Daisy Bates (militante politique)

Daisy Lee Gatson Bates, née le à Huttig dans l'État de l'Arkansas et morte le à Little Rock dans l'Arkansas, est une journaliste et militante américaine du mouvement des droits civiques, connue pour ses interventions pour faire aboutir l'égalité des droits civiques dans les écoles publiques de Little Rock. Elle est, avec son mari Lucius. C. Bates (en), la cofondatrice de l'hebdomadaire l'Arkansas State Press (en) traitant des droits civiques et des problèmes propres aux Afro-Américains.

Pour les articles homonymes, voir Daisy Bates (homonymie).

Daisy Bates
Biographie
Naissance

Huttig (Arkansas)
Décès
Sépulture
Haven of Rest Cemetery (d)
Nom de naissance
Daisy Lee Gatson
Nationalité
Formation
Shorter College (en)
Activité
Père
John Gaston
Mère
Millie Riley
Conjoint
Lucious Christopher “L.C.” Bates
Autres informations
Organisation
Propriétaire de
Arkansas State Press
Parti politique
Distinctions
Liste détaillée
Temple de la renommée des femmes de l'Arkansas (en)
Médaille Spingarn ()
Prix Candace ()
American Book Awards ()
Œuvres principales
The Long Shadow of Little Rock: A Memoir,

Biographie

Jeunesse et formation

Daisy est la fille de John Gatson, un charpentier et de Millie Riley[1], alors que Daisy est âgée de quelques mois, sa mère est agressée, violée puis assassinée par trois hommes blancs locaux, parce qu'elle refusait leurs avances sexuelles, et son corps est jeté dans un étang voisin. Son père redoutant de se faire, lui aussi, assassiner fuit, pour se mettre à l'abri, confiant Daisy à des amis. C'est ainsi que Daisy est adoptée par Orlee Smith, un vétéran de la Première Guerre mondiale et son épouse Susie Smith[2],[3],[4],[5]. Daisy ne reverra pas son père. Sa mère étant noire, la police a très vite classé l'affaire, les meurtriers ne seront jamais inquiétés.

Daisy grandit dans le village de Huttig en croyant qu'Orlee Smith est son père. Huttig comme d'autres villages de l'Arkansas est coupé en deux, d'un côté le quartier "blanc" (la White Town) avec ses maisons coquettes, de l'autre côté le quartier des "Nègres" (la Negra Town), avec ses cabanes, ses rues boueuses et sans nom. Son oncle comme les autres Afro-Américains travaille pour la scierie du quartier "noir". Daisy, fait l'expérience de la ségrégation au sein de l'enseignement primaire, les enfants blancs ont droit à une école avec des classes spacieuses et un beau parc, tandis que les enfants afro-américains ont droit à une école avec deux salles de cours, dotés de livres scolaires d'occasion et d'un poêle inadapté pour se chauffer l'hiver[6].

Daisy apprend la tragédie qui a frappé ses parents biologiques à ses huit ans, et le peu de cas que les autorités ont porté sur ce meurtre ; à la suite de ces révélations, elle décide à consacrer sa vie à la lutte contre les injustices liées au racisme et à la ségrégation raciale[7],[8]. Sa détermination est renforcée par son vécu d’étudiante au sein des écoles ségréguées et par une anecdote, alors qu'elle faisait la queue dans une boucherie tenue par un blanc. Quand vint son tour, le boucher lui rétorque : "je m'occuperai des Nègres quand j'aurai fini de servir les Blancs"[9] .

Elle est également décidée à retrouver les assassins de sa mère. Elle en retrouve un, connu pour être un alcoolique notoire, elle le traque, le harcèle pour connaître la vérité, mais il décède des suites de son alcoolisme sans avoir véritablement avoué sa participation au crime. Elle recherche les deux autres assassins en vain.

Sa haine des Blancs l'envahit, au point d'inquiéter son père adoptif Orlee Smith, qui lui fait promettre sur son lit de mort de renoncer à sa haine des Blancs qui la détruit, de la remplacer par la dénonciation des discriminations, des insultes, des humiliations commises envers les Afro-Américains. Cette supplique a pris racine dans son cœur, elle a aidé Daisy à surmonter sa haine, à trouver des moyens pour faire avancer l’émancipation des personnes ségréguées, discriminées. C'est ainsi qu'elle va devenir au fil du temps une figure majeure des combats en faveur des droits civiques[1].

