Panorama (peinture)

Un panorama (du grec pan, tout, et horama, spectacle) parfois aussi appelé cyclorama, est une peinture à 360 degrés de grande dimension, dont la production s'étend essentiellement entre la toute fin du XVIIIe et le début du XXe siècle, développée sur le mur intérieur d'une rotonde et donnant l'illusion de la réalité par des effets de perspective et de trompe-l'œil. Le bâtiment qui l'abrite a été également appelé panorama ou parfois cyclorama et comprend un dispositif d'immersion (estrade, plancher, système d'éclairage, faux terrain au premier plan, etc.). Par extension, bâtiment et procédé tendent à se confondre.

Pour les articles homonymes, voir panorama.

Cyclorama de Gettysburg peint par le peintre français Paul Dominique Philippoteaux.
Illustration en vue de coupe de 1886 représentant le cyclorama de Gettysblurg.

Caractéristiques

Les deux rotondes situées à l'entrée du passage des Panoramas (Paris, vers 1820, musée Carnavalet).

Les panoramas se présentaient sous la forme suivante : le spectateur était invité à entrer dans la rotonde en empruntant un tunnel plongé dans l'obscurité. Il débouchait alors au milieu d'une peinture circulaire dont il ne pouvait voir ni le haut, caché par un paravent, ni le bas, à cause d'une rambarde qui le maintenait à distance du tableau. La source de lumière était de même masquée par le paravent[1]. La toile, d'au moins 7 mètres de haut et couvrant des murs circulaires de 17 à 50 mètres de diamètre[2], était exposée le plus souvent lors d'expositions et circulait d'une ville à l'autre, voire d'un pays à l'autre.

Problématique rencontrée

Exemple d'illustration indiquant les points d'intérêt d'un panorama. Affiche réalisée par Henry Aston Barker pour promouvoir le panorama de Leicester Square peint par son père Robert Barker.

Au XIXe siècle, les panoramistes furent confronté à une problématique. Par souci de réalisme, un panorama doit être peint en respectant la hiérarchisation des détails visuels et les règles de la peinture réaliste afin d'être le plus immersif possible. Cependant, avec cette méthode, des repères emblématiques (monuments, bâtiments importants, etc.) peuvent être réduits à des détails de l’arrière-plan notamment à cause de la technique picturale de la perspective atmosphérique.

Une des solutions trouvées fut de peindre les lointains avec une précision extrême.

L'autre solution fut de produire des descriptifs textuels et des plans de visite. Ainsi, le panoramiste Robert Barker produisit des projections horizontales à l'intention des visiteurs de ses panoramas qui indiquaient tous les points d’intérêts de la vue[3].

Les peintres panoramistes

L'inventeur

Le , le peintre britannique Robert Barker fait breveter son invention, une peinture circulaire qui absorbe l’observateur dans la scène représentée grâce à sa circularité et à l'éclairage particulier[4]. Il ouvre une première rotonde à Leicester Square qui présente des centaines de vues jusqu'à sa fermeture en 1861.

Panorama de Londres de Robert Barker, 1792, vu du haut de la minoterie d'Albion Mills.

Les autres peintres

Le premier grand panoramiste français est Pierre Prévost (1764-1823)[5].

En , Robert Fulton obtient un brevet d'exploitation pour la France de l'invention de Barker et fait construire la première rotonde panoramique à Paris dans les jardins de l'hôtel de Montmorency-Luxembourg où il expose une toile de Prévost intitulée Vue de Paris depuis les Tuileries[6] qu'il compose avec l'aide des peintres Constant Bourgeois, Jacques-Michel-Denis Delafontaine (1774-1851) et Jean Mouchet[7].

Une esquisse de 1833 représentant le panorama Vue de Paris depuis les Tuileries de Pierre Prévost.

