Arbre de mai

La tradition de l’arbre de mai est un rite de fécondité lié au retour de la frondaison ; elle consiste à planter un arbre ou un mât qui le représente dans le courant du mois de mai.

Danse du Mât de Mai (MayPole), église de Bishopstone, Sussex, Grande-Bretagne.

Répandue dans toute l'Europe, elle connaît différentes variantes et déclinaisons de son nom : arbre de joie ou arbre de mai, le mai, arbre individuel, arbre d’amour et leurs traductions :


Les origines

Le mois de mai est traditionnellement le mois des fêtes liées au retour des frondaisons et à la fécondité. Dans ce cadre, l’arbre symbolise les forces de la Nature.

Au concile de Milan de 1579, l’Église catholique proscrivit cette tradition païenne et ses rites apparentés, stipulant l’interdiction « le premier jour de mai, fête des apôtres saint Jacques et saint Philippe, de couper les arbres avec leurs branches, de les promener dans les rues et dans les carrefours, et de les planter ensuite avec des cérémonies folles et ridicules[1]. »

Les origines de ce rituel des rubans associé à un arbre remontent loin dans le passé, et ressortissent probablement d'un côté au rituel de momification égyptien avec ses bandelettes, et de l'autre au très ancien archétype de l'Arbre de vie ou de l'Arbre-Monde.

En Égypte antique l’érection du pilier Djed se produisait durant les très importantes fêtes du mois de Khoiak. Des rubans de momification permettaient de reconstituer le corps d'Osiris déchiqueté par Seth. L’érection du pilier Djed représentait symboliquement la capacité de régénérescence du dieu. Lazare de Béthanie, lors de sa résurrection, apparaît également entouré de plusieurs femmes et enrubanné de bandelettes de momification, comme une suite ou une résurgence des pratiques de régénération liées aux mythes osiriens. À l’origine (très ancienne, selon Georges Posener : c'est un « fétiche préhistorique »[2]), le symbole du pilier Djed est parfois interprété comme la figuration stylisée d'un arbre en fleurs ou d'un arbre ébranché, ou comme un mât constitué de faisceaux de tiges végétales (peut-être une haute gerbe de céréales), ou encore un pieu à entailles, ou enfin il serait l’évocation d’une colonne vertébrale, l’épine dorsale d’un bovidé[2]. Au Nouvel Empire il sera clairement identifié à la colonne vertébrale du corps cosmique d’Osiris[2]. Toujours est-il que ce talisman jouait un rôle dans les rites de fertilité, et que, par assimilation au mythe osirien, il symbolise la résurrection. Il est donc probablement l'avatar égyptien du mythe de l'Arbre de vie[3],[2].

En Grèce antique, les Ménades (Bacchantes chez les Romains) effectuent une danse de Mai à base de rubans dans le but de reconstituer le corps de Zagreus / Dionysos qui a été découpé en neuf morceaux par les Titans[4], ce qui n’est pas sans rappeler aussi le mythe d’Osiris. On trouve ainsi, sur des poteries grecques du Ve siècle av. J.-C., Dionysos représenté comme un arbre habillé et masqué, couronné et entouré de Ménades enroulant des rubans (à base de feuilles et de fleurs) autour de son corps démembré.

En Europe occidentale et centrale

BhealTaine en Irlande

Le mât de BelTane/BelTaine se dit BhealTaine en gaélique d'Irlande. Mí BhealTaine, c'est le mois de BelTane. Les festivités associées s'appellent Lá BealTaine en Irlande et Latha BeallTainn en Écosse. Lá Buidhe BealTaine signifie le « jour brillant/lumineux de mai ». En gaélique d'Écosse le mois de mai se dit CèiTean (et aussi a’ Mhàigh). Les feux de BelTane sont équivalents aux feux dits de « la Saint-Jean ». Eadar dà theine BheallTainn signifie « entre deux feux de Beltane » en gaélique d'Écosse. Mí Bheal est équivalent à MayPole en anglais moderne.

Sur l'île de Man (dialecte manx) BelTane se dit BoalTinn ou BoalDyn. La racine Bel / Beal / Boal signifie blanc, brillant, lumineux, comme les flammes du feu.

Y FeDwen Fai au Pays de Galles

Au Pays de Galles l'arbre de Mai se nomme Y FeDwen Fai. L'arbre-mât est peint et décoré de rubans et de fleurs.

Autres noms : Gŵyl Calan Mai, neu Calan HaF; Gla'Mai neu, GlaMai ar lafar.

