Yvon Morandat
Marie Léon Ivan Morandat, dit Yvon Morandat, né le à Buellas (Ain) et mort le à Marseille[1], est un homme politique et résistant français.
Yvon Morandat | |
Fonctions | |
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Secrétaire d'État chargé des Problèmes de l'emploi | |
– (1 mois et 9 jours) |
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Président | Charles de Gaulle |
Gouvernement | Pompidou IV |
Prédécesseur | Jacques Chirac |
Successeur | Marie-Madeleine Dienesch |
Biographie | |
Nom de naissance | Marie Léon Ivan Morandat |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Buellas |
Date de décès | (à 58 ans) |
Lieu de décès | Marseille |
Nationalité | française |
Conjoint | Claire Morandat |
Biographie
Origine et formation
Yvon Morandat naît en 1913 dans une famille modeste de fermiers de l'Ain. Il milite à la Jeunesse agricole chrétienne puis quitte la ferme, et devient vendeur puis représentant de commerce à Bourg-en-Bresse.
Il fait son service militaire dans les chasseurs alpins en Savoie. Il s'établit à Chambéry et devient permanent à la CFTC. Il s'engage également dans la Ligue de la Jeune République.
Seconde Guerre mondiale
En 1939, il est mobilisé dans les chasseurs alpins. Il est volontaire pour rejoindre le front de Norvège et participe à la bataille de Narvik en avril et . Le , il rejoint l'Angleterre et s'engage dans les rangs de la France libre. Il est attaché au cabinet du général de Gaulle.
Mission politique en France
À l'été 1941, le général de Gaulle lui confie la mission d'établir le contact avec les syndicats et mouvements de Résistance de la zone sud et de les financer. Son ordre de mission sera complété par les instructions d'André Diethelm, commissaire à l'intérieur : il est le premier agent à recevoir une telle mission politique de la France libre. Il prend comme pseudonyme son deuxième prénom « Yvon », dont il fera son prénom usuel à la Libération, et comme nom de code Pierrelot.
Son parachutage fait l'objet d'une mission conjointe du BCRA et du Special Operations Executive, nommée OUTCLASS, utilisant les moyens aériens de la RAF. Dans la nuit du 6 au , il est parachuté à Fonsorbes (Haute-Garonne), près de Toulouse.
Il établit rapidement les contacts attendus. Constatant l'ampleur du travail à accomplir en matière de résistance, il reste sur place pour s'y atteler. Il rejoint le mouvement Libération-Sud et devient membre de son comité directeur. Il subventionne ce mouvement, ainsi que le Comité d'action socialiste. Grâce à lui, Le Populaire clandestin peut être imprimé.
Il rédige un rapport détaillé, dans lequel il précise, entre autres, que le mouvement syndical existant dans la région pourrait être un support intéressant, parce que bien structuré et à l'esprit résistant très sûr. Il constate toutefois que celui-ci, pour fonctionner dans de bonnes conditions, aurait besoin d'une aide matérielle importante, et qu'il serait urgent d'envoyer un agent sur place pour constituer des équipes et les entraîner. Ce rapport aura des difficultés pour parvenir à Londres, et c'est en fin de compte par l'intermédiaire de René Bertholet, citoyen suisse et syndicaliste international, et du consulat britannique à Genève, qu'il y parviendra et se retrouvera sur un bureau du SOE. Pour assurer cette mission, le colonel Buckmaster désignera Tony Brooks, qui sera parachuté le .
Avec Jean Moulin en Zone Sud
En , il rencontre André Boyer (chef du réseau Brutus), dans la salle des pas perdus du palais de justice de Marseille. Morandat reçoit mission de se mettre aux ordres de Jean Moulin, parachuté en France dans la nuit du 1er au . Il le voit deux fois par mois, pour lui faire des propositions de distribution de subventions aux organismes dont il a la responsabilité.
Le , lors d'une réunion à Toulouse avec Jean Moulin « Rex », Christian Pineau « Francis » et André Boyer, il lance l'idée d'un Parlement de la Résistance. Jean Moulin ne donne pas suite, estimant un tel projet prématuré.
Retour à Londres
En , Morandat est renvoyé à Londres par Jean Moulin, avec lequel il est en désaccord. En , il collabore avec André Philip et est désigné à l'Assemblée consultative provisoire.
La Libération
En , il retourne en France en étant parachuté le sur le terrain Ajusteur de Saint-Uze afin d'assister Alexandre Parodi[2]. Le , lors de la Libération de Paris, seul avec sa future femme Claire, elle aussi résistante, il prend possession de l'hôtel Matignon au nom du Gouvernement provisoire.
Après-guerre : un gaulliste de gauche
Il milite à l'Union démocratique et socialiste de la Résistance, au Rassemblement du peuple français puis à l'Union démocratique du travail (gaullistes de gauche).
Il est également président des Houillères de Provence, puis du Nord-Pas-de-Calais, président des Charbonnages de France. Il deviendra membre du Conseil économique et social. Le puits Yvon Morandat, creusé à Gardanne en 1981, porte son nom.
En 1965, il fonde le Front travailliste, mouvement gaulliste de gauche. De mai à , il est secrétaire d'État, auprès du ministre des Affaires sociales, chargé de l'Emploi dans le dernier gouvernement de Georges Pompidou.
Il meurt le à Marseille.