Carrière

En 1931, elle fait la connaissance de Lucius Christopher "L. C". Bates (en), un ami de ses parents adoptifs, qui est alors marié avec Kassandra Crawford, L.C Bates divorce et commence une liaison amoureuse avec Daisy quand elle a 17 ans. Les deux renforcent leur relation grâce à leur passion commune : faire avancer l'égalité des droits civiques. Lucius lui fait part de son projet de création d'un journal, Daisy en est d'accord à une condition que ce journal n'hésite point à "secouer le cocotier", à sortir du "pas de vague" (don’t rock the boat attitude) de la presse afro-américaine[10]. C'est ainsi qu'en 1941, avec son futur époux [11], elle participe à la fondation de l'hebdomadaire l'Arkansas State Press (en)[12], dont le premier numéro sort le [13]. À l'époque, ce journal est le seul à être uniquement consacré au mouvement des droits civiques. Daisy comme son mari y occupent de multiples fonctions : éditeurs, rédacteurs en chef et journalistes[7]. La notoriété du journal, sa position de leader à informer des différentes manifestations des droits civiques, à couvrir les actes de terreur envers les Afro-Américains, font qu'en 1952, la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP) élit Daisy Bates présidente de sa section (chapter) en Arkansas[14].

À la tête de la NAACP de l’Arkansas, elle va se faire connaitre pour ses combats pour les droits civiques.

L'arrêt 347 U.S. 483 de la Cour suprême des États-Unis

Le , le père d'une élève afro-américaine, Linda Brown, dépose une plainte contre les services de l'éducation de la ville de Topeka (dans l'État du Kansas) auprès de la Cour suprême des États-Unis, parce que sa fille s'est vue refuser l'inscription dans une école blanche, plainte connue sous le nom de Brown v. Board of Education, en faisant appel au Quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis, après de longs débats, la Cour suprême prend l'arrêt 347 U.S. 483 du , arrêt qui déclare que la ségrégation raciale dans les écoles publiques.est inconstitutionnelle[15],[16].

Daisy en tant que présidente de la NAACP de l'Arkansas soutient le NAACP du Kansas et l'avocat du NAACP, Thurgood Marshall, et en tant que rédactrice en chef de l'Arkansas State Press, elle va couvrir l’événement et ses développements[1],[17].

Les Neuf de Little Rock

Little Rock, 1959

L'Arkansas, comme d'autres états du Sud[18], refuse d'appliquer l'arrêt de la Cour suprême. C'est dans ce contexte que Daisy Bates va s'imposer comme figure majeure du mouvement des droits civiques[19],[20].

Son combat pour la déségrégation des écoles va culminer le , avec le refus de la Little Rock Central High School d'accepter neuf étudiants afro-américains : Minnijean Brown-Trickey, Elizabeth Eckford, Gloria Ray Karlmark, Melba Pattillo Beals, Thelma Mothershed-Wair, Ernest Gideon Green (en), Jefferson Thomas, Terrence Roberts (en) et Carlotta Walls LaNier (en)[21].

Afin que les étudiants ne puissent accéder à l'établissement d'enseignement secondaire, le gouverneur Orval Faubus, mobilise la Garde nationale de l'Arkansas. Cette crise, qui va durer trois semaines, entre dans l'histoire sous le nom des Little Rock Nine / les Neuf de Little Rock[22],[23].

Le , le juge fédéral ordonne l'ouverture de la Central High School au Neuf, en vain, la Garde nationale et une foule hostile empêche de nouveau l'entrée des adolescents[24].

Le , Martin Luther King alors président de la Montgomery Improvement Association (en), écrit au président Eisenhower pour qu'il puisse trouver une solution rapide au conflit[25].

Woodrow Wilson Mann (en), le maire de Little Rock, favorable à la déségrégation alerte le président Dwight D. Eisenhower.

Face à cette crise le président Eisenhower négocie avec le gouverneur Orval Faubus et Woodrow Mann pour trouver une solution à l’amiable[26], mais les pourparlers aboutissent à une impasse.

Le , Woodrow Mann envoie un télégramme au président Eisenhower pour qu'il fasse intervenir les troupes fédérales pour faire appliquer la loi[27],[28], télégramme dans lequel il dénonce les agitateurs menés par un stipendié d'Orval Faubus, Jimmy Karam[29]

Le 24 septembre, le conflit connait un premier dénouement lorsque le président D.W. Eisenhower dessaisit le Gouverneur Faubus de toute autorité sur la garde nationale, il renvoie celle-ci à ses cantonnements et envoie la 101e division aéroportée pour escorter et protéger les Neuf dans l'enceinte de la Little Rock Central High School, afin de faire appliquer la loi.

