Élections législatives portugaises de 2015

Les élections législatives portugaises de 2015 (en portugais : Eleições legislativas portuguesas de 2015) se tiennent le , afin d'élire les 230 députés de la XIIIe législature de l'Assemblée de la République.

Élections législatives portugaises de 2015
230 députés de l'Assemblée de la République
(Majorité absolue : 116 députés)
Type d’élection Élection parlementaire
Corps électoral et résultats
Inscrits 9 682 553
Votants 5 408 805
55,86%  2,2
Votes exprimés 5 206 410
Votes blancs 112 851
Votes nuls 89 544
Portugal en avant  Pedro Passos Coelho
Voix 2 086 165
38,57%
 11,8
Députés élus 107  25
PS  António Costa
Voix 1 747 685
32,31%
 4,3
Députés élus 86  12
BE  Catarina Martins
Voix 550 892
10,19%
 5
Députés élus 19  11
PCP  Jerónimo de Sousa
Voix 445 980
8,25%
 0,3
Députés élus 17  1
Carte des résultats
Composition politique
Premier ministre
Sortant Élu
Pedro Passos Coelho
PPD/PSD
António Costa
PS avec le soutien de BE/CDU
Legislativas 2015

Le président du Parti social-démocrate et Premier ministre sortant, Pedro Passos Coelho, chef de la coalition de centre droit, espère conserver la direction du gouvernement constitutionnel après ces élections. Son principal concurrent pour le poste de Premier ministre est le chef du Parti socialiste, António Costa. En dépit de l'impossibilité de Coelho de rassembler une majorité de députés derrière sa candidature, il est reconduit dans ses fonctions par le président de la République à la tête d'un gouvernement minoritaire. Il est renversé moins d'un mois plus tard par une motion de censure et Costa est nommé Premier ministre avec le soutien du Bloc de gauche et de la coalition démocratique unitaire.

Contexte

Quatre années de rigueur

Composition de l'Assemblée sortante, élue en 2011.

Le , le Parti social-démocrate (PPD/PSD) dirigé par Pedro Passos Coelho remportait largement les élections législatives anticipées convoquées par le président de la République portugaise Aníbal Cavaco Silva après la chute du gouvernement socialiste dirigé par le Premier ministre sortant José Sócrates ; celui-ci avait alors décidé, après cet échec, de mettre un terme à sa carrière politique.

Avec un peu plus de 38,6 % des voix, le PPD/PSD compte 108 députés à l'Assemblée de la République, le Parlement monocaméral du Portugal, contre seulement 74 sièges pour le Parti socialiste (PS). Après un accord de coalition avec le Parti populaire (CDS/PP), fort de ses 24 mandats à l'Assemblée, Pedro Passos Coelho parvient à former un gouvernement de onze ministres, comme il l'avait promis au cours de sa campagne. Ce gouvernement, approuvé par le président Cavaco Silva, est alors appuyé par une majorité de 132 députés sur 230 à l'Assemblée de la République.

Ce gouvernement de centre droit s'inscrit dans la continuité de la politique de rigueur entamée par le précédent cabinet socialiste, sous la pression des créanciers du Portugal : les privatisations sont engagées, les salaires sont diminués, les cotisations sociales et les impôts sont augmentés et le nombre de fonctionnaires est significativement réduit. De même, la décentralisation de domaines relevant de la compétence de l'État comme l'enseignement est favorisée. Ces mesures prônées par le gouvernement Passos Coelho, qui les présente comme nécessaires, coûtent cependant à la population, durement mise à contribution du fait de la crise économique et sociale vécue par le pays. Ces mesures commencent néanmoins à porter leurs fruits et participent à la reprise économique (une partie des prêts du FMI ont été remboursés, les exportations repartent à la hausse, ainsi que la consommation, les investissements et la croissance, tandis que le chômage baisse - 13,5 % contre 16,4 % en 2013, à son apogée -. Enfin, le Portugal a connu en 2014 son premier excédent commercial depuis 1993). La situation des classes moyennes, durement touchées par la crise, le fait qu'un quart des Portugais soient toujours sous le seuil de pauvreté, le lourd endettement des entreprises et la dette publique à 127 % du PIB montrent pourtant un bilan en demi-teinte[1].

Ces élections législatives précèdent, en outre, l'élection présidentielle de 2016 qui devra désigner le successeur du chef de l'État sortant, Cavaco Silva ne pouvant solliciter un nouveau quinquennat après deux mandats consécutifs.

