Viole de gambe

La viole de gambe, ou viole, est un instrument de musique à cordes et à frettes joué à l'aide d'un archet. La famille des violes, qui a dominé la vie musicale européenne dès le XVe siècle, se distingue de celle des violons principalement par le nombre des cordes (six et non quatre, en boyau), la présence de frettes divisant la touche comme sur le luth ou la guitare, la tenue de l'instrument sur ou entre les genoux (d'où le terme italien viola da gamba (prononcé : [ˈvjɔːla da ˈɡamba]) par opposition à la viola da braccio) et la tenue de l'archet, qui permet de modifier la tension des crins.

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Ne doit pas être confondu avec Vièle.

Viole de gambe

Au premier plan une viole de gambe, au second plan une viola da braccio (Retable d'Issenheim par Mathias Grünewald).

Variantes historiques Pardessus de viole - Dessus de viole - Viole de gambe alto - Viole de gambe ténor - Basse de viole de gambe - Grande basse de viole
Classification Instrument à cordes
Famille Instrument à cordes frottées
Instruments voisins Viola da braccio
Facteurs bien connus Gasparo da Salò

Contrairement à une idée communément répandue, la famille des violes de gambe n'est pas l'ancêtre de celle des violons. Elles sont apparues presque simultanément et ont cohabité jusqu'à la période baroque, mais les violes sont tombées dans l'oubli vers la fin du XVIIIe siècle et jusqu'au renouveau de la musique baroque sur instruments d'époque à la fin du XXe siècle.

Comme tous les instruments de la Renaissance, la viole de gambe existe en différentes tailles, à l'image des différentes voix humaines : dessus, viole alto, viole ténor, basse de viole, grande basse et contrebasse de viole, auxquelles est ajoutée en France au XVIIIe siècle une viole plus petite, le pardessus de viole, pour permettre aux nobles de jouer le répertoire du violon, dont l'usage était à l'origine réservé aux maîtres de danse (ou maîtres à danser).

Famille des violes de gambe

La famille des violes compte sept instruments, tous tenus entre les jambes, sauf la contrebasse. Par ordre de taille croissant, ce sont :

  • Pardessus de viole, accordée une octave plus haut que la viole ténor (en conservant toutefois la tierce do-mi), et parfois seulement à 5 cordes (sol, ré, la, ré, sol)[1].
  • Dessus de viole (ré, sol, do, mi, la, ré)
  • Viole de gambe alto (historiquement rarement utilisée : do, fa, si bémol, ré, sol, do)
  • Viole de gambe ténor (ou taille de viole) (sol, do, fa, la, ré, sol)
  • Viole de gambe basse (ou basse de viol) à 6 ou 7 cordes (ré, sol, do, mi, la, ré, parfois la grave)
  • Grande basse de viole de gambe ou violone en sol (sol, do, fa, la, ré, sol)
  • Contrebasse de viole ou violone en ré (ré, sol, do, mi, la, ré)
InstrumentAccord
Pardessus de viole
Dessus de viole
Viole de gambe alto
Viole de gambe ténor
Basse de viole de gambe
Grande basse de viole
Contre basse de viole

Histoire des violes de gambe

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Origines : de l'Espagne à l'Italie

La viole de gambe est née dans la région de Valence en Espagne à la fin du XVe siècle. La première peinture représentant une viole de gambe jouée par un ange, trouvée à Xàtiva, date de 1475[2]. Par ses frettes, le nombre de ses cordes (six) et l'accord (en quartes, avec une tierce au milieu), cet instrument dérive du luth ou de la vihuela. La viole de gambe peut être considérée comme un « luth à archet ». On la joue en la tenant sur les genoux, d'où son nom, venant de l'italien gamba qui signifie jambe.

La famille des violes de gambe.

La viole de gambe dérive du vihuela d'arco. Elle s'est d'abord développée en Espagne, puis a connu des heures de gloire en Italie. En effet, l'année 1492, l'Espagnol Valencian Rodrigo Borja (en italien Borgia) fut élu au trône papal et devint Alexandre VI. Or le pape amena de nombreux violistes à Rome, lesquels étaient employés pour la musique d'église. La viole eut alors un succès énorme en Italie et Isabelle d'Este, amoureuse de la « viole a la spagnola » en commanda plusieurs à Giovanni Kerlino un luthier renommé de Brescia.

Instruments de la Renaissance

Ces nouvelles violes fleurirent un peu partout sur le sol fertile de la Renaissance italienne, et, au début du XVIe siècle, un nombre considérable de traités (à une époque où l'impression des livres était extrêmement chère), contribua à la rapide diffusion et à l'immense popularité du nouvel instrument. Ces travaux sont intéressants, par leur avance incroyable et leur compréhension sophistiquée des possibilités expressives d'un instrument à cordes. Ainsi, en 1542 et 1543, le traité de Ganassi, Regola Rubertina, ne trouva pas d'égal avant le traité de Leopold Mozart en 1756.

