Abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse

L’abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse (Sacra 'd San Michel ëd la Ciusa en piémontais et Abbazia di San Michele della Chiusa ou Sacra di San Michele en italien) est une abbaye catholique située à 30 km à l'ouest de Turin, sur le mont Pirchiriano (962 m), à l'entrée du val de Suse, sur les communes de Sant'Ambrogio di Torino et de Chiusa di San Michele. Elle se trouve sur l'un des itinéraires de la via Francigena, chemin de pèlerinage historique qui mène à Rome.

Pour les articles homonymes, voir Abbaye Saint-Michel et Saint-Michel.

Abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse
L'Abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse en hiver.
Présentation
Type
Culte
Rattachement
Fondation
Xe siècle
Diocèse
Style
Surface
500 m2
Religion
Patrimonialité
Bien culturel italien (d)
Visiteurs par an
85 963 ()
Site web
Localisation
Pays
Région
Commune
Coordonnées
45° 05′ 53″ N, 7° 20′ 37″ E

Son indépendance territoriale, protégée par les papes successifs, de 987 à 1379, lui a permis d'avoir un très grand rayonnement culturel, très proche de la dynamique de la réforme bénédictine clunisienne. Elle entretint donc tout ce temps des relations subtiles avec ce territoire.

Histoire

Plan du complexe de l'Abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse dans un dessin d'Alfredo d'Andrade (1899).
Bâtiment principal de l'Abbaye : en bas à gauche, sur un affleurement de roche entre le monastère et l'église, la statue en bronze de saint Michel l'Archange créée en 2005 par le sculpteur du Tyrol du Sud Paul Moroder.

Dès l'époque romaine, il y a une garnison militaire sur ce belvédère pour surveiller la route reliant la plaine du Pô à la Gaule par le Val de Suse et le col de Montgenèvre, point de départ de la Via Domitia vers la vallée de la Durance. Une voie moins fréquentée permettait d'accéder à la vallée de la Maurienne par le col du Fréjus[1].

Vers 980, l'ermite Jean Vincent (Giovanni Vincenzo), disciple de Romuald de Ravenne, s'est installé au col de la Cella, sur le Monte Caprasio, en face du mont Pirchiriano. Une nuit, l'archange saint Michel lui apparaît et lui ordonne de reconstruire l'oratoire sur le mont Pirchiriano où il s'est installé et a été consacré par l'évêque de Turin, Amizon (989-998), fils d'Ardouin le Gable.

Hugues d'Auvergne[2], plus justement Hugues Maurice, seigneur de Montboissier[3], surnommé « le Décousu » s'est rendu à Rome avec son épouse Isengarde pour expier ses innombrables péchés. Le pape l'engage à construire un monastère. Il revient en France par la vallée de Suse où il s'arrête chez des amis qui lui parlent de l'oratoire de saint Michel sur le Pirchiriano. Il décide alors d'acheter le terrain à un Arduin, probablement Arduin, marquis d'Ivrée, pour rendre les moines indépendants du pouvoir temporel.

L'abbaye est probablement fondée vers 983-987 par Hugues de Montboissier le Décousu avec l'appui de la famille Ardouin près d'une ancienne chapelle construite par l'ermite Jean Vincent. Il obtient un privilège de l'évêque de Turin Amizon pour les futurs moines. Son fils, Maurice de Montboissier, revient en Piémont pour achever la fondation et intervenir auprès d'Otton III pour obtenir une confirmation et de Sylvestre II, entre 998 et 1002.

Guillaume de Volpiano se rend en pèlerinage à l'abbaye Saint-Michel de Cluse vers 987[4].

Grâce à l'initiative de Hugues de Montboissier et au recrutement systématique des abbés et des moines en Auvergne, se développe une hospitalité internationale, un ferment modérateur de politique régionale[5].

Une bulle du pape Innocent III de 1226 confirme la possession de droits dans les diocèses alpins de Genève jusqu'à Die, entre Poitiers et le Puy dans le Massif central, ainsi que dans les diocèses de Gascogne, des Pyrénées, d'Avignon, de Gérone jusqu'au Comminges[6].

