ministre. Les estimations de coût global sont :

  • 0,5 % de croissance économique en moins en France,
  • 4 milliards de francs de perte commerciale pour le pays[19].

Références culturelles

Littérature

  • 1990 : L'appel des engoulevents, 3e tome de Des grives aux loups (roman), par Claude Michelet. La sécheresse de 1976 y est longuement évoquée : elle est décrite dans le département de la Corrèze, notamment avec ses conséquences sur l'agriculture, l'hydrologie et les feux de forêts.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. « Comparaison des sécheresses de 2006 et 1976 », Météo-France, (consulté le )
  2. « Sécheresse de 1976 », Reynald Artaud, Météo passion, ? (consulté le )
  3. « À quoi ressemblait la sécheresse de 1976 ? », Le Monde, (consulté le )
  4. (en) « June 1976-a prolonged heatwave », Weather shop, ? (consulté le )
  5. (en) « The incredible heat-wave of 23rd June/8th July 1976 », Royston (Iceni) Weather Station, (consulté le )
  6. « Chaleur et sécheresse : mai, juin et juillet devraient ressembler à avril… », macommune.info, (consulté le )
  7. « Printemps 2011: le plus chaud depuis 1900, le plus sec depuis 50 ans », L'Express, (consulté le )
  8. « L'année 2011 a été plus chaude, et le printemps le plus sec », Enviscope, (consulté le )
  9. « La FNSEA redoute une sécheresse plus grave qu'en 1976 », RMC, (consulté le )
  10. « Météo Franc-comtoise », sur www.facebook.com (consulté le )
  11. « Les catastrophes météorologiques en Haute-Normandie », Agence Régionale de l'Environnement de Haute-Normandie, (consulté le )
  12. « [ARCHIVES] 2011 année de sécheresse. Dans le rétro : 1976 et 2003 », Sud Ouest, (consulté le )
  13. (en) « Endless summer rekindles memories of '76 », The Independent, (consulté le )
  14. (en) « Worst heatwaves in history: timeline », The Telegraph, (consulté le )
  15. (en) « The great drought », The Guardian, (consulté le )
  16. Benjamin Lysaniuk, « Souffler le froid et le chaud », Communications, no 101, (DOI 10.3917/commu.101.0159, lire en ligne)
  17. « La France et les Français face à la canicule : les leçons d'une crise », sur www.senat.fr,
  18. (de) « Diffuser Schaden », Der Spiegel, (consulté le )
  19. CORINNE LAURENT, « En 1976, un « impôt sécheresse » pour payer la note de la canicule », La Croix, (consulté le )
  20. (fr) La Nouvelle République du Centre-Ouest, édition du 28 juin 1976, (en) « Une réalité de la grande sécheresse de 1976: la pénurie d'eau », Ludovic Bonneaud, (consulté le )
  21. « L'incendie de la forêt de la Coubre en 1976 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), France 3, (consulté le )
  22. Basile Lemaire, « Arvert, le spectre de l'incendie », Sud Ouest, (consulté le )
  23. « Chronique des feux de forêts (1976-2010) »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), Ministère de l'Agriculture, (consulté le )
  24. « Bois et forêts - interdiction de l 'emploi des défoliants en France - Intervention 31623 » [PDF], Journal officiel de la République française, (consulté le )
  25. « Le souvenir amer de l´été 1976 », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
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