Alexis Carrel

Alexis Carrel, né le à Sainte-Foy-lès-Lyon et mort le à Paris, est un chirurgien, biologiste, écrivain scientifique et eugéniste français.

Pour les articles homonymes, voir Carrel.

Alexis Carrel
Alexis Carrel.
Fonction
Régent
Fondation française pour l'étude des problèmes humains
-
Biographie
Naissance
Décès
(à 71 ans)
Paris
Nom de naissance
Marie-Joseph-Auguste Carrel-Billard
Nationalité
Formation
Activités
Père
Alexis Carrel-Billiard (d)
Conjoint
Anne Gourlez de La Motte (d)
Autres informations
A travaillé pour
Religion
Parti politique
Membre de
Distinctions
Œuvres principales
L'Homme, cet inconnu (d)
Signature

Pionnier de la chirurgie vasculaire, lauréat du prix Nobel de physiologie ou médecine en 1912, il fut renommé pour son expérience du cœur de poulet battant in vitro pendant un temps très supérieur à la vie d'un poulet. La plupart des études furent achevées auprès de l'Institut Rockefeller à New York. S'étant fait mondialement connaître par la publication de L'Homme, cet inconnu en 1935, il sonna le déclin de la civilisation, et dans l'optique de résoudre cette difficulté, proposa l'eugénisme volontaire. En dépit de ses dernières années sombres dans ce contexte, les études récentes révélèrent qu'à cette époque-là, il était le meilleur chercheur dans les domaines de la chirurgie vasculaire et de la chirurgie cardiaque[note 1]. Après Carrel, de sorte que ces deux domaines soient encore avancés et développés, il fallut attendre les années 1960 où des meilleurs laboratoires étaient désormais disponibles[uft 1].

Biographie

Famille

Il naquit à Sainte-Foy-lès-Lyon, commune natale de sa mère, le 28 juin 1873[nl 1], en tant qu'aîné de trois enfants. À sa naissance, il reçut le prénom de Marie-Joseph-Auguste[dh 1]. Puis sa mère donna naissance à son frère Joseph et à sa sœur cadette Marguerite[dh 1].

Fils d'Alexis Carrel-Billiard[1], fabricant de textile, il devint orphelin à l'âge de cinq ans[1]. Sa mère, Anne-Marie Ricard[1] († 1905[dh 2]), l'éleva. À la suite du décès de son père, le garçon adopta le prénom de celui-ci, et s'appela désormais Alexis Carrel-Billiard, tout comme son père jusqu'en 1904[dh 3],[2].

La famille était issue de la bourgeoisie catholique. Parmi ses familles, Alexis comptait plusieurs religieux et religieuses y compris Pierre-Marie Belmont, évêque de Clermont[dh 1],[note 2]. Il s'agissait de grandes maisons de la soierie à Lyon et c'est la raison pour laquelle la famille habitait près de la Croix-Rousse, quartier prospère[dh 1]. Or, la mort du père obligea cette famille à vivre plus modestement[dh 4].

Après avoir reçu le prix Nobel, il épousa, le 26 décembre 1913 à Paris, Anne Gourlez de La Motte[3], veuve du marquis Henri Jarret de La Mairie et petite-fille du général Auguste-Étienne-Marc Gourlez de La Motte[anm 1]. Elle était infirmière et capable de seconder ses recherches à New York[anm 2],[uft 2]. Par cette union, il n'eut aucune descendance, sauf un beau fils[nl 1].

Formation et diplôme

Il fut élève du collège jésuite Saint-Joseph de Lyon[dh 2]. Sa formation auprès des Jésuites, représentée par le mot eloquentia perfecta, eut une influence sur sa pensée et ses écritures[dh 2]. Aussi Alexis Carrel-Billiard s'intéressa-t'il aux sciences naturelles[nl 1].

Le jeune Alexis songea, d'abord, au service militaire, comme son oncle Joseph Ricard[dh 5]. Or, après avoir obtenu le baccalauréat littéraire en 1889, il commença à étudier la médecine à l'université de Lyon en octobre 1891 et obtint en 1893 son diplôme de médecine[nl 1], qui lui ouvrait l’externat[anm 3]. Il eut comme professeurs Joseph Teissier, Mathieu Jaboulay, Antonin Poncet et Léon Bérard[anm 3]. Heureusement qu'il obtint l'autorisation du docteur Marcel Soulier[4], de sorte que son laboratoire soit disponible, n'importe quand, pour ses études[uft 3].

Idée géniale, Alex Carrel n'hésita pas à apprendre la broderie chez Marie-Anne Leroudier, une des meilleures brodeuses qui était installée à Lyon.

Puis, il travailla entre 1893 et 1898, tant dans plusieurs hôpitaux de Lyon que pour les chasseurs alpins[nl 1]. En ce qui concerne ces derniers, il participa, dès novembre 1894 pour une année, au service militaire obligatoire en qualité de médecin auxiliaire[dh 5],[anm 4] au col du Fréjus[anm 5]. En 1896, il fut nommé interne, après un premier échec[anm 6],[dh 6]. Pendant ces années, il s'orienta de plus en plus vers la recherche en chirurgie, sur la compatibilité des tissus et les sutures. Notamment, l'assassinat du président Sadi Carnot en 1894 à Lyon lui donna cette motivation[nl 1],[uft 4].

Devenu interne, Carrel commença à écrire régulièrement les articles, à partir de 1896. Le bulletin Lyon Médical en comptait quatre en 1897 et cinq en 1898. Dès 1899, ce jeune docteur envoya ses écrits à Paris aussi. Cette année même, il publia neuf articles au total. D'après Ugo Filippo Tesler[5] (2020), chirurgie cardiaque, les études de Carrel qui furent effectuées à cette période possédaient déjà un niveau supérieur à celles d'autres chercheurs[uft 5]. Il réussit à maîtriser des sujets difficiles à traiter, sur lesquels les autres avaient échoués. Car, il se distinguait, d'abord, de son attention vraiment méticuleuse. Ensuite, il était capable d'apprendre, de manière excellente, tant la dextérité manuelle que la broderie. Chaque soir, chez Marie-Anne Leroudier à Lyon, il effectuait son exercice pour améliorer et raffiner sa technique[6],[7]. Puis, il inventait lui-même des instruments plus sophistiqués. Enfin, sa technique aseptique était effectuée le plus strictement possible. C'est pourquoi il put inventer, par exemple, une façon convenable afin de relier deux vaisseaux sanguins déchirés[uft 5],[8].

Premier poste et doctorat

En février 1899, Alexis Carrel fut accueilli, d'abord adjoint puis prospecteur, auprès du laboratoire de Jean-Léo Testut à Lyon[dh 7]. Sous la direction de ce grand médecin-anatomiste, Carrel obtint en 1900 son doctorat[nl 1]. Cette thèse en 303 pages sur l'opération de cancer de la thyroïde, dont on apprécia l'expérience, fut finalement publiée à Lyon en 1900 et à Paris en 1901 (Alexis Carrel-Billard, Le goitre cancéreux)[dh 8].

Par ailleurs, dans cette année 1900, la famille hérita une fortune, à la suite du trépas du grand-père maternel d'Alexis, grâce à laquelle ce dernier put continuer à étudier, en toute liberté[dh 9].

Puis, il publia son premier article sur les sutures vasculaires en 1902; les méthodes qui y sont développées (comme la triangulation qui est l'anastomose de vaisseaux de calibres différents en plaçant au préalable trois fils d'appui sur la circonférence vasculaire) sont encore en usage à ce jour. L'article fut publié dans le bulletin Lyon Médical[nl 2].

Le jeune docteur Carrel fut pareillement invité par l'université de Lyon, à enseigner l'anatomie et l'opération chirurgicale aux internes. On compte, parmi les étudiants de ces conférences d'internat, René Leriche[dh 10]. Il effectuait encore des opérations aux hôpitaux de Lyon.

Manque de promotion

Si Alexis Carrel établit déjà sa réputation à Lyon, il lui fallait trouver un poste en qualité de chirurgien dans un hôpital. Le 9 décembre 1901, la ville de Lyon ouvrit un concours pour un poste vacant. Parmi douze candidats y compris Carrel, Léon Bérard, qui avait été exclu en 1898 et 1900, fut sélectionné. Or, à cette époque-là, il était rare que l'on puisse obtenir un tel poste du premier coup[dh 11]. Cet échec et l'affaire de Lourdes causèrent finalement son départ.

