diasyrme

Français

Étymologie

Emprunté au grec ancien διασυρμὸς, diasurmos, « déchirement, raillerie méchante » (d'après A. Bailly, Dictionnaire Grec-Français).
On trouve également l’étymologie suivante : « Diasyrme, s. m. (rhétor.), en grec διασυμός (diasurmos), ironie insultante. Ce mot vient de διασύρω, (diasurô), déchirer, outrager [Bailly donne « décrier » au lieu de « outrager » comme sens figuré de διασύρω (diasurô)] ; formé de δια (dia), par, à travers, et de σύρω (surô), je traîne. Le diasyrme traîne dans le mépris celui qui en est l’objet. » (d'après J. B. Morin, Dictionnaire étymologique des mots françois tirés du grec, 1803)

Nom commun

SingulierPluriel
diasyrme diasyrmes
\dja.siʁm\

« J’ai reçu, monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain, je vous en remercie. Vous plairez aux hommes à qui vous dites leurs vérités, mais vous ne les corrigerez pas. On ne peut peindre avec des couleurs plus fortes les horreurs de la société humaine, dont notre ignorance et notre faiblesse se promettent tant de consolations. On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bête; il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j’en ai perdu l’habitude, je sens malheureusement qu’il m’est impossible de la reprendre, et je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes que vous et moi. »  (Lettre de Voltaire à Rousseau, 30 août 1755)

Exemple de diasyrme (2) : Voltaire se moque de Rousseau qui vient de lui adresser son Discours de l’inégalité.
Les expressions « Vous plairez aux hommes », « On ne peut peindre avec des couleurs plus fortes », puis « On n’a jamais employé tant d’esprit » donnent une impression d’éloge, d’apologie, aussitôt démentie par les formules : « à vouloir nous rendre bête » et « il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage » qui par les connotations péjoratives du mot « bête » et de l’image « marcher à quatre pattes » révèle le persiflage de Voltaire. Persiflage déjà présent dans les déclarations antérieures « votre nouveau livre contre le genre humain » et « Vous plairez aux hommes à qui vous dites leurs vérités » (« plaire » versus « dire ses vérités ») dont le sens réel mais insidieux peut passer inaperçu à un lecteur candide lors de la première lecture du passage.

diasyrme \dja.siʁm\ masculin

  1. (Rare) Espèce d’ironie dédaigneuse ou maligne, qui par une raillerie humiliante dévoue au mépris la personne qui en est l’objet. [1]
    • Chargé des public-relations, le "commissaire" spécialiste de l’euphémisme et de l’apodioxis, auquel il mêle volontiers le diasyrme et l’anthypophore, évoque l’activité de ses subordonnés en des comptes-rendus pleins de modération d’où il appert que les accidents ou maladies subites sont infiniment fréquents dans les locaux de la police, faute de crédits pour les désinfecter.  (Boris Vian, Le Problème du colon, dans : Articles, chroniques, textes pataphysiques, La Pléiade, 2010, œuvres romanesques complètes tome 2, page 1048)

Notes

  • D’après certains auteurs, par exemple Pougeoise [2] ou Robrieux [3], le diasyrme est un faux-éloge et s’oppose à l’astéisme, qui serait juste son inverse, c'est-à-dire un faux-blâme. Le faux-éloge ou diasyrme donc, sous couvert des louanges apparentes cache en fait une critique féroce. Robrieux [3] précise que le diasyrme s’apparente au persiflage. La figure est une des formes de l’ironie en ce sens que l’on dit ou l’on semble dire une chose pour signifier son contraire, tout en laissant apparaître l’intention véritable.
  • Pour Molinié [4], le diasyrme suppose également une certaine dose d’agressivité. Il s’agit d’une figure macrostructurale qui se présente comme une ironie agressive ou une attaque cinglante. Le diasyrme serait donc pour cet auteur l’ironie revêtue d’agressivité et représenterait une des figures maîtresses du genre satirique.
  • Cependant, pour Morier [5], le diasyrme est une autre forme d’écart ironique et une « approche subreptice de l’absurde ». Morier écrit qu’à travers le diasyrme, « l’auteur désire d’abord masquer son ironie ; on peut croire qu’il parle sérieusement ; puis, les écarts se creusent, mettant le lecteur en éveil, et l’ironie achève de se dévoiler sous forme de comble ou d’écart maximum. » L’on observe justement cette progression dans notre citation précédente de Voltaire.
  • Fontanier [6] ne fait pas mention du diasyrme. Cependant il rassemble le faux-blâme et le faux-éloge sous la même dénomination d’astéisme, terme considéré par d’autres auteurs comme désignant simplement le faux-blâme.

Synonymes

Traductions

Prononciation

  • France (Toulouse) : écouter « diasyrme »

Références

  • [1] : Encyclopédie méthodique : Grammaire et littérature, Dumarsais, Nicolas Beauzée, Jean François Marmontel, Voltaire, 1782, Plomteux
  • [2] : Dictionnaire de rhétorique, Michel Pougeoise, éd. Armand Colin, 2001.
  • [3] : Les figures de style et de rhétorique, Jean-Jacques Robrieux, éd. Dunod, coll. les topos, 1998.
  • [4] : Dictionnaire de rhétorique, Georges Molinié, éd. Librairie Générale Française (Livre de Poche), 1992.
  • [5] : Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Henri Morier, éd. Presses Universitaire de France, 1961.
  • [6] : Manuel classique pour l’étude des tropes, Pierre Fontanier, éd. Belin-Leprieur, 1821 ; Les figures du discours, Pierre Fontanier, éd. Flammarion, coll. Champs, 1977.
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