Revendant le brevet à James William Thayer (1763-1835), celui-ci embaucha Prévost, entre autres, pour concevoir les grands panneaux, et fit construire deux rotondes au même endroit. Des dizaines de lieux d'exposition ouvrirent à Paris et en France tout au long du XIXe siècle sous forme de rotonde dont les armatures furent d'abord en bois, puis en fonte. Des panoramas peints ont été exécutés par exemple durant le règne de Napoléon pour représenter ses faits militaires.

Jean-Charles Langlois (1789-1870), dit « Le Colonel », connut également le succès avec ses peintures panoramiques. Il fut l'un des premiers à inclure des objets réels pour faire la transition entre la toile et le spectateur[8]. Théophile Poilpot (1848-1915) fut réputé pour ses panoramas de batailles. Édouard Detaille et Alphonse de Neuville réalisent deux grands panoramas des batailles de Champigny et de Rezonville, qui sont découpés et vendus en tableaux.

En Allemagne, Louis Braun (1836-1916) est le peintre du panorama de Sedan, présenté à Francfort-sur-le-Main. Anton von Werner présente un panorama de la bataille de Sedan à Berlin, sur l'Alexanderplatz en 1881.

Panorama et cyclorama

Le village néerlandais de Scheveningen, une petite section du panorama Mesdag (1880–1881), avec un faux terrain au premier plan.

Panorama et cyclorama tendent à devenir synonymes vers 1880 : le deuxième terme est courant chez les auteurs anglophones, tandis qu'en France, par exemple, il tend à définir de préférence un dispositif propre à la scénographie théâtrale (voir cyclorama (théâtre)).

On relève que le cyclorama de Jérusalem (Panorama de Jérusalem au moment de la crucifixion du Christ, 1883) de l'artiste Paul Philippoteaux est l'un des plus grands du monde, mesurant 13 m de haut sur 115 m de long (Sainte-Anne-de-Beaupré, Québec) ; un autre panorama de Philippoteaux, le Gettysburg Cyclorama, fut traduit en quatre versions, dont une longtemps exposée dans la ville de Boston, dans le Cyclorama Building (en), un bâtiment construit à cet effet en 1884. Une dizaine d'années plus tôt, Philippoteaux avait commencé à réaliser des peintures en cyclorama avec son père en s'inspirant des événements militaires entre autres de la guerre de 1870 et de la guerre de sécession[9]. Il ne fut pas le seul : Lucien-Pierre Sergent et Joseph Bertrand illustrèrent également de cette façon certaines batailles de la guerre civile américaine qui eurent un gros succès et furent exposées à New York, Chicago, San Francisco et Tokyo (1891) dans des installations démontables et itinérantes. En 1885, Eugen Bracht présentait dans une rotonde à Philadelphie et à Kansas City la Bataille de Chattanooga.

Durant l'exposition universelle de 1900 à Paris, fut présenté le Cinéorama qui s'inspire de ce dispositif.

Panoramas subsistants

Des centaines de panoramas ont été réalisés, et seulement une trentaine est parvenue jusqu'à nous. L'un des plus récents est celui de la Bataille de Stalingrad exposée à Volgograd, mesurant 16 m de haut sur 120 m de long, la plus grande peinture existante en Russie.

Bâtiments

à Bruxelles
  • Un autre bâtiment existe toujours dans le centre de la ville et a été transformé en parking, le Parking Panorama, entrées 10 boulevard Maurice Lemonnier et 19 rue Van Helmont. Le bâtiment, connu à l'époque sous le nom de rotonde Castellani, a été construit en 1879 sur les plans de l'architecte Henri Rieck et a été utilisé comme panorama jusqu'en 1924. La charpente métallique d'origine est visible depuis le troisième étage du parking.
à Waterloo

La toile du panorama de la bataille est toujours accrochée dans le bâtiment originel de 1912, au pied de la butte du Lion.