En mai 1902, en remplaçant un de ses collègues qui n'était plus capable d'effectuer sa mission, il partit vers le sanctuaire de Lourdes. Une jeune fille qu'il avait examinée dans son train de pèlerinage, atteinte de méningite tuberculeuse, obtint sa guérison totale le 28 mai. En tant que médecin d'accompagnement, il nota en détail son état grave puis cet événement inattendu et inexplicable. S'il n'avait dit ce pèlerinage à personne[9], la publication du rétablissement de cette Marie Bailly, qui fut rapportée dans un journal, provoqua des réactions très hostiles de la part des médecins lyonnais[anm 3],[note 3],[note 4]. Ainsi tous les concours disponibles à Lyon refusèrent-ils Carrel. En outre, les communautés chrétiennes aussi le critiquaient, en considérant que ce médecin était trop sceptique[uft 6],[9].

De Lyon aux États-Unis

Déçu, il s'en alla en décembre 1903 vers Paris où il avança encore ses études[nl 3]. Puis, dans l'optique de devenir paysan au Canada, il traversa l'océan Atlantique en mai 1904[uft 6]. Or, deux chirurgiens de l'Hôtel-Dieu de Montréal, Adelstan et François de Martigny, l'invitèrent au congrès de l'Association des médecins de la langue française de l'Amérique du Nord, tenu en juin. Parmi ceux qui furent passionnés par la présentation de Carrel, le professeur-chirurgien de l'université de l'Illinois à Chicago Carl Beck décida immédiatement de lui proposer un poste chez lui. Les frères de Martigny, quant à eux, écrivirent leur lettre de recommandation au professeur George Neil Stewart, spécialiste de physiologie auprès de l'université de Chicago. Lorsque Carrel était arrivé à Chicago en septembre, il choisit, entre ces deux propositions, le laboratoire de Stewart, ce qui ne causa aucune opposition de Beck[uft 7].

Ses études à Chicago, commencées en novembre 1904, furent tellement brillantes qu'Alexis Carrel devint très connu aux États-Unis. L'arrivée de Charles Claude Guthrie, un autre jeune médecin talentueux, lui donna un excellent collaborateur et coauteur[nl 3]. Ainsi, avec lui, il présenta les perfectionnement successifs de ses techniques d'anastomoses vasculaires, démontrant pour la première fois qu'une veine pouvait être substituée à une artère, rapportant la première transplantation d'organe expérimentale en 1905. En vingt-deux mois, ils écrivirent vingt-et-un articles[8]. Grâce aux techniques inventées par Carrel, leur équipe réalisa, en 1905 et 1906, une remarquable série de transplantations sur des animaux[nl 3]. Il est à remarquer que leur article fut accepté en 1906 par le Journal of the American Medical Association[nl 2].

Institut Rockefeller

Institut Rockefeller où Carrel passa sa vie, de septembre 1906 à juin 1939. En sachant que Carrel avait une capacité extraordinaire, Simon Flexner lui donnait une liberté et une autonomie exceptionnelles. Ainsi, tous les murs de son laboratoire étaient peints en noir, pour réduire l'éclair. Ceux qui voulaient y entrer devaient mettre la blouse médicale particulière, conçue par Carrel. Cette blouse longue aussi était en noir et avait pour but d'éviter tous les germes microbiens. Sous la protection absolue du directeur Flexner qui soutenait tous ceux que Carrel lui demandèrent, il était épargné de toutes les interférences indésirables sur ses études. D'où un grand nombre d'achèvements et de distinctions, y compris le prix Nobel[10].

En avril 1905, invité par Harvey Cushing, il participa à un congrès tenu à l'université Johns-Hopkins. C'était à cette conférence qu'il rencontra Simon Flexner, récemment nommé directeur du Rockefeller Institute for Medical Research, actuellement université Rockefeller. Flexner apprécia si profondément le personnage de Carrel et ses études qu'une proposition exceptionnelle fut offerte, car il avait besoin d'un laboratoire pour la chirurgie expérimentale[uft 8]. Or, à cette époque-là, il s'agissait d'une décision rare[dh 12]. Carrel accepta cette proposition, en renonçant à celle de Johns-Hopkins, la meilleure école de médecine de l'époque[dh 13].

Puis il vint à New York en septembre 1906, au sein de Rockefeller[uft 9].

S'il n'y était autre que, pour la première année, un chercheur de camaraderie, lui étaient offerts 1 000 dollars de salaire et 500 dollars de budget par an, ce qui était déjà exceptionnel. Il n'avait aucune obligation d'enseignement ni celle de consultation clinique[dh 14]. Une telle amélioration favorisa l'évolution de ses études. Les premiers résultats furent obtenus dans le domaine de chirurgie vasculaire et celui de greffe[uft 9]. Notamment en 1908, inspiré par la recherche de Ross Granville Harrison[uft 10], Carrel réalisa la première auto-transplantation rénale parfaitement fonctionnelle sur une chienne[11]. Focalisant ses travaux sur la chirurgie cardiaque à partir de 1909, il remarqua le rôle potentiel de la revascularisation myocardique[uft 11].

Le laboratoire de Carrel auprès de Rockefeller s'illustrait d'une célébration particulière. Chaque année, le 17 janvier, les médecins, les infirmières et les visiteurs y chantaient, avec Carrel, Joyeux Anniversaire. En effet, il réussit, à partir du 17 janvier 1912, à garder le tissu du muscle cardiaque, prélevé du cœur d'un embryon de poulet. Placé dans un bain nutritif, ce fragment continua à vivre jusqu'en 1946[uft 10].

À cette époque-là, de nombreux chercheurs tentaient de l'imiter, toujours en vain. D'une part, Carrel, qui limitait le nombre de personnels auprès de son laboratoire, effectuait lui-même ses expérimentations dans les conditions les plus strictes[10]. D'autre part, après que Flexner avait contribué, par ses études, à maîtriser l'épidémie de New York, apparue en 1905, John Davison Rockefeller et John Davison Rockefeller Junior renforcèrent leur soutien financier pour l'institut[dh 15]. Carrel profitait donc des ressources si abondantes qui ne se trouvaient pas ailleurs[12].

Prix Nobel

En 1912, il obtint le prix Nobel de physiologie ou médecine « en reconnaissance de ses travaux sur la suture vasculaire et la transplantation de cellules sanguines et d'organes[13] ». À l'âge de trente-neuf ans, il devint le plus jeune lauréat de prix Nobel[uft 11].

Bien que la nationalité d'Alexis Carrel fût toujours française, cet événement octroya le premier prix Nobel de physiologie ou médecine aux États-Unis, au nom de l'Institut Rockefeller[13],[nl 3]. Dans ce domaine, les États-Unis ne connaîtront le deuxième lauréat qu'en 1933 (Thomas Hunt Morgan). Il gagna tout de suite son immense popularité dans ce pays. En 1915, il fut sélectionné, par The Technical World Magazine qui avait fait choisir, par vote, les douze scientifiques américains les plus distingués (The greatest American scientists), avec son directeur de l'institut Simon Flexner. La liste de candidats comptait mille scientifiques[14].

Ce prix fit réaliser la réconciliation entre Carrel et Lyon. Ses anciens collègues et la ville l'invitèrent, en organisant une présentation particulière, à l'auditorium de la faculté de médecine de l'université de Lyon[uft 11]. Il trouva à Paris, parmi les chirurgiens français, un collaborateur pour la chirurgie thoracique. C'était Théodore Tuffier[15].

Première Guerre mondiale et Alexis Carrel

Le couple Alexis et Anne Carrel en janvier 1914, juste après leur mariage ; photo dans la collection George Grantham Bain auprès de la bibliothèque du Congrès.
Docteur Alexis Carrel en mission pour l'armée américaine.

En juin 1914, le couple prit ses vacances en France, en attendant une naissance, grâce à une villa de la famille de La Motte[uft 2]. Toutefois, Madame Carrel fit une fausse couche[anm 7]. Quand la Première Guerre mondiale éclata, Carrel décida de rester. D'abord, il soutint son ami Léon Bérard qui aidait les hospices civils de Lyon, et collaborait avec Auguste Lumière pour la radiographie[anm 2]. Après avoir constaté un grand nombre d'infections sérieuses, il signala aux autorités qu'il fallait établir une méthode normalisée, dans l'optique de soigner sans délai les soldats blessés. Aussi naquit l'idée de l'hôpital expérimental près du front[uft 2]. À la suite de la promotion par le ministre de la guerre, il fut nommé le 11 décembre médecin aide major de 1re classe[anm 8] et réussit à obtenir l'autorisation de la création d'un hôpital expérimental[uft 2].

Sa mission fut établie en mars 1915 à Compiègne. Il s'agissait de l’hôpital temporaire n° 21 du Rond Royal, qui était situé à seulement 20 km du front militaire[uft 2]. Sitôt, Carrel y accueillit le président Raymond Poincaré et le ministre de la Guerre Alexandre Millerand[anm 9]. En s'apercevant la difficulté des chirurgiens français, Carrel fit évoluer l'équipement de l'hôpital, grâce aux soutiens de l'Institut Rockefeller[anm 10] ainsi que du Comité central des secours américains (The American Relief Clearing House, créé le 26 novembre 1914[16])[anm 11]. Le projet était très respecté. Lors de la fondation, une noble britannique, Lady Margaret Rose Westmacott, disposa à Carrel son microscope à haute résolution jusqu'à ce que la guerre se termine, puis fit le don pour les blessés de l'hôpital[anm 12].

