Suite généralisée
En mathématiques, la notion de suite généralisée, ou suite de Moore-Smith[1], ou filet[2],[3], étend celle de suite, en indexant les éléments d'une famille par des éléments d'un ensemble ordonné filtrant qui n'est plus nécessairement celui des entiers naturels.
Définition
Pour tout ensemble X, une suite généralisée d'éléments de X est une famille d'éléments de X indexée par un ensemble ordonné filtrant A. Par filtrant (à droite), on entend que toute paire dans A possède un majorant dans A[4].
Filets et filtres
Soit un filet dans un ensemble E et, pour tout , . L'ensemble est une base de filtre de E, appelé base du filtre élémentaire associé au filet .
Réciproquement, soit un filtre sur un ensemble E, une base de , ordonnée par l'inclusion. Pour tout , soit . Le filet est dit associé à .
Deux filets et sont dits équivalents (on précise parfois : AA équivalents, car d'autres types d'équivalences sont possibles et celui-ci est dû à Aarnes et Andenæes) si les filtres élémentaires qui leur sont associés sont identiques[5].
En particulier, deux suites et dans E sont des filets équivalents si, et seulement si les deux conditions suivantes sont vérifiées[6] :
- (i) les ensembles de leurs valeurs ne diffèrent que par un nombre fini de points ;
- (ii) pour tout point , est fini si, et seulement si est fini.
Par exemple, les suites (0,5,6,7,8,...) et (1,5,6,7,8,...) sont des filets équivalents.
Sous-filets
Il existe plusieurs notions de sous-filet (en)[7]. Détaillons-en quelques-unes parmi les plus importantes :
- (1) Un filet dans E est un « sous-filet au sens de Aarnes et Andenæes », ou « AA sous-filet », de , si le filtre élémentaire associé à y est plus fin que le filtre élémentaire associé à x. Cela revient à dire que pour tout , il existe tel que [8],[5]. Deux filets sont équivalents si, et seulement si chacun d'eux est un AA sous-filet de l'autre.
- (2) Un filet dans E est un « sous-filet de Kelley »[9] de s'il existe une fonction telle que pour tout , il existe tel que , et pour tout .
- (3) Un filet dans E est un « sous-filet de Willard »[10],[8] de s'il existe une fonction croissante telle que pour tout , il existe vérifiant , et pour tout . Par exemple, le filet (1, 1, 2, 3, 4, ...) est un sous-filet de Willard du filet (1, 2, 3, 4, ...).
- (4) Soit un filet dans E. Un sous-ensemble J de I est dit fréquent si pour tout , il existe tel que . Alors est appelé un « sous-filet fréquent » de x. Un sous-filet fréquent d'une suite est une suite extraite .
On a de façon générale :
Par exemple, le filet (1, 1, 2, 2, 3, 3, …) est un sous-filet de Willard, mais non pas un sous-filet fréquent, de la suite (1, 2, 3, …). Soit, pour , et si n est pair, si n est impair. Alors est un sous-filet de Kelley de , mais pas un sous-filet de Willard. Enfin, il existe des exemples de AA sous-filets qui ne sont pas des sous-filets de Kelley[5].
Un AA sous-filet d'un filet x est équivalent à un sous-filet de Willard de x. Pour les questions de convergence, en topologie, on peut donc employer de manière équivalente les notions de sous-filet de Willard, de sous-filet de Kelley, ou de AA sous-filet. En revanche, la notion de sous-filet fréquent (bien qu'elle soit la généralisation naturelle de celle de suite extraite) présente des inconvénients, comme on le montre plus loin.
Dans ce qui suit, sauf mention du contraire, les sous-filets sont des AA sous-filets.
Ultrafilet
On dit qu'un filet est ultimement dans un sous-ensemble A de E s'il existe tel que pour tout .
Un filet x dans un ensemble E est appelé un ultrafilet si pour tout sous-ensemble A, x est ultimement dans A ou dans son complémentaire. Si est un ultrafiltre, tout filet associé à est un ultrafilet. Réciproquement, si x est un ultrafilet, le filtre élémentaire associé à x est un ultrafiltre[11].
