Vladimir Ledóchowski
Vladimir Ledóchowski (en polonais: Włodzimierz Ledóchowski), né le à Loosdorf (aujourd'hui en Autriche) et mort le à Rome, est un prêtre jésuite polonais qui, en 1915, fut élu 26e Supérieur général de la Compagnie de Jésus. Il le reste jusqu'à sa mort en 1942.
26e Supérieur Général des Jésuites.
Nom de naissance | Włodzimierz Ledóchowski |
---|---|
Naissance |
Loosdorf, Empire d'Autriche |
Décès |
Rome, royaume d'Italie |
Nationalité | Polonais |
Pays de résidence | Rome (Italie) |
Diplôme |
droit civil, droit canon |
Profession | |
Activité principale |
enseignant, canoniste, gouvernement religieux |
Autres activités | |
Formation |
philosophie, théologie, droit canon |
Famille |
Frère de Marie-Thérèse et Julie Ledóchowska |
Compléments
Ledochowski fut le 26e Supérieur général des Jésuites
Biographie
Famille patriote et catholique
Le jeune Vladimir est le troisième des sept enfants du comte Antoni Halka-Ledóchowski, d'un lignage aristocratique de patriotes polonais exilés par Nicolas Ier de Russie au milieu du XIXe siècle, et de sa seconde épouse Joséphine von Salis-Zizers, d'une famille de l'ancienne aristocratie suisse. Il est né sur les terres familiales de Loosdorf, en Basse-Autriche. Il comptait également trois demi-frères de la première union de son père. La famille est fortement imprégnée de foi chrétienne et culture catholique. Deux de ses sœurs, Maria-Teresa et Urszula Ledóchowska furent religieuses et ont été béatifiées, cette dernière étant même canonisée en 2003. Son plus jeune frère, Ignacy, patriote polonais également réputé pour sa piété[1], fera une brillante carrière d'officier sur différents fronts européens et mourra dans le camp de concentration de Dora en 1945 pour son activité dans la résistance polonaise au sein de l'Armia Krajowa.
Vladimir Ledóchowski a pour oncle Mieczysław Ledóchowski (1822-1902), archevêque de Poznań-Gniezno alors occupé par la Prusse. Ce dernier fut arrêté en avec de nombreux dignitaires de l'Église catholique de Prusse et resta prisonnier pendant deux ans à la forteresse d'Ostrowo pour s'être opposé à la politique du Kulturkampf de Bismarck. Sorti de prison, Ledóchowski reçut le chapeau de cardinal. En 1876, le cardinal-archevêque expulsé de Prusse se réfugia à Cracovie, ce qui provoqua des manifestations antiprussiennes et obligea le gouvernement autrichien à l'expulser à son tour. Il se rendit à Rome, d'où il continua à administrer son diocèse jusqu'en 1885, et où il passa le reste de sa vie. En 1892, Mieczysław Ledóchowski devint préfet de la Congrégation pour la propagation de la foi. L'année suivante, quand Guillaume II se rendit en visite officielle auprès du pape, le Kulturkampf fut officiellement abandonné.
Études et vocation
Vladimir Ledóchowski étudie à Vienne au collège jésuite du Theresianum et devient page de l'impératrice Élisabeth d'Autriche. Il étudie ensuite le droit à l'université de Cracovie et, décidé à devenir prêtre, s'engage également dans les études préparatoires au sacerdoce. Il étudie ensuite à l'université grégorienne de Rome et, âgé de 23 ans, entre dans la Compagnie de Jésus, au sein de laquelle il est ordonné prêtre en 1894. Il est nommé Supérieur de la résidence jésuite de Cracovie avant de devenir recteur du collège en 1901, vice-Provincial de la province jésuite de Pologne puis Provincial de la province de Galicie en 1902, et assistant et conseiller régional du père Wernz pour les questions concernant les jésuites d'Allemagne de 1906 à 1915. À la suite de la mort du Supérieur général Franz Xaver Wernz, mort en 1914, la 26e Congrégation Générale des jésuites se déroule en février et . Le , à 49 ans, Vladimir Ledóchowski est élu après deux tours de scrutin 26e Supérieur général de la Compagnie de Jésus. La Première Guerre mondiale déchire l'Europe.
Généralat
Marqué par une grande proximité avec le pape Pie XI et avec le nonce apostolique en Bavière, Mgr Pacelli (le futur Pie XII), son généralat est fort actif. Malgré un « règne »' marqué par deux guerres mondiales et la crise économique des années 1930, la Compagnie de Jésus se développe assez conséquemment sous son administration. Il convoque la 27e Congrégation générale en 1923 pour mettre en accord les constitutions et normes de vie jésuites avec le nouveau code de droit canonique de 1917. Il organise l'Institut pontifical oriental confié par Pie XII à la Compagnie, le Russicum, collège pontifical pour la formation du clergé russophone de rite byzantin, ainsi que l'Institut biblique. Les Accords du Latran signés entre le Saint-Siège et le gouvernement fasciste italien, et préparés par le jésuite Pietro Tacchi Venturi permettent un nouvel élan à la Compagnie de Jésus, en augmentant sa visibilité et son influence. Par les accords du Latran, des propriétés jésuites confisquées au XIXe siècle sont restituées. Et, entre autres, la construction d'un nouveau bâtiment pour l'université grégorienne est possible: elle est transférée du palais Borromée à la piazza della Pilota, à proximité du palais du Quirinal. Ledóchowski fait également construire une nouvelle maison généralice au Borgo Santo Spirito, à quelques centaines de mètres de la place Saint-Pierre.