Conditions générales

Modalités du scrutin

L'Assemblée de la République (Assembleia da República) se compose de 230 députés, dont le mandat dure quatre ans. Les parlementaires sont élus dans vingt-deux circonscriptions, qui correspondent aux dix-huit districts du Portugal, aux deux régions autonomes que sont les Açores et Madère, et à deux circonscriptions ad hoc pour les expatriés, selon un scrutin proportionnel avec répartition suivant la méthode d'Hondt[2]. Chaque circonscription compte au moins deux députés, celle du district de Lisbonne en comptant pour sa part quarante-sept, le nombre maximum actuel.

Fixation de la date des élections

Le président de la République Aníbal Cavaco Silva, dont le mandat se terminera quelques mois plus tard en 2016, a décidé de convoquer ces élections législatives pour le , en vertu de la Constitution. Conformément à la loi fondamentale, le chef de l'État, avant de prendre sa décision, avait consulté le gouvernement, l'ensemble des partis représentés au Parlement puis le Conseil d'État, qu'il préside. Durant une allocution télévisée relative à la convocation de ce scrutin, le président Cavaco Silva a insisté sur « l'importance de ces élections », rappelant les exigences des créanciers internationaux du pays[3],[4].

Répartition des circonscriptions

Le tableau suivant présente les circonscriptions représentées à l'Assemblée de la République par au moins un député.

Circonscription Députés
Aveiro 16
Beja 3
Braga 19
Bragance 3
Castelo Branco 4
Coimbra 9
Évora 3
Faro 9
Guarda 4
Leiria 10
Lisbonne 47
Portalegre 2
Porto 39
Santarém 9
Setúbal 18
Viana do Castelo 6
Vila Real 5
Viseu 9
Açores 5
Madère 6
Europe 2
Hors d'Europe 2
Total 230

Campagne

Principaux partis et dirigeants

Parti Chef de file Résultats en 2011
Portugal en avant Pedro Passos Coelho
(Premier ministre)
  • 38,66 % des voix
    108 députés
  • 11,71 % des voix
    24 députés
Parti socialiste
Partido Socialista
António Costa 28,04 % des voix
74 députés
Coalition démocratique unitaire
Coligação Democrática Unitária
Jerónimo de Sousa 7,90 % % des voix
16 députés
Bloc de gauche
Bloco de Esquerda
Catarina Martins 5,17 % des voix
8 députés

Portugal en avant

Le Premier ministre sortant, Pedro Passos Coelho

Portugal en avant (Portugal à Frente) est une coalition de centre droit liant le Parti social-démocrate (PPD/PSD) et le Parti populaire (CDS-PP). Ces deux partis constituent le gouvernement sortant, investi par une majorité de 132 députés sur 230 issue des élections législatives du .

Cette coalition a été fondée pour unir les forces des deux partis membres du gouvernement à l'occasion des élections européennes du , mais cette union des forces de droite a été devancée par le Parti socialiste (PS), arrivé en tête de ce scrutin avec 31,5 % des voix contre 27,7 % pour le Portugal en avant.

Au pouvoir depuis 2011, le PPD/PSD et le CDS-PP sont liés par un contrat de coalition dans lequel sont présentés les objectifs du gouvernement qu'ils forment, conformément à leurs promesses de campagne pour le précédent scrutin parlementaire : parmi ces priorités figurent la réforme de la loi électorale, la réduction des dépenses publiques, le non-remplacement de 80 % des fonctionnaires partant à la retraite, l'introduction d'une plus large flexibilité dans le marché du travail, l'accompagnement des PME exportant, la décentralisation de certaines fonctions de l'État relative à l'enseignement et la simplification des structures administratives. Si toutes ces promesses n'ont pas été tenues, le gouvernement de Pedro Passos Coelho, chef du Parti social-démocrate et Premier ministre, a bel et bien mené une politique de rigueur, poursuivant les premiers efforts engagés par le précédent cabinet, alors dirigé par le socialiste José Sócrates. Ainsi, durant cette XIIe législature, les salaires ont diminué, les pensions de retraite et les amortisseurs sociaux ont été largement réduits tandis que les cotisations sociales et les impôts ont été progressivement accrus.

Cette politique a mécontenté une grande partie de la population portugaise, laquelle a manifesté régulièrement, dans la rue, sa réprobation pour cette politique de rigueur et la diminution des salaires ; de même, l'opposition socialiste a refusé de soutenir cette politique, la jugeant profondément injuste et de toute manière insuffisante pour juguler les effets de la crise économique et sociale. Néanmoins, les effets de cette politique ont fini par faire sortir, en 2014, le Portugal du plan d'aide international qu'il avait sollicité quelques années plus tôt[5],[6],[7].

