Constant II Héraclius

Constant II Héraclius (en latin : Flavius Heraclius Constantinus Augustus, en grec : Κώνστας Βʹ), né le et mort le à Syracuse, en Sicile, fils de Constantin III et de Gregoria Anastasia, est un empereur byzantin de 641 à 668.

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Constant II Héraclius
Empereur byzantin

Constant et son fils Constantin.
Règne
-
(27 ans)
Période Héraclides
Précédé par Héraclonas
Constantin III Héraclius
Suivi de Constantin IV
Biographie
Nom de naissance Flavius Constantinus Augustus
Naissance
Décès (37 ans)
Syracuse
Père Constantin III
Mère Gregoria Anastasia
Épouse Fausta
Descendance Constantin IV
Heraclius
Tiberius
L'Empire byzantin en 650.


Début du règne : la régence

Initialement nommé Héraclius, le Sénat lui confie le pouvoir alors qu'il est âgé de 11 ans, comme associé avec son père. Il reçoit le nom de Constantin en l'honneur de son père et bientôt, le peuple le surnomme Constant, un diminutif de Constantin. Du fait de sa barbe, il reçoit ensuite le surnom de « Pogonatos » (le barbu)[1]. Les sources médiévales confondent souvent les empereurs de cette dynastie, tous nommés Héraclius, Constantin ou Héraclius Constantin[2].

Constant II est couronné à la faveur d'une sédition contre Martine, veuve d'Héraclius, et son fils Héraclonas, suspectés tous deux d'avoir fait périr Constantin III pour se réserver le pouvoir. En septembre 641, Martine et Héraclonas sont renversés, mutilés et exilés par le général Valentin, officier d'origine arsacide promu par Constantin III. Le Sénat confirme la destitution des deux personnages, ce qui confirme son regain d'autorité puisque les sénateurs se chargent aussi de la tutelle de Constant II. Cette institution avait vu ses fonctions se réduire sous Justinien et entendait récupérer son pouvoir.

Au début du règne de Constant, la régence est officiellement confiée au patriarche Paul II de Constantinople (641-653) et au sénat, mais le pouvoir est exercé par le général Valentin, qui dès 642 marie sa fille Fausta au jeune empereur. En 642, il prit le titre de consul. En 646, le chroniqueur Sébéos mentionne le mariage de Smbat V Bagratouni avec une princesse arsacide, fille du magistros Manuel, préfet d'Égypte en 634 et décédé en 651, et parente de l'empereur Constant II. L'étude des parentés de l'empereur montrent que c'est sa femme Fausta qui est arsacide, ainsi que son père le général Valentin, qui est associé au trône de 641 à 644. Valentin et Manuel pourraient très bien être frères (ou, selon Christian Settipani, oncle et neveu) et petit-fils du général Artabanès.

Ces années sont catastrophiques pour l'Empire, envahi par les Arabes musulmans : après la Palestine et la Syrie, c'est au tour de l'Égypte, la province la plus riche et la plus peuplée, d'être attaquée. Lors du court règne d'Héraclonas, le patriarche d'Alexandrie avait signé un traité abandonnant le contrôle de l'Égypte aux Arabes. Les Byzantins ont 11 mois pour quitter le territoire et, le , le dernier soldat byzantin quitte Alexandrie conquise par les Arabes le 29 du même mois. Peu après, c'est une grande partie du littoral de l'Afrique du Nord correspondant à l'actuelle Libye qui tombe aux mains des Arabes. Toutefois, en 644, Amr ibn al-As, le général arabe ayant mené cette campagne fulgurante, est rappelé par Othmân ibn Affân, le nouveau calife. Les Byzantins tentent alors de reprendre le contrôle de l'Égypte. Le général Manuel parvient à prendre Alexandrie mais se fait vaincre lors de la bataille de Nikiou par Amr revenu en Égypte durant l'été 646. Les Égyptiens acceptent de nouveau la tutelle arabe qu'ils jugent préférable à la tutelle byzantine. En effet, la population est majoritairement monophysite, à la différence du reste de l'Empire byzantin, et subit de ce fait une politique de répression de la part de Constantinople[3].