Durant son mandat, le nombre de membres de la Compagnie de Jésus augmente régulièrement, particulièrement dans les pays dits « de mission », tandis que son gouvernement est marqué par une centralisation accrue[2].
Anti-moderniste et anti-communiste
Vladimir Ledóchowski apparaît à certains comme conservateur. Il écrit ainsi en 1909 : « la société moderne, dans sa misère, ressemble au pauvre paralytique de Bethsaïde dans la mesure où il n'a même plus la force de se lever de son lit de malade »[3].
Sous le troisième Reich, l'attitude des Jésuites allemands est contrastée, un certain nombre d'entre eux sont emprisonnés ou exécutés ; leur marge de manœuvre pendant cette période de répression de l'Église catholique est réduite. David Mitchell, The Jesuits: A History, éd. Macdonald/Futura, 1980, p. 264, cité par Gerard Toal où le rôle que Ledóchowski a joué dans la politique d'expansion orientale du Vatican et en particulier dans l'uniatisme[4]. Comme toute la hiérarchie catholique Ledóchowski était un farouche opposant au communisme.
A l'instigation du Saint-Siège il prend des mesures à l'encontre du jésuite français Pierre Teilhard de Chardin auquel il est enjoint de renier son ouvrage théologique controversé sur le péché originel[5] et qui est interdit d'enseignement à partir de 1925.
Sur un autre plan, considérant que les relations avec les femmes pouvaient représenter un danger pour la vocation religieuse des jésuites, le P. Ledóchowski leur écrit deux lettres d'instruction ayant pour thème À propos de la prévention à avoir de longues conversations avec les femmes en 1918, et Sur les réserves à avoir en faisant face aux femmes[3].
Ledóchowski considérait le communisme comme étant la 'grande hérésie du temps' et il y avait selon lui une analogie entre la lutte contre le communisme et la lutte contre la Réforme protestante. Il avait d'ailleurs fondé un véritable Secrétariat de l'athéisme à Rome, destiné à empêcher la pénétration communiste dans le monde et faisant éditer, sous la direction du jésuite Giuseppe Ledit, la revue périodique Lettres de Rome sur l'athéisme moderne[6], en quoi il fut un précurseur[réf. nécessaire] face aux catastrophes engendrées par les deux totalitarismes du XXe siècle. En 1934, il adressait une directive, Sur le combat du communisme, à chaque provincial de la Compagnie afin qu'ils nomment un directeur et un comité responsable des activités anti-communistes qui pouvaient obtenir de la documentation sur le communisme et les communistes au centre de documentation rassemblé par le jésuite Edmund A. Walsh, fondateur de l'école des affaires étrangères (SFS) de l'université de Georgetown auxquels ils pouvaient recourir pour assurer l'uniformité de la stratégie à adopter[7]. C'est auprès de lui que Pie XI cherche des experts auxquels confier, en 1937, la préparation de l'encyclique Divini Redemptoris qui allait condamner le communisme athée comme « intrinsèquement pervers »[8].
Le document Humani generis unitas
En 1938, après une entrevue avec le jésuite John LaFarge, engagé dans la défense des minorités aux États-Unis, Pie XI, qui avait apprécié un de ses récents ouvrages[9], demande à Ledóchowski de coordonner la rédaction d'un document condamnant l'antisémitisme, le racisme et la persécution des Juifs. Le Supérieur de la Compagnie adjoint deux autres jésuites à LaFarge, l'Allemand Gustav Gundlach et le Français Gustave Desbuquois pour mener à bien le projet de texte Humani generis unitas (Sur l'unité du genre humain). Pie XI meurt un peu après avoir reçu le projet. Le cardinal Pacelli qui lui succède abandonne le projet.
Plusieurs historiens soulignent le rôle de rétention qu'aurait joué Vladimir Ledóchowski dans cette affaire, probablement en accord avec le cardinal Pacelli, alors secrétaire d'État du Vatican et avec lequel il était en relation étroite[10] : Ledóchowski aurait agi de manière dilatoire, tentant de retarder le plus possible la communication du projet d'encyclique au pape, parce qu'il était opposé à l'idée d'une rupture ouverte avec le Troisième Reich tandis que la Russie soviétique et communiste restait pour lui la menace principale pour l'Église catholique et la civilisation.
Ce texte devrait être reconstruit pour tenir compte de David I. Kertzer "Le Pape et Mussolini" (les arènes 2015) dont les références, nombreuses et de sources fort diverses, montrent le rôle joué par Pacelli et Lédochowski durant le pontificat de Pie XI, pour que l’Église soutiennent les fascismes et le nazisme tant leur peur du judéo-bolchevisme était grande. Lédochowski aurait œuvré, dans le dos de Pie XI pour encadrer LaFarge, et ceci alors que Pie XI s'était adressé à ce dernier volontairement à l'insu de Lédochowski, et aussi comment, avec E. Pacelli il a fait lisser et retarder le projet avant que sitôt le décès de Pie XI, le camerlingue E. Pacelli fasse disparaitre ce projet qui tenait tant à Pie XI[réf. nécessaire].
