Aimant aux terres rares

Les aimants permanents ou aimants faisant appel aux terres rares utilisent une grande partie de l'exploitation minière de terres rares qui sont au cœur d'une compétition économique mondiale[1].

Les aimants permanents représentent 20% du volume et 72% de la valeur des différentes utilisations des terres rares en 2018[2].

Les terres rares permettent la miniaturisation d’aimants très performants, ce qui en multiplie les applications[3].

Ils sont utilisés dans beaucoup de secteurs de pointe en électronique, en électrotechnique, en mécanique(par exemple pour réduire le volume et le poids des moteurs et générateurs électriques)[4].

Depuis 1980, le volume de production de ces aimants a augmenté de façon spectaculaire.

Histoire

Les alliages de Cobalt et de Terres Rares sont à l'origine de la fabrication d'aimants, premiers de ce type, trois à dix fois plus puissants que ceux que l'on savait faire avec d'autres alliages[5].

Les aimants aux terres rares sont :

  • les aimants à base de néodyme, de fer et de bore (NdFeB)

La puissance maximale (rémanence × force coercitive)[6] d'un aimant est quantifiée par le BxH max (BHmax), ou produit énergétique maximal, qui est mesuré en Mega Gauss Oersted (MGOe ). Plus le BHmax est élevé, plus l'aimant est puissant. Les aimants en céramique ont un BHmax de 3,5, les Sm-Co ont un BHmax de 26, les NdFeB sont les plus puissants des aimants de terres rares avec un BHmax de 40[7] et jusqu'à plus de 50. Le MegaGauss Oersted du système CGS est relié[8] à l'unité d'énergie volumique maximale kJ/m³ (kilo joule par mètre cube) du Système International de mesures (SI).

En 1966 le docteur Karl Strnat découvre les premiers aimants samarium-cobalt (Sm-Co)[9].

Dans les années 1980, les aimants de terres rare au néodyme (NdFeB) ont été inventés par le Japonais Masato Sagawa chez Sumitomo Special Metals et de l'Américain John Croat de General Motors[10].

En 1972, General Electric, Bell Telephone et Philips commencent à commercialiser des aimants aux terres rares[5]

Jusqu'à la fin des années 1990, les États-Unis, le Japon et l'Europe constituaient 90 % du marché des aimants aux terres rares [11]. La vente de Magnequench par General Motors, en échange de la construction d'une usine automobile à Shanghai, marque le début du basculement vers la Chine du centre de gravité de la valeur ajoutée de la filière[12].

A la fin des années 1980, le groupe japonais Hitachi détient le brevet d'application des aimants de terres rares[11]. Le brevet Hitachi est venu à échéance en 2014 et cette entreprise a demandé une extension de la validité de son brevet jusqu'en 2029[13].

Les aimants permanents au néodyme-fer-bore sont dopés au dysprosium, des quantités qui varient entre 2 et 11 % en fonction de la plage de température que l'on veut pour le fonctionnement de l'aimant[13].

En 2016, les aimants permanents sont l’application principale des terres rares au niveau mondial. Ils représentent 89 % des applications pour le néodyme et 98,5 % pour le dysprosium[4].

Dépendance

La fabrication des aimants permanents représente 23 % des usages des terres rares. Ces aimants que l’on retrouve dans des moteurs et générateurs électriques dont certaines éoliennes en mer, mais quasiment jamais sur les machines terrestres, les téléphones mobiles dont les smartphones et tablettes, l'électroménager, les équipements électriques et électroniques, certaines voitures électriques, les deux-roues électriques, des technologies militaires, etc. Ces aimants sont donc à l'origine d'une grosse part de l'extraction minière des terres rares en 2018[2],[14]. « Jusqu'en 1990, la Chine n'en produisait pas beaucoup. Elle a profité de son gisement géant de Bayan (Mongolie intérieure), de son peu de respect de l'environnement et de ses coûts de production pour pratiquer des prix défiants toute concurrence, qui ont obligé les pays occidentaux à fermer leurs capacités de production. »[15].

En 2013, la production mondiale d'aimants permanents est localisée à 81 % en Chine, complétée par le Japon, avec une toute petite partie aux États-Unis et en Europe[13].

En 2025, la demande chinoise en oxyde de néodyme pour la fabrication d’aimants permanents pourrait dépasser de 9000 tonnes sa production totale (La Chine serait importatrice nette de certaines terres rares alors qu’elle en produit 85 %). Une accélération tirée par l’émergence des énergies renouvelables, grandes consommatrices de ces aimants. Mais également par la multiplication des appareils électroniques et mobiles[16].

La demande en terres rares ne peut que croître tant que d'autres technologies ne pourront les remplacer. Par exemple de 2004 à 2013, le cours du dysprosium a explosé de 2 694 % et ils peuvent aussi faire l'objet de spéculations[17].

En 2019, la Chine a placé les terres rares au cœur de la guerre commerciale avec les Etats-Unis. D'après les médias d’État, Pékin étudierait la possibilité de restreindre ses exportations vers l'Amérique. En 2020, la Chine assure 80% de la production mondiale des aimants au néodyme [18],[19].