Des centres de fabrication de l'instrument en Italie, sont nés des instruments magnifiques. D'importantes « dynasties » de luthiers comme Amati, Stradivari, Guarneri et Ruggieri contribuèrent à élever le nom de Crémone au plus haut niveau. La ville de Brescia comporte aussi deux noms, Gasparo da Salò (1549 – 1609), et Giovanni Paolo Maggini (1580 - 1630) dont les instruments sont considérés comme des instruments de premier choix par les solistes actuels. De Crémone, Brescia, mais aussi Milan, Venise, Mantoue, Bologne, Florence, Rome et Naples sont sortis, de 1540 à 1780, des viola da gamba et viola da braccio viole de bras » : c'est ainsi que l'on nommait les instruments de la famille du violon) dont la qualité est longtemps restée inégalée. De l'Italie et de l'Espagne, la viole de gambe s'est alors diffusée dans toute l'Europe. Elle fut en vogue jusqu’à la Révolution française, bien que certains en jouassent encore jusque vers 1800.

L'éclipse

Le répertoire de cet instrument, tombé dans l'oubli pendant plus de deux siècles, ressortit à la musique baroque. La viole a, en effet, été supplantée par le violoncelle, malgré le traité d'Hubert Le Blanc : Défense de la basse de viole contre les entreprises du violon et les prétentions du violoncelle (1740) et la tentative de création par Michel Corrette, vers 1780, d'un hybride, la viole d'Orphée, définie par ce dernier comme un « nouvel instrument ajusté sur l'ancienne viole, utile en concert pour accompagner la voix et pour jouer des sonates », avec cette encourageante addition : « Les dames, en jouant de notre viole d'Orphée, n'en paraîtront que plus aimables, l'attitude étant aussi avantageuse que celle du clavecin. » La viole d'Orphée était dotée de cordes en métal et ne possédait pas de frettes. Elle avait une sonorité totalement différente de la viole et du violoncelle, chargée d'harmonique, particulièrement timbrée. L'ensemble Lachrimæ Consort a reconstitué l'instrument et l'a enregistré (viole d'Orphée : Philippe Foulon). Si la viole a fini par disparaître, c'est parce que le violon, qui était à l'origine un instrument de rue et de cabaret dont le noble ne pouvait pas jouer, prenait peu à peu ses lettres de noblesse... De plus, pendant la Révolution française et après, les violes, sans doute jugées trop aristocratiques, furent transformées en violoncelles, violons et altos...

La redécouverte

Depuis la redécouverte de la musique baroque, ou du moins la découverte de sa spécificité en tant que telle, dans le dernier tiers du XXe siècle, la viole a progressivement été remise au goût du jour, notamment par des interprètes comme les St Georges (pères et fils), Hannelore Müller, August Wenzinger, et plus récemment Wieland Kuijken. Jordi Savall et le film Tous les matins du monde d'Alain Corneau, pour lequel le luthier Pierre Jaquier a réalisé les instruments, ont grandement participé à populariser la viole auprès du grand public. Les pièces initialement écrites pour viole mais jouées lors de la période romantique sur violoncelle sont à nouveau interprétées sur instruments d'époque.

La viole fait également partie des instruments utilisés en musique contemporaine. C'est ainsi que, par exemple, Philippe Hersant a écrit dans les années 1990 un Aus Tiefer Not (Ps.e CXXX) pour 12 voix, viole de gambe et orgue[3], puis des œuvres pour viole seule, Le Chemin de Jérusalem (2003), L'ombre d'un doute (2010), Pascolas (2019). Citons également Bruno Gillet, Eric Fischer (Topographic longrange, 2008), Bruno Giner (Plainte, 2008 et Fantasy upon four Notes pour quatuor de violes de gambe, 2013).

Le répertoire

Bien que la littérature de consort comprenne des pièces pour 2 à 7 musiciens, la combinaison de deux dessus, deux ténors et deux basses formait un « assortiment de violes » qui auraient idéalement dû être fabriquées par le même luthier. En raison de ses accents délicats, riches et finement nuancés, la viole était employée de préférence dans les polyphonies, soit combinée à d’autres voix (motets, madrigaux, chansons), soit dans des formes instrumentales dérivant de modèles vocaux (Ricercare, Canzona, Tiento et Fantasia).

En sus des maîtres français (dont Jean de Sainte-Colombe, Marin Marais, Antoine Forqueray), les maîtres anglais – William Byrd, Alfonso Ferrabosco, Orlando Gibbons, Coperario, William Lawes, Henry Purcell – trouvèrent dans la fantaisie contrapuntique la forme par excellence dans laquelle exprimer les pensées les plus érudites, et la poésie la plus sublime. Par respect pour leur mérite artistique ces œuvres peuvent non seulement être comparées aux chefs-d’œuvre de la poésie et de l’art dramatique de leurs contemporains anglais, mais aussi aux chefs-d’œuvre de la musique de chambre de toutes les périodes. Ainsi lorsque Mersenne souhaite montrer quel style de musique convient le mieux à la viole, il choisit d’imprimer une fantaisie à six parties de Alfonso Ferrabosco, anglais malgré son nom.