L'abbaye de Saint-Michel-de-la-Cluse possédait par exemple déjà au XIe siècle, un prieuré à Albignac en Corrèze ou à Chamonix dans le comté de Genève[7].

Au XVIIe siècle, le prince Eugène de Savoie est nommé abbé commendataire de l'abbaye à l'âge de sept ans[8]. En 1622, le pape Grégoire XV supprime le monachisme dans l’abbaye. L'édifice est resté deux cents ans inoccupé.

En 1836, Charles-Albert de Sardaigne a confié la restauration de l'abbaye à Antonio Rosmini et y a transféré 27 dépouilles de la famille de Savoie. Le 23 août 1836, le pape Grégoire XVI a confié l'abbaye aux pères rosminiens.

Architecture

Escalier des Morts.
Détails sculptés et arcs-boutants.

Saint-Michel de la Cluse, une des abbayes bénédictines les plus célèbres, figure aujourd'hui parmi les plus importants ensembles architecturaux de la période romane présents en Europe. La structure architecturale de l'abbaye est tout à fait particulière. Les masses rocheuses accidentées de la montagne se fondent avec l'ensemble constitué par le soubassement, les marches et les contreforts de soutènement pour former un seul corps[9].

La particularité de l'église, outre son architecture extérieure, est de s'organiser autour d'un escalier central baptisé l'Escalier des Morts, où les illustres habitants du monastère étaient autrefois enterrés. Aujourd'hui, seuls cinq tombeaux subsistent. Cet escalier s'achève, en son plus haut point, sur le Portail du Zodiaque.

Culture et pèlerinage

L'Abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse en novembre.
L'Abbaye Saint-Michel-de-la-Cluse en hiver

La Sacra est un lieu qui a toujours accueilli pèlerins ou voyageurs et reste un important site touristique et culturel de la région du Piémont. Il est le théâtre de nombreuses initiatives cultuelles et culturelles. Encore aujourd'hui il est possible de réserver une des cellules et de vivre dans les lieux habités par saint Anselme d'Aoste et par les moines de Cluny[10].

Abbés

Abbés réguliers
  • 999 — 1002 - Advert, moine de l'abbaye de Lézat[11] ;
  • 1002 — 1045 - Benoît I ;
  • 1045 — 1066 - Pierre I ;
  • 1066 — 1091 - Benoît II, moine de l'abbaye de Saint-Hilaire ;
  • 1091 — 1095 - Guillaume I ;
  • 1095 — 1124 - Ermenegaldo ;
  • 1124 — 1142 - Gaufret ;
  • 1142 — 1148 - Boniface I ;
  • 1148 — 1170 - Stefano ;
  • 1170 — 1200 - Benoît III ;
  • 1200 — 1227 - Pierre II ;
  • 1227 — 1239 - Elia ;
  • 1239 — 1244 - Matteo ;
  • 1244 — 1261 - Guillaume II, fils du seigneur Richard de La Chambre, vicomte de Maurienne ;
  • 1261 — 1283 - Decano ;
  • 1283 — 1292 - Raimondo ;
  • 1292 — 1298 - Riccardo ;
  • 1298 — 1308 - Andrea ;
  • 1308 — 1310 - Antonio ;
  • 1310 — 1325 - Guillaume III, fils du seigneur Thomas III de Savoie-Piémont ;
  • 1325 — 1359 - Rodolfo di Mombello ;
  • 1359 — 1361 - Ugone di Marbosco ;
  • 1361 — 1362 - Giacomo ;
  • 1362 — 1379 - Pierre de Fongeret ;
Abbés commendataires

Moines et personnalités célèbres

  • Ponce de Montboissier (°v. 1103 - †. ), moine de l'abbaye Saint-Michel de la Cluse, abbé de l'abbaye de Vézelay en 1138-1161. Il dut surmonter l'opposition des moines, des évêques d'Autun, Humbert de Bâgé, et Henri de Bourgogne (frère du duc Eudes), et enfin contenir l'hostilité des comte de Nevers, Guillaume II et Guillaume III qui soutiennent les habitants de la ville contre l'abbaye. Il ordonna à Hugues de Poitiers de rédiger l'Histoire de Vézelay[12]. Ce fut de son temps le que se tint à Vézelay cette assemblée où l'on résolut une nouvelle croisade[13].