Durant ces événements Daisy est la porte-parole des Neuf, elle les accompagne pour entrer à la Central High School, et écrit des articles qui feront des Neuf une affaire internationale[30],[1].

Le , elle alerte Roy Wilkins, le secrétaire général du NAACP pour lui faire part des difficultés que rencontrent les Neuf des Little Rock, depuis le [31], par exemple, Melba Pattillo Beals est régulièrement agressée, Gloria Ray Karlmark est bannie des activités extra-scolaires, Minnijean Brown-Trickey est exclue des fêtes de Noël, etc.[32].

Face à la violence des suprémacistes blancs, elle met à l'abri les Neuf chez elle[1].

Son engagement sera récompensé par la NAACP qui lui décerne la Médaille Spingarn[33], mais possède également son revers, de nombreux annonceurs blancs de l'Arkansas State Press se retirent, le dernier numéro sort le [12].

La collaboration avec Martin Luther King

Le , Martin Luther King ayant apprécié les actions de Daisy, l'invite à prononcer un discours à l'occasion du Women's Day qui se tiendra le [34].

Lors de la Marche sur Washington pour l'emploi et la liberté du , elle fait partie des six femmes invitées aux côtés de Diane Nash Bevel, Rosa Parks, Myrlie Evers-Williams, Gloria Richardson (en) et Prince Estella Melson Lee la veuve d'Herbert Lee (activist) (en)[35],[36],[37]. Elle tient un discours de 142 mots passé à la postérité sous le titre de What Price Freedom / Quelle est la valeur de la liberté, discours d'espérance, appelant les Blancs à prendre conscience de la valeur de la liberté qu'ils ne peuvent connaître tant qu'ils continueront à exercer les violences ségrégationnistes[38],[39].

L'engagement chez les Démocrates

En 1962, après la parution de son livre The Long Shadow of Little Rock, elle travaille pour le Comité national démocrate, puis pour le président Lyndon B. Johnson comme consultante pour des projets de lutte contre la pauvreté, mais en 1965, à la suite d'un infarctus elle se retire de la vie politique[4].

Les dernières années

En 1968, elle et son mari emménagent à la petite ville de Mitchellville (Arkansas), ils y dirigent l'Office pour l'égalité des installations de voies et réseaux divers, notamment un programme de réseau d'aqueduc et de nouveaux réseaux d'égouts, d'un centre communautaire et du pavement des rues.

Après la mort de son époux en 1980, elle retourne à Little Rock, elle relance en 1984 l'Arkansas State Press pour finalement le vendre en 1988[40].

Daisy décède le 4 novembre 1999 à l’hôpital de Little Rock, des suites d'accidents vasculaires cérébraux à répétition[41], sa dépouille est exposée au second étage de la rotonde du Capitole de l'État de l'Arkansas[42],[43] avant d'être enterrée au Haven of Rest Cemetery / Cimetière du havre du repos de Little Rock, où elle repose aux côtés de son époux[44].

Vie privée

Le , elle épouse Lucius Christopher Bates[45] à Fordyce, dans l'Arkansas[46].

Archives

Les archives de Daisy Bates sont déposées et consultables à la bibliothèque de l'université de l'Arkansas[5].

Œuvre

  • (en-US) The Long Shadow of Little Rock : A Memoir, University of Arkansas Press, 1962, réédition 1 février 2007, 260 p. (ISBN 978-1-55728-863-9, lire en ligne)

Prix et distinction

Hommages

Le la maison de Daisy Bates est inscrite au National Register of Historic Places / Registre national des lieux historiques[51],[52].

En 2010, sort le film de Sharon LaCruise Daisy Bates : First Lady of Little Rock, avec Angela Bassett dans le rôle de Daisy Bates[53],[54],[55].

Le , le gouverneur de l'Arkansas, Asa Hutchinson, décide que deux statues seront érigées dans le National Statuary Hall du Capitol des États-Unis à Washington, l'une représentant le chanteur Johnny Cash et l'autre Daisy Bates, en remplacement des statues d'U. M. Rose (en) et de James P. Clark[56],[57].