Les manuscrits de Céline
Selon Jean-Pierre Thibaudat, Yvon Morandat, occupant de 1944 à 1946 l'appartement de Louis-Ferdinand Céline, rue Girardon, a récupéré les manuscrits de l'écrivain. Morandat aurait contacté Céline à son retour en France en 1951, pour l'informer que son mobilier a été stocké en garde-meuble et qu'il pourra le récupérer s'il paie la facture[3]. « Lui a-t-il aussi proposé de reprendre les manuscrits ? demande le journaliste François-Guillaume Lorrain. Sans doute, oui, mais nous n'en aurons pas la preuve tant que nous n'aurons pas les lettres envoyées par Céline à Yvon Morandat[4]. »
Céline refuse de payer la facture. Morandat conserve les manuscrits. Les proches de Morandat croient qu'ils sont restés dans le garde-meuble. Dix ans après sa mort, ils les auraient découverts par hasard dans leur cave[3]. Ils les confient à Jean-Pierre Thibaudat, par l'intermédiaire de Gilles Karpman, avec pour consigne de ne les faire ressortir qu'après la mort de Lucette Destouches, « par crainte qu’elle ne fasse disparaître certains documents ou empêche des travaux de recherche à partir des manuscrits et documents contenus dans la caisse[3] », et afin que personne ne gagne d'argent grâce à eux.
Thibaudat réfute ainsi les accusations (proférées par Céline[5]) de vol à l'encontre de Morandat.
Distinctions
- France
- Grand officier de la Légion d'honneur
- Compagnon de la Libération par décret du
- Grand officier de l'ordre national du Mérite
- Croix de guerre 1939-1945 (3 citations)
- Médaille de la Résistance française avec rosette par décret du 31 mars 1947[6]
- Royaume-Uni
- Belgique
Hommages
- À Paris, en 1978, la place Yvon-Morandat est inaugurée dans le 17e arrondissement en son honneur. En 1987, le prénom de Claire Morandat, décédée en 1985, sera ajouté au nom de la place, qui devient place Yvon-et-Claire-Morandat.
- À Marseille, dans le 8e arrondissement, au sein de la résidence privée du Parc du Roy d'Espagne, une allée porte le nom d'Yvon Morandat.
Voir aussi
Bibliographie
- Marie-Christine Chappat, « Yvon Morandat, une figure du XXe siècle, 1913-1972 », mémoire de maîtrise d'histoire dirigé par MM. J. Gadille et C. Prudhomme, université Jean-Moulin, 1988 (archivé au musée de la résistance de Lyon, au musée de la résistance de Nantua, ainsi qu'à la bibliothèque de l'université Jean-Moulin et de la ville de Bourg-en-Bresse).
- Michael Richard Daniell Foot, Des Anglais dans la Résistance. Le Service secret britannique d'action (SOE) en France 1940-1944, annot. Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Tallandier, 2008 (ISBN 978-2-84734-329-8). Traduction en français par Rachel Bouyssou de (en) SOE in France. An account of the Work of the British Special Operations Executive in France, 1940-1944, London, Her Majesty's Stationery Office, 1966, 1968 ; Whitehall History Publishing, in association with Frank Cass, 2004. Ce livre présente la version « officielle » britannique de l’histoire du SOE en France.
- « Souvenirs inédits d'Yvon Morandat », édition établie et présentée par Laurent Douzou, Les Cahiers de l'IHTP (Institut d'histoire du temps présent), Cahier no 29, , CNRS.
Cinéma
- Paris brûle-t-il ? réalisé par René Clément en 1966 : Jean-Paul Belmondo joue « Pierrelot », alias Yvon Morandat[7],[8], lors de sa prise de possession de l'hôtel Matignon en , en compagnie de sa femme Claire (jouée par Marie Versini).
Télévision
- Alias Caracalla, au cœur de la résistance, réalisé par Alain Tasma en 2013, France 3, joué par Grégory Gadebois[9].
Liens externes
- Ressource relative à la vie publique :
- Biographie d'Yvon Morandat sur le site de l'Ordre de la Libération.
- Fiche Yvon Morandat, avec photographie, sur le site Special Forces Roll of Honour.
- Paul Rivière, « Yvon Morandat, figure exemplaire de la Résistance », Revue de la France libre, n° 198, novembre-décembre 1972.
Notes et références
- Archives départementales de l'Ain, commune de Buellas, année 1913, acte de naissance no 10, avec mentions marginales de mariage et de décès.
- « Étais-je un terroriste ?... » (version du 18 août 2001 sur l'Internet Archive).
- Jean-Pierre Thibaudat, « Céline, le trésor retrouvé - La piste Morandat (5/9) », .
- François-Guillaume Lorrain, « La vérité sur l’affaire des manuscrits perdus de Céline », sur lepoint.fr, 10 août 2022 (consulté le 16 août 2022).
- François-Guillaume Lorrain, op. cit., cite la lettre du de Céline à son avocat Tixier-Vignancour. Elle est « citée par François Gibault dans sa biographie » de Céline.
- « Base des médaillés de la résistance »
- « Film : Paris brûle-t-il ? », sur luteceduparisien.fr, .
- Clément Machetto, « Paris brûle-t-il ? : pourquoi Kirk Douglas a-t-il accepté de jouer dans ce film ? », sur telestar.fr, .
- « Alias Caracalla : Dossier d'accompagnement pédagogique » [PDF], sur cndp.fr.
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