Pendant ce temps, le gouverneur musulman de Syrie, Muʿawiya Ier (futur calife), lance une série d'attaques en Anatolie qui atteignent Amorium, aux deux tiers de la route de Constantinople, sans toutefois l'occuper. En même temps qu'ils ravagent l'est de l'Anatolie, les Arabes commencent la construction d'une importante flotte pour concurrencer la marine byzantine et menacer directement Constantinople. Ainsi, en 649, les Arabes s'emparent de Chypre et les Byzantins doivent donner une grande somme d'or à Mu'awiya pour que celui-ci accepte une trêve de trois ans. En Italie, les Lombards tuent l'exarque byzantin Isaac et s'emparent de Gênes en 644. Incapable de défendre efficacement l'Empire, et ayant semble-t-il voulu s'emparer du trône, le général Valentin est lynché par des émeutiers à l'automne 644.

Désormais maître du pouvoir, Constant II montre vite de la détermination, mais reste relativement impuissant du fait, entre autres, des divisions religieuses entraînées par la querelle du monothélisme et de plusieurs révoltes. En 646, l'exarque de Carthage Grégoire le Patrice, cousin de Constant, se proclame empereur. Proche du moine Maxime le Confesseur, qui a séjourné plusieurs années à Carthage, il se présente comme le défenseur de l'orthodoxie du Symbole de Chalcédoine contre le monothélisme ; il est tué en 647 au cours d'une attaque des Arabes contre sa province. Mais son successeur le général Gennadios II, payant tribut aux Musulmans, fait de la province d'Afrique une principauté quasi indépendante de l'Empire[4].

L'édit de Constant

L'ecthèse de l'empereur Héraclius et du patriarche Serge Ier de Constantinople faisait du monothélisme la doctrine officielle depuis 638, en dépit de nombreuses oppositions dont celle de la papauté. En 647, le pape Théodore Ier excommunie le patriarche de Constantinople Paul II. En réaction, Constant II promulgue en 648 le Typos, ou « règle » : l'ecthèse est retirée de la basilique Sainte-Sophie, mais le monothélisme n'est pas formellement renié, et toute discussion à ce sujet est interdite aux évêques et aux théologiens sous peine de fouet et de bannissement[5].

Mais l'année suivante, en 649, le nouveau pape Martin Ier, élu sans l'aval du gouvernement impérial, réunit un concile au Latran en présence du moine Maxime le Confesseur et lance l'anathème contre à la fois le monothélisme et le Typos. Néanmoins, Constant II ne reconnaît pas l'autorité du pape Martin Ier et l'exarque de Ravenne Olympios a ordre d'arrêter le pape mais face à la colère populaire, il décide de se servir de celle-ci pour se détacher de l'autorité impériale. Toutefois, sa révolte ne survit pas à sa mort en 652. À l'image de la situation en Afrique, les querelles religieuses favorisent les tendances séparatistes de certains gouverneurs, ce qui contribue à fragiliser l'autorité impériale[6].

En juin 653, Constant II parvient à faire arrêter le pape Martin Ier et le moine Maxime le Confesseur par un nouvel exarque, Théodore Calliopas. Traité sans aucun ménagement, le pape est amené à Constantinople où il est accusé de complot contre l'empereur (accusation politique et non religieuse) et condamné à mort par le sénat. Après plusieurs semaines de captivité et un appel à la clémence du patriarche en sa faveur, sa peine est commuée en bannissement ; il est déporté en Crimée où il meurt un an et demi plus tard. Le moine Maxime, torturé et mutilé, meurt en 662, exilé dans le royaume de Lazique, à l'âge de 82 ans[7].

En 654, il avait associé son fils, le futur empereur Constantin IV au trône comme co-empereur.

Par ailleurs, Constant II accepte l'élection de papes non favorables au monothélisme (Eugène Ier en 654, Vitalien en 657), du moment qu'ils ne militent pas ouvertement contre cette doctrine.