MayPole en Grande-Bretagne

Reine de Mai, Melberby, Grande-Bretagne.

L'arbre de Mai se dit MayPole en Grande-Bretagne. La ville de MayBole se dit Am Magh BaoGhail en gaélique d'Écosse.

Le MajStång en Suède

En Suède la fête du MajStång / MidSommarStång est la plus importante de l'année. Elle correspond à la fête d'Yvan Kupala des Slaves (feux de la Saint-Jean lors du solstice d'été).

JuhannusSalko en Finlande

La fête du solstice d'été, du milieu de l'été (Suomalainen juhannus) est le jour du drapeau finlandais. La fête commence à 18 heures et dure toute la nuit. Les jours les plus longs de l'année ont été appelés « jours de nidification » car le soleil est alors dans le nid d'oiseau en haut du mât. Le soleil reste dans le nid pendant quelques jours jusqu'à ce que le mouvement du soleil recommence, début d'un nouveau cycle solaire. Cette phase de revirement/inversion cosmique (passage d'un phase ascendante à une phase ascendante) était perçue comme une situation magique durant laquelle des esprits pouvaient venir se manifester. Des feux sont allumés pour chasser les mauvais esprit.

Kupolines (ou Rasa) en Lituanie

Le solstice d'été est l'occasion d'une grande fête en Lettonie, Kupolines ou Rasa.

Ligo en Lettonie

Le solstice d'été est l'occasion d'une grande fête en Lettonie, Ligo Diena et Jani. Des mâts décorés de fleurs et de feuilles sont installés. Le sommet du mât est ensuite enflammé (photo). Les fidèles pratiquant ce rite portent des couronnes végétales sur la tête. Ligo Diena signifie jour des herbes. Jani, prénom très courant en Lettonie, signifie Jean. Environ 15000 choristes se rassemblent chaque année pour chanter Ligo, chant national (Vidéo[5]:)

JaaniPäev en Estonie

JaaniPäev, Jaaniõhtu et Jaanilaupäev sont les jours les plus importants du calendrier estonien. Des mâts sont installés et des feux allumés dans un climat de convivialité.

Le GaïTanáki en Grèce

Sur l'île d'Andros, dans les Cyclades, un GaïTanáki (γαϊτανάκι, « mât enrubanné ») est installé sur la place Kaíris de Chora lors d'une fête[6]. Ce rituel se produit également dans d'autres endroits de la Grèce[7], comme à Livadia, capitale de la Béotie, où lors du carnaval des chars et des mascarades défilent jusqu’à la place centrale de la ville où sont tressés les Gaïtanakia. Ou encore sur l'île de Cythère (Kythira). Il correspond au çiçekli direği ("pôle fleuri") en turc. La gaida grecque (gaïta galicienne) est un instrument de musique à vent.

La Sărbătoarea de ArminDeni en Roumanie

En Roumanie, pour la Sărbătoarea de ArminDeni [8],[9], des jeunes hommes vont couper des arbres en forêt, les élaguent et les hissient ensuite au cœur de la ville ou du village. Chez les Saxons l'arbre de vie s'appelle IrminSul.

Le jour de l'ArminDeni (ArmenDina, ArminDin ou encore ArminDer la rosée est recueillie au petit matin et elle sert pour se laver. C'est la promesse d'une bonne santé[10]. Le même rituel avec la rosée se produit lors de la fête d'Ivan Kupala (SobotKov) des Slaves. L'ArminDeni est célébré le 1er mai en Transylvanie, au Banat, en Bucovine et en Moldavie. Dans le pays de Lăpuş, elle l'est lors de la Pentecôte et en Muntenie et Oltenie, le , lors de la SânGiorz (Saint-Georges).

Lors de l'ArminDeni du vin rouge est mélangé à de l'absinthe et est utilisé pour « échanger du sang et protéger contre les maladies». Selon la tradition populaire roumaine la peste ne peut être repoussée que le jour d'ArminDeni et seulement avec la feuille d'absinthe. Des brins d'absinthe sont fixés sur les chapeaux, vêtements et fenêtres le jour de l'ArminDeni, tout comme les brins de Muguet (porte-bonheur) du 1er mai en France. Les larmes (rosée, eau de lune) versées par la Vierge Marie au pied de la croix (c'est-à-dire du mât de mai) auraient donné naissance aux fleurs de muguet. Au XIVe siècle on tressait en France des couronnes de fleurs le 1er mai pour les offrir à la Vierge. Les Slaves tressent aussi des couronnes de fleurs le jour de la fête d'Ivan Kupala. Tout comme les suédois lors de la fête du MajStång, une couronne de fleurs et feuilles est d'ailleurs placée au sommet du mât. Le Christ sur la croix porte aussi une couronne végétale (Ziziphus spina-christi).