L'équipe se composait de plusieurs scientifiques distingués, tel Pierre Lecomte du Noüy, tandis qu'Anne Carrel était chargée de diriger celle des infirmières[anm 2]. George Clémenceau exprima, par lettre datée du 3 novembre 1916, que sa fille Madeleine Jacquemaire, alors infirmière, souhaitait faire un stage d'observation à cet hôpital[anm 13]. Or, Alexis Carrel ne voulait que des infirmières de haut niveau. Avant l'inauguration, il avait accueilli trente-cinq infirmières, toutes formées à la Haute école de La Source à Lausanne, qui lui donnaient son entière satisfaction[17],[anm 14].

Il soutint, à la suite de l'entrée des États-Unis dans la guerre en avril 1917, la mission diplomatique d'André Tardieu. Par lettre datée du 3 mai, il recommanda à François Monod, qui était chargé par Tardieu de s'en aller aux États-Unis, de rencontrer Frederic René Coudert[18], avocat international et ami de Carrel à New York[anm 15].

Méthode Carrel

Avec cet hôpital expérimental, ils obtinrent des résultats très favorables. En collaboration avec le chimiste britannique Henry Drysdale Dakin, Carrel y essaya plus de deux cents solutions dans l'optique d'éviter l'infection. Finalement, ils adoptèrent 0,5% d'hypochlorite de sodium en solution, dite solution de Dakin. Non seulement elle était capable de protéger les souffrants de l'infection mais également il y avait peu d'effets indésirables[uft 2]. (Il est très important que cette solution fonctionne bien, à condition que ce taux de 0,5% soit strictement respecté. S'il est inférieur, il n'y a pas d'effet. Au contraire, si les ingrédients utilisés sont excessifs, cette solution provoque l'irritation[19].)

Il alla plus loin, en développant la méthode dite de Carrel qui profite des appareils évolués dont la fermeture chirurgicale ainsi que le système de drainage[uft 2],[20]. Il s'agissait de sa réponse aux plaies plus graves, apparues à la suite de l'usage de la mitrailleuse[19]. D'ailleurs, il fallait qu'elle soit pratiquée, afin de résister aux microbes, très nombreux dans le sol fertile en Flandre française, qui provoquaient l'aggravation de symptôme[21],[19].

Cette méthode fut adoptée d'abord par l'armée française et régularisée par un film de cette armée, tourné en 1915 à l'hôpital de Compiègne (voir Liens externes en vidéo). Cependant, en raison de sa manœuvre difficile à exécuter, de nombreux chirurgiens militaires français préféraient la méthode classique, dite de Joseph Lister[22].

Or, de plus en plus, cette méthode gagna une bonne réputation si bien que l'hôpital de Compiègne fut très fréquenté par les médecins. Par lettre datée du 29 novembre 1916, l'ancien président des États-Unis, Theodore Roosevelt, félicita son accomplissement[anm 16]. Tant la Compagnie des mines de Béthune que l'entreprise U.S. Steel envoyèrent leurs chirurgiens, pour le stage à Compiègne, dans le cadre des accidents du travail[anm 17]. Surtout Fred Kilmer, auprès de l'entreprise pharmaceutique Johnson & Johnson, comprit l'importance de cette méthode et fit fabriquer les matériaux réservés à cette méthode. Pendant la guerre, son usine au Nouveau-Brunswick produisit, 24 heurs sur 24, la trousse contenant tous ceux qui concernaient, pour faciliter le traitement, dont deux ampoules d'ingrédients à mélanger, qui étaient inventées par cette entreprise. En effet, son atelier d'étude voulait limiter les erreurs humaines, en considérant que certains hôpitaux ne seraient pas capables de fournier correctement la solution et les appareils[20]. Le bémol de la méthode fut résolu. Comme elle distribuait gratuitement le mode d'emploi aux chirurgiens, le nom de Carrel était bien diffusé : La méthode Carrel-Dakin pour la désinfection de plaie[19].

Résultats obtenus de la méthode

Selon ce directeur d'étude Kilmer, auparavant, 80% de soldats français qui avaient subi l'amputation de jambe étaient des victimes de l'infection, car les chirurgiens n'avaient pas de choix pour ces dernières, afin d'éviter la mort présumée. En 1917, il soulignait qu'ils n'auraient dorénavant aucun souci d'amputation. Aussi Carrel sauva-t-il tant la vie de soldats blessés que leurs jambes, avec lesquelles ils pouvaient retourner à leur vie civile normale plus facilement[19]. Encore l'entreprise présenta-t-il en 1918 son avis (article La technique de Carrel dont toute l'humanité bénéficie) : « il est plausible que la méthode Carrel ouvre un nouveau domaine, inconnu jusqu'ici, de la chirurgie ». De nos jours, Perrin Selcer (2008)[23] confirme : cette méthode fit, d'une part, réaliser la standardisation de la pratique chirurgicale, en tant que réponse à l'incapacité des chirurgiens militaires aux champs qui manquaient aussi d'expérience ; d'autre part, il s'agissait d'un essai, de sorte que la profession médicale soit restructurée dans l'organisation hiérarchique qui soit dirigée par les meilleurs médecins scientifiques[21]. Par le fait, les trousses industrielles de Johnson & Johnson, envoyées en Europe durant la guerre, avaient sauvé de nombreuses vies[19].

De nos jours, en raison de ses avantages, la méthode Carrel est encore en usage[8],[uft 10].

Légion d'honneur

Sitôt le prix Nobel obtenu, Marie-Joseph-Auguste Carrel-Billard fut, en février 1913, nommé Chevalier de la Légion d'honneur. Puis, il fut promu Officier en août 1915, en qualité de médecin aide-major de 1re classe territorial, fonction principale de Carrel en France pendant la guerre. Enfin, le grade de Commandeur lui fut octroyé en juillet 1917[24].

Pareillement, il fut décoré de l'ordre de Léopold en 1916[anm 18].

Hôpital militaire de démonstration à New York

Pendant la guerre, il effectua deux fois de voyage aux États-Unis, en y passant la majeure partie de l'année 1917. En effet, à cause de mauvaise pratique de sa méthode qui ne respectait pas la procédure stricte, de nombreux résultats tragiques provoquaient l'opposition des soignants en France[25],[anm 19]. Déçu, Carrel avait finalement expédié une lettre à un colonel américain[22]. Étant donné que la guerre n'était pas encore terminée, l'Institut Rockefeller avait décidé de transformer son jardin en plusieurs bâtiments d'hôpital provisoire, qui avait pour but de former des chirurgiens (et des infirmières) auprès de l'armée américaine et de la marine[anm 20]. Carrel fut rappelé aux États-Unis par Simon Flexner et chargé d'enseigner lui-même sa méthode[anm 21]. À la différence de son hôpital à Compiègne, celui de New York était mobile (la construction ne dura que six semaines)[26]. Le cours durant deux semaines était offert tant aux chirurgiens de l'American Expeditionary Force sous le colonel-chirurgien Bailey Ashford qu'aux soignants de la Croix-Rouge américaine[25]. Jugée mission importante, à partir du 24 août 1918, l'hôpital devint celui de l'armée, qui était dorénavant réservé aux soldats blessés, jusqu'à la fermeture tenue en avril 1919[27]. La méthode Carrel y était pleinement en usage[28].

Après la première guerre mondiale

Une fois les questions de l'infection et de la plaie résolues avec la méthode Carrel, il voulait se concentrer sur le sujet du choc opératoire, qui était également constaté aux hôpitaux militaires[anm 8]. Il commença à contacter avec Antoine Depage à La Panne. Toutefois, le temps ne venait pas pour ce projet[anm 22].

À la fin de la guerre, tous les établissements qu'il engageait en France furent démobilisés fin 1918. Le célèbre hôpital de Compiègne avait été détruit, au soir du 22 mars, par un bombardement aérien[uft 10]. Au début de janvier 1919, il retourna définitivement à l'Institut Rockefeller[anm 21].

Le couple devint, en 1922, le propriétaire de l'île Saint-Gildas située en Bretagne, en faveur de leurs vacances d'été[uft 12],[th 1]. La chapelle, l'oratoire Saint-Roch et l'enceinte attenante, en mauvais état, furent vendus par la municipalité de Penvénan, à condition que la famille Carrel les restaurent et entretiennent, avec quelques règles strictes[th 1]. Acquisition officialisée en 1928, Carrel fit effectuer leur travaux importants, ce que la commune attendait[th 2]. Chaque année, le couple visitait l'école de commune, en faveur des enfants, pour remarquer la fin de l'année scolaire[th 2].