L'empereur tente aussi d'imposer à l'Église apostolique arménienne qu'elle se soumette au patriarcat de Constantinople et accepte le Symbole de Chalcédoine. Mais après la promulgation d'un édit en ce sens en 648 ou 649, le clergé arménien et de nombreux princes du pays, y compris le gouverneur byzantin d'Arménie Théodoros Rechtouni, se réunissent en un concile à Dvin et condamnent solennellement l'édit. Il en résulte que l'Arménie rejette la suzeraineté byzantine et accepte celle du calife. L'empereur mène une campagne militaire en 651-652 pour rétablir son autorité sur l'Arménie, mais la dénonciation d'un complot qui se trame contre lui à Constantinople l'oblige à rentrer précipitamment[8]. Le général Maurianus, qu'il laisse sur place, est vaincu par une armée arabe, et l'Arménie est perdue pour l'Empire. En 655, la ville de Trébizonde est prise et mise à sac par une armée composée d'Arméniens et d'Arabes.

La tentation de l'Occident

Les thèmes d'Asie mineure vers 650.

À la fin de la trêve de trois ans, Muʿawiya reprend ses raids maritimes contre l'Empire byzantin. Ainsi, il saccage Rhodes en 654 puis la Crète et Kos. Le calife souhaite à terme s'attaquer à Constantinople. Constant II tente de réagir mais il est lourdement défait à la bataille de Phoenix de Lycie en 655 et échappe de peu à la capture. Cette défaite sonne le glas de l'hégémonie maritime de Byzance dans la Méditerranée orientale. Toutefois, la guerre civile qui secoue les Arabes à la même époque permet à Constant II de signer une paix avantageuse avec Muʿawiya en 659, ce dernier s'engageant même à payer un tribut à l'empire (1 000 nomismata, un cheval et un esclave par jour) pour éviter que les Byzantins ne tirent trop avantage du désordre grandissant dans le califat[9].

Cette paix permet à Constant II de combattre les Slaves dans les Balkans. En 658, il remporte une victoire importante contre les Sklavinies. L'Empire byzantin retrouve alors le contrôle d'une grande partie de la Macédoine. Dans le même temps, Constant entreprend une politique de colonisation en transplantant des Slaves en Asie Mineure tandis que d'autres s'engagent dans l'armée byzantine[10].

Constant II profite de ces années de répit pour faire avancer la réorganisation de l'armée et de l'administration de l'Empire : de cette époque semble dater la transformation des corps d'armée appelés « thèmes » en véritables circonscriptions territoriales, qui vont jouer un rôle très important dans l'Empire byzantin pendant plusieurs siècles.

En 659, il avait associé ses fils cadets Héraclius et Tibère au trône comme co-empereurs.

En 662, il quitte Constantinople pour une grande expédition vers l'ouest, laissant l'impératrice Fausta et leurs trois fils dans la capitale. Il se rend d'abord par mer à Thessalonique, puis par terre à Athènes et à Corinthe. Il passe ensuite en Italie, à Tarente, avec son armée, et entreprend une campagne militaire contre les Lombards du duché de Bénévent, de qui il obtient une soumission très formelle, sans chercher vraiment à reconquérir l'Italie du sud faute de financement. Il gagne ensuite Naples, puis Rome, où il est reçu avec pompe par le pape Vitalien. C'est la seule apparition à Rome d'un empereur d'Orient depuis le IVe siècle et jusqu'à la fin du XIVe siècle[11].

Constant II quitte Rome après un séjour de 12 jours en emportant une très grosse quantité de bronze, arrachée aux monuments de la ville ; ce « pillage » est probablement justifié par la nécessité de payer ses troupes. Il gagne la Sicile en repassant par Naples, et s'installe à Syracuse à l'automne 663. Cette région est d'une grande importance stratégique car elle se situe entre l'Italie menacée par les Lombards et l'Afrique menacée par les Arabes. Désormais, il réside dans cette ville jusqu'à sa mort, ayant semble-t-il décidé d'en faire la nouvelle capitale de l'Empire. Il tente d'ailleurs d'y faire venir sa femme et ses fils, mais le sénat et le peuple de Constantinople s'opposent à leur départ. Pendant cette période, il parvient, grâce à Éleuthérios, à faire chasser Gennadius d'Afrique et à reprendre le contrôle d'une partie de cette province, mais Muʿawiya, grâce à Gennadius qui s'est rallié à lui, gagne du terrain dans le sud[12].