IrminDen en Bulgarie

En Bulgarie l'arbre de mai s'appelle: IrminDen ou encore Yeremiya, Eremiya, IriMa, Zamski Den.

MájusFa en Hongrie

Fa signifie arbre en hongrois. À Nagykőrös des restes de sanglier sacrifié étaient déposé au niveau de l'arbre de mai, le MájusFa, le plus souvent un peuplier garni de rubans colorés.

Festa dos Maios en Galice

En Galice, la Festa dos Maios (la fête des Mais / Mages). Les célébrations qui ont lieu à Orense, Pontevedra, Poyo, El Morrazo et Villagarcía de Arosa sont populaires. Un concours est organisé dans lequel les meilleurs maios sont attribués, qui sont des compositions faites avec de la mousse, des fougères et des chapelets de "carrabouxos ou de bugallos" en tant que matériaux plus usuels, dans certaines régions, des œufs, des fleurs et des fougères sont également ajoutés. Ils peuvent être utilisés dans deux types de travaux: les traditionnels, sous forme de pyramides à base carrée ou triangulaire, de grande hauteur recouverts de mousse, et les artistes, qui constituent des sculptures authentiques, représentant des constructions, des croix et des scènes anciennes de la vie quotidienne la galice

Cruz de Maio au Portugal

L'arbre de Mai se dit Cruz de Maio ou Cruz de Mata au Portugal.

L'albero di maggio en Italie

L'arbre de mai s'appelle Albero di Maggio en Italie, ou encore Albero della Cuccagna, le Mât de Cocagne en français, Kukkanja en Maltais, Cucanya en Catalan. À Camino al Tagliamento , dans la province d'Udine, début juin, lors de la fête du village du vin et du taureau, a lieu la fête de l'arbre de mai. Le poteau, place au dessus d'une rivière, est saupoudré de graisse et les concurrents doivent le recouvrir sur toute sa longueur, puis plonger dans les eaux glacées pour prendre 2 bouteilles placées en récompense. Dans la ville de Martone, la fête s'appelle A'NTinna .

Île de Chypre

Une statuette de terre cuite datant du VIe siècle av. J.-C., illustre l'exécution, par trois personnes, d'une ronde autour d'un arbre.

Le MaiStange / MaiBaum en Allemagne

MaiBaum, Munich.

En Allemagne l'arbre de mai porte le nom de MaiStange ou de MaiBaum, ou encore de Maie.[11],[12].

Maibaum à Erling (Haute-Bavière) avec sa décoration abondante.

En Bavière, la tradition du mât de mai remonte à longtemps.[réf. nécessaire] Il s’agirait d’un vestige des Celtes qui ont peuplé le Sud de l’Allemagne : venant des steppes orientales, ils vénéraient la nature et célébraient le début de l’été, le 1er mai, en érigeant un arbre autour duquel ils dansaient pour chasser les mauvais esprits.

Depuis le XVIIIe siècle, et encore plus depuis la Seconde Guerre mondiale, le mât de mai est devenu le symbole des villes et villages de la Bavière du Sud. Il représente l’honneur de la commune et de sa communauté.

Il est source de compétition entre les villages bavarois, qui rivalisent d’ingéniosité et d’efforts pour se doter du plus grand et du plus bel arbre. Aussi, des hauteurs de 30 mètres ne sont-elles pas rares…

Et jusqu’à ce qu’il soit érigé, le jour de la cérémonie, il fait l’objet de toutes les convoitises et à ce titre, il est jalousement surveillé, jour et nuit, par les hommes de la commune, pour décourager les éventuels ravisseurs… L’enjeu est de taille, car en cas de vol, les victimes se verraient dans l’obligation de verser une rançon en nature (bière et victuailles) et surtout de porter le poids de la honte !

Dépourvu de son écorce, le tronc d’arbre dont on se sert pour ce mât de mai est ensuite peint en bandes blanches et bleues (les couleurs de la Bavière) et le sommet du mât est décoré d’une couronne en branches de sapin. Bien souvent, on retrouve tout le long du mât, des figurines représentant les différents corps de métiers, comme le cordonnier, le ramoneur, le menuisier, le charpentier, etc.

