Toccata et fugue en ré mineur

La Toccata et fugue en ré mineur, BWV 565, est une œuvre pour orgue écrite par Jean-Sébastien Bach entre 1703 et 1707.

Ne doit pas être confondu avec Toccata et fugue en ré mineur BWV 538.

Toccata et fugue en ré mineur
Premières mesures de la Toccata et fugue BWV 565 d'après la plus ancienne copie connue de Johannes Ringk[1].
Informations générales
Forme
Œuvre / composition musicale (d)
Tonalité
Compositeur
Interprète
Date de création

Structure

Fichier audio
Toccata et fugue en mineur BWV 565
Interprétée par Ashtar Moïra[n 1] (8 minutes, 45 secondes).

L'œuvre est articulée en trois parties :

  • Un épisode de 29 mesures, constitué de gammes, arpèges, d'un style récitatif, rhapsodique, en accords dissonants, au style de toccata (prestissimo) ;
  • La fugue, de 97 mesures, avec un épisode en forme de toccata (mesures 59 à 85) ;
  • La conclusion (mesures 127 à 143), retourne au style récitatif (indiqué expressis verbis) en dynamiques opposées (presto – adagio – vivace – molto adagio…) et très rapprochées.

Influences

À ses débuts, Bach fut un très grand admirateur de Dietrich Buxtehude, au point de s'absenter plusieurs mois, alors qu'il travaillait pour la ville d'Arnstadt, afin d'aller l'écouter à Lübeck. Les œuvres pour orgue d'Allemagne du Nord de cette époque sont caractérisées par la présence du Stylus phantasticus, dérivé de l'improvisation. Ce dernier comprend des passages héroïques, aux harmonies recherchées et aux changements soudains de rythme. Ces pièces débutent généralement par une partie où le compositeur fait preuve de beaucoup de liberté. Dans sa composition, la toccata de Bach utilise fortement le stylus phantasticus[2],[3].

Une œuvre test pour les orgues

La toccata (de l'italien toccare toucher), est une pièce musicale pour instruments à clavier de style improvisé et virtuose — arpèges, traits, pédale, etc. Originellement destinée à permettre à un instrumentiste de prendre contact avec un instrument, cette forme dérive ensuite pour devenir une démonstration du talent de l'interprète et permettre de faire apprécier les qualités de l'instrument.

Klaus Eidam avance l'hypothèse que l'œuvre de Bach a été écrite afin de mettre à rude épreuve la mécanique des orgues ainsi que le son et la jouabilité de l'instrument. En effet, on a souvent affirmé qu'avant de jouer sur un instrument, Jean-Sébastien Bach tirait tous les jeux de l'orgue afin d'en évaluer la puissance et la suffisance de vent produite par les soufflets. La toccata et fugue BWV 565 de Bach aurait été une œuvre créée à l'origine pour le clavecin puis transposée à l'orgue pour augmenter l'effet spectaculaire[4].

Controverse sur la paternité

La copie de Ringk, fragment de la première page.

Du fait de l'ancienneté de l'œuvre, il subsiste de nombreuses inconnues sur les conditions de sa composition. En particulier, la source la plus ancienne conservée est une copie par Johannes Ringk à qui on attribue une réputation sulfureuse[réf. souhaitée]. L'idée que BWV 565 puisse être une transcription d'une œuvre pour violon seul a également été émise[5],[6],[3].

De récents travaux musicologiques attribuent aussi l'œuvre à Johann Peter Kellner[7],[8], Ringk étant un élève de Kellner[3],[9].

Cependant, il existe un très large consensus quant au fait que le BWV 565 est bien une œuvre originale de Jean-Sébastien Bach[n 2]. Certes, œuvre de jeunesse, elle est particulièrement empreinte des influences dont Bach aimait à s'imprégner. Cependant, les indices de la paternité de Bach abondent, la ressemblance avec d'autres œuvres de Bach sont nettes (toccata en mi majeur BWV 566, toccata en do majeur BWV 564), et la formule initiale de trois notes (aller-retour descendant sur deux notes voisines (plus généralement appelé un pincé) est retrouvée dans BWV 538 et BWV 540. De manière générale, la solidité et la longueur de la fugue (notamment le petit labyrinthe contrapuntique allant des mesures 97 à 109) étaient probablement inimitables à l'époque.

Transcriptions

Fichiers audio

Leopold Stokowski
Partie 1 (4:29)
Partie 2 (4:24)
Orchestration de Leopold Stokowski, jouée sous sa direction par l'Orchestre de Philadelphie
enregistré en 1928.

Deux transcriptions pour piano célèbres sont encore jouées : celle de Tausig et celle de Busoni.

Leopold Stokowski a transcrit l'œuvre pour orchestre symphonique. La première exécution fut faite par l'orchestre philharmonique de Philadelphie en 1926[10]. Il en subsiste de nombreux enregistrements dont le plus fameux illustre le film Fantasia des studios Disney.

