Andromaque (Racine)

Andromaque est une tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine écrite en 1667 et représentée pour la première fois au château du Louvre le . Elle comporte 1 648 alexandrins.

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Andromaque

Édition princeps.

Auteur Jean Racine
Genre tragédie
Nb. d'actes 5 actes en vers (1 648 vers)
Lieu de parution Paris
Éditeur Théodore Girard
Date de parution 1668
Date de création en français
Lieu de création en français Paris
Compagnie théâtrale Hôtel de Bourgogne

L'argument de la pièce se résume en une phrase : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui cherche à protéger son fils Astyanax tout en restant fidèle au souvenir de son mari, Hector, tué par Achille en combat singulier pendant la guerre de Troie. Ou plus couramment[1] : « Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort. »

Racine s'inspire de chants de L'Iliade d'Homère, notamment pour la figure d'Andromaque. Son histoire avait déjà été traitée par Euripide dans ses pièces Andromaque et Les Troyennes, cette dernière ayant été adaptée plus tard par Sénèque, mais Racine cite dans sa première préface L'Énéide de Virgile comme source principale de référence.

Origine

Après s’être fait connaître par La Thébaïde et Alexandre le Grand, pièces qui ne sont guère jouées de nos jours[2], Racine connaît la gloire avec Andromaque, sa troisième tragédie. L'œuvre est dédiée à Henriette d'Angleterre. Elle est jouée pour la première fois le devant la reine par la troupe de l’Hôtel de Bourgogne. Le rôle-titre est tenu par Mademoiselle Du Parc. La pièce a un grand succès auprès de la cour, émue par le lyrisme nouveau de cette tragédie.

Elle est pourtant critiquée par ses rivaux, dont Subligny qui rassemble la plupart des reproches faits à la tragédie dans une comédie, La Folle Querelle, jouée l'année suivante par la troupe de Molière[3].

Selon Voltaire,

« il y a manifestement deux intrigues dans l'Andromaque de Racine, celle d'Hermione aimée d'Oreste et dédaignée de Pyrrhus, celle d'Andromaque qui voudrait sauver son fils et être fidèle aux mânes d'Hector. Mais ces deux intérêts, ces deux plans sont si heureusement rejoints ensemble que, si la pièce n'était pas un peu affaiblie par quelques scènes de coquetterie et d'amour plus dignes de Térence que de Sophocle, elle serait la première tragédie du théâtre français[4]. »

Selon le critique Félix Guirand, la pièce constitue un tournant dans l'histoire du théâtre français en ce que Racine « renouvelle le genre tragique en substituant à la tragédie héroïque de Corneille et à la tragédie romanesque de Quinault, la tragédie simplement humaine, fondée sur l'analyse des passions et particulièrement de l'amour ». Par ailleurs, l'auteur privilégie « une diction simple, qui reproduit avec aisance l'allure de la prose, sans jamais perdre la couleur poétique », contrastant avec le « style tendu, pompeux et volontiers déclamatoire de Corneille »[5].

Contrairement à d’autres pièces de Racine, le succès d'Andromaque n’a fléchi à aucune époque et la pièce a toujours été l’une des plus jouées à la Comédie-Française.

L’incipit de la pièce, « Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle / Ma fortune va prendre une face nouvelle »" a été analysé, mot à mot, par Laurent Nunez dans L’Énigme des premières phrases (Grasset, 2017).

Les personnages

Mademoiselle Du Parc, créatrice du rôle (portrait de 1858).

Les acteurs ci-dessous sont les premiers interprètes de ces rôles.

  • Andromaque, veuve d'Hector, captive de Pyrrhus, mère d'Astyanax, Reine troyenne : Mlle Du Parc
  • Pyrrhus, fils d'Achille, roi d'Épire : Floridor
  • Oreste, fils d’Agamemnon : Montfleury (qui avait à l'époque près de 60 ans)
  • Hermione, fille d'Hélène et de Ménélas, fiancée (promise) à Pyrrhus : Mademoiselle des Œillets
  • Pylade, ami et confident d'Oreste
  • Cléone, confidente d'Hermione
  • Céphise, confidente d'Andromaque
  • Phœnix, gouverneur d'Achille, puis de Pyrrhus

Intrigue

Jacques Louis David, La Douleur et les Regrets d'Andromaque sur le corps d'Hector (1783).

Après la guerre de Troie, au cours de laquelle Achille a tué Hector, la femme de ce dernier, Andromaque, est réduite à l'état de prisonnière avec son fils Astyanax par Pyrrhus, fils d’Achille. Pyrrhus tombe amoureux d'elle alors qu'il doit en principe épouser Hermione, la fille du roi de Sparte Ménélas et d'Hélène.

