Théologie de la Croix

La théologie de la Croix, également appelée staurologie, est une branche de la théologie chrétienne centrée sur le mystère de la Crucifixion.

Le Christ en croix (1874) de Léon Bonnat.

Développée dès l'Antiquité, notamment dans plusieurs épîtres de Paul et chez Origène, la théologie de la Croix est ensuite mise à l'honneur par Martin Luther, puis dans la théologie protestante. Au XXe siècle, elle tient une place centrale dans l'œuvre du cardinal Hans Urs von Balthasar.

Principe

La théologie de la Croix est une forme particulière de la théologie en ce qu'« il s’agit de penser la connaissance de Dieu à partir, non pas de ses attributs divins, de la raison humaine, de la révélation naturelle ou de la métaphysique mais seulement à partir de la croix »[1].

En conséquence, toute la construction théologique doit être ordonnée à la croix et à la crucifixion, du fait de leur rôle unique dans le salut, ce qui permet et contraint à la fois à une nouvelle appréhension du divin, notamment dans l'inversion de ses prérogatives. Dieu, à la croix, se révèle faible et mourant, et non fort et puissant[1].

Histoire

Dans les épîtres de Paul

Un des textes les plus fondateurs de la théologie de la Croix est l'« hymne aux Philippiens », aux versets 6 à 11 du deuxième chapitre de l'épître aux Philippiens[2] :

« le Christ Jésus, bien qu’il fût dans la condition de Dieu, n’a pas retenu avidement son égalité avec Dieu ; mais il s’est anéanti lui-même, en prenant la condition d’esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui ; il s’est abaissé lui-même, se faisant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse, à la gloire de Dieu le Père, que Jésus-Christ est Seigneur[3]. »

Le pape Benoît XVI interprète la conversion de Paul comme un mystère centré sur la croix et la mort de Jésus, avec une double dimension d'universalité  Jésus est mort pour l'humanité tout entière  et de relation personnelle  Jésus est mort pour moi personnellement . La Croix est dans cette perspective un salut donné comme grâce de manière unilatérale[4].

Dans la théologie d'Origène

Origène voit une préfiguration de la Croix salvatrice dans la bataille entre les Hébreux et les Amalécites relaté dans le Livre de l'Exode, quand Moïse lève les bras pour faire vaincre les Hébreux, soutenu par Aaron et Hur[5].

Chez d'autres théologiens antiques

Irénée de Lyon établit une relation directe entre Création et Rédemption, méditant sur la forme même de la croix comme mesure de l'amour de Dieu et figure du Dieu créateur[5].

Chez Urs von Balthasar

Chez Hans Urs von Balthasar, la Croix est indissociablement liée à la gloire de la Trinité[6]. Pour lui, la Croix est l'aboutissement final d'une kénose qui commence au sein même de la Trinité, et non pour le seul Christ[7].

Autres théologiens

Le théologien indien Vengal Chakkarai (en) développe une théologie proprement indienne qui s'appuie, non pas principalement sur des éléments johanniques mais plutôt pauliniens, en particulier l'épître aux Philippiens, et surtout les versets 6 à 11 du chapitre 2, dit « Hymne aux Philippiens ». Ces versets sont la révélation la plus explicite du mystère de la kénose[2].

Toutefois les kénoses sémitique et orientales ne sont absolument pas synonymes, étant héritières de deux traditions philosophiques oxymoriques. Mais la démarche de Paul et de Chakkarai sont similaires, ce qui amène Chakkari encore plus loin que son prédécesseur. Dans la version de Chakkarai, la Croix est un outil de déréliction encore plus absolu dans la mesure où elle prive même le Christ de la relation à Dieu le Père[8].

Représentation artistiques

Antiquité

Dans les représentations antiques, la Croix est peu représentée comme instrument du salut, car elle continue d'être utilisée par l'Empire romain comme instrument de torture, notamment vis-à-vis des premiers chrétiens. La première représentation connue d'une croix comme instrument de salut date de l'évangéliaire de Rabbula, dont les enluminures sont datées du VIe siècle[5].

Dans le mausolée de Galla Placidia, la Croix est placée au centre de la décoration en mosaïque de la coupole, et y figure l'axe du cosmos[5].

Moyen Âge

Raban Maur, dans son Liber de laudibus Sanctae Crucis, représente la Croix en calligramme comme signe du règne cosmique du Christ[5].

Notes et références

  1. Dettwiller & Zumstein 2002, Introduction — 1., p. 108.
  2. Jean-Claude Basset 1983, III. La Kénose selon V. Chakkari, p. 425 à 427.
  3. Bible Crampon 1923/Philippiens 2,5.
  4. Benoît XVI, « La théologie de la Croix dans la christologie de saint Paul — Audience générale », Saint-Siège, (consulté le ).
  5. David Sendrez, « La croix, une clef pour les théologiens », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne).
  6. Vincent Holzer 2007, Introduction, p. 153.
  7. Vincent Holzer 2007, I. Métaphysique de la “différence” et kénose christologique, p. 158.
  8. Jean-Claude Basset 1983, V. Différences et rapprochements, p. 429 à 431.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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