Astérix chez les Bretons

Astérix chez les Bretons est le huitième album de la bande dessinée Astérix, publié en août 1966, scénarisé par René Goscinny et dessiné par Albert Uderzo.

Pour l'adaptation cinématographique, voir Astérix chez les Bretons (film d'animation).

Astérix chez les Bretons
8e album de la série Astérix

Logo de l'album.

Scénario René Goscinny
Dessin Albert Uderzo

Personnages principaux Astérix
Obélix
Lieu de l’action Armorique
Bretagne

Éditeur Dargaud
Première publication
ISBN 2-01-210008-2
Nb. de pages 48

Prépublication Pilote
Albums de la série

Il a été pré-publié dans le journal Pilote du no 307 () au no 334 ().

Résumé

Jules César vient d'envahir la Bretagne, mais un village du Cantium (nom d'une civitas devenue le Kent), résiste encore aux légions romaines. Un de ses habitants, le Breton Jolitorax, est dépêché en Gaule pour quérir l'aide des habitants du village de son cousin Astérix, réputé pour sa potion magique qui multiplie la force. Astérix et Obélix le raccompagnent en Bretagne afin de transporter un gros tonneau de potion magique.

Une fois en Bretagne, à Londinium, le tonneau finit par leur être confisqué, avec d'autres tonneaux (de vin ceux-ci), par les Romains alertés de leur présence. Les Romains se saisissent de tous les tonneaux disponibles pour les goûter afin de trouver le tonneau de potion magique. Après moult péripéties et découvertes culturelles, dont un match de rugby, le tonneau est finalement brisé et son contenu perdu dans la Tamise.

Le village breton se bat contre les Romains avec l'aide d'Astérix et Obélix, mais sans potion magique. Afin de donner du courage au village, Astérix prépare une fausse potion à base d'herbes étranges de chez Panoramix qu'il avait emportées avec lui. Après leur victoire sur les Romains, le chef du village breton, Zebigbos, décide d'élever cette potion au rang de boisson nationale. Il s'avère que ces herbes sont en fait du thé, ainsi introduit en Bretagne par Astérix en personne.

Personnages principaux

Analyse

Personnages

Il se peut que le Gaulois qui casse la lyre d'Assurancetourix au moment du départ des Gaulois pour la Bretagne soit Cétautomatix.

Planche 5, case 7 : il y a sur l'étagère dans la hutte d'Astérix un souvenir de chacune des aventures précédentes : un casque romain pour Astérix le Gaulois, une serpe en or pour La Serpe d'or, un casque goth pour Astérix chez les Goths, un casque de gladiateur pour Astérix gladiateur, et une petite sculpture du sphinx pour Astérix et Cléopâtre.

Idéfix ne participe pas à l'aventure, restant au village gaulois avec Panoramix.

Les pirates ne sont pas expressément nommés, comme dans les précédents albums.

C'est la première fois qu'il est question du camp d'Aquarium, bien qu'on ne le découvre pas, puisque son centurion Tullius Stratocumulus et ses hommes sont sur le bateau les ramenant de Bretagne.

L'aubergiste breton du Rieur Sanglier, non nommé dans l'album, s'appelle Minimax dans le dessin animé Astérix chez les Bretons de 1986.

Le voleur de charrette, non nommé dans l'album, s'appelle Facederax dans le film Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté de 2012.

Zebigbos a les traits de l'homme politique britannique Harold Wilson.

On retrouvera Jolitorax, Zebigbos, Mac Anotérapix, O'Torinolaringologix et Relax dans Astérix en Corse, avec de nombreux autres personnages, alors qu'ils viennent au village gaulois pour le banquet anniversaire de la victoire de Gergovie. On retrouvera aussi Jolitorax à la fin de L'Anniversaire d'Astérix et Obélix - Le Livre d'or.

Éléments historiques

Les Bretons du récit ne concernent pas les habitants de la péninsule Bretagne actuelle, mais le peuple Breton de l'actuelle Grande-Bretagne, appelés à l'époque les Brittons, et qui sont aujourd'hui nommés « Bretons insulaires », c'est-à-dire les habitants de l'Angleterre (avant l'invasion des Anglo-Saxons), du Pays de Galles, des Cornouailles.