La structure est celle d’une chaîne amoureuse à sens unique (un triangle amoureux) :

Oreste aime Hermione, qui veut plaire à Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime son fils Astyanax et son mari Hector qui est mort. L’arrivée d’Oreste à la cour de Pyrrhus marque le déclenchement d’une réaction qui, de maille en maille, va faire exploser la chaîne en la disloquant. L’importance du thème galant est un reste de la pièce précédente de Racine, Alexandre le Grand.

La scène est à Buthrot, ville d'Épire, dans une salle du palais de Pyrrhus.

Acte I (4 scènes)

Oreste, ambassadeur des Grecs, parvenu en Épire au palais de Pyrrhus, y retrouve un ami fidèle, Pylade. Oreste vient au nom de la Grèce exiger de Pyrrhus qu'il lui livre Astyanax, le fils d’Hector et d'Andromaque. Ce fils doit mourir ; ce n'est encore qu'un enfant mais les Grecs redoutent qu'il ne veuille un jour venger sur eux la défaite de Troie et la mort de son père Hector. Oreste confie toutefois qu'il n'a accepté de mener cette ambassade en Épire que pour une seule raison : revoir Hermione, qu'il n'a jamais pu cesser d'aimer, malgré ses constants refus. Oreste la sait dédaignée par Pyrrhus, auquel elle est pourtant promise, et il espère qu'elle acceptera maintenant de revenir avec lui en Grèce. Oreste voit Pyrrhus et, au nom de la Grèce, exige que lui soit livré Astyanax. Pyrrhus refuse fermement de céder aux exigences des Grecs, quitte à ce que son refus mène à la guerre. Oreste se retire. Andromaque paraît, et Pyrrhus lui rend compte de l'ambassade des Grecs et de son refus. Il espère que, reconnaissante envers lui d'avoir sauvé son fils, Andromaque acceptera de se montrer moins rebelle à son amour ; elle se refuse pourtant toujours à lui, fidèle envers son époux Hector, mort sous les coups d'Achille, le père de Pyrrhus. Poussé à bout, Pyrrhus menace de livrer Astyanax aux Grecs.

Acte II (5 scènes)

Oreste parle à Hermione. Elle se montre prête à partir avec lui si Pyrrhus refuse de livrer l’enfant d’Andromaque, Astyanax. Oreste est fou de joie. Or, Pyrrhus annonce à Oreste qu'il a réfléchi et qu’il s'est décidé à livrer Astyanax aux Grecs. Il compte également épouser Hermione le lendemain même. Pyrrhus se félicite de ce sursaut de raison, mais demeure agité du remords que lui inspire son amour pour Andromaque.

Acte III (8 scènes)

Oreste est furieux de perdre définitivement Hermione ; il décide de l'enlever avant les noces, avec la complicité de son ami Pylade et des Grecs. Andromaque implore Hermione de sauver la vie de son fils en faisant fléchir Pyrrhus. Hermione balaye avec mépris la supplique d'Andromaque et sort. Pyrrhus, qui cherchait Hermione, entre et trouve Andromaque. Celle-ci l'implore de sauver son fils. Touché de pitié, Pyrrhus est prêt à changer d’avis si elle accepte de l’épouser ; Andromaque ne sait à quoi se résoudre.

Acte IV (6 scènes)

Andromaque est déchirée entre son amour pour Astyanax (et Hector) et sa peur que Pyrrhus n'exécute sa menace. Elle décide d'accepter la demande en mariage de Pyrrhus, mais annonce à Céphise qu'elle se suicidera aussitôt la cérémonie achevée.

Hermione sait qu'Andromaque a décidé d'accepter l'offre de mariage de Pyrrhus. Elle fait venir Oreste et lui demande s'il l'aime. Oreste pense d'abord qu'elle veut partir avec lui (ce qui constituerait une grave insulte à Pyrrhus et à Ménélas), mais Hermione lui demande de tuer Pyrrhus au moment même de la cérémonie de mariage. Oreste est épouvanté ; il essaie de persuader Hermione de fuir avec lui, quitte à faire la guerre plus tard à Pyrrhus. Hermione demeurant inflexible, Oreste s'incline devant sa volonté. Il lui propose d'assassiner Pyrrhus secrètement la nuit, mais Hermione exige qu'il le tue en public, pendant la cérémonie de mariage, pour faire mieux éclater sa vengeance.