à Paris
en Allemagne

Peinture

Panoramas disparus

Bâtiments

Vue en coupe du panorama de Reichshoffen à Paris, dans Durm et al, Handbuch der architektur, tome 4, 1904, p. 285.
Affiche pour The Mississippi River Panorama de John Banvard présenté à l'Amory Hall de Boston (1847).
à Paris
  • Seul le nom du passage des Panoramas témoigne encore de l'existence de deux rotondes d'exposition qui se trouvaient autrefois de part et d'autre de l'entrée située sur le boulevard Montmartre ;
  • le panorama de la rue des Marais-Saint-Martin (1831, diamètre extérieur 38 m, intérieur 35 m, hauteur 15 m), aujourd'hui Rue Albert-Thomas, fut la première salle exploitée par Jean-Charles Langlois ;
  • la rotonde des Panoramas des Champs-Élysées (1839, diamètre 40 m, hauteur 15 m), seconde salle bâtie pour Jean-Charles Langlois par l'architecte Jacques Hittorff dans le grand carré des Champs-Élysées (aujourd'hui Jardins des Champs-Élysées) a été miraculeusement épargnée par le grand chantier ouvert pour la construction du Palais de l'Industrie (1855). Située plus au sud, elle fut annexée à ce dernier pour la durée de l'Exposition universelle de 1855, puis finalement démolie l'année suivante pour permettre l'aménagement d'un chemin d'accès à la Seine[16]. Elle n'est pas à confondre avec le troisième des panoramas dirigés successivement par Langlois, connu sous le nom de Panorama national (voir ci-devant le paragraphe sur les panoramas subsistants).
  • Le panorama de Reichshoffen ou Panorama Français (ou encore Panorama Valentino), construit en 1881 au 251 rue Saint-Honoré Paris 1er, par Charles Garnier ; transformé en cirque en 1886, le Nouveau Cirque, fermé en 1926.
aux États-Unis
  • Le Panorama du Mississippi de John Banvard (en), achevé en 1846, montrant le paysage de la rivière sur une bande de 4 570 m sur 3,65 m de haut, considéré comme le plus grand du monde : les rouleaux, stockés dans un hangar de Coldspring Harbour (New York) prirent feu en 1891[17].

Peintures

La Bataille de Champigny d'Édouard Detaille et Alphonse de Neuville, telle que représentée sur le livret descriptif vendu aux visiteurs du panorama.

Panoramas au XXIe siècle

Notes et références

  1. G. Bapst, p. 1-6
  2. G. Bapst, p.8
  3. [PDF] Hélène Ibata, Le proche et le lointain : peinture panoramique et regards londoniens à l’aube du dix-neuvième siècle (thèse), (lire en ligne), p. 8-9 (112-113)
  4. G. Bapst, p. 7
  5. Louis du Chalard & Antoine Gautier, Les panoramas orientaux du peintre Pierre Prévost (1764-1823), in Orients, Bulletin de l'association des anciens élèves et amis des langues orientales, juin 2010, p. 85-108.
  6. Le titre proposé à l'époque fut : Le Panorama ou tableau sans bornes, représentant une superbe vue de Paris et de ses environs, prise du haut du Palais des Tuileries, l'adresse était au Jardin dit d´Apollon, boulevard de Montmartre et le prix d´entrée de 1,50 francs par personne.
  7. (en) Don Herweck, Robert Fulton: Engineer of the Steamboat, Minneapolis, Compass Point Books, 2008, 40 p. (ISBN 978-0-75653-961-0), p. 17
  8. G. Baps, p. 22
  9. (en) Dean S. Thomas, The Gettysburg Cyclorama: A Portrayal of the High Tide of the Confederacy Gettysburg, Pennsylvania: Thomas Publications, 1989, pp. 17–19.
  10. En 1906, on lui donna le sobriquet de Sordide verrue
  11. "Le Panorama du Congo est resté dans un bon état, qui permettrait en tout cas d’envisager une restauration et une exposition" Éric Deffet, L’incroyable histoire du Panorama de la Meuse. Le Soir, 23 avril 2011 page 25.
  12. "Le Panorama de la Bataille de l’Yser est en pièces. Mais des pièces qui composent malgré tout un témoignage historique important" ibidem.
  13. Éric Deffet, L’incroyable histoire du Panorama de la Meuse. Le Soir, 23 avril 2011 page 25.
  14. Vues du Panorama de la Bataille de Stalingrad
  15. Historique et vues du Panorama du Siège de Sébastopol
  16. Bernard Comment, The Panorama, Reaktion Books, London, 2003.
  17. Guiness-Hachette, Le Livre des extrêmes, Paris, Hachette, 1962, page 191.
  18. Thiago Leitão de Souza, O Panorama : Da representação pictórico-espacial às experiências digitais, Mestrado em Urbanismo, Universidade Federal do Rio de Janeiro, 2007 - 2009
  19. Makowiecky, Sandra, O tempo de Victor Meirelles e a Cidade de Florianópolis, In 19&20 - A revista eletrônica de DezenoveVinte, 2008; III (4).
  20. Coelho, Mário César, Os Panoramas Perdidos de Victor Meirelles: aventuras de um pintor acadêmico nos caminhos da modernidade, Tese de Doutorado. UFSC, 2007, p. 94-120.