L'instrument aristocratique

Madame Henriette, fille de Louis XV jouant de la basse de viole, par Jean-Marc Nattier, huile sur toile, 246x185 cm, château de Versailles.

La viole était un instrument aristocratique dont l’étude faisait partie de l’éducation artistique d’un gentilhomme, au même titre que le luth, le clavecin et le chant.

Elle était utilisée principalement dans la musique sérieuse, dans les milieux éduqués, contrairement au violon, qui n’était employé à ses débuts que par des musiciens professionnels et des ménestrels pour la danse et les divertissements. Ainsi, dans son manuel du courtisan Il Libro del Cortegiano de 1528, Baldassare Castiglione considère la pratique de la viole comme indispensable à l'éducation d'un noble : « La musique n'est pas simplement un amusement, mais une nécessité pour un courtisan. Elle devrait être pratiquée en présence de dames, parce qu'elle prédispose l’individu à toutes sortes de pensées... Et la musique à quatre violes est très enchanteresse, parce qu'elle est très délicate douce et ingénieuse. »

Relayant les idées de l’humanisme italien, les princes amoureux d’art que furent François Ier (†1547) et Henri VIII (†1547) amenèrent respectivement en France et en Angleterre, non seulement certains des plus grands peintres, sculpteurs et penseurs d’Italie, mais également compositeurs et musiciens. À l’époque où la pensée néoplatonicienne était présente à l’esprit de chacun, Pétrarque et l’Arioste sur toutes les lèvres, la viole de gambe était dans toutes les mains.

Lutherie

Les instruments de la famille des violes ont une forme très variable, qui n'a pas été standardisée. Aussi, on ne peut pas parler de la forme de la viole de gambe, mais des formes. Les violes italiennes par exemple, avaient la même forme que les instruments de la famille du violon[4],[5], alors que les violes anglaises ont des épaules tombantes, comme la contrebasse moderne[6] ; il existe aussi des formes plus originales[7]. Le son est considéré plus doux, plus mélancolique, que celui du violon, ou bien plus aigre et grinçant, selon les sensibilités : en effet, la viole de gambe est un instrument dont la popularité connaît des éclipses. Au XVIIe siècle, en France, c'était l'instrument noble, tandis que les violons, considérés comme instruments populaires, étaient réservés à l'accompagnement des danses et aux musiciens de rue.

Quelques compositeurs d'œuvres pour violes de gambe

Jean-Sébastien Bach.

Carl Friedrich Abel (1723- 1787) - Allegro, WKO 205
Elway Bevin (ca.1554-1638) - Browning à3 (1570s).ogg
John Dowland (1563-1626) - M. George Whitehead His Almand, Lachrimae, No.21 (1604)
Leonora Duarte (1610-1678) - Sinfonia à5, No.7
Michael East (ca.1580-1648) - Both alike, Fancy à2, No.3 (1638).ogg
Alfonso Ferrabosco the Elder (1543-1588) - Fantasia 'Di Sei Bassi’
Gottfried Finger (ca.1660–1730) – Intrada, Codex Sünchinger
Orlando Gibbons (bap.1583-1625) - Fantasia à4, No.1
Orlando Gibbons (bap.1583-1625) - Galliard à3
Captaine Tobias Hume (1569-1645) - Tobacco, No.3 (1605)
Captaine Tobias Hume (1569 - 1645) - The Spirit of Gambo (1607).ogg
John Jenkins (1592-1678) - Pavan à6 in F, VdGS No.2 (ca.1667)
William Lawes (1602-1645) - Aire à4, VdGS No.112 (ca.1638-45)
Thomas Lupo (1571-1628) - Fantasia à3, VdGS No.26

Notes et références

  1. (en) « Viola da gamba Pardessus de viole à cinque cordes », sur Orphéon (consulté le )
  2. (en) « The Oldest Viola da gamba in History », sur Orphéon (consulté le )
  3. http://www.philippehersant.com/html/fr/catalogue.html
  4. (en) « Viola da gamba, Bass by Giovanni Paolo Maggini », sur Orphéon (consulté le )
  5. (en) « Viola da gamba, Bass by Gianbattista Grancino (Milano, 1697) », sur Orphéon (consulté le )
  6. (en) « Viola da gamba, Bass by Edward Lewis (London, 1687) », sur Orphéon (consulté le )
  7. (en) « Viola da gamba, Treble II, ca. 1730, (in leaf form) », sur Orphéon (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Fleurant-Voirpy, La Musique par les textes, vol. 5, éditions Henry Lemoine, Paris, 1973, p. 75
  • (en) Bettina Hoffmann, The Viola da Gamba, Routledge, , 392 p. (présentation en ligne)

Articles connexes

Liens externes

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