Une fois l’arbre prêt, et l’heure de la cérémonie arrivée, les hommes de la commune doivent se préparer à installer le mât au centre du village, souvent sur la place principale. C’est l’occasion de faire la fête, au son de la fanfare et les groupes folkloriques sont présents pour accompagner cette cérémonie, et soutenir moralement les hommes qui devront déployer tous leurs efforts pour hisser le mât. C’est, en effet, une véritable épreuve de force qui requiert puissance, savoir-faire et précision, durant près de deux heures. Tout est fait manuellement sous les ordres d’un chef attentif qui veille à la réussite de l’épreuve en toute sécurité.

Devant un tel exercice, on ne s’étonnera donc pas que le mât de mai soit conservé en l’état, en général cinq ans, et pour certaines communes au moins trois ans.

La májka (ou máje) en République tchèque

Érection d'un arbre de mai en République tchèque.

En Bohême et en Moravie, l'arbre de mai est un conifère, voire un bouleau, auquel on a coupé les branches, enlevé l’écorce et que l’on a étêté. Il doit être le plus haut possible. La partie supérieure est décorée avec des rubans en tissu coloré ou de papier crépon ; on y accroche également un sapin fraîchement coupé et une couronne de fleurs.

Le plus souvent il est érigé le ou le 1er mai de chaque année ; cette mise en place nécessite beaucoup de mains d’œuvre, car l'arbre est dressé à la force des bras et des mains. La nuit qui suit cette installation, ce mât est jalousement gardé afin d’éviter que les hommes des villages voisins ne viennent l’abattre ou lui couper la partie supérieure. S’ils y parvenaient cela serait de mauvais augure.

Il arrive également que les garçons érigent des arbres de mai plus petits devant la maison des jeunes filles pour qui ils éprouvent un grand respect ou auxquelles ils souhaitent montrer une marque d’amour !

Cet événement annuel est souvent associé à la Nuit de Walpurgis (en tchèque : Pálení čarodějnic), fête néo-païenne pendant laquelle on brûle les sorcières.

Majówka en Pologne

La période de festivité liée à l'arbre de mai s'appelle Majówka

Le feuillu en Suisse

Le canton de Genève célèbre « le Feuillu » le premier dimanche de mai.

Le Meyboom à Bruxelles

À Bruxelles, le Meyboom est planté le - veille de la Saint-Laurent, patron de la Compagnie chargée de la tradition. Le Meyboom est attesté depuis 1213 et est ainsi la plus ancienne tradition de la capitale. Elle relève du patrimoine oral et immatériel de l’humanité depuis .

Lors de l'achèvement du gros œuvre d'un bâtiment les ouvriers fixent un arbrisseau au sommet de la charpente. Quoiqu'il s'agisse là d'un bouquet final, à Bruxelles ainsi qu’en Flandre on emploie pour cette tradition le nom de Meyboom.

Le Meyboom à Louvain

Le Meyboom à Louvain remonte à 1939.

La plantation de mai à Silly

À Silly, le hameau de Saint Marcoult plante chaque année un arbre de mai. La petite agglomération est groupée dans une clairière de la forêt domaniale autour de la chapelle. Saint Marcoult est vénéré depuis fort longtemps. Il a vécu au VIe siècle et aurait été abbé d’un monastère en Normandie. Il est connu comme guérisseur des écrouelles. C’est en son honneur que l’arbre a été planté à l’origine. Sa fête est célébrée le premier dimanche de mai. L’usage est fort ancien mais connu depuis la fin du XIXe siècle. Il était offert autrefois aux jeunes filles du hameau et fait penser aux bouquets de mai. Vers 1900, le mai était un bouleau ou un peuplier de haute futaie. Aujourd’hui, un chêne de grande taille (14 ou 15 m) est abattu le samedi matin et copieusement arrosé de bière ou de genièvre. Il est surmonté d’un jeune bouleau feuillu.

Le dimanche après-midi (de nos jours le dernier dimanche d’avril) l’arbre est amené au hameau et mis en vente aux enchères au profit de la fête. Il est dressé entre 16 et 18 heures à l’aide d’échelles de différentes hauteurs. L’effort des pousseurs est généreusement soutenu par d’abondantes libations. Une fois l’arbre en place, la cloche de la chapelle tinte. Il sera déplanté à la fin du mois dans une ambiance plus intime mais toujours abondamment arrosée.

Les traditions en France

Muguet du 1er mai.
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Danse des cordelles à Saint-Tropez

Olivettes et Cordelles à la Renaissance

À la Renaissance, en France, la danse des Olivettes consistait à tresser et à détresser autour du mât de mai des rubans fixés au sommet[13].