Les sondages et diverses enquêtes d'opinions notent que longtemps durant, le PPD/PSD seul ne pouvait obtenir la majorité absolue des sièges à l'Assemblée à l'issue des prochaines élections, d'autant plus que le PS le devançaient largement d'après ces mêmes enquêtes. Progressivement, le parti a gagné du terrain, Passos Coelho étant même présenté comme étant le plus compétent pour le poste de Premier ministre, au détriment du chef du Parti socialiste, António Costa.

Parti socialiste

Le secrétaire général du Parti socialiste, António Costa

Le , le Parti socialiste (PS) a perdu les élections législatives, après deux législatures passées au gouvernement. Avec 28,04 % des voix, il obtenait d'ailleurs le pire résultat de son histoire. Aussitôt, son chef, José Sócrates, avait annoncé sa démission, qui devait intervenir quelques semaines plus tard. L'ancien ministre António José Seguro avait alors été désigné secrétaire général du Parti socialiste face au député européen Francisco Assis. Deux ans plus tard, José Seguro avait été largement réélu à la direction nationale du parti, mais contesté par une part importante des cadres du mouvement, jugeant qu'il n'était pas en mesure de diriger un gouvernement dans l'hypothèse d'une victoire aux prochaines élections législatives et déçue de leur faible performance aux élections européennes, une primaire avait été décidée pour que soit désigné le chef de file du Parti pour le poste de Premier ministre.

Le , le maire de Lisbonne, António Costa, est amplement désigné par 67,7 % des militants ayant voté pour conduire la campagne du Parti socialiste pour les élections législatives de l'an suivant. Avocat de profession, plusieurs fois ministre et proche du respecté António Guterres, le nouveau dirigeant du Parti socialiste a par la suite été formellement désigné secrétaire général du PS lors d'un congrès extraordinaire, le . Soucieux de se consacrer entièrement à la prochaine campagne électorale, Costa s'est démis de son mandat municipal à Lisbonne le .

À partir de 2012, le Parti socialiste était régulièrement donné vainqueur des prochaines élections d'après les sondages, bien que la majorité absolue pouvait lui manquer. Cette avance sur le centre droit fut néanmoins atteinte lorsque l'ancien Premier ministre et secrétaire général du PS, José Sócrates fut soupçonné de fraude fiscale et de blanchiment d'argent, puis inculpé et incarcéré pour ces mêmes faits, au mois de [8].

Chef du principal parti d'opposition, António Costa n'a pas manqué de critiquer régulièrement la politique de rigueur mise en œuvre par le gouvernement de Pedro Passos Coelho, reprochant au Premier ministre cette « austérité » surtout payée par les plus modestes. Il cherche par ailleurs à séduire le plus large électorat de gauche possible, notamment en saluant la victoire, le , du parti de gauche radicale SYRIZA aux élections législatives grecques du mois de , avant de modérer son propos et de désapprouver certaines mesures préconisées par le chef de ce parti, Aléxis Tsípras.

Alors que les sondages ne donnent qu'une relative avance de la coalition de centre droit « Portugal en avant », António Costa, interrogé sur la probabilité d'un gouvernement d'unité nationale soutenu par un parlement sans majorité, a répliqué que cette situation, peu envisageable, ne serait acceptable que s'agissant d'un cas particulièrement problématique pour le pays[9].

Résultats

Voix et sièges

Résultats définitifs[10]
Inscrits 9 682 553
Abstentions 4 273 748 44,14 %
Votants 5 408 805 55,86 %
Bulletins enregistrés 5 408 805
Bulletins blancs ou nuls 0 0 %
Suffrages exprimés 5 408 805 100 % 230 sièges à pourvoir
Liste Tête de liste Suffrages PourcentageSièges acquisVar.
Portugal en avant (PPD/PSD-CDS/PP) Pedro Passos Coelho 1 993 921 36,86 %
102 / 230
-25[A 1]
Parti socialiste (PS) António Costa 1 747 685 32,31 %
86 / 230
+12
Bloc de gauche (BE) Catarina Martins 550 892 10,19 %
19 / 230
+11
Coalition démocratique unitaire (CDU) Jerónimo de Sousa 445 980 8,25 %
17 / 230
+1
PPD/PSD Pedro Passos Coelho 81 054 1,5 %
5 / 230
-[A 1]
Parti pour les animaux (PAN) Néant 75 140 1,39 %
1 / 230
+1
Bulletins blancs[A 2] Néant 112 851 2,09 %
0 / 230
 
Bulletins nuls[A 2] Néant 89 544 1,66 %
0 / 230
 
Autres listes Néant 311 738 5,76 %
0 / 230
 

Conséquences

Force politique arrivée en tête par circonscription.
Résultat des partis de gauche par district.