Annexes

Ouvrages

  • Walter Benjamin, Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages, trad. Jean Lacoste, Paris, Cerf, 1989
  • Jean-Marc Besse, Face au monde. Atlas, jardins, géoramas, Paris, Desclée de Brouwer, 2003 (ISBN 2-220-05166-8)
  • Bernard Comment, Le XIXe siècle des panoramas, Adam Biro, Paris, 1993

Articles

  • Jean-Marc Besse, « Le panorama : voir et connaître au XIXe siècle », in J’aime les panoramas. S’approprier le monde, L. Madeline, J-R. Bouiller (dir.), Genève, Musées d’art et d’histoire de Genève, 2015, p. 58–66.
  • Patrick Désile, Généalogie de la lumière. Du panorama au cinéma, Paris, L'Harmattan, 2000 (ISBN 2-7384-9092-1)
  • Claude Lamboley, « Petite histoire des Panoramas ou la fascination de l’illusion », Bulletin de l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier, 2008, no  38, p. 37‑52 — [PDF] lire en ligne.
  • Isabelle Leroy, « La peinture de panorama et son développement en Belgique », sur www.koregos.org, Annales d'histoire de l'art et d'archéologie, no 13, Université libre de Belgique, .
  • Laurent Lescop, « Panoramas oubliés : restitution et simulation visuelle », Cahier Louis-Lumière - Revue numérique annuelle de l’ENS Louis-Lumière, 2016, no  10, p. 49‑64 — lire en ligne.
  • Patrice Thompson, « Essai d'analyse des conditions du spectacle dans le Panorama et le Diorama », Romantisme, no 12, 1982, p. 47-64[PDF] lire en ligne.
  • Alice Thomine-Berrada, "Le Panorama au XIXe siècle : retour sur un mythe fondateur de la modernité", in J’aime les panoramas. S’approprier le monde, L. Madeline, J-R. Bouiller (dir.), Genève, Musées d’art et d’histoire de Genève, 2015, p. 30–40.

Écrits d'époque

  • Germain Bapst, Essai sur l'histoire des panoramas et des dioramas. Extrait des rapports du jury international de l'exposition universelle de 1889, Paris, Imprimerie nationale, 1891 — lire sur Gallica.
  • Charles Castellani, Confidences d’un panoramiste : aventures et souvenirs, Paris, M. Dreyfous et M. d’Alsace, 1895 — sur Gallica.
  • Jacques Ignace Hittorff, Description de la rotonde des panoramas élevée dans les Champs-Élysées : précédée d’un aperçu historique sur l’origine des panoramas..., Paris, aux bureaux de la revue générale de l’architecture et des travaux publics, 1842 — lire sur Gallica.
  • Max de Nassouty, « Le Panorama de la Compagnie Générale Transatlantique à l’exposition universelle de 1889 », Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, 10-11-1888, Neuvième année Tome XIV no  2, p. 17-20. (illustration de la structure du panorama en construction p. 17) — lire sur Gallica.

Articles connexes

Lien externe

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