Elle est équivalente à la « danse des Cordelles » que l'on pratiquait en Provence, et que l'on trouvera illustrée en référence (texte[14], et vidéo[15]).

"Es Laab stecke" dans Le Département de la Moselle

En Moselle, cette tradition a lieu lors des célébrations de du passage du 30 avril au premier mai. La nuit qui précède le premier mai est appelée Hexenaat ou Hexenààcht dans l'Est de la Moselle. "Es Laab stecke, es Loib stecken" est une locution qui signifie littéralement "planter, piquer le feuillage", elle consiste pour les garçons à parer la maison de la fille aimée de branches cueillies dans la nuit, ou très le matin dans la forêt. Dans certains villages on pratique la tradition du Maiboom , Maibaam , un petit arbre ou des branchages décorés sont accrochés aux grilles de l'église, ou dans d'autres localités à la fontaine du village.

TanneMaie en Alsace

En Alsace l'arbre de mai s'appelle TanneMaie[16]. Une commune alsacienne porte le nom de DanneMarie (DàmMerkìrch)

Monde occitan

Arbre de mai à Domme, en Dordogne.

En Corrèze, mais aussi en Gironde, en Dordogne, dans le Lot, dans le Limousin ou le Val d’Aoste, la coutume de planter un arbre de mai en l’honneur des élus locaux est vivace. Les hommes vont chercher l’arbre dans la forêt. Puis on le décore de drapeaux, rubans, d’une pancarte portant l’inscription « Honneur à notre élu(e) ». Puis on dresse l’arbre devant la maison de ce dernier qui, en remerciement doit régaler généreusement ses électeurs.

Selon les endroits, cette tradition s’est étendue aux patrons d’une petite entreprise (« Honneur au patron »), aux couples nouvellement installés dans une maison et aux mariés. Dans ce dernier cas, le plantage de l’arbre se fait quelques semaines avant le mariage et est l’occasion d’une fête moins formelle entre habitants du village. Il arrive alors que l’on enterre une ou plusieurs bouteilles au pied de l’arbre. Celles-ci seront bues à la naissance du premier enfant.

En Provence

À Cucuron, dans le Vaucluse, on plante l’arbre de Mai le samedi qui suit le . Il s’agit d’un peuplier qui doit dépasser le clocher de l’église (24 m). On le fait défiler dans la ville, un jeune garçon assis dessus à califourchon (« L’Enseigne »). Une fois l’arbre dressé devant l’église, suit une grande fête populaire à la fois païenne (culte du printemps) et chrétienne (en l’honneur de Sainte Tulle, patronne de Cucuron, qui sauva la cité de la peste en 1720). Il restera planté jusqu’au .

À Varages, dans le Var, l’arbre de mai est coupé dans la nuit du au 1er mai en un lieu secret et porté à dos d’homme jusqu’à la place de l’église où il est érigé. Il reste alors en place un mois et à l’occasion de la fête de Saint Photin (premier dimanche de juin), l’arbre est à nouveau porté, jusqu’à la chapelle San-Foutin qui domine le village, cette ascension si unique est partagée par les nombreux porteurs désireux de faire honneur au saint patron ainsi qu’aux couleurs du village. À l’occasion de la Saint-Jean, l’arbre est alors débité et dressé en bûcher pour le traditionnel feu, ceci précédé de l’offerte de la pomme.

Aux Baux-de-Provence, TréMaïé signifie « Trois Maries ».

En Gascogne

Arbre de mai à Saint-Félix-de-Foncaude.

Dans les Landes de Gascogne, le premier mai est l’occasion de planter l’arbre de mai. Généralement, on le plante en l’honneur d’une personne : 18 ans, âge rond (20, 30…), retraite, naissance, d’un groupe de personnes (mariage) ou en l'honneur des élus locaux. Traditionnellement, l’arbre (un pin décoré ou un « mai ») est planté devant la maison de la personne en son absence. Ensuite, celle-ci invite les gens et un pot est organisé (la « maillade » ou « mayade »). Plus tard, quand l’arbre meurt, et plus généralement à l’automne, l’arbre est enlevé et ceci est un prétexte à faire un deuxième apéritif ou une fête. En gros, cette tradition permet de renforcer les liens avec son voisinage comme lors des fêtes de quartier.