Il concentra désormais ses études sur le cancer, essentiellement les effets de l'environnement sur l'organisme. L'université de Georgetown lui octroiera, à la suite de ces études, le prix Nordhoff Jung en 1931[anm 21].

Il restait toujours le meilleur chercheur de la culture tissulaire. Le 22 juillet 1924, Carrel fut invité au quatre-vingt-douzième congrès annuel de la British Medical Association, tenu à Bradford. Ce jour-là, il eut l'honneur d'inaugurer ce congrès, avec sa présentation sur ce sujet[12],[29]. Dorénavant, les scientifiques comprenaient que la culture tissulaire est une technique très importante. Dans les années 1930, les chercheurs en profitèrent pour les études des virus desquels la nature était encore méconnue, étant donné que ces derniers ne se multiplient que dans les cellules vivantes. Aussi la technique de Carrel contribua-t-elle à évoluer la virologie et vice versa. Celle-ci fut en effet évoluée par les virologistes, car, pour se multiplier, la plupart des virus avaient besoin d'une culture plus élaborée que celle de Carrel, mais toujours avec la technique de ce dernier[30],[31].

Collaboration avec Lindbergh

Dans les années 1930, son épouse Anne Carrel devint aussi une collaboratrice importante dans ses études sur la parapsychologie[anm 21].

Tableau de Samuel Johnson Woolf, Charles Lindbergh et Alexis Carrel, qui fut utilisé comme couverture du Time sorti le 13 juin 1938, et est actuellement préservé à la National Portrait Gallery (États-Unis)[32]. Carrel avait soutenu l'invention de cette pompe de Lindbergh.

Mais ces années se remarquèrent surtout par la collaboration avec le jeune Charles Lindbergh. Ce dernier fut présenté en novembre 1930 à Carrel[anm 21], en raison de l'opération du cœur de sa belle-sœur Elisabeth[8]. Les études du docteur intéressèrent si profondément Lindbergh qu'il considéra Carrel comme son beau-père. Ces deux hommes partageaient outre l’amitié, de nombreux domaines intellectuels, tant scientifiques que spirituels[33]. En 1938, la famille Lindbergh acquit l'île Illiec, juste à côté de l'île Saint-Gildas propriété du couple Carrel[dh 16]. La même année, ils sortirent ensemble un livre intitulé The Culture of Organs (La Culture des organes) sur l'utilisation de la pompe à perfusion, qui était un échec[anm 21],[dh 17]. Au contraire, la pompe en verre, développée en 1935, connut un bon succès, grâce à l'exposition universelle de New York 1939-1940. Il s'agissait du fruit de l'inspiration et de l'étude de Lindbergh, à la suite de sa profonde sympathie pour sa belle-sœur, qui subissait une grave maladie de cœur. L'appareil fut acheté par de nombreux laboratoires dans le monde entier[uft 13]. Avant son succès, déjà, la couverture du Time Magazine, parue en juin 1938, se consacrait à ces deux personnages[34].

Encore profita-t-il de l'amitié des membres de l'association Century (Century Association) à New York. S'il put obtenir son grand succès par la publication de L'Homme, cet inconnu en 1935, ce fut grâce aux membres de cette association qui lui donnèrent des conseils[anm 23]. La publication fit changer sa vie. En 1936, il fut nommé professeur invité de l'université de Californie à Berkeley, pour un semestre de cours scientifique[35].

Il est normal qu'il s'intéressât aux instituts consacrés aux études sur l'homme, notamment à l'X-Crise qui était dirigé par le polytechnicien Jean Coutrot[anm 23],[ad 1]. S'il participa en 1936, avec Pierre Teilhard de Chardin, à la fondation de son Centre d'études des problèmes humains à l'abbatiale Notre-Dame-et-Saint-Edme de Pontigny, il garda ses distances d’avec ce centre[dh 18],[36].

Académie pontificale des sciences

Le 28 octobre 1936, Alexis Carrel fut nommé membre par la commission de nouvelle Académie pontificale des sciences, selon le motu proprio In multis solaciis du pape Pie XI[37]. Avec son épouse, il s'en fut à Rome, pour assister à la séance inaugurale de l'association, tenue le 1er juin 1937[anm 24]. D'après l'intention du Saint-Père, soixante-dix académiciens choisis, dits « Sénats scientifiques », se composaient de spécialistes internationaux de toutes disciplines, dont onze lauréats du prix Nobel. Alors que le savant Pierre Teilhard de Chardin avait été exclu par Pie XI en raison de son domaine qui n'était autre que la science catholique, l'agnosticisme de Carrel ne l’empêcha pas d’être sélectionné d'après la doctrine de l'académie[38].

Lors de ce séjour à Rome, il effectua une visite officielle aux malades, en fonction de représentant[anm 25]. Après avoir quitté la ville éternelle, il fut promu commandeur de l'ordre de Léopold, le 19 juin 1937 par le roi Léopold III des Belges[39].

Son discours sur la civilisation fut tenu à la Halle Webster du Dartmouth College.

Après la publication de 1935, il était souvent invité à tenir le discours. Le 11 octobre 1937, il effectua une visité au Dartmouth College, en faveur du 150e anniversaire de la fondation du Phi Beta Kappa auprès de cette université. Le discours fut intitulé The Making of Civilized Men (Former les hommes civilisés) soulignant que ni les hommes ni ses institutions n'étaient capables de suivre une immense évolution de vie, obtenue pendant ces 150 ans, celle qui étaient les fruits des sciences, de la prospérité et de la démocratie. Il conclut : « L'humanité doit maintenant savoir que l'avenir dépend de lui-même. » Ce jour-là, il dénonça aux auditeurs qu'il se consacrerait dorénavant aux études sur le sujet du développement des dynamismes, trouvés dans l'individu humain, tant physique que spirituel[36]. Le lendemain, le journal The New York Times interpréta ce discours : pour rétablir la civilisation, il faut que les leaders du monde soient formés par une nouvelle science synthétique[40],[note 6].

Départ de New York

En sachant que le départ d'Alexis Carrel approchait, le Rotary Club de New York lui octroya, en avril 1939, sa Service Medal (médaille de service), « en reconnaissance d'une vie consacrée à l'amélioration de la souffrance humaine »[anm 18]. Cette médaille, par laquelle Lillian Wald avait été récompensée en 1923 pour la première fois, est uniquement réservée à ceux qui contribuent à toute l'humanité. Carrel était le huitième lauréat, seize ans après sa création[41].

En effet, en 1938, l'Institut Rockefeller avait édicté une règle stricte pour la retraite à l'âge de soixante-cinq ans, laquelle était plus souple auparavant. Carrel fut l'un des cinq chercheurs que touchait ce changement de règle[42]. La décision avait été tenue sous le nouveau directeur depuis 1935, Herbert Gasser. La date de retraite fut fixée au 1er juillet[43]. Sans doute la publication de L'Homme, cet inconnu avait-elle affecté cette décision. Car, le laboratoire de Carrel fut démobilisé, sans nomination de successeur[uft 14].

En revanche, sa popularité, appréciée par le peuple américain, demeurait au plus haut. Eu qualifiant Carrel French, Roman Catholic Dr. (médecin français et catholique romain), le magazine Time avait conclu, dans un tome de 1938, que Carrel et Lindberg étaient ceux qui travaillaient ensemble tant pour prolonger la vie que pour terminer les maladies des hommes[44].

Rentrée en France

Après avoir définitivement quitté l'Institut Rockefeller, il rentra en France en juillet 1939[anm 23],[8]. Le couple s'installa dans sa propriété en Bretagne, à Saint-Gildas[th 3].

Lorsque éclata la Deuxième guerre mondiale en automne, il décida de rester en France[anm 23],[45]. Après sa réflexion, il arriva à Paris le 19 septembre[th 4]. Par le sénateur Pierre Even avec qui Carrel avait fait créer le ministère de la Santé publique, il prit contact avec le ministre de l'armement Raoul Dautry[45],[anm 26]. Carrel fut qualifié comme haut conseiller technique, en vue d'étudier les difficultés de la transfusion sanguine. Le projet d'un laboratoire de recherche fut lancé, dont l'inauguration était prévue le 10 mai 1940 à Garches[45]. Il travaillait également, avec Antonin Gosset, Henri Rouvillois et Louis Pasteur Vallery-Radot, en faveur de la création d'un centre de recherche de guerre auprès de l'Institut Pasteur[anm 23].

Pour lui, il s'agissait, malgré la drôle de guerre, d'un sujet sérieux. Le 7 décembre 1939, le journal The New York Times présenta le discours radiophonique de Carrel, effectué la veille à Paris : « chaque citoyen français doit, d'abord, respecter son propre travail, et participer à faire un effort pour obtenir la victoire ». Il envisageait, dans le cas contraire, une situation critique[46].