Constant II meurt le , à 38 ans, dans sa retraite occidentale, assassiné par un de ses serviteurs qui le frappe pendant son bain avec le vase dont il se servait pour lui verser de l'eau sur la tête. On ignore les mobiles exacts des conspirateurs, qui ensuite proclament empereur le général arménien Mezezios[13].

Il fut enterré dans l'église des Saints-Apôtres en Constantinople, où sa femme qui lui avait survécu fut aussi enterrée, Il laissa trois fils, tous trois couronnés, dont l'aîné devint l'empereur Constantin IV. Il avait eu aussi un frère, Théodose, général en 654 et consul honoraire en 656, qu'il avait fait exécuter pour conspiration en 659 ou 660, avant son départ définitif de Constantinople (661). Le chroniqueur Théophane dit qu'il mourut détesté, à cause de ce fratricide qui avait choqué, et de la répression cruelle de ses opposants religieux[14]. La fille de Théodose aurait épousé Démétrios Ier d'Abkhazie.

Notes et références

  1. Ostrogorsky 1996, p. 144. On pensait autrefois que ce surnom s'appliquait à son fils Constantin IV, mais il semble plutôt qu'il désigne Constant II.
  2. Il semble d'après des historiens récents que ce surnom s'applique, non pas à lui, mais à son père Constant II.John Julius Norwich, Byzantium : The Early Centuries, Penguin, , 407 p. (ISBN 0-14-011447-5), p. 316
  3. Ostrogorsky 1996, p. 146
  4. Ostrogorsky 1996, p. 148-149
  5. Bréhier 2006, p. 62
  6. Ostrogorsky 1996, p. 150
  7. Ostrogorsky 1996, p. 151
  8. Ce complot implique des membres du sénat et des officiers d'origine arménienne en poste en Thrace. À l'époque, beaucoup d'officiers de l'armée sont d'origine arménienne.
  9. Ostrogorsky 1996, p. 146-147
  10. Ostrogorsky 1996, p. 147-148
  11. Bréhier 2006, p. 63
  12. Ostrgorsky 1996, p. 153
  13. « Il entra dans la salle de bain avec un serviteur nommé André, fils de Troïlos. Quand il eut commencé à se savonner, André saisit la cruche, en frappa l'empereur sur le sommet de la tête, et s'enfuit tout de suite. Comme l'empereur s'attardait dans la salle de bain, ceux qui étaient à l'extérieur s'y précipitèrent et le trouvèrent mort. Après l'avoir enterré, on força l'Arménien Mezezios à prendre le titre d'empereur, parce qu'il était de belle prestance et dans la fleur de l'âge. Apprenant la mort de son père, Constantin se rendit en Sicile avec une grande flotte; il captura Mezezios et le fit exécuter avec les assassins de son père. » (Chronique de Théophane)
  14. Ostrogorsky 1996, p. 152

Voir aussi

Bibliographie

  • John Julius Norwich (trad. Dominique Peters), Histoire de Byzance (330-1453), Paris, Librairie Académique Perrin, (1re éd. 1999) [détail des éditions] (ISBN 2-262-01333-0).
  • Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, Paris, Albin Michel, coll. « L'évolution de l'humanité », , 632 p. (ISBN 2-226-17102-9).
  • Louis Bréhier, Les institutions de l'Empire byzantin, Paris, Albin Michel, coll. « L'évolution de l'humanité », , 636 p. (ISBN 2-226-04722-0).
  • Georges Ostrogorsky, (trad. J. Gouillard), Histoire de l'État byzantin, Paris, Payot, , 647 p. (ISBN 978-2-228-90206-9).
  • Christian Settipani, Continuité des élites à Byzance durant les siècles obscurs : Les Princes caucasiens et l'Empire du VIe au IXe siècle, 2006, [détail des éditions].

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