Arbre de mai de Locronan

L’arbre de mai de Locronan *
Domaine Pratiques rituelles
Lieu d'inventaire Bretagne
Finistère
Locronan
* Descriptif officiel Ministère de la Culture (France)

À Locronan, dans le Finistère, un arbre de mai est planté chaque année le premier samedi de mai. Il s’agit d’un hêtre dressé sur la place principale pour fêter l’arrivée de la belle saison. Cet arbre sera abattu au mois de juin, pour le solstice d’été. Le tronc est alors vendu aux enchères et les branches seront utilisées pour le feu de la Saint-Jean. Selon la tradition, ce sont les jeunes qui se chargent de la plantation et de l’abattage, mais aujourd’hui, beaucoup ne répondent plus à l’appel et si la pratique n’a aucun mal à perdurer, elle a évolué vers tous types de population.

Le rituel de l’arbre de mai de Locronan est inscrit à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France[17].

À Locronan, les traces attestant de la pratique de l’arbre de mai ne remontent qu’au XXe siècle. Cependant, on peut penser que la pratique remonte à bien plus loin, dans le cadre des pratiques rituelles exécutées au mois de mai pour les « calendes de mai ». En effet, le calendrier breton est divisé en deux parties, les « calendes de mai » (Kala-mae) et les « calendes d’hiver » (Kala-goañv). Chaque entrée dans les calendes est célébrée lors de rituels.

Le calendrier celte marque également la date de la Saint-Jean, qui se caractérise pour l’allumage d’un grand feu. Cette pratique est associée à l’arbre de mai car l’arbre planté début mai est abattu et brulé lors du feu de la Saint-Jean. De plus, le choix de la variété de l’arbre n’est pas anodin. Il s’agit d’un hêtre, car ce dernier est l’un des arbres sacrés de la civilisation celtique[18]. Il symbolise également le renouveau de la nature à cause de l’apparition précoce de ses feuilles[19].

La plantation de l’arbre

La tradition veut que chaque année, un hêtre soit érigé sur la place de l’Église, place principale de Locronan. Ce rituel s’exécute le samedi précédent le premier dimanche de mai. La tradition veut que ce soient les jeunes du village qui aillent chercher l’arbre en forêt, le ramène et le plantent à la seule force des bras. Ce dernier point est de moins en moins courant, l’arbre est souvent élevé, comme en, 2015, à l’élévateur[20]. Quelques branches étaient auparavant ôtées de l’arbre et déposées sous les fenêtres des filles courtisées. Ces branches étaient alors dénommées « mais d’amour » ou « mais aux filles ».

L’abattage de l’arbre de mai

L’abattage de l’arbre de mai au mois de juin fait l’objet de festivités très suivies par les habitants de Locronan, contrairement à la plantation. Les jeunes de 19 ans, filles et garçons, sont alors chargés d’abattre à la force des bras et dotés d’une scie à deux manches, l’arbre érigé quelques semaines plus tôt. De nombreux spectateurs viennent les encourager et parfois les aider dans leur tâche très physique. Des musiciens amateurs accompagnent la scène en musique.

Les enchères du tronc se déroulent à la suite, sur la place où se tenait l’arbre. Les bénéfices obtenus sont en général reversés aux jeunes de l’année.

Le feu de la Saint-Jean est ensuite allumé, auparavant sur la place de l’Église mais à présent sur le parking Saint-Germain. La soirée se termine par un repas et un fest-noz organisé par la commune de Locronan et ses associations.

Dans les villages de l’est de la France, le mai, arbre individuel, arbre d’amour

Le charivari, le matin du 1er mai.
L’arbre, le « mai ».

Il s’agit d’un jeune arbre ou d’un rameau, que les jeunes gens installent devant la porte ou contre le mur du domicile des jeunes filles à marier, dans la nuit du au 1er mai (ou le dernier dimanche de mai dans certaines régions), pour les honorer.

En remerciement, pour « arroser » leur mai, les filles offrent gâteaux et boissons - autrefois à titre individuel - de nos jours collectivement, prenant en compte le peu de disponibilité de la jeunesse, retenue à la semaine loin du village.

La fontaine est également ornée d’un jeune arbre pour, selon la tradition orale, s’assurer qu’elle coulera durant toute l’année.