À nouveau retour aux États-Unis

Il est vraisemblable que Carrel gardait un contact étroit avec ses amis américains, qui craignaient pour sa vie. Il repartit aux États-Unis au printemps 1940, sans attendre l'inauguration du laboratoire. La raison pour laquelle il s'en alla reste inconnue, mais il est possible qu'il fût chargé par le gouvernement de Paul Reynaud de chercher les soutiens des États-Unis[anm 26],[th 5]. Outre-Atlantique, il était mieux renseigné. Dans la lettre datée du 6 mai, il écrivait : « Quel calme à la veille du chaos ... »[47].

Après l'événement dramatique, il déclara encore le 17 mai que leur seul espoir était l'Amérique[47]. Après avoir travaillé en fonction d'infirmière en 1939, Anne Carrel, restant sur l'île, subit l'arrivée de l'armée allemande le 5 août et écrivit qu'elle avait perdu toute son essence. Cette année, elle ne reçut aucun message d'Alexis et passa ses jours dans l'angoisse[th 6].

Ce voyage méconnu de Carrel, qui dura un an environ, fut son dernier séjour à l'étranger[anm 26].

Durant cette période, il engageait des activités humanitaires. Ainsi, il fit envoyer, en faveur des enfants français sous l'occupation, une grande quantité de vitamines. En sachant qu'il fallait beaucoup de plasma sanguin pour soigner les soldats blessés aux champs de bataille, il sollicita les autorités afin d'inaugurer un programme, baptisé Blood for Britain (Sang pour la Grande-Bretagne). Le sang collecté aux hôpitaux de New York fut transporté au Royaume-Uni par avion. Dans cette optique, de nombreux citoyens participèrent au don de sang. Le programme avait eu l'effet le 15 août 1940[uft 12].

Missions américaines

Après être parti des États-Unis, Carrel arriva à Lisbonne puis traversa le Portugal et l'Espagne avec une grosse difficulté[uft 12]. En janvier 1941, il rentra en France[45]. D'une part, sa visite était officielle, plus précisément dans le cadre d'une enquête américaine pour rechercher les effets de la guerre sur les populations civiles françaises, notamment sur le sujet de l'amélioration de la nutrition des enfants français[45]. Cette mission était donc provisoire, et, une fois la mission accomplie, il lui fallait retourner aux États-Unis[anm 26],[45]. D'autre part, il était accompagné de James Wood Johnson, qui était le président de l'American Volunteer Ambulance Corps[47]. À la suite de cette nouvelle guerre mondiale, l'organisation qui était déjà en fonction pendant la première guerre pour l'armée française[48], avait été rétablie en 1940 à New York, sous la direction de Johnson. Carrel participait à réaliser ce projet de l'hôpital militaire mobile, dans l'optique de sauver les victimes de la nouvelle guerre[49]. Celui qui les envoyait n'était autre que le président Franklin Roosevelt[45],[th 7].

Donc, Carrel travaillait toujours, dans le cadre de l'organisation américaine, en zone non occupée, sans visiter son épouse qui restait à Saint-Gildas[note 7].

Finalement, il arriva à Vichy afin de rencontrer l'amiral William Leahy, nouvel ambassadeur des États-Unis auprès du gouvernement de Vichy[45]. Certes, plus tard, le 16 mars 1941, Carrel y fut reçu par Philippe Pétain. Pourtant, ces jours-là, en poursuivant sa mission d'observation, il préparait son départ avec James Wood Johnson[45].

Intervention des savants

Contrairement à ce qui se diffuse, l'entretien avec Pétain ne changea rien. C'était André Missenard[50], André Gros et Jacques Ménétrier qui le firent réfléchir. À Vichy, Missenard lui avait demandé, en vain, de rester en France et d'étudier les causes de la défaillance française[45]. À la différence d'Alexis Carrel, son épouse aurait préféré cette voie. Finalement, Carrel arriva à la gare de Guingamp, le dimanche des Pâques 13 avril 1941, pour rejoindre à sa femme[th 7]. Le couple accueillit Missenard et Dom Alexis Presse à la maison de l'île Saint-Gildas. Leur séjour fut prolongé, jusqu'à ce que Carrel soit convaincu[45]. Car, le 23 avril encore, Carrel avait déclaré À mon retour en Amérique ... au correspondant du journal régional Ouest-Eclair[th 8].

Dans cette circonstance qui ne lui donnait peu de choix, Carrel accepta, à Saint-Gildas, de ne pas s'en aller et de participer au projet proposé, mais à condition que le gouvernement lui assurât les moyens de travail efficaces. Aussitôt, se mobilisèrent Missenard, Gros et Ménétier[45],[anm 26].

Création de la Fondation française pour l'étude des problèmes humains

À la suite de l'accord de Carrel, un petit groupe dynamique, qui se composait de jeunes médecins et polytechniciens, travailla avec zèle, afin de créer une organisation. Il s'agissait de la Fondation française pour l'étude des problèmes humains qui était soutenue par une loi du 17 novembre 1941[ad 2],[anm 26]. Ce que Carrel avait demandé fut respecté. De surcroît, la fondation dont le siège était fixé à Paris bénéficiait tant d'une autonomie financière que d'une large liberté de programme[anm 26]. Carrel refusa les privilèges matériaux, proposés par l'État et toutes les associations politiques[uft 15]. Au début, en gardant ses distances d’avec Vichy sous ces conditions, la fondation accueillit Pierre Naville, Robert Gessain, Jean Stoetzel, Françoise Dolto, Charles Bettelheim tandis qu'une banque privée était chargée de financier la fondation[anm 26]. Il n'y eut que trois ans d'existence, mais il ne faut pas négliger les travaux achevés par cette équipe dans une circonstance si difficile[ad 3].

Or, l'arrivée de François Perroux modifia la caractéristique de la fondation. En considérant qu'elle gaspillait une grande ressource (un montant initial de 40 millions de francs de budget[45],[51]) en dépit des difficultés de la guerre, cet économiste voulut réaliser, en qualité de secrétaire général, une gestion plus stricte, une organisation hiérarchique, un contrôle strict et une sélection rigoureuse des objectifs[anm 26],[ad 4]. Cette réforme prit fin avec le départ de nombreux chercheurs puis la démission de Perroux lui-même en décembre 1943[anm 26],[ad 5].

Quant à Alexis Carrel, pendant plusieurs mois en 1943, il ne fut pas capable, pour cause de maladie, d'effectuer sa fonction comme Régent[ad 6]. Ce qu'il subit était son premier infarctus du myocarde, survenu en été[uft 15],[th 9]. Malgré cela, il garda encore ce titre, qu’il préféra toujours à celui de Directeur[ad 7]. La fonction de Régent était, à l'origine, simplement définie comme administration de l'établissement, gestion des biens et animateur d'un comité, selon les premiers Statuts[ad 8] approuvés par la loi du 14 janvier 1942[ad 9]. Il est certain qu'elle était devenue plus compliquée avec l’Organisation intèrieure datée du 23 févier 1943[ad 10]. Ainsi, « Indépendamment de la réunion du printemps, le Régent convoque le haut conseil technique de la Fondation, ou consulte individuellement l'un ou l'autre de ses membres, toutes les fois qu'il le juge nécessaire » (article 10)[ad 11].

Fin de sa vie

En admettant que la fondation subît, déjà en 1943, cette difficulté, l'idée initiale de Carrel y était conservée par André Gros et son groupe[ad 5]. Or, si Carrel voulait, avec cet organe, donner naissance à une « science de l'homme » qui se présentait dans L'Homme, cet inconnu, il était bien difficile de choisir les disciplines scientifiques requises par cette si nouvelle et jeune institution[ad 12]. En 1944, sans attendre la Libération, il vit péricliter son œuvre, telle la suppression des départements dans sa fondation[ad 6].

Une fondation créée sous le gouvernement de Vichy, les fonctions d'Alexis Carrel furent suspendues, le 21 août 1944, par Louis-Pasteur Vallery-Radot, en qualité de secrétaire d'État à la santé du gouvernement de la Libération, présidé par le général de Gaulle[52]. L'objectif était, en fait, de transformer, en entier, cet établissement en institution adaptée au besoin du nouveau gouvernement et de la société française après la guerre[53]. La transformation sera achevée, en récupérant quelques anciens chercheurs (Alfred Sauvy, Jean Bourgeois-Pichat, Robert Gessain, Alain Girard, Jean Stoetzel[54]) et les locaux, en tant qu'Institut national d'études démographiques[anm 26].