Jules César a envahi la Bretagne en , dans le cadre de sa conquête des Gaules dès , couronnée par sa victoire sur Vercingétorix en Il a écrit un ouvrage intitulé Commentaires sur la Guerre des Gaules où cette campagne est abordée. Le pays ne sera toutefois occupé et colonisé qu'au Ier siècle, sous l'empereur Claude.

La colonie romaine de Londinium, qui est traversée dans l'album, ne sera d'ailleurs fondée par les Romains qu'en 43 après J.-C., soit près d'un siècle après les aventures d'Astérix. La présence de cette ville est donc anachronique dans cet album.

Par la suite, les Angles et les Saxons envahiront l'île de Bretagne, formant alors l'actuelle Angleterre. Mais dans la conquête, la population ethnique bretonne se refugiera en Armorique, formant ainsi le pays de Bretagne continentale qui sera unifiée en l'an 800, mais aussi en Galice et en Asturies.

Éléments humoristiques

Cet album est particulièrement riche de références britanniques en tous genres, aussi bien du point de vue visuel (dessins, caricatures, etc.), linguistique (langue anglaise, syntaxe, expressions, noms des personnages, etc.) et culturels (traditions, modes de vie, cuisine, activités, sports, etc.).

NB : « p10-c5 » signifie « planche 10 case 5 » ; les éléments sont classés dans chaque sous-titre selon leur apparition chronologique dans l'album.

La langue anglaise

Outre le mode humoristique habituel de Goscinny et Uderzo dans leurs albums (souvent basé sur les anachronismes), Astérix chez les Bretons présente des éléments spécifiques liés à la culture britannique. Bien que Goscinny soit arrivé aux États-Unis en 1945 sans connaître un seul mot d'anglais, ses différents séjours les années suivantes lui permirent de maîtriser cette langue. Dans cet album, il pastiche systématiquement les tendances syntaxiques propres à l'anglais, en les traduisant mot-à-mot en français de manière comique :

  • « S'il vous plaît » (p2-c6) = Please, pour « Je vous en prie ».
  • « Fin de semaine » (p2-c7) = Week-end. L'expression est utilisée telle quelle au Québec et au Nouveau-Brunswick.
  • « Choquant ! » (p2-c8) = Shocking!
  • « Plutôt. » (p3-c2) = Rather.
  • « Et toute cette sorte de choses. » (p3-c7) = And all that sort of things = et cetera.
  • « Je dis. » (p4-c4) = I say., que les Bretons de l'album placent à tout bout de champ dans leurs phrases (il en est de même pour « quoi » = what). Typique d'un Anglais de la haute société du début du XXe siècle. Cette tournure était utilisée pour souligner quelque chose.
  • « Un morceau de chance. » (p4-c5) = A bit of luck.
  • « Secouons-nous les mains. » (p4-c7) = Let's shake hands.
  • « Je demande votre pardon. » (p5-c3) = I beg your pardon.
  • « Je ne voudrais pas être un ennui pour vous. » (p6-c6) = I don't want to be any trouble to you.
  • « Un joyeux bon garçon. » (p24-c5) = A jolly good fellow.
  • « Nous devons. » (p24-c2) = We have to.
  • « Ma bonté ! » (p25-c2) = My goodness! (variante de « Bonté gracieuse ! » = Goodness gracious !, ou parfois Goodness gracious me !)
  • « Gardez votre lèvre supérieure rigide. » (p25-c4) = Keep a stiff upper lip = « Gardez votre sang-froid. »
  • « Il est devenu absolument noix. » (p26-c4) = He is going nuts = « Il devient fou. », « Il perd les pédales. »
  • « J'étais en dehors de mes esprits avec l'inquiétude. » (p28-c2) = I was out of my mind with worry. = « J'étais inquiet. »
  • « Ils n'ont pas été franc jeu » (p40-c1) = Fair play
  • « C'était grand de vous avoir ici. » (p43-c7) = It was great to have you here.