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Articles dans des encyclopédies et manuels de références

  • (en-US) Henry Louis Gates Jr. (dir.), African American National Biography, volume 1, New York, Oxford University Press, USA, , 577 p. (ISBN 9780199920785, lire en ligne), p. 403-405. ,
  • (en-US) Paul Finkelman (dir.), Encyclopedia of African American History, volume 1, New York, Oxford University Press, USA, , 533 p. (ISBN 9780195167795, lire en ligne), p. 157-158. ,
  • (en-US) Kathleen J. Edgar, Determination, Boston, Learning Challenge, , 136 p. (ISBN 9781592030576, lire en ligne), p. 24-30,
  • (en-US) Anne Commire (dir.), Women in World History, Volume 2: Ba-Brec, Waterford, Connecticut, Yorkin Publications / Gale Cengage, , 920 p. (ISBN 9780787640613, lire en ligne), p. 224-229,
  • (en-US) African American Biography, volume 1, Detroit, UXL, 1994, rééd. 1999, 225 p. (ISBN 9780787635633, lire en ligne), p. 50-53,
  • (en-US) Gayle J. Hardy (dir.), American Women Civil Rights Activists: Biobibliographies of 68 Leaders, 1825-1992, Jefferson, Caroline du Nord, McFarland & Company, , 483 p. (ISBN 9780899507736, lire en ligne), p. 32-35

Essais

  • (en-US) Darin David Barney, Daisy Bates: Civil Rights Crusader, North Haven, Connecticut, Linnet Books, , 128 p. (ISBN 9780208025135, lire en ligne)
  • (en-US) Judith Bloom Fradin, The Power of One : Daisy Bates and the Little Rock Nine, Clarion Books, , 178 p. (ISBN 0-618-31556-X)
  • (en-US) Grif Stockley, Daisy Bates : Civil Rights Crusader from Arkansas, University Press of Mississippi, , 352 p. (ISBN 978-1-61703-724-5)

Articles

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  • (en-US) Karen Anderson, « The Little Rock School Desegregation Crisis: Moderation and Social Conflict », The Journal of Southern History, Vol. 70, No. 3, , p. 603-636 (34 pages) (lire en ligne ),
  • (en-US) Linda Reed, « The Legacy of Daisy Bates », The Arkansas Historical Quarterly, Vol. 59, No. 1, , p. 76-83 (lire en ligne),
  • (en-US) Carolyn Calloway-Thomas & Thurmon Garner, « Daisy Bates and the Little Rock School Crisis: Forging the Way », Journal of Black Studies, Vol. 26, No. 5,, , p. 616-628 (lire en ligne).
  • (en-US) Wiley A. Branton, « Little Rock Revisited: Desegregation to Resegregation », The Journal of Negro Education, Vol. 52, No. 3, , p. 250-269 (20 pages) (lire en ligne )

Notes et références

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  2. (en) « Daisy Bates | Biography & Facts », sur Encyclopedia Britannica (consulté le )
  3. (en-US) Jone Johnson Lewis Jone Johnson Lewis has a Master of Divinity et Is a Humanist Clergy Member, « Learn About Daisy Bates and Her Role in School Integration », sur ThoughtCo (consulté le )
  4. (en-US) « Daisy Bates | Encyclopedia.com », sur www.encyclopedia.com (consulté le )
  5. (en-US) « Univ. of Arkansas, Fayetteville: DAISY BATES PAPERS », sur libraries.uark.edu (consulté le )
  6. (en-US) Anne Commire (dir.), Women in World History, Volume 2: Ba-Brec, Waterford, Connecticut, Yorkin Publications / Gale Cengage, , 920 p. (ISBN 9780787640613, lire en ligne), p. 225
  7. (en-US) « Daisy Bates », sur National Women's History Museum (consulté le )
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  9. (en-US) Misti Nicole Harper, « Portrait of (an Invented) Lady: Daisy Gatson Bates and the Politics of Respectability », The Arkansas Historical Quarterly, Vol. 78, No. 1, , p. 32-56 (lire en ligne)
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  12. (en-US) « Arkansas State Press », sur Encyclopedia of Arkansas (consulté le )
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  54. Daisy Bates : First Lady of Little Rock (2010) - IMDb (lire en ligne)
  55. (en-US) petchary, « Mrs. Bates and her Nine Children », sur Petchary's Blog, (consulté le )
  56. (en-US) Hannah Grabenstein, « Daisy Bates, Johnny Cash statues headed to US Capitol », AP News, (lire en ligne)
  57. (en-US) Associated Press, « Arkansas House OKs Daisy Bates, Johnny Cash Statues For U.S. Capitol », sur National Public Radio, (consulté le )

Articles connexes

Liens externes

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