Selon le document Ressources minérales : les terres rares, 10 juin 2021 du Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM), Les États-Unis et la Birmanie ont (re)lancé la production minière des terres rares. L’Australie, les Etats-Unis et l’Europe portent maintenant leurs efforts sur des capacités de raffinage, nécessaires en partlculiers pour la fabrique des aimants, compétitives vis à vis de la Chine, pour en disposer à l’horizon 2030.

Domaines d'application

Éoliennes

Parmi les filières renouvelables, « certains segments du marché de l’éolien » consomment des terres rares, à savoir les unités de production équipées de générateurs synchrones à aimants permanents. Apparus dans les années 2000, ces derniers visent à « améliorer les rendements de conversion, réduire le poids et les besoins de maintenance, et allonger la durée de vie des systèmes ». Les aimants permanents contiennent en particulier deux types de terres rares : du néodyme (à hauteur de 29% à 32% par kg) et du dysprosium (3% à 6% par kg)[20],[4].

Certaines éoliennes en mer peuvent contenir 600 kg de néodyme dans les aimants de chaque turbine pour améliorer leur fonctionnement tout en diminuant les coûts de maintenance[21].

Selon Grégory Gautier, président du Groupe MTL Index, « Il est très coûteux d'entretenir un parc marin d'éoliennes et moins elles tombent en panne, mieux c'est. Or leurs aimants « permanents » à haute performance contenant du dysprosium ne doivent être réparés en moyenne que toutes les huit mille heures de fonctionnement, alors que ceux qui sont fabriqués avec du néodyme défaillent au bout de six mille heures[17]. »

La recherche et développement est sollicitée pour diminuer voire supprimer totalement la dépendance aux terres rares dans l'éolien[14].

Téléphonie mobile

Selon une étude menée en 2014, les téléphones mobiles comportent en moyenne 1,7 % d'aimants dans leur composition. Cette étude ne prend cependant pas en compte les smartphones, qui étaient alors encore peu représentés dans les collectes de déchets[22].

Tous les téléphones contiennent au minimum de petits aimants dans le microphone et le haut-parleur[13].

Voitures électriques

Les aimants aux terres rares sont déjà utilisés pour les véhicules à énergie fossile (pour les micro-moteurs électriques de rétroviseurs, les lève-vitres, les sièges, etc.).

La croissance des ventes de véhicules électriques et voitures électriques a renforcé l'intérêt pour la fabrication d'aimants compacts pour les moteurs électriques synchrones dit « sans balais » (néodyme, dysprosium, samarium).

Des véhicules de Toyota, Nissan, Mitsubishi, General Motors, PSA et BMW utilisent des moteurs avec aimants contenant des terres rares[23]. Par exemple, la Toyota Prius comporte kg de néodyme pour les aimants de son moteur et une dizaine d'aimants au samarium[21],[24].

Des constructeurs de véhicules électriques veulent se passer de terres rares, explique l’association AMPERes. Il suffit de remplacer le rôle des aimants par une bobine d’excitation. Ces constructeur tels Renault ou Tesla utilisent cette technologie et leur moteur ne contient donc pas de terres rares[14].

Toyota cherche ainsi à développer pour ses voitures hybrides, un moteur à induction sans aimant[21].

Équipements électriques et électroniques

Les aimants en terre rare sont largement utilisés dans l’industrie des outils électriques, des dispositifs médicaux tels que l’Imagerie par résonance magnétique (IRM), les disques durs d’ordinateurs, les isolateurs optiques, les appareils électroniques sans fil, les capteurs miniaturisés[25].

Trains à Grande Vitesse

Les aimants permanents au samarium sont une technologie utilisée pour la nouvelle génération des Trains à Grande Vitesse (TGV) d'Alstom et qui permet d'obtenir des moteurs de 30 à 40 % plus compacts avec 10 à 20 % de puissance supplémentaire[26],[27].

Applications duales

Les aimants de terre rare sont à la base de composants stratégiques pouvant servir aussi bien dans le domaine civil, vu par exemple pour les applications précédentes, que dans le domaine militaire (avions, missiles, bombes « intelligentes », etc.)

Le département de l'Énergie des États-Unis a commencé des recherches pour trouver des substituts aux terres rares pour les aimants permanents (voir Aimant au néodyme)

Environnement et cycle de vie

Fabrication

L'extraction de terres rares à ciel ouvert modifie le paysage, les sols et le régime hydrographique local[4].

Les industries minières de terres rares, dans la plupart des pays concernés, utilisent des techniques d’extraction et de purification des terres rares qui sont polluantes pour le sol et l’eau.

Elles nécessitent des procédés hydrométallurgiques et des bains d'acides qui rejettent des métaux lourds, de l’acide sulfurique ainsi que des éléments radioactifs (uranium et thorium).

Dans les minerais de terres rares, on a invariablement les 16 terres rares mélangées entre elles avec des proportions différentes[13].