Se produit une confrontation entre Hermione et Pyrrhus. Elle lui rappelle son rôle dans la prise de Troie et comment il a tué de sa propre main Priam, roi de Troie et père d'Hector, ainsi que la petite Polyxène, la plus jeune des filles de Priam et sœur d'Hector.

Acte V (5 scènes)

Frederic Leighton, Andromaque captive (1886).

Tandis que les noces ont lieu, Hermione est tiraillée entre le remords et l'impatience, incertaine de savoir si elle veut ou craint la mort de Pyrrhus, qu’elle aime mais qui l'a trahie. Survient Oreste ; il vient d’accomplir la mission dont elle l’a chargé : Pyrrhus est mort sous les coups des Grecs. Hermione le récompense par des injures et sort, folle de désespoir. Oreste désemparé est laissé seul ; rentre Pylade qui lui annonce qu'Hermione s'est donné la mort sur le corps de Pyrrhus. Oreste s'emporte contre lui-même et finit par devenir fou. Andromaque veut tout de même venger l'homme qui lui a permis d'accéder au trône. En conséquence, Pylade, Oreste et les Grecs fuient l'Épire.

Sources

Euripide

Racine s'est inspiré notamment de l'Andromaque d'Euripide (426 av. J.-C.). Il a modifié plusieurs éléments de l'intrigue de la tragédie grecque.

  • Dans la pièce d'Euripide, Andromaque est déjà mariée à Pyrrhus-Néoptolème ; Hermione est la deuxième femme du roi d'Epire.
  • Chez Euripide, la jalousie d'Hermione n'est pas seulement une jalousie amoureuse : elle est motivée par le fait qu'Andromaque a un fils de Pyrrhus, tandis que Hermione est restée stérile. Hermione accuse Andromaque de lui avoir jeté un sort ; de plus, elle craint que le fils d'Andromaque ne monte un jour sur le trône de l'Epire, succédant à Pyrrhus.
  • Chez Euripide, Pyrrhus n'apparaît pas sur scène, le conflit met aux prises Hermione et Andromaque de manière directe. Ménélas, le père d'Hermione, lui prête main-forte contre Andromaque, et tous deux ont l'intention de se débarrasser de l'esclave étrangère (de la forcer à partir, ou de la tuer). Andromaque reçoit in extremis le soutien du grand-père de Pyrrhus, le sage Pélée.
  • Chez Euripide, Oreste tue Pyrrhus non pas à la demande d'Hermione, mais parce qu'Hermione lui avait été promise autrefois ; il agit pour des raisons de vengeance personnelle. Il ne devient pas fou après avoir accompli ce meurtre.

Virgile

Racine affirme dans sa préface s'être appuyé sur un passage du livre III de l'Enéide de Virgile. En fait, l'emprunt demeure très limité, d'autant plus que l'apparition d'Andromaque chez Virgile est rapide.

Quelques ressemblances cependant :

  • Andromaque se trouve à Buthrot (aujourd'hui en Albanie), où Énée (le héros de Virgile) vient à sa rencontre ; de même, dans la pièce de Racine, « la scène est à Buthrot » (en Épire).
  • Andromaque exilée vit dans le passé, et offre des libations aux cendres d'Hector, quand Énée la revoit après une longue séparation (elle apparaissait déjà chez Euripide comme une veuve fidèle à son premier mari).
  • Andromaque dans l'Enéide règne sur l’Épire[6]. Racine reprend dans l'acte V de sa pièce le couronnement d'Andromaque. C'est le principal apport de Virgile à Racine : chez Euripide, Andromaque était une esclave persécutée, non une reine.

Les différences sont très importantes :

  • Dans le récit de Virgile, Pyrrhus est déjà mort ; Andromaque, veuve deux fois, est mariée à Hélénus. Hermione, partie avec Oreste, n'est plus en Epire. Ainsi, deux personnages essentiels de la pièce de Racine, Pyrrhus et Hermione, ne figurent pas dans le récit principal de l'Enéide.
  • Virgile met dans la bouche d'Andromaque un récit rétrospectif des événements qui lui sont arrivés depuis la chute de Troie : après l'avoir épousée, Pyrrhus l'a délaissée et négligée au profit d'Hermione, et contrainte de se marier avec Hélénus. Le thème de la jalousie féminine, très présent chez Euripide, développé par Racine, est totalement absent chez Virgile.
  • Astyanax, le fils d'Andromaque et d'Hector, est mort à Troie dans le récit de Virgile (comme chez Euripide) ; il est toujours vivant dans la pièce de Racine.