Tout filet admet un sous-filet qui est un ultrafilet. En effet, soit x un filet dans E, le filtre élémentaire associé à x, un ultrafiltre plus fin que , et y un filet associé à ; alors y est un sous-filet de x et est un ultrafilet.
Notions topologiques
Les notions usuelles de limite de suite et de suite de Cauchy s'étendent aux filets :
- dans un espace topologique, on dit qu'un filet converge vers a si pour tout voisinage U de a, il existe tel que pour tout , l'élément appartienne à U. Cela équivaut à dire que le filtre élémentaire associé à converge vers a.
- dans un espace uniforme, un filet est dit de Cauchy si pour tout entourage V, il existe tel que pour tous , le couple appartienne à V. Cela revient à dire que le filtre élémentaire associé à est un filtre de Cauchy.
Théorème — Soient E et F deux espaces topologiques et a un point de E.
Une application est continue en a si et seulement si pour tout filet convergeant vers a dans E, le filet converge vers dans F.
Théorème — Soient E un espace topologique et A une partie de E.
De manière générale, les propriétés des filets se déduisent des propriétés des filtres élémentaires qui leur sont associés. En particulier :
- Un point a de E est dit adhérent au filet si pour tout voisinage U de a, et tout , il existe tel que . Cela revient à dire que a est adhérent au filtre élémentaire associé au filet , ou encore qu'il existe un sous-filet de convergeant vers a.
- Un espace topologique séparé E est compact si, et seulement si tout ultrafilet de E est convergent ou, de manière équivalente, si tout filet de E admet un sous-filet convergent.
- Soit, dans un espace vectoriel topologique E, un filet , et disons qu'il est borné s'il existe tel que est un sous-ensemble borné de E. Cela équivaut à dire que le filtre élémentaire associé à est borné. L'espace E est quasi complet si, et seulement si tout filet de Cauchy borné de E est convergent. Une suite de Cauchy est un filet borné, mais un filet de Cauchy ne l'est pas nécessairement.
- Remarque
- Dans un espace compact mais non séquentiellement compact, il existe une suite qui n'a pas de suite extraite convergente, mais qui a un AA sous-filet (ou un sous-filet de Willard) convergent. Ce sous-filet n'est donc pas équivalent à un sous-filet fréquent de . La notion de sous-filet fréquent n'est donc pas adaptée aux questions de topologie.
Notes et références
- (en) Eliakim H. Moore et Herman L. Smith (en), « A general theory of limits », Amer. J. Math., vol. 44, no 2, , p. 101-121 (lire en ligne [PDF]).
- Vilmos Komornik, Précis d'analyse réelle, tome 1. Topologie. Calcul différentiel. Méthodes d'approximation, Éditions Ellipses, , 200 p. (ISBN 978-2-7298-0678-1).
- A. Kirillov, Éléments de la théorie des représentations, Éditions de Moscou, , p. 9.
- L. Kantorovitch et G. Akilov, Analyse fonctionnelle, t. 1, Éditions de Moscou, , p. 14.
- (en) J. F. Aarnes et P. R. Andenæes, « On nets and filters », Math. Scand., vol. 31, , p. 285-292 (lire en ligne)
- (en) Eric Schechter, Handbook of Analysis and Its Foundations, San Diego, Academic Press, , 883 p. (ISBN 978-0-08-053299-8, lire en ligne), p. 167.
- Schechter 1997, chap. 7.
- Schechter 1997, p. 162.
- (en) John L. Kelley, General Topology, Springer, , p. 70
- (en) Stephen Willard, General Topology, Mineola, N.Y., Dover Publications, , 369 p. (ISBN 978-0-486-43479-7, lire en ligne), p. 73.
- (en) R. G. Bartle (en), « Nets and filters in topology », Amer. Math. Monthly, vol. 62, no 8, , p. 551-557 (JSTOR 2307247).
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