Syntaxe

Dans cet album, Goscinny joue sur les différences syntaxiques existant entre l'anglais et le français et les adapte mot-à-mot en français :

  • le question-tag typique de la grammaire anglo-saxonne, à savoir la tournure interrogative qui peut terminer une phrase, ce qui correspond au « n'est-ce pas ? » en français.
    « Je pense qu'il va être l'heure, n'est-il pas ? » (p2-c4), alors que le français jouerait d'un « n'est-ce pas ? » ; soit It's going to be about time, isn't it? ;
  • l'adjectif épithète antéposé (placé avant le substantif) en anglais (a good friend) : Jolitorax, le cousin germain d'Astérix, parle de la « magique potion » (p5-c1), puis des « romaines armées » (p5-c2), etc. Cette blague est la plus utilisée de l'album, identifiant même les Bretons. Obélix remarque cette spécificité orale et l'adapte immédiatement, à sa manière en postposant des adjectifs habituellement antéposés en français : « Je commençais à avoir un appétit gros » (p11-c1). Cela dit — et cela est d'autant plus vrai, que Goscinny précise bien que les Bretons parlent la même langue que les Gaulois (p2-c2) — Jolitorax et d'autres Bretons oublient de temps en temps cette inversion ; par exemple « la cervoise tiède », « un cousin germain » et « une potion magique » (p3-c4).

Noms des personnages

Traditions britanniques

  • À cinq heures de l'après-midi (le five o'clock), les Bretons boivent de l'eau chaude (p2-c6) : il s'agit de la célèbre tradition du thé, collation prise dans l'après-midi à base de thé. Sauf que cette boisson n'existe pas à cette époque, laquelle arrive chez eux grâce aux Gaulois en planches 41, 43 et 44. En attendant, ils se contentent donc d'eau chaude, éventuellement accompagnée de nuage de lait.
  • La marmalade chère aux Britanniques est une sorte de faux-ami et ne correspond pas tout à fait à la marmelade française : il s'agit presqu'exclusivement de confiture d'oranges amères. Les Bretons la consomment sur des rôties, traduction littérale du toast (p2-c6).
  • Le flegme britannique (dans tout l'album, par exemple p30). Ce trait de caractère, qui incite à garder son sang-froid en toutes circonstances, y compris les plus dramatiques, est illustré par l'expression Keep a stiff upper lip. Signifiant littéralement « Gardez votre lèvre supérieure rigide. », elle fait référence à la lèvre qui tremble quand on pleure et incite donc à la maîtrise de soi (ou self-control). À l'époque victorienne, ce flegme était répandu dans la société, les Anglais subissant la répression de leurs émotions. Il s'agissait plus précisément de stoïcisme, consistant non pas à ne rien ressentir, mais plutôt à supporter les vicissitudes de la vie, nécessitant une prise de recul. Cet idéal est bien retranscrit dans le poème Si de Rudyard Kipling, ainsi que dans Invictus de William Ernest Henley. Mais actuellement, l'attitude consistant à rester toujours de marbre est plutôt mal perçue, renvoyant à cette répression émotionnelle[2].
  • Les incessants brouillards (le smog) (p3-c8) et pluies (p10-c7).
  • Cambridge et ses rameurs (p3-c10) ; cf. The Boat Race.
  • L'heure hâtive de fermeture des pubs qui a longtemps prévalu (p11-c6).
  • La cervoise (tiède) (p11-c6), associée à la bière britannique, indissociablement liée aux pubs, dont il est fait une bien plus grande consommation outre-Manche qu'en France (voir ici), et traditionnellement fermentée à des températures plus hautes.
  • Au restaurant (pub), le décurion joue aux fléchettes (p12-c7).
  • Les véhicules roulant à gauche (p13-c3).
  • Le gazon coupé ras, caractéristique du jardin à l'anglaise (p14-c1). On observe d'ailleurs d'autres éléments de ce type de jardin sur cette case comme le saule pleureur, à côté d'un cottage.
  • Les mesures anglo-saxonnes, non décimales, font dire à Obélix « Ils sont fous ces Bretons » (p16-c8).
  • Les anciennes unités monétaires (p18). Avant 1971, la livre sterling était divisée en 20 shillings, chaque shilling (noté "/" ou abrégé "s") étant lui-même divisé en 12 pence (noté "d"). La guinée valait 1 livre et 1 shilling (soit : 21 shillings). Jusqu'en 1971, 2 shillings équivalaient à un florin soit 1/10e de £, et 5 shillings équivalaient à une couronne (crown).
  • Le bus à impériale (p20-c6).
  • Les parapluies (p20-c7), liés au mauvais temps légendaire en Grande-Bretagne.
  • Le chapeau melon (p20-c8).
  • Les quartiers résidentiels où toutes les maisons se ressemblent (p28-c9).
  • Les Écossais radins (p31-c4 : les Calédoniens).
  • Le rugby avec le « Tournoi des cinq tribus » (p33). Obélix, enthousiaste de la nature violente du jeu, suggère de l'importer en Gaule, une référence à la popularité que ce jeu d'origine anglaise a obtenue en France.
  • L'humour britannique (p33-c1).

