Studio 54 (Broadway)

Le Studio 54 est une ancienne discothèque de New York, située à Broadway au 254 ouest de la 54e rue, dans une ancienne salle d'opéra construite en 1927, puis studio de télévision de CBS. Rencontrant le succès dès le premier jour de son ouverture, son apogée dure une trentaine de mois, entre 1977 et 1980.

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Studio 54
Logo du Studio 54.
Géolocalisation sur la carte : New York

Histoire

La transformation de l'ancien théâtre en discothèque de 2 000 personnes est faite par Steve Rubell (en), 33 ans à l'époque et avocat de formation, avec Ian Schrager (en), 30 ans[1], assistés par Carmen D'Alessio, ainsi que Jack Dushey au financement. Le Studio 54 ouvre entre et , époque de liberté « après la guerre du Vietnam et juste avant les années Reagan, après la pilule et avant le sida »[2]. La discothèque voit passer toutes les grandes stars du moment et reste un haut lieu de la scène underground new-yorkaise. Elle acquit rapidement un statut international et la réputation de plus grande boîte de nuit de tous les temps[3]. La musique diffusée est principalement du disco et le lieu reste considéré comme le symbole de l'apothéose de cette musique[2].

Lors de la soirée d'inauguration le [1], Carmen d'Alessio, connue pour son carnet d'adresses, envoie 5 000 invitations à travers le monde aux plus grandes stars du moment, avec un cadeau personnalisé pour chacune d'elles. L'événement est annoncé dans la presse par un simple « il va se passer quelque chose d'énorme ».

Steve Rubell a l'idée de réunir sur une même piste de danse les plus grandes stars et les plus « in » des messieurs et mesdemoiselles « tout le monde »[1] pour peu qu'ils soient « intéressants »[4]. « Un public c'est comme une salade : il y a plusieurs ingrédients, il faut juste savoir les mélanger » précise l'intéressé[5]. « Homos, gotha, jet-set et artistes underground » composent la foule d'habitués[5], même si rétrospectivement la culture underground se voit exagérée par la suite[3]. L'endroit devient « incontournable »[2]. De véritables marées humaines envahissent l'entrée chaque soirée, dans l'espoir d'avoir l'immense chance d'être choisi(es) par le portier pour rejoindre la piste.

Steve Rubell, qui a donné sa véritable âme à la discothèque, est réputé pour être impitoyable à l'entrée, refusant ou acceptant les célébrités ou les inconnus[1] : l'accès devient alors une sorte de casting[2] avec une nette préférence pour les personnes « belles ». « Une dictature à la porte et une démocratie à l'intérieur » souligne Andy Warhol[4]. Il arrive parfois à Steve Rubell de laisser sa boîte presque vide avec plus de 5 000 personnes à l'entrée, pour la simple raison qu'à ses yeux, il est préférable d'avoir une boite presque vide plutôt que de laisser entrer une seule personne mal habillée[5]. Smoking et tenue de soirée sont l'un des moyens d'y rentrer parfois plus facilement[3]. Steve Rubell avait même été jusqu'à refouler Cher ou autres VIP, parce que ce soir-là, ils avaient commis l'une ou l'autre faute de goût. Nile Rodgers du groupe Chic en fait l'expérience : le , avec son partenaire bassiste Bernard Edwards, ils se font refouler à l'entrée du club ; ils rentrent chez eux en colère et se mettent à composer un riff sur lequel ils chantent « Aaaah Fuck Off! Fuck Studio 54! » qu'ils transforment en « Aaaah Freak Out! le Freak, c'est chic! ». Le titre devient un tube planétaire[6],[n 1]. « Une démocratie sur le dance floor mais une dictature à la porte d'entrée » scande Andy Warhol[8]. Cela dit, la discothèque est, les trois quarts du temps, pleine à craquer.

La quasi-impossibilité d'y entrer est à ce point connue que lorsqu'ils créent les blue jeans Studio 54, le slogan devient « Now everybody can get into Studio 54 » : « Maintenant, tout le monde peut entrer dans le Studio 54 » (dans le jeans !)

Temple de la drogue sans complexe[8], du sexe désinhibé et de tous les excès, c'est le seul endroit à l'époque où il est décent de se laisser aller complètement. Le dernier balcon (vestige de l'ancien théâtre en mezzanine avec des sièges) est réservé aux rencontres sexuelles selon la légende, et le premier carré VIP du monde (la cave du studio), est encore plus imbibée de cocaïne, de LSD et de quaalude que le reste de la boîte[8]. Par exemple, il est courant de faire tomber des ballons du plafond, avec un peu de cocaïne dedans. La cocaïne tombe alors littéralement du ciel et il suffit de faire exploser les ballons. Mêmes les décors sont composés de néons représentant la lune en train de renifler de la drogue[5]. Cette omniprésence de la drogue va d'ailleurs entrainer la chute du Studio 54 ; loin de l'optimisme festif au départ des années disco, elle va peu à peu ronger l'ambiance[9].

David Lachapelle, actuel grand photographe de mode, travaille en tant que serveur dans ce bar mythique, lorsqu'il est étudiant. La liste des VIP fréquentant le lieu reste interminable, avec Dali en manteau de vison, Bianca Jagger grande figure du lieu[5] et parfois presque nue, Karl Lagerfeld costumé, Michael Jackson et Diana Ross mettant l'ambiance ou Marisa Berenson[10]. Mais également, la foule se compose de banquiers, drag-queens, mannequins, de punks avec comme fil conducteur le sens du style[2]. La soirée sans doute la plus marquante reste l'anniversaire de Bianca Jagger en avec un cheval blanc pénétrant sur la piste[8].

