joual
Français
Étymologie
- Mot utilisé pour la première fois en 1960 par Jean-Paul Desbiens, alias « le frère Untel », pour désigner de façon péjorative le français parlé au Québec : « Le joual est une langue désossée : les consonnes sont toutes escamotées, un peu comme dans les langues que parlent (je suppose, d’après certains disques) les danseuses des Îles-sous-le-Vent : oula-oula-alao-alao. […] Cette absence de langue qu’est le joual est un cas de notre inexistence, à nous, les Canadiens français[1]. » Il s’agit d’une déformation du mot cheval.
- À Paris et dans certaines régions de France, le mot cheval était prononcé \ʒval\ (« jval ») aux XVIIe et XVIIIe siècles, soit à l’époque de la colonisation de la Nouvelle-France[2] (devenue le Québec). C’est ainsi que cette prononciation est arrivée en Amérique, pour se transformer phonétiquement en « joual » dans certains milieux. La prononciation « joual » pour « cheval » est cependant inexistante aujourd’hui et n’a jamais été courante au Québec.
Nom commun
Singulier | Pluriel |
---|---|
joual | jouals |
\ʒwal\ |
joual \ʒwal\ masculin
- (Québec) Sociolecte de langue française issu de la culture populaire de la région de Montréal dans les années 1960.
- […] son mari, qui était Canadien français, disait-on, parlait le français avec un fort accent anglais, et les Canadiens français présents parlaient, entre eux, le plus embarrassant des jouals. — (Roland Lorrain, La Mort de mon joual : histoire incroyable d’un canadien français décidé à parler bien, Éditions de jour, 1966, page 28)
- Mais que veut dire joual, exactement? À quoi fait-on référence lorsqu’on parle du joual? Dans les écrits de Michel Tremblay, pionnier de la littérature joualisante, le joual fait référence au parler populaire des classes ouvrières de la région de Montréal des années 1960. C’est très restrictif. Dans ma Beauce ancestrale, par exemple, personne ne parlait joual. — (Anne-Marie Beaudoin-Bégin, La langue rapaillée, éditions Somme toute, 2015, p. 104)
- (Québec) (Abusivement) Français québécois.
- De nos jours, pour plusieurs, le joual fait référence au français québécois, tout simplement. Mais le seul fait de lui donner un nom particulier, autre que celui de français, comme si ce n’était pas, justement, du français, induit un jugement de valeur négatif. Car ce dont on parle réellement quand on utilise le mot joual, c’est du français québécois familier, ce français qui diverge le plus fortement du contenu des ouvrages de référence, ce français qui n’obéit pas aux règles canoniques. On ne dirait pas, par exemple, que les lecteurs de nouvelles de Radio-Canada parlent joual. Mais ils parlent pourtant bel et bien le français québécois. — (Anne-Marie Beaudoin-Bégin, La langue rapaillée, éditions Somme toute, 2015, p. 104)
Adjectif
Singulier | Pluriel | |
---|---|---|
Masculin | joual \ʒwal\ |
jouals \ʒwal\ |
Féminin | jouale \ʒwal\ |
jouales \ʒwal\ |
joual
- Relatif au joual.
- Cocasseries, sermons jouals, défense des paillardes et des vadrouillards, apologie des ivrognes voilà le fond de scène de ses romans […] — (Université Laval, La Revue de l’Université Laval, volume 15, Université Laval, 1961, page 542)
- […] on a voulu récupérer […] la langue du Québec — qu’on appelle la langue jouale — […] — (Paul Dirkx, in Le corps en amont : Le corps de l’écrivain I - The body upstream. The writer's body I, citant des propos tenus en juin 1967, L’Harmattan, 2012)
- […] mais après les premières œuvres jouales, le monde québecois a changé […] — (Québec Presque Libre, œuvre collective, Québec Presque Libre, 1976, page 59)
- Ce parler et cette pensée jouals sont typiquement canadiens-français […] — (Gérald Godin, Écrits et parlés, tome I, volume 1, « Culture », L’Hexagone, 1993, page 16)
- […] des poèmes structurés en rythmes et mots jouals. — (Jacques Godbout, Le réformiste : textes tranquilles, Boréal, 1994, page 116)
Références
- Jean-Paul Desbiens, Les insolences du Frère Untel, Montréal, Éditions de l'Homme, 1960, cité dans Anne-Marie Beaudoin-Bégin, La langue rapaillée, éditions Somme toute, 2015, p. 104.
- Jean-Denis Gendron, D'où vient l'accent des Québécois? Et celui des Parisiens?, Presses de l'Université Laval, Québec, 2007.
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