Au sujet de sa collaboration avec les Allemands, il déclara officiellement, le 31 août, qu'il n'avait jamais soutenu l'armée allemande[55]. En effet, les accusations se multipliaient à ce propos[anm 26], à cause des soutiens de Vichy que Carrel avait acceptés en 1941[8]. Sa santé se détériora rapidement tandis qu'aucun procès ne lui fut intenté[anm 27]. Tels sont ceux que Jean Calvet, recteur de l'Institut catholique de Paris, écrivit dans son journal[56]. En ce qui concerne les Allemands, ne se trouve jusqu'ici aucun indice de collaboration[8],[anm 27],[th 10]. À vrai dire, un jour Carrel était exactement allé à l'ambassade d'Allemagne, expliquait A. Scott Berg (2013), non qu'il voulût la collaboration, mais parce qu'à la suite du Hungerplan, les enfants français sous l'occupation manquaient sérieusement de nourriture. Il avait pour but de faire leur distribuer les aliments. Or, sa visite avait par hasard coïncidé à un festin allemand. Non seulement Carrel n'avait pas pu solliciter l'autorité qui dirigeait le Hungerplan, mais aussi un rumeur contre lui circulait très vite sous le prétexte de collaboration, bien qu'il aidât la Résistance auprès de son institut, ce qu'Anne Carrel témoignait[57],[note 8].

Contrairement à ce qui se passa en France, il était toujours apprécié aux États-Unis. Dans cette année 1944, Dale Carnegie cita, dans son livre Triomphez de vos soucis : vivez que diable !, un article de Carrel du Reader's Digest sur le sujet de prière[note 9]. Il n'est pas certain que quelques personnages importants américains aient été mobilisés pour sauver Carrel. Lindbergh, quant à lui, participait, en qualité de technicien civil, aux opérations aériennes pour attaquer le Japon[8].

Décès

À partir de mois d'août, la crise cardiaque devint fréquente. Toutefois, c'étaient les propagandes accumulées qui affaiblirent considérablement son moral et sa santé[uft 15].

Lorsqu'approchait la fin de vie de Carrel en novembre, un message fut expédié à Dom Alexis Presse en Bretagne. Cet abbé de Boquen se dépêcha vers la gare et fut transporté par un train de fret qui était réservé à l'armée américaine. Arrivé à Paris, il donna à Carrel les derniers sacrements[9]. Ce jour-là, le 5 novembre 1944, Alexis Carrel décéda.

Les obsèques furent tenues, le 9 novembre, à la chapelle de la Vierge, dans l'église Saint-François-Xavier de Paris. Dom Presse était le célébrant. Non seulement ses proches et amis mais aussi la plupart des membres de la fondation assistèrent à cette messe. En ce qui concerne les étrangers, c'étaient quelques représentants d'ambassades y compris ceux du Vatican, des États-Unis et de l'Angleterre[58]. Au contraire, aucun représentant français n'assista à la célébration. Selon la volonté du défunt, il s'agissait d'une messe basse sans ostentation[59].

Alexis Carrel fut d'abord inhumé au cimetière du Père-Lachaise. Puis, sa dépouille fut transportée, en dépit d'une situation difficile, à l'île Saint-Gildas. Une messe d'enterrement fut célébrée, de nouveau par Dom Presse, et le docteur fut enterré dans l'oratoire de Saint-Roch, qu'il avait fait restaurer en 1928[th 11].

Postérité

Après avoir entendu la mort de Carrel, Charles Lindbergh, considérant que les accusations contre lui étaient issues de l'indifférence politique et d'un phénomène myope, commença à rétablir la réputation de son parrain spirituel, en contact avec la veuve Anne Carrel. Il travailla dans cette optique, jusqu'à son décès, n'importe quand, n'importe quelles dépenses. Les documents récupérés furent finalement donnés à l'université de Georgetown, dirigée par les Jésuites. L'objectif était et est tant de conserver ceux qui concernent que de promouvoir tous les études sur ce personnage et sur tous ceux qu'il avait étudiés, à savoir les sciences, la religion, l'humanité. En 1953, la collection devint fondation Alexis Carrel[60],[61].

En France, l'Académie nationale de médecine créa en 2002 le fonds Alexis Carrel au sein de sa bibliothèque. Cette création fut achevée, surtout à la suite des études d'Alain Drouard, membre du Centre national de la recherche scientifique[anm 28].

Succès de L'Homme, cet inconnu et eugénisme

En 1935, il publia L'Homme, cet inconnu, qui fut l'objet de multiples traductions et rééditions, et dont le succès mondial durera jusqu'aux années 1970[anm 23]. La publication fut simultanément effectuée tant à Paris qu'à New York, en septembre[anm 23].

Le motif pour lequel Carrel sortit ce livre était le déclin de la civilisation. En outre, l'homme devint incapable de la suivre. « Avec sa dégénérescence, la beauté de notre civilisation et même la grandeur de l'univers s'évanouiraient. C'est pour ces raisons que ce livre a été écrit. »[ac 1]. Ainsi, Carrel constatait une maladie de la société contemporaine : « La possession de la richesse est tout, et justifie tout. Un homme riche, quoi qu'il fasse, qu'il jette sa femme vieillie au rebut, qu'il abandonne sa mère sans secours, qu'il vole ceux qui lui ont confié leur argent, garde toujours la considération de ses amis »[ac 2]. Au contraire de sa confiance en la science[note 10] (ceux que de grandes fondations Carnegie et Rockefeller faisaient : augmenter l'instruction du public, promouvoir la paix parmi les nations, améliorer la santé et le bien-être de tous « grâce aux méthodes scientifiques »[ac 3]), il doutait tant du fonctionnement de la société moderne que de la mentalité des citoyens[note 11]. À son avis, une vie évoluée provoquait paradoxalement la faiblesse d'esprit et la criminalité[ad 13]. Dans la société contemporaine, « [les criminels] appartiennent à une classe supérieure »[ac 4],[ac 5].

Dans ce livre, jusqu'au chapitre VII (soit 85% de pages), il s'agit des analyses scientifiques des phénomènes. Or, non content de diagnostiquer les maladies sociales, il cherche, à la fin de cet ouvrage, son traitement. Malgré la tendance de la société, il faut une restauration de l'homme, pour son unité et sa personnalité, selon les règles de sa nature, surtout en lui donnant la santé[ac 6]. Il n'était pas optimiste. Devant une société industrielle, l'homme est si faible qu'il faudra « s'associer avec d'autres individus ayant le même idéal »[ac 7]. Ses références étaient quelques groupements médiévaux, tels les ordres monastiques, ceux de chevalier et les corporations d'artisans, qui avaient contribué à développer la civilisation avec une stricte discipline physiologique et mentale[ac 8]. Donc, Carrel imaginait un groupe de savants, qui pourraient sauver la société en maladie, et qui « devront vivre comme les moines des grands ordres contemplatifs ». Il s'agirait d’hommes à l'âge de cinquantaine, qui soient capables d'approfondir leur connaissance des sciences, telles l'anatomie, la physiologie, la chimie, la psychologie, la médecine, la pédagogie, la religion, l'économie politique et sociale[ac 9].

Or, ces savants n'existaient pas encore. D'où, Carrel et ses amis pensaient qu'« il est nécessaire de faire un choix parmi la foule des hommes civilisés », en estimant que « la sélection naturelle n'a pas joué son rôle depuis longtemps » et que « beaucoup d'individus inférieurs ont été conservés grâce aux efforts de l'hygiène et de la médecine »[ac 10]. Cette considération les conduisit à l'eugénisme volontaire[ac 11], qui était, à cette époque-là, en train d'évoluer. Selon lui, « l'eugénisme volontaire n'est pas irréalisable »[ac 12]. Il l'attendait, car « la complexité de notre civilisation est immense ». Seuls ces individus seraient capables de résoudre ce problème[ac 13].

Certes, de nos jours, cette idée n'est plus acceptée. Mais, Carrel ne l'écrivit pas seul. Avant qu'il ne le publie, il discutait les sujets dans ce livre avec ses amis du Century Club, dont Frederic René Coudert[18],[ac 14], avocat international[anm 23], Cornelius Clifford, prêtre et chercheur de philosophie médiévale[anm 23], Boris Bakhmeteff, ambassadeur du gouvernement provisoire de la Russie aux États-Unis[anm 23]. Ce qui fit la dédicace de son livre à ces trois amis[anm 29],[note 12]. Le père Clifford et Bakhmeteff étaient enseignants de l'université Columbia tandis que ce cercle étroit était, à New York, surnommé les philosophes[62]. En résumé, dans les années 1930 outre-Atlantique, le sujet n'était pas encore un tabou[63]. Aussi les Américains accueillirent-ils ce livre avec enthousiasme. En 1936, le Man, the Unknown fut le livre le plus vendu aux États-Unis, dans la catégorie de non-fiction[64].

Pourtant, l'objectif de Carrel était, avant tout, la reconstruction de l'homme, qui était perdu dans « la technologie aveugle »[ac 15]. Il s'agissait d'une recommandation des sciences correctes, afin de retrouver la nature propre de l'homme, qui existe dans l'univers de notre corps[ac 16].