Un langage était autrefois associé à l’essence de l’arbre :

  • l’églantier - tu es mon grand amour
  • le charme - tu es charmante
  • l’aulne - tu es belle
  • le foyard (hêtre) – amour le plus profond
  • le sapin – fille volage ou bêcheuse
  • le pin – fille hardie
  • le sureau – fille inconstante, fille déshonorée
  • le cerisier – fille facile
  • le saule - fille pleureuse ou fille volage
  • l’aubépine - fille estimable, annonce d’un prochain mariage
  • l’olivier - symbole de paix et de fécondité, confirmait le mariage
  • le tilleul - l’arbre aux épousailles
  • le lilas - fille belle et modeste, de bonne réputation, amours naissants
  • l’acacia - amours platoniques
  • le mimosa - amours secrètes, je n’aime que vous
  • le noisetier - symbole de fertilité
  • l’amandier - fille étourdie
  • le chêne - fille constante ou inconstante
  • le houx - fille cruelle
  • le genêt - fille repoussante
  • le peuplier - fille gémissante
  • le romarin - fille douteuse
  • le bleuet - fille délicate
  • le volubilis - fille attachante
  • la marguerite - fille candide, amours partagées
  • le basilic - fille modeste
  • l’oranger - fille sympathique
  • la primevère - fille affectueuse
  • la paquerette - fille attachante
  • l’if - fille maléfique
  • l’ortie - symbole de rupture
  • figuier - fille repoussante

L’usage actuel, consensuel, est généralement le hêtre.

Cette nuit est également mise à profit pour se défouler et effectuer un charivari, un chambardement : vacarme sous les fenêtres des personnes grincheuses, déplacement des objets les plus divers : pots de fleur, volets, portique, banc, matériel agricole, pile de bois… À chacun le lendemain de récupérer son bien !

En Russie

SeMik et Kupala en Russie

Lors de la fête du SeMik (Семик) ou Siémik, au cours du mois de juin (solstice d'été), les jeunes femmes tressaient des couronnes de bouleau pour décorer leur village et les accrochaient à leur arbre bien aimé. Puis elles organisaient des danses (des rondes). Selon une supplique des prêtres de Novgorod datée de 1636, « elles se mettent à chanter des chansons diaboliques, à taper dans leurs mains et à faire toute sorte de choses impies ».

Lors de la fête d'Ivan Kupala (même période solsticiale) les jeunes hommes vont dans les bois et abattent un grand arbre (un bouleau ou un saule) et l'installent au cœur de leur village ce qui s'accompagne de danses folkloriques. Les jeunes femmes décorent l'arbre avec des fleurs et des rubans colorés. Sous l'arbre, une grande poupée est placée sur de la paille ou de l'argile, qui symbolise la divinité Yarila. Le jour de cette fête la rosée matinale est collectée, et sert à un rituel purificateur.

Ysyakh des Yakoutes en Sibérie

Le peuple Yakoute (république de Sakha) célèbre le solstice d'été avec une fête nommée Ysyakh, durant laquelle un cheval est attaché à un mât et des danses circulaires sont effectuées. Il s'agit d'un rituel faisant partie du Tengrisme (religion). Des danses circulaires sont réalisées autour d'un mât . La danse nationale de Yakoutie, Osuokhay, est réalisée autour d'Aal Luuk Mas (l'arbre sacré) hissé spécialement pour la fête d'Isyakh.

En Asie

Pinnal KolaTtam en Inde

Dans l'état indien d'Andhra-Pradesh, la fête de Kolannalu Attam (ou Pinnal KolaTtam) consiste notamment à enrubanner un mât (on pourra voir des vidéos de ce rituel aux liens donnés en référence[21],[22]). Au Pays de Galles, cette fête s'appelle Calan Mai ; et WalPurgisNacht en Allemagne. Cette vidéo[23] illustre l'enrubannage d'un mât durant la nuit de Walpurgis. Dans les états indiens du Kerala et du Tamil Nadu la fête s'appelle Kummi. Et Kolata dans l'état de Karnataka.

"Cây nêu" au Vietnam (le mât du Têt)

« L’érection du Cây nêu est un ancien rite populaire des Vietnamiens. Selon la coutume, il s’agit d’une longue perche, de 5 à 7 mètres, d’un bambou précis, le phyllostachys (Parashorea chinensis), ou gô chò en Vietnamien, au sommet duquel on fixe un cesseau et un parchemin rouge. Le bambou symbolise très justement la vitalité, la souplesse et la résistance. Ce mât est érigé devant les maisons, les temples, les palais et les pagodes pendant le Têt afin d’écarter les démons et les fantômes : en effet, selon la croyance populaire traditionnelle des Vietnamiens, il délimite la frontière entre le monde des vivants et celui des démons (…) Le Cây nêu est aussi appelé l’arbre de l’univers. “Selon les légendes, les objets suspendus sur le mât et le bruit du +khanh+ font comprendre aux démons et aux fantômes que la terre sur laquelle il se dresse a un propriétaire, afin qu’ils ne l’approchent pas”, explique le professeur Ngô Duc Thinh, ancien directeur de l’Institut de recherche sur la culture du Vietnam[24]. »

En Amérique

Wakan Tanka des Indiens Sioux

Chez les Amérindiens (notamment les Sioux) la danse du Soleil a lieu lors du solstice d'été autour d'un mât (Wakan Tanka), arbre qui a été abattu quelques jours avant.