C'est le cas, par exemple, pour le néodyme utilisé souvent dans les aimants permanents qui sont donc à l'origine d'une pollution environnementale majeure[22],[14].

Recyclage

Pour Nour-Eddine Menad du projet Extrade du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'extraction des terres rares des déchets électriques et électroniques est délicate mais pas impossible. Le projet de recherche, débuté fin 2013, Extrade, ambitionne de développer de nouvelles filières de valorisation des aimants permanents à terres rares (APTR) présents dans les D3E en ciblant trois types d’équipements que sont, les disques durs d’ordinateurs, les haut-parleurs des matériels audio et vidéo, les petits moteurs électriques présents dans les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et les Petits Appareils Managers (PAM)[28].

Selon l’essayiste Philippe Bihouix, le recyclage est presque illusoire[29].

Selon Guillaume Pitron, le recyclage des terres rares fait partie des promesses déçues d'un cycle de vie vertueux des terres rares[30].

Néanmoins, l'Union Européenne a lancé le projet ETN-Demeter project (European training network for the design and recycling of rare-earth permanent magnet motors and generators in hybrid and full electric vehicles)[31] pour étudier la définition de moteurs électriques, utilisés dans les véhicules, compatibles avec un développement durable. Le but étant par exemple, de spécifier des moteurs électriques dans lesquels les aimants pourraient être facilement démontés pour recycler les métaux de terres rares.

Les chercheurs du BRGM, associés à des acteurs du recyclage, sont parvenus à récupérer ces métaux entrant notamment dans la fabrication d'aimants puissants et de petite taille. Dans le gisement de nos déchets électroniques, ils se sont focalisés sur les disques durs, qui renferment, en moyenne, 4,5 grammes de terres rares[32].

Notes et références

  1. Leïla Marchand, « Guillaume Pitron, lauréat du prix du Livre d’Économie 2018 », Les Échos, (consulté le ).
  2. « Les terres rares, ces métaux essentiels aux technologies de pointe, au cœur d'un bras de fer économique entre les Etats-Unis et la Chine », sur francetvinfo.fr, (consulté le )
  3. Yves Fouquet, Denis Lacroix, Les ressources minérales marines profondes, Éditions Quae, , p. 67
  4. « Terres rares, énergies renouvelables et stockage d'énergies », sur ademe.fr, (consulté le )
  5. Jean-Louis Lavallard, « Un alliage magnétique surpuissant à base de cobalt et de samarium », sur Le Monde, (consulté le )
  6. « Comment se mesure la force d'un aimant? », sur imagnetshop.com (consulté le )
  7. « Différence entre les terres rares et les aimants en céramique », sur fr.scienceaq.com (consulté le )
  8. « Données physiques des aimants », sur supermagnete.fr (consulté le )
  9. Le canon magnétique - mines2010-26
  10. Pitron 2018, p. 159, note 2.
  11. Pitron 2018, p. 161.
  12. Pitron 2018, p. 210.
  13. « Terres rares : enjeux stratégiques pour le développement durable », sur brgm.fr,
  14. « L’énergie durable se développera sans « terres rares » », sur renouvelle.be
  15. Alain Faujas, « Rhodia et l'allemand TRE s'associent pour exploiter un gisement de terres rares à Madagascar », sur Le Monde, (consulté le )
  16. « La Chine importatrice nette de terres rares d’ici 2025 », sur usinenouvelle.com,
  17. Alain Faujas entretien avec Grégory Gautier, président du Groupe MTL Index, « Les terres rares sont le pétrole du XXIe siècle », sur Le Monde, (consulté le )
  18. Muryel Jacque, « Terres rares : en Australie, le producteur Lynas fait des réserves », Les Échos, (consulté le )
  19. Camille Bortolini, « La guerre des terres rares aura-t-elle lieu ? », Le Monde diplomatique, (consulté le )
  20. « Énergies renouvelables : l’Ademe fait le point sur les besoins de terres rares », sur francetvinfo.fr
  21. Audrey Garric, « Le recyclage des terres rares, un enjeu stratégique », Le Monde, (consulté le ).
  22. « 100 millions de téléphones portables usagés : l'urgence d'une stratégie », sur senat.fr.
  23. Pitron 2018, p. 35, note 1.
  24. « Les enjeux des minéraux rares », Les Échos, (consulté le )
  25. « Marché des aimants en terre rare en néodyme Taux de croissance 2020, croissance, types et applications, demande, dynamique du marché, opportunités et prévisions 2025 », sur thesneaklife.com
  26. « Le CAC 40 accro aux "terres rares" », sur L'Express.
  27. Pitron 2018, p. 160, note 1.
  28. « Extraction des Terres Rares contenues dans les aimants parmanents des Déchets des équipements électriques et électroniques », sur anr.fr
  29. « Pourquoi les mines et forages en France ne sont pas près de s'arrêter », sur francetvinfo.fr
  30. Pitron 2018, p. 84.
  31. (en) « DEMETER project », sur etn-demeter.eu.
  32. Christine Berkovicius, « Le BRGM récupère les terres rares issues des déchets électroniques », Les Échos, (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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