Terriers, propriétés, dépendances

Abbayes, prieurés, églises

Dans la fiction

L'abbaye aurait servi de modèle à Umberto Eco pour son roman Le Nom de la rose.

Notes et références

  1. Un poste militaire romain est situé au verrou de Cluse pour contrôler le passage des Alpes cottiennes qui les Romains ont conquis en 63 av. J.-C.. A. De Bernardi a émis l'hypothèse qu'une chapelle avait été construite à proximité du castrum à l'époque de Constantin pour les soldats chrétiens. En 461, le Val de Suse est occupé par le Burgondes, en 476 les Hérules d'Odoacre ont saccagé et occupé les villages de la vallée qui est reprise par les Byzantins l'année suivante. Après avoir défaits les Ostrogoths de Totila, les ducs byzantins dominent le nord de l'Italie, mais, entre 569 et 773, ce sont les Lombards qui dominent avant d'être battus par les Francs de Charlemagne. Les substructions d'une chapelle datant de l'époque mérovingienne a été trouvée dans les substructions de l'abbaye. Cette chapelle était peut-être déjà dédiée à l'archange saint Michel dont le culte aurait été introduit en Occident au Ve ou VIe siècle par des moines persans venus de Byzance à partir du sanctuaire de Monte Gargano. Le culte de saint Michel est souvent implanté dans des lieux élevés et solitaires.
  2. Mariotte 1978, p. 245.
  3. Daniel Martin (sous la dir.), L'identité de l'Auvergne: mythe ou réalité historique : essai sur une histoire de l'Auvergne des origines à nos jours, Éditions Créer, , 717 p. (ISBN 978-2-90979-770-0, lire en ligne), p. 250.
  4. Véronique Gazeau et Monique Goullet, Guillaume de Volpiano, un réformateur en son temps (962-1031)], traduit de la Vita domni Willelmi du chroniqueur Raoul Glaber, Caen, 2008, p. 92, (ISBN 978-2-902685-61-5) (lire en ligne).
  5. « Des origines aux Benedictins - Sacra di San Michele », sur Sacra di san michele (consulté le ).
  6. Mariotte 1978, p. 246.
  7. Mariotte 1978, p. 241.
  8. Histoire du Prince Eugène, Vienne, 1761. T. I p. 5
  9. Sources : "Les Itinéraires de la Foi" - Ville de Turin
  10. Sources : "Les Itinéraires de la Foi" - Ville de Torino
  11. Hélène Débax, La féodalité languedocienne: XIe-XIIe siècles : serments, hommages et fiefs, p. 36 (aperçu)
  12. Cette histoire se termine en 1167. Hugues de Poitiers y fait des reproches aux moines de Cluny
  13. Graham Runnalls, An Abbot of Vezelay: Ponce de Montboissier, Londres 1918
  14. Dominique Dilphy, Les châteaux et maisons fortes du Pays du Mont-Blanc, Sallanches, Les Chats-Huants de Charousse, , 47 p., p. 7.
  15. Dom Claude de Vic, Dom Joseph Vaissète, Histoire générale du Languedoc, notes 148.

Voir aussi

Bibliographie

  • A. De Bernardi, La Sacra de Saint-Michel, dans Congrès archéologique de France. 128e session. Piémont. 1971, Société française d'archéologie, Paris, 1972, p. 565-579
  • Christian Lauranson-Rosaz, L'abbaye de Saint-Michel de la Cluse et le Midi de la Gaule, Xe-XIIIe siècles, dans sous la direction de Frederi Arneodo, Paola Guglielmotti, dans Attraverso le Alpi : S. Michele, Novalesa, S. Teofredo e altre reti monastiche atti del Convegno internazionale di studi, Cervére-Valgrana, 12-14 marzo 2004, Edipuglia, 2008, p. 39-61, (ISBN 978-88-7228-535-0) (lire en ligne)
  • Jean-Yves Mariotte, « Les origines du prieuré de Chamonix », Bibliothèque de l'École des chartes, vol. 136, no 2, , p. 241-269 (lire en ligne) (Présentation de l'abbaye des pages 245 à ).

Articles connexes

Liens externes

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