Au Mexique les voladores de Papantla, attachés par des cordes-rubans, tournent autour d'un mât.

Le PotoMitan des Antillais a une fonction similaire.

Cruz de Mayo en Espagne et Amérique latine

La fiesta de las Cruces (« Fête des Croix ») ou Cruz de Mayo (« Croix de Mai ») est une fête célébrée le dans de nombreuses régions d’Espagne et d’Amérique hispanique. Une croix fleurie est dressée.

Le Palo de Mayo pôle/pilier/mât de Mai » comme le MayPole anglais) est une danse afro-caribéenne avec des mouvements sensuels, pratiquée dans la zone caribéenne (Nicaragua, Bélize, île de Bahia au Honduras, Bocas des Toron à Panama et Puerto Rico). La fête s'appelle Mayo Ya au Nicaragua.

Notes et références

  1. Nouvelle Clio, no 30, p. 257.
  2. Cité dans : « Le pilier Djed : l’étrange fétiche préhistorique », sur PHARAON, le magazine de l’Égypte éternelle, (consulté le ).
  3. Société de l'arbre du Québec, et Dan Thuy, « L'Arbre de Vie », sur Carnet de vie, 2002 et 2011 (consulté le ).
  4. « Racines et Traditions en Pays d'Europe », sur racines.traditions.free.fr (consulté le ).
  5. Юрий Пожарский, « 15000 choristes chantent Ligo, chant folklorique de la Lettonie. Sous-titres en français » (consulté le ).
  6. (grk) « GaïTanaki », sur androsfilm.gr.
  7. Μπάμπης Τσώλης, « ΠΟΛΙΤΙΣΤΙΚΟΣ ΣΥΛΛΟΓΟΣ ΦΙΛΟΘΕΗΣ ΑΡΤΑΣ «ΓΑΪΤΑΝΑΚΙ» 18 - 2 - 2018 », (consulté le ).
  8. (ro) « Obicei popular cu „armindeni” la Avirg - Buna Ziua Fagaras », sur bunaziuafagaras.info (consulté le ).
  9. (ro) « 1 Mai - Sărbătoarea de Armindeni. Tradiții populare românești », Libertatea.ro, (lire en ligne, consulté le ).
  10. (ro) « Ce mai serbează românii de 1 Mai. Tradiţii şi obiceiuri de Armindeni - Jurnal Spiritual », Jurnal Spiritual, (lire en ligne, consulté le ).
  11. « L’Arbre de Mai – Les Portes du Sidh » (consulté le ).
  12. (de) Wald- und Feldculte, chap. III.5 « Baumseele als Vegetationdämon : Maibaum », dans Wald- und Feldculte, (lire en ligne).
  13. « Les quatre thèmes », sur dansesanciennesamontreal.com (consulté le ).
  14. « Les danses provençales - Passion Provence », sur passionprovence.org, (consulté le ).
  15. Mathieu Masse, « La danse des Cordelles Flour d'Inmourtalo » (consulté le ).
  16. « Association Le Vieil Erstein ùn rund um's Kanton - Les croyances populaires », sur vieil-erstein.alsace (consulté le ).
  17. Fiche d’inventaire de l’« Arbre de mai de Locronan » au patrimoine culturel immatériel français, sur culturecommunication.gouv.fr (consultée le 26 octobre 2015)
  18. « Arbre de mai », ville de Locronan.
  19. « Arbre de mai », Office de tourisme de Locronan.
  20. « La tradition de l’arbre de mai a été respectée, article du journal Ouest-France, 03/05/2015
  21. TELUGU BOOK OF RECORDS, « INDIAN FOLK DANCE ‘KOLATTAM’ PERFORMANCE BY WOMEN » (consulté le ).
  22. Telugu Association of Florida TampaBay, « 20 Folk Kolannalu Attam - TAF Ugadi 2018 » (consulté le ).
  23. fauntube, « FAUN - Walpurgisnacht (official video) » (consulté le ).
  24. Le Courrier du Vietnam, « Le mât rituel, protecteur de la famille durant le Têt », sur lecourrier.vn (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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