En 1936, il confiait au primat espagnol Mgr Góma y Tomas : « l'Europe est en train d'être conquise par le communisme. Influence du judaïsme sur ce point. »[11]. Plusieurs témoignages[12] font par ailleurs état, sinon d'un antijudaïsme de sa part, du moins d'un complexe antisémite, ainsi que d'une inclination pour le front anti-libéral, antidémocratique et antijuif, n'impliquant cependant ni penchant ni aucune sympathie pour le nazisme, également athée[13]. Quand il choisira un relecteur pour le texte de LaFarge et de ses collègues, il s'agira du jésuite Enrico Rosa, auteur de textes condamnant la révolution bolchévique défendue par nombre de personnalités juives[14] dans La Civiltà Cattolica[15].
Décès et succession
Vladimir Ledóchowski meurt à Rome le . Il est enterré dans le caveau de la Compagnie de Jésus à Campo Verano, à l'est de Rome.
En 1937, le P. Ledóchowski avait convoqué la 28e Congrégation générale, lui demandant de lui donner un vicaire général qui puisse l'assister. C'est le Belge Maurice Schurmans, connu pour son opposition au fascisme[16] qui fut élu. Néanmoins, Ledóchowski nomma un autre vicaire général pour assumer la transition gouvernementale après sa mort, mais celui-ci, déjà âgé, mourut seize mois plus tard. Suivant les prescriptions du droit de la Compagnie de Jésus, un nouveau vicaire général fut élu par les jésuites profès de Rome. L'assistant régional de France du Préposé général, Norbert de Boynes fut élu. Dès que ce fut possible, de Boynes convoqua (le ) la 29e Congrégation générale pour élire un successeur au P. Ledóchowski. Le Belge Jean-Baptiste Janssens fut choisi.
Notes et références
- Il sera surnommé le Saint Général
- (de) Hartmut Lohmann, article Ledochowski, Wlodimir, in Biographisch-Bibliographische Kirchenlexikon, Volume IV (1992), colonnes 1341-1343 article en ligne
- in A. G. Schmidt, Selected Writings of Father Ledochowski, éd. Loyola University Press, 1945, cité par Gerard Toal
- Annie Lacroix-Riz, recension de Le Pape et Hitler de John Cornwell, in La pensée, n° 322, avril-juin 2000, p. 137-152.recension en ligne
- Notes sur quelques représentations historiques possibles du Péché originel (1922)
- (en) Giorgio Petracchi, Bolshevism in the Fascist Mirror, in TELOS, 2005, p. 72, article en ligne
- (en) Gerard Toal, Spiritual geopolitics: Fr. Edmund Walsh and jesuit anticommunism, cf sources
- Cité par Philippe Chenaux, Pie XII, Éditions du Cerf 2003, p. 211
- (en) Interracial Justice, éd. America Press, 1937
- Philippe Chenaux, Pie XII, éd. Cerf, 2003, p. 275
- Cité par Philippe Chenaux, Pie XII, éd. Cerf, 2003, p. 209
- Giovanni Miccoli et Anne-Laure Vignaux (trad.), Giovanni Miccoli, Les Dilemmes et les silences de Pie XII. Vatican, Seconde Guerre mondiale et Shoah, éd. Complexe, 2005, pp. 322-324
- D'après l'anthropologue jésuite et résistant Friedrich Muckermann cité par Giovanni Micolli, op. cit., p. 322
- Giovanni Miccoli, op. cit., p. 285
- (en) Susan Zuccotti, The Vatican and the Holocaust in Italy, éd. Yale University Press, 2000, extrait in New-York Times/Books, 04/02/2001, article en ligne
- (en) Franco and Jesuits, in Time magazine, 16/05/1938 article en ligne
Annexes
Bibliographie
- (en) Roland Hill, The lost encyclical, in The Tablet, 08/11/1997, en ligne
- Giovanni Miccoli, Les Dilemmes et les silences de Pie XII. Vatican, Seconde Guerre mondiale et Shoah, éd. Complexe, 2005, extraits en ligne sur Google Books
- (en) Gerard Toal, Spiritual geopolitics : Fr. Edmund Walsh and jesuit anticommunism., in David Atkinson et Klaus Dodds, Geopolitical Traditions? Critical Histories of A Century of Geopolitical Thought, éd. Routledge, 1999, chapitre en ligne
- Georges Passelecq et Bernard Suchecky, préface d'Émile Poulat, L'Encyclique cachée de Pie XI. Une occasion manquée de l'Église face à l'antisémitisme, éd. la Découverte, 1995
- (it) G. Cassiani Ingoni, Vladimiro Ledóchowski, XXVI Generale d.C.d.G., 1866-1942, éd. Civiltà Cattolica, 1945
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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