Carrel avait achevé son livre dans le cadre d'une vaste science de l'homme[anm 23],[note 13],[note 14]. En 1936, l'Académie française octroya son prix Bordin à l’œuvre[65]. En 1950 en France, surtout appréciée par de jeunes médecins, il y eut quatre cent trois mille exemplaires vendus[66].

Lourdes et publication posthume

Après son succès aux États-Unis, Carrel retournait au sanctuaire de Lourdes, en profitant de ses vacances, à partir de 1909[uft 2]. En dépit de son cauchemar subi à Lyon en 1902, il continuait à y étudier l'effet médical du sanctuaire sur les malades[note 4], en visitant le bureau des constations médicales sous la direction du docteur Gustave Boissarie. En 1910, il devint à nouveau témoin d'une guérison immédiate d'un enfant de dix-huit mois, aveugle-né[9],[67]. Carrel s'impressionnait du zèle de son infirmière, qui était catholique pratiquante. Ils se marieront en 1913[67].

Parmi les œuvres d'Alexis Carrel, Le voyage de Lourdes reste une publication particulière. Ce livre ne fut publié qu'en 1949, après le décès de l'auteur[68]. En effet, son épouse avait découvert le manuscrit dans les cahiers de feu son époux[69].

Il est évident qu'Alexis l'écrivit pour une publication ; dans l'œuvre, le nom du personnage était inversé, comme Louis Lerrac, à partir de Carrel, tandis que celui de Marie Bailly avait été modifié en Marie Ferrand. D'autres personnages ne mentionnaient que par leurs fonctions ou par leurs initiaux. Carrel voulait, certainement, protéger leur vie. Malgré cela, il avait hésité à publier ce témoignage[60].

Il s'agit d'un témoignage d'une vie intérieure. Alexis Carrel n'avait jamais perdu sa confiance à la science, mais il admettait pareillement l'existence de phénomènes surnaturels ou inexplicables. Contrairement à ceux que ses ennemis diffusaient, il ne parlait pas de miracle[anm 3],[70],[9] : « Nous voulons seulement faire remarquer que les phénomènes surnaturels sont bien souvent des faits naturels dont nous ignorons la cause. Si nous trouvons la cause scientifiquement, si nous établissons le fait, chacun est libre de l'interpréter comme il lui plaît. L'analyse ne doit pas être considérée par les catholiques comme une œuvre sacrilège ou comme une attaque. C'est simplement une étude scientifique. La science n'a ni patrie ni religion[70],[68]. »

Scientifique, écrivait-il. Ce médecin exceptionnel était capable d'observer ce phénomène avec beaucoup d'attention. À vrai dire, ce qui était présenté dans L'Homme, cet inconnu, c'est qu'il s'apercevait que l'existence de la prière est indispensable pour cette guérison instantanée[note 15],[note 9]. Ce qu'il voulait savoir était, donc, comment cette action spirituelle créait un effet médical si extraordinaire. Pour lui, ce mystère restait profond : « En général, ce n'est pas celui qui prie pour lui-même qui est guéri. C'est celui qui prie pour les autres. Ce type de prière exige, comme condition préalable, le renoncement à soi-même, c'est-à-dire une forme très élevée de l'ascèse »[ac 17]. Sujet assez théologique, mais il le présentait dans le contexte de la science de l'homme[note 16].

Dissociations

Emil Ludwig, anti-fasciste, était un des amis juifs de Carrel.
Simon Flexner, médecin juif distingué.

Depuis la publication de L'Homme, cet inconnu jusqu'ici, l'appréciation d'Alexis Carrel reste toujours ambiguë. Quoiqu'il fût loin d'être politique (« Celui qui a écrit ce livre n'est pas un philosophe. Il n'est qu'un homme de science »[ac 18]), ses écrits sont souvent cités dans un contexte politique et isolé[da 1],[66]. Il est symbolique que, le 7 août 1940, Emil Ludwig, ami et célèbre écrivain anti-nazi, lui ait écrit une lettre : « J'ai eu une grosse déception ... Un de mes amis m'avait prévenu à New York, me disant que vous étiez un fasciste. Je lui ai répondu que cela n'avait aucune importance pour moi. Je fais le portrait d'un éminent scientifique »[47].

Certes, il était membre, sous l'Occupation, du PPF de Jacques Doriot. À la suite de pétitions[note 17] lancées pour certaines par des mouvements d'extrême gauche[71] et antiracistes[72], la faculté de médecine de l'université Lyon I Alexis-Carrel  faisant partie de l'université Claude-Bernard  fut rebaptisée[da 2] en 1996 R.T.H Laennec.

Comme on avait oublié ce personnage, à Paris, la rue Alexis-Carrel du 15e arrondissement fut rebaptisée de façon emblématique rue Jean-Pierre-Bloch[note 18], par décision du conseil municipal[73],[74]. De même, à Limoges, l'avenue Alexis-Carrel, où se situent notamment le CHU et la faculté de médecine, fut renommée[75] avenue Martin-Luther-King. Au Canada aussi, au Québec en 2015, à Gatineau la rue Alexis-Carrel devint rue Marie-Curie[76]. À Montréal, en 2017, l'avenue et le parc Alexis-Carrel devinrent avenue Rita Levi-Montalcini et parc Don-Bosco[77]. On compte assez nombreux événements semblables dans l'Hexagone.

Entre les deux guerres, en 1935, il résumait toutefois sa vie : « Il vit à la fois dans le Nouveau Monde et dans l'Ancien. Il passe la plus grande partie de son temps au Rockefeller Institute for Medical Research, car il est un des hommes de science rassemblés dans cet Institut par Simon Flexner. ... Grâce au génie de Flexner, l'étude des êtres vivants a été abordée dans ces laboratoires, avec une ampleur inégalée jusqu'à présent »[ac 19]. Il s'agissait de sa vraie adhésion[62]. Encore faut-il remarquer que son supérieur et défenseur Flexner aussi était juif[78], duquel le frère, Bernard Flexner, fut le premier président de la Société économique palestinienne (Palestine Economic Corporation) dans le cadre du sionisme[79].

Un témoignage de cette confession était le docteur Richard John Bing († 2010), un des cardiologues les plus importants du XXe siècle. Originaire de Nuremberg en Allemagne, le jeune chercheur juif, qui travaillait à l'institut Carlsberg de Copenhague, était menacé par le nazisme. En visitant ce laboratoire, Carrel et Lindbergh décidèrent de lui recommander de s'en aller aux États-Unis, puis soutirent son installation au sein de l'institut Rockefeller et sa naturalisation. Aussi Bing arriva-t-il à New York en 1936[80],[81]. Par lui, Carrel savait ceux que le parti nazi faisait.

Publications

  • Anastomose bout à bout de la jugulaire et de la carotide primitive. Lyon Med 1902;99:114.
  • Présentation d’un chien porteur d’une anastomose artérioveineuse. Lyon Med 1902;99:152.
  • avec CC. Guthrie, Functions of a transplanted kidney. Science 1905;22:473.
  • The transplantation of organs: a preliminary communication. JAMA 1905;45:1645–6.
  • avec CC. Guthrie, Extirpation and replantation of the thyroid gland with reversal of the circulation. Science 1905;22:535.
  • The surgery of blood vessels. Johns Hopkins Hosp Bull 1907;18:18.
  • On the experimental surgery of the thoracic aorta and heart. Ann Surg 1910;52:83–95.
  • Suture of blood-vessels and transplantation of organs. In: Nobel Lectures, Physiology or Medicine 1901-1921. Amsterdam: Elsevier Publishing Company, 1967, disponible en-ligne.
  • Les Principes de la technique de la stérilisation des plaies, 1916
  • L'Homme, cet inconnu
  1. préface, p.  vi
  2. p.  181
  3. p.  349
  4. p.  164
  5. p.  xii
  6. p.  355
  7. p.  356
  8. p.  357
  9. p.  346
  10. p.  359
  11. p.  363
  12. p.  364
  13. p.  367
  14. p. vi - vii
  15. p.  392
  16. p. 368 - 393
  17. p.  174
  18. préface, p. i
  19. préface, p. ii
  • La Prière, Plon,
  • Voyage à Lourdes suivi de Fragments de Journal et Méditations, Plon (1949, posthume), préface de Dom Alexis Presse [lire en ligne]
  • Réflexions sur la conduite de la vie, 1950 (posthume)

Distinctions

Docteur ès sciences Alexis Carrel avec son diplôme honorifique (au centre), à l'université Columbia de New York le 4 juin 1913[82],[83].

Hommages

Plaque du boulevard Alexis Carrel à Rennes.

En 1950, les Expéditions polaires françaises donnèrent, à une île des Terres australes et antarctiques françaises, le nom d'île Alexis-Carrel[92].