Le Parti socialiste, le Bloc de gauche et la Coalition démocratique unitaire ont entamé des négociations pour former un gouvernement et empêcher la coalition de droite de former un nouveau gouvernement. Aucune coalition de partis de gauche n'a dirigé le gouvernement depuis que la Constitution de 1976 est entrée en vigueur[11],[12].

Néanmoins, le , le président de la République, charge le Premier ministre sortant de former un nouveau gouvernement[13]. Il justifie son refus de charger la coalition de gauche de former un gouvernement, allant ainsi à l'encontre des résultats du scrutin, par le fait que « l'observation des engagements internationaux est décisif et cruciale pour le financement de notre économie et la croissance de l'emploi. Hors de l'euro, le futur du Portugal sera catastrophique »[14].

Celui-ci présente son nouveau gouvernement le 27 en dépit de son absence de majorité parlementaire[15].

Le , soit quelques jours avant la présentation du nouveau gouvernement devant le Parlement, les partis de gauche annoncent avoir conclu un accord en vue de diriger le pays[16].

Le , la motion de rejet du programme du gouvernement minoritaire de Pedro Passos Coelho est adoptée par le Parlement par 123 voix contre 107[17].

Réticent à accepter qu'une coalition des gauches dirige le pays, le président de la République Aníbal Cavaco Silva demande, le , six garanties au chef du Parti socialiste António Costa avant de le nommer Premier ministre. Par celles-ci, il s'engage à poser une question de confiance au parlement, à adopter un budget pour 2016, à « prendre des initiatives pour remplir les engagements découlant de la participation du Portugal à la zone euro », à demeurer dans l'OTAN, à assurer la stabilité du système financier et à garantir le rôle du Conseil de concertation sociale (Conselho Permanente de Concertação Social)[18]. Le président de la République tente ainsi une nouvelle fois de provoquer une tension au sein de la gauche pour provoquer une cassure au sein de l'alliance[19].

Le , le président de la République Aníbal Cavaco Silva nomme António Costa Premier ministre malgré son opinion critique envers une alliance « incohérente », selon lui, entre le PS, proeuropéen, et ses partenaires plus critiques à l'égard des institutions européennes[20].

Notes et références

Notes

  1. par rapport au nombre total de sièges remportés par le PPD/PSD et le CDS/PP en 2011.
  2. au Portugal, les bulletins blancs et les bulletins nuls sont comptabilisés parmi les suffrages exprimés.

Références

  1. Anne Cheyvialle, « Les Portugais prêts à reconduire le champion de l'austérité », Le Figaro, encart « Économie », samedi 3 / dimanche 4 octobre 2015, page 22.
  2. « IPU PARLINE database: PORTUGAL (Assembleia da Republica), Système électoral », sur ipu.org, .
  3. « Portugal : les élections législatives auront lieu le 4 octobre », sur euronews.com, .
  4. « Portugal: législatives fixées au 4 octobre », sur lefigaro.fr, .
  5. « Le Portugal sort définitivement du plan d'aide », sur challenges.fr, .
  6. « Le Portugal sort du plan d'aide « eurofataliste », sur lemonde.fr, .
  7. « Le Portugal renonce à la dernière tranche d'aide de son plan de sauvetage », sur lemonde.fr, .
  8. « José Socrates placé en détention provisoire », sur lemonde.fr, .
  9. « Portugal: début d'une campagne législative à l'issue plus qu'incertaine », sur lepoint.fr, .
  10. http://www.legislativas2015.mai.gov.pt/.
  11. (pt) « Esquerda disponível para formar Governo com PS », sur rtp.pt, .
  12. (pt) « PS desafia Bloco e PCP a clarificarem condições para formação de Governo », sur rtp.pt, .
  13. « Le président portugais nomme un premier ministre sans majorité », sur lemonde.fr, .
  14. « Portugal : le président impose un gouvernement de droite, mais la gauche se rassemble », sur La Tribune, (consulté le ).
  15. « Le premier ministre portugais forme son nouveau gouvernement », sur lemonde.fr, .
  16. « Portugal : le Parti communiste s’associe aux socialistes pour faire tomber le gouvernement de droite », sur lemonde.fr, .
  17. « Portugal : le gouvernement de droite est renversé », sur La Tribune, (consulté le ).
  18. (pt) « Presidência da República divulga documento entregue ao Secretário-Geral do Partido Socialista », sur presidencia.pt, (consulté le ).
  19. « Portugal : le président pourrait accepter un gouvernement de gauche », sur La Tribune, (consulté le ).
  20. « Portugal : Antonio Costa nommé premier ministre », sur Le Monde, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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