Autres éléments culturels

  • « Mon tailleur est riche » (p5-c9), célèbre repartie des manuels Assimil (My tailor is rich).
  • « Mon jardin est plus petit que Rome, mais mon pilum est plus solide que votre sternum ! », autre repartie détournée des manuels Assimil.
  • Il est souvent fait allusion au jugement continental quant aux qualités de la cuisine britannique. « En Bretagne, la nourriture est délicieuse » (p7-c3) ; ou à la célèbre sauce à la menthe (p15-c4).
  • Le tunnel sous la Manche (p10-c8). Bien qu'en 1966, le tunnel ne fût pas encore construit (étant en service depuis 1994), le projet était relancé depuis 1957, étant donc au cœur de l'actualité européenne à la création de l'histoire.
  • Les Beatles (p15-c10)[3].
  • Jolitorax toquant à la porte de Relax: "POM POM POM POM, POM POM POM POM". C'est l'indicatif de l'émission Les français parlent aux français sur Radio Londres (p16).
  • Les nombreuses cheminées fumantes (p18-c2).
  • Le Tower Bridge (p18-c2).
  • Le palais du gouverneur est inspiré du palais de Buckingham (p15-c2, p18-c2, p21-c1...), dont le portail est orné de Lions (un des emblèmes du Royaume-Uni).
  • La célèbre tour de Londres (p25-c8), prison au sommet de laquelle volent ses légendaires corbeaux.
  • Une vitrine remplie de pies, préparation culinaire contenue dans une pâte couverte, correspondant à nos tourtes françaises (bien que ces dernières ne soient que salées) (p28-c1).
  • Les planches 29 et 30 sont l'occasion pour les auteurs de montrer un intérieur typique de la bourgeoisie anglaise, comme en témoignent différents éléments :
    • le paillasson portant l'inscription « BIENVENUE » (Welcome) placé devant la porte d'entrée (p29-c3) ;
    • la plaque portant l'inscription « FOYER DOUX FOYER » (Home sweet home) accrochée au-dessus de la cheminée (p29-c4) ;
    • les rideaux à nœuds (p29-c4) ;
    • la plaque de marbre s'apparentant à un journal et portant comme nom Le Temps, en référence au quotidien britannique The Times (p29-c7).
  • Les bardes calédoniens (p33-c5), jouant de la cornemuse et du tambour, inspirés de musiciens écossais.
  • La Tamise aux eaux glauques (p39 & 40).

Caricatures

  • Le groupe de « quatre bardes populaires chez nous » d'après Jolitorax sont évidemment une caricature des Beatles (p15-c10).
  • Achille Talon est également caricaturé dans cet album, sous les traits d'un légionnaire romain obèse qui dit « hop » (case 1 de la planche 10)[4].

Villes et lieux traversés/évoqués

Chansons

  • Vive la Rome, vive la Rome, vive l'arôme du bon vin !, chanté par deux légionnaires ivres.
  • Ils ont des tonneaux ronds, vive la Bretagne, ils ont des tonneaux ronds, vivent les bretons !, chanté par Obélix ivre, parodiant la chanson Vive la Bretagne.

Citations latines

Tirage

(900 000 exemplaires).

Adaptations

Notes et références

  1. Vidal 2016, p. 24.
  2. Julian Baggini, « Astérix chez les philosophes : "Du self-control au self-service" », Philosophie magazine, Hors-série 24,
  3. L'encyclopedix : The Beatles.
  4. L'encyclopedix : Talon Achille.
  5. « Astérix et Obélix : Au service de sa Majesté », sur Allociné (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Paul Gravett (dir.), « De 1950 à 1969 : Astérix chez les Bretons », dans Les 1001 BD qu'il faut avoir lues dans sa vie, Flammarion, (ISBN 2081277735), p. 256.
  • Jean-Louis Vidal, Astérix, tous les secrets des albums : Numéro hors-série de Paris-Match, Hachette Filipacchi associés, , 109 p. (ISBN 978-2-3571-0535-5).

Liens externes

Articles connexes

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