Lors d'une sévère perquisition la nuit du , révélant une fraude fiscale chiffrée à 2,5 millions de dollars de l'époque et la distribution de toutes sortes de drogues au personnel et aux clients, Rubell et Schrager sont arrêtés et contraints à la fermeture. Cela met fin aux 33 mois les plus fous de l'Histoire des discothèques. Les deux protagonistes écopent de treize mois de prison[11]. Plus tard sont retrouvés un million de $ en liquide et une importante quantité de cocaïne à l'intérieur des murs du Studio[11]. Ils sont néanmoins autorisés à organiser une dernière soirée d'adieu appelée « The End of Modern-day Gomorrah » le .

Le studio est racheté pour 4,5 millions de dollars par le propriétaire de restaurants et dancings Mark Fleischman et est ouvert de nouveau le . Steve Rubell y est embauché comme directeur artistique. Cependant, les temps ont changé, la folie du disco est passée. L'âme du Studio 54 s'est évaporée, le succès n'est plus au rendez-vous du fait d'une forte concurrence entre discothèques : « la magie avait disparu »[12]. Il ferme définitivement ses portes en 1986[11]. Il ouvre brièvement en 1994 après une rénovation qui coûte plusieurs millions de dollars.

Cette discothèque est devenue un véritable modèle pour toutes les grandes discothèques du monde qui ont suivi. Le mélange des stars et des anonymes, le cruel filtrage à l'entrée, les carrés VIP, les baignoires de champagne, l'attitude no limit… sont nés au Studio 54. Ils avaient même déjà compris que refuser certaines stars à l'entrée était bon pour la notoriété du Studio. Bob Colacello écrit que « plus qu'une boite de nuit, ce fut un véritable phénomène sociologique au carrefour de l'ère protestataire de la fin des années 1970 et du règne de l'argent des années 1980 »[1]. « Ce fut le Taj Mahal de la boite de nuit, le Graal discomaniaque, du glam et du strass, les jardins suspendus de la sueur et de la coke…[1] ».

Aujourd'hui

Le Studio 54 est recréé dans l'hôtel-casino MGM Grand de Las Vegas (un temps le plus grand hôtel du monde), et y siège pendant 15 ans, de à .

Hommage

Le film Studio 54, réalisé par Mark Christopher et sorti en 1998, met en vedette Mike Myers, Ryan Phillippe, Salma Hayek et Neve Campbell. Il rend un hommage à ce club légendaire, dont il retrace les grandes étapes. La même année sort Les Derniers Jours du disco, largement inspiré de l'expérience personnelle du réalisateur ; ce même réalisateur publie un roman homonyme deux ans plus tard[3].


Notes

  1. Bernard Edwards et Nile Rodgers du groupe Chic étaient invités à la soirée du nouvel an (1978) par Grace Jones. Arrivés à l'entrée de la discothèque, le videur ne les laisse pas rentrer, sous prétexte qu'il s'agit d'une soirée privée. Les deux membres rétorquent qu'ils ont été invités par Donna Summer, mais le videur ne plie pas. Les deux, infortunés, rentrent alors chez eux énervés et commencent à composer une chanson intitulée Fuck off. Ils trouvent la chanson bonne et décident de la renommer Freak out. Le titre fera du chemin jusqu'à devenir la fameuse chanson Le Freak. Cette dernière sera l'un des plus gros tubes du groupe, symbole de la musique disco. Cette anecdote souvent reprise est confirmée par Nile Rodgers lors d'une interview : « C'était le soir du réveillon 1977. Grace Jones nous avait invité au Studio 54, nous nous sommes présenté à l'entrée des artistes et on s'est fait jeter. de retour chez nous, on a trouvé avec bernard le refrain « Fuck off, fuck Studio 54 ». En studio, le refrain a été remplacé par « Freak out, le freak c'est chic »[7]. »

Références

  1. Vignado 2017, p. 124.
  2. Gyldén 2018, p. 48.
  3. Armanet et Stillman 2014, p. 66.
  4. (en) Design Museum et Paula Reed, Fifty Fashion Looks that Changed the 1970s, Londres, Conran Octopus, coll. « Fifty Fashion Looks », , 112 p. (ISBN 978-1840916058), « Studio 54 : The biggest party ever thrown », p. 96
  5. Charlotte Brunel, « Culture Club, la nuit affole la mode : New York le Studio 54 », L'Express Styles, no supplément à L'Express n° 3253, 6 au 12 novembre 2013, p. 116 à 117
  6. « Nile Rodgers, Daft Punk », Obsession, no 10, , p. 59 (ISSN 0029-4713).
  7. Éric Bureau, « Nile Rodgers, c'est chic », Le Parisien, no 23133, , p. 30 (ISSN 0767-3558)
  8. Gyldén 2018, p. 50.
  9. Armanet et Stillman 2014, p. 67.
  10. Vignado 2017, p. 124 à 125.
  11. Vignado 2017, p. 125.
  12. Gyldén 2018, p. 51.

Source

  • Dorane Vignando, « Let's dance ! », L'Obs, no 2770, du 7 au 13 décembre 2017, p. 124 à 125 (ISSN 0029-4713). 
  • Entretien avec le photographe Allan Tannenbaum (en), in : Axel Gyldén, « Mes années disco au Studio 54 », L'Express, no 3511, , p. 48 à 51 (ISSN 0014-5270). 
  • Entretien avec Whit Stillman, in : François Armanet, « Mythologie : mes années disco », Le Nouvel observateur, no 2593, , p. 66 à 68 (ISSN 0029-4713). 

Voir aussi

Bibliographie

  • Ian Schragen, Studio 54, 2017, Rizzoli

Articles connexes

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