En 1979, l'Union astronomique internationale affecta le nom d'Alexis Carrel à un cratère lunaire dont la latitude et la longitude sont 10°7N et 026°7E[93]

En 2000, l'équipe britannique, qui avait donné naissance à Dolly en clonage, choisit les noms d'Alexis et de Carrel, pour deux des cinq porcelets femelles clonés[94].

Notes et références

Notes

  1. De nos jours, l'université Rockefeller qualifie Carrel comme personnage indispensable : « Although the last 100 years have seen tremendous avancements in the field of surgery, few would have been possible without the contributions of Alexis Carrel. (Si ces derniers 100 ans connaissaient un immense avancement dans le domaine de la chirurgie, quasiment rien n'aurait été possible sans contributions de Carrel.) » (en)
  2. Le père de l'évêque Pierre-Marie-Octave Belmont, Jean-François Belmont, était le grand-père maternel de la mère d'Alexis Carrel (généalogie par Henri Paturel Jean-François Belmont)
  3. Dans le bulletin Église à Lyon, publié en 1902 où l'événement était arrivé, on trouve une phrase (p. 64) : « Entre les guérisons obtenues, il en est une qui a fait tant de bruit à Lyon que nous croyons devoir la mentionner maintenant, nous réservant d'y revenir plus tard. » Sans doute l'étude de Patrick Theillier Lourdes, Terre de guérisons (2019) explique-t-elle bien la cause : un journal de Lyon Le Nouvelliste aurait présenté un faux interview avec Alexis Carrel, ce qui fut protesté le lendemain par Carrel lui-même. Ainsi, selon le journal, Carrel aurait dit : « J'ai craint qu'elle ne puisse supporter le voyage. » Or, dans Le Voyage de Lourdes de Carrel : [abbé P.] « Elle est si faible que je crains un malheur. » .
  4. En 1935, dans L'Homme, cet inconnu, il résumait cet événement (Carrel, 1935, p. 174 - 175, note n° 1) : « Les guérisons miraculeuses se produisent rarement. Malgré leur petit nombre, elles prouvent l'existence de processus organiques et mentaux que nous ne connaissons pas. ... Il [Alexis Carrel] a commencé cette étude en 1902, à une époque où les documents étaient rares, où il était difficile pour un jeune docteur, et dangereux pour sa future carrière, de s'occuper d'un tel sujet. Aujourd'hui, tout médecin peut observer les malades amenés à Lourdes, et examiner les observations contenues dans les archives du Bureau Médical. »
  5. Le texte, qui est omis dans cette image, précisait : « The greatest war surgeon, Dr. Alexis Carrel, is to take charge of a military hospital unit in New York and teach United States Army and Navy surgeons his methods. The Rockefeller Fondation has given $200.000 for the work (Le plus grand chirurgien engagé de la guerre, docteur Alexis Carrel, est en train d'être chargé, auprès de l'hôpital militaire à New York, d'enseigner son méthode aux chirurgiens de l'armée et de la marine de guerre américaines. La fondation Rockefeller donna 200.000 dollars au projet.) » [lire en ligne]
  6. Le mot du journal comme titre ne se trouve pas dans le texte de Carrel. Mais, le discours était destiné aux élites américaines et à de futures élites. D'ailleurs, à la fin, Carrel dit : « Modern society needs supersouls (La société contemporaine a besoin de grandes âmes). »
  7. Un article du journal Ouest-Eclaire prononçait : « Nos lecteurs savent que le docteur Alexis Carrel effectue, en zone non occupée, une enquête sur les conséquences de la sous-alimentation chez les enfants. Il regagnera ensuite l'Amérique pour y chercher des rèmedes. Le grand savant français ne deviendra donc pas de sitôt à sa propriété de l'île de Saint-Gildas, en Bretagne. »
  8. À cette époque-là, ceux qui soutenaient le Maréchal n'étaient pas nécessairement les collaborateurs des Allemands. Ainsi, l'évêque de Clermont Gabriel Piguet aussi était sympathique à Pétain, mais celui qui défendait et protégeait les Juifs et qui fut déporté par la Gestapo au camp de concentration de Dachau.
  9. Un article de Carrel sur la prière, publié dans le Reader's Digest, fut cité par Dale Carnegie, dans son livre qui fut sorti en 1944 (en)[lire en ligne].
  10. Étant dans la société contemporaine sans moral, Carrel ne pouvait faire confiance ni aux économistes ni aux pasteurs ni aux politiciens (Carrel, 1935, p. 180 - 181)
  11. « Aujourd'hui, quelques doutes entrent dans les têtes les plus intelligents du troupeau. Les causes de la crise sont-elles uniquement économiques et financières ? Ne doit-on pas incriminer aussi la corruption et la stupidité des politiciens et financiers, l'ignorance et les illusions des économistes ? La vie moderne n'a-t-elle pas diminué l'intelligence et la moralité de toute la nation ? Pourquoi devons-nous payer chaque année plusieurs billions de dollars pour combattre les criminels ? Pourquoi, en dépit de ces sommes gigantesques, les gangsters continuent-ils à attaquer victorieusement les banques, à tuer les agents de police, à enlever, rançonner, et assassiner les enfants ? ... Il y a lieu d'espérer que les spectacles de notre civilisation, à ce début de son déclin, nous obligera à nous demander si la cause de mal ne se trouve pas en nous-mêmes aussi bien que dans nos institutions » (Carrel, 1935, p. 334).
  12. « Il a été écrit, non dans la paix de la campagne, mais dans la confusion, le bruit et la fatigue de New York. Son auteur a été entraîné à cet effort par ses amis, philosophes, savants, juristes, économistes, hommes de grandes affaires, avec lesquels il cause depuis des années des graves problèmes de notre temps » (Carrel, 1935, préface p. vi).
  13. Ainsi, il analysait, avec des chiffres précis, une conséquence grave aux États-Unis : évolution des malades âgés, à la suite du prolongement de la durée moyenne de la vie, quarante-neuf ans en 1900 et soixante ans en 1935, qui reste jusqu'aujourd'hui une nouvelle souffrance (Carrel, 1935, p. 134 - 135) : « La médecine est loin d'avoir diminué, autant qu'on le croit généralement, la somme des souffrances humaines. » [lire en ligne]
  14. Il est également à remarquer la diversité des personnages cités dans ce livre, mais principalement des scientifiques. Pour les seules premières 25 pages : Jacques Loeb, Hans Driesch, Galilée, Henri Bergson, Claude Bernard, Louis XIV, Frédéric le Grand, Francis Bacon, Louis Pasteur, Albert Einstein, Arthur Eddington, James Jeans, Harlow Shapley et Robert Andrews Millikan.
  15. « La seule condition indispensable au phénomène est la prière. Mais il n'est pas besoin que le malade lui-même prie ou qu'il possède la foi religieuse. Il suffit que quelqu'un près de lui soit en état de prière. » (Carrel, 1935, p. 176)
  16. Homme de science, Alexis Carrel savait que la médecine aussi a sa limite. Dans un article du Reader's Digest, publié aux États-Unis et cité par Dale Carnegie, il témoignait : « La prière est une force aussi réelle que la gravité terrestre. En tant que chirurgien, j'ai vu des hommes qui, après que toutes les autres formes de traitement avaient échoué, se débarrassaient de leur maladie et de leur déprime par l'effort serein de la prière. Ce n'est que par la prière que l'on peut atteindre cet ensemble parfait et harmonieux du corps, de l'esprit et de l'âme, qui donne au frêle roseau qu'est l'humain une force inébranlable. » (Traduction par ou citée par Joe Vitale, La prière secrète, p. 102, 2018 )
  17. Notamment par la Ligue des droits de l'homme
    Parmi les signataires d'une des pétitions, on trouve entre autres Georges Charpak, Serge Klarsfeld, Pierre Bourdieu, Françoise Héritier, Maurice Rajsfus, Serge Ravanel, etc.
  18. Jean Pierre-Bloch (1905-1999), résistant, membre depuis 1934 de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), qu'il préside de 1968 à 1993.

Références

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Annexes

Bibliographie

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  9. p.  45
  10. p.  48
  11. p.  46
  12. p.  52
  13. p.  50
  14. p.  51
  15. p.  53

Articles connexes

Liens externes

Liens externes en vidéo

  • Section cinématographique de l'armée française (Service de santé des armées), La méthode Carrel appliquée à l'hôpital du Rond Royal à Compiègne : installation de matériel et démonstration sur une plaie du mollet (noir et blanc, film muet, 1915), présentée par le docteur Carrel. N. B. : au début du film, parmi les membres du groupe de l'équipe médicale, figure son épouse Anne Carrel en tant qu'infirmière.
    [vidéo en ligne] (site du ministère des Armées)
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