Représentations notables

1903 : 7 février  - au Théâtre Sarah-Bernhardt (Paris), musique de Camille Saint-Saëns avec Sarah-Bernhardt (Hermione), Blanche Dufrêne (Andromaque), Max (Oreste), Desjardins (Pyrrhus), Céalis (Phoenix), Arsène Durec (Pylade), Patry (Céphise), Jeanne Méa (Cléone).

1934 : 30 juin - mise en scène Duflos à la Comédie-Française avec Maurice Escande (Pyrrhus), Jean Hervé (Oreste), Maurice Donneaud (Pylade), Georges Dorival (Phoenix), Mary Marquet (Andromaque), Marie Bell (Hermione), Mary Morgan (Cléone), Marcelle Brou (Céphise).

1944 : 22 mai - mise en scène, scénographie et décors Jean Marais, costumes de Paquin, musique originale Django Reinhardt au Théâtre Édouard VII (Paris) avec Alain Cuny (Pyrrhus), Annie Ducaux (Andromaque), Jean Marais (Oreste), Michèle Alfa (Hermione), Pierre Cressoy (Pylade), Denis Noël (Cléone), Claude Vallières (Céphise), Robert-Maxime Aubry (Phoenix).

1948 : 11 février - mise en scène Maurice Escande à la Comédie-Française avec Maurice Escande (Pyrrhus), Jean Yonnel (Oreste), Véra Korène (Hermione), Annie Ducaux (Andromaque), Jacques Eyser (Pylade), Christiane Carpentier (Cléone), Raoul-Henry (Phoenix), Denise Noël (Céphise).

1950 : mise en scène Julien Bertheau au Théâtre des Célestins (Lyon) avec Annie Ducaux (Andromaque), René Arrieu (Pyrrhus), Maurice Escande (Oreste), Christiane Carpentier (Hermione), Alain Nobis (Pylade), Pierre Duc (Phoenix).

1962 : 7 novembre - mise en scène de Jean-Louis Barrault à L’Odéon-Théâtre de France (Paris) avec Catherine Sellers (Andromaque), Geneviève Page (Hermione), Jean Desailly / Alain Cuny (Pyrrhus), Daniel Ivernel / Jean Topart (Oreste), Christiane Carpentier (Cléone), Sarah Sanders (Céphise), Jean-Roger Tandou (Phoenix) – Production : Compagnie Renaud-Barrault.

1964 : 11 décembre – mise en scène de Pierre Dux à la Comédie-Française avec Maurice Escande (Phoenix), André Falcon (Oreste), Georges Descrières (Pyrrhus), Jean-Louis Jemma (Pylade), Louise Conte (Andromaque), Thérèse Marney (Hermione), Françoise Kanel (Cléone), Berengère Dautun (Céphise).

1989 : 9 janvier – mise en scène de Roger Planchon au Théâtre National Populaire (Villeurbanne) avec Christine Boisson (Andromaque), Miou-Miou (Hermione), Brigitte Catillon (Cléone), Judith Bècle (Céphise), André Marcon (Pyrrhus), Jacques Lalande (Phoenix), Richard Berry (Oreste), Jean Reno (Pylade).

Source : Les Archives du Spectacle

Adaptations

Parmi les différentes œuvres musicales s'inspirant de la tragédie de Racine, on peut citer :

Au cinéma, plusieurs films évoquent la pièce, notamment :

  • L'Amour fou de Jacques Rivette (1969), consacré pour moitié environ (soit deux heures) à des répétitions d'Andromaque Le film établit un rapport de ressemblance entre l'histoire de la pièce (en particulier, la jalousie d'Hermione motivée par la passion que Pyrrhus éprouve pour Andromaque) et l'histoire moderne, qui se passe dans les années 1960, d'un metteur en scène dont le comportement séducteur éveille la jalousie de son épouse[7].
  • Marquise de Véra Belmont (1997), biographie romancée de sa créatrice, Mlle Du Parc
  • Troie de Wolfgang Petersen (2004), qui s'inspire à la fois d'Homère et de Racine

Notes et références

  1. « Lavelanet. Thomas Le Douarec revisite Andromaque », sur ladepeche.fr, .
  2. Respectivement trois et une représentations répertoriées sur le site des Archives du spectacle.
  3. Félix Guirand, Andromaque, Classiques Larousse 1933.
  4. Voltaire, Remarques sur le troisième discours de Corneille in Œuvres complètes, t. 22, Hachette, 1893, p. 301.
  5. Félix Guirand, Notice d'Andromaque, Classiques Larousse, 1933, p. 10.
  6. Voir à ce sujet l'article Andromaque, section Epopée, le développement sur le personnage d'Andromaque dans l'Enéide.
  7. Le film est disponible en ligne ici.

Voir aussi

Article connexe

Liens externes

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