Dans la culture

L'œuvre fait de nombreuses apparitions dans divers films ou bandes originales :

Au cinéma

À la télévision

Dans le jeu vidéo

En musique

  • Reprise accélérée de trois minutes par le groupe de pop punk The Toy Dolls sous le titre Toccata in DM sur l'album Absurd-Ditties (1993) ;
  • Les dernières mesures en sont données sous une forme orchestrée par Léo Ferré à la fin de la chanson Mister Giorgina, dans son album La Langue française ;
  • Tanzwut sur l'album Schattenreiter dans le morceau Toccata, en font une reprise folk metal avec cornemuse ;
  • Dans l'anime Initial D de Shūichi Shigeno, une musique (Back On the Rocks, 12e chanson du CD Initial D D Selection 1 de Mega NRG Man) reprend le début de la toccata et fugue à l'orgue ;
  • Killing Is My Business... and Business Is Good! du groupe de thrash metal Megadeth : Les premières notes de la fugue sont jouées au début de la chanson Last Rites / Loved to Deth ;
  • Le groupe de death metal mélodique Children of Bodom reprend une brève partie de la toccata dans le morceau The Nail sur l'album Something Wild sorti en 1997 ;
  • Le groupe de metal extrême Cradle of Filth dans le morceau Of Mist And Midnight Skies sur l'album The Principle of Evil Made Flesh sorti en 1994 ;
  • Le groupe de heavy metal Cirith Ungol, dans le morceau Toccata in Dm sur l'album King of the Dead sorti en 1984 ;
  • Le guitariste de hard rock Slash reprend la toccata dans le morceau Anastasia sur l'album Apocalyptic Love sorti en 2011 ;
  • Le groupe de visual kei Versailles reprend la fugue au milieu de son morceau The Red Carpet Day dans son EP Lyrical Sympathy sorti en 2007 ;
  • Le groupe d'eurodance 2 Unlimited utilise la fugue dans sa chanson The Real Thing sur l'album Real Things sorti en 1994 ;
  • Le groupe de musique électronique Justice joue au Moog les premières notes de la toccata en introduction de ses concerts lors de leur tournée mondiale 2012 ;
  • Le rappeur Mos Def reprend, dans son hommage non posthume au rappeur MF DOOM : BeyOnDoom, la toccata dans la chanson Mayo Clinic ;
  • Le DJ et producteur de musique électronique Overwerk dans son morceau Toccata sur l'album Canon sorti en 2015 ;
  • Reprise de l'air dans la musique 21st Century Crooners" du groupe de rock Ghinzu dans l'album Blow sorti en 2004 ;
  • Le groupe de new age Enigma sample la toccata dans la chanson Sadeness (Part II) sur l'album The Fall of a Rebel Angel sorti en 2016.
  • Le rappeur Playboi Carti utilise la toccata dans le morceau « Vamp Anthem », présent sur l'album Whole Lotta Red sorti en 2020.

Notes et références

Notes

  1. Registration utilisée pour la toccata du fichier audio :
    • Grand Orgue : Plenum de 8, anches 8 et 4 ;
    • Positif : Plenum de 8 ;
    • Pédale : Bombarde, Soubasse ;
    • Accouplements et tirasses.
    Registration utilisée pour la fugue :
    • Grand Orgue : Plenum de 8 (plus anches à la fin) ;
    • Positif : Montre, Prestant, Doublette (plus mixtures et anches à la fin) ;
    • Pédale : Fonds de 16 et tirasses (plus anches à la fin).
  2. Lionel Rogg et Marie-Claire Alain ont enregistré plusieurs intégrales de l'œuvre d'orgue de Bach, dont ils ont éliminé les œuvres douteuses, notamment les huit petits préludes et fugues (BWV 553 à 560) dont certains pensent aujourd'hui mais sans certitude qu'ils ne sont pas de Bach et qu'ils lui ont été attribués par erreur. Ça n'a pas été le cas de la toccata et fugue en ré mineur.

Références

  1. Johannes Ringk (1717–1778) ; Manuscrit Bach P 595, Berlin, Staatsbibliothek Preußischer Kulturbesitz
  2. (en) Friedhelm Krummacher, « Bach's Free Organ Works and the stylus Phantasticus », dans George Stauffer et Ernest May, J.S. Bach as organist : his instruments, music, and performance practices, Indiana University Press, , 308 p. (ISBN 025321386X, OCLC 474174850), p. 157–171.
  3. Bertrand Dermoncourt (dir.) et Rinaldo Alessandrini, Tout Bach, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 895 p. (ISBN 978-2-221-10991-5, OCLC 705761285, BNF 42108828), p. 643.
  4. (en) Klaus Eidam (trad. de l'allemand par Hoyt Rogers), The True Life of Johann Sebastian Bach Das wahre Leben des Johann Sebastian Bach »], New York, Basic Books, , 423 p. (ISBN 0-465-01861-0, OCLC 424057714), chap. IV.
  5. (en) Peter Williams, « BWV 565: A toccata in D minor for organ by J.S.Bach? », Early Music, vol. 9, no 3, , p. 330– 337 (ISSN 0306-1078, JSTOR 3126830, lire en ligne).
  6. (en) Peter Williams, The organ music of J.S. Bach, Cambridge University Press, , 2e éd., 624 p. (ISBN 0-521-89115-9, OCLC 963185541, lire en ligne), p. 155–158.
  7. Biographie de Johannes Ringk sur musicologie.org.
  8. (de) BWV 565 par Stephan Emele (2001), sur johann-peter-kellner.de via archive.org.
  9. Williams 2003, p. 155.
  10. Penn Library Exhibitions, Leopold Stokowski: Making Music Matter, Curator: Marjorie Hassen ; Otto E. Albrecht Music Library, University of Pennsylvania. Voir le site : University of Pennsylvania

Annexes

Article connexe

Liens externes

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