Jean-Marie Straub et Danièle Huillet

Jean-Marie Straub, né le à Metz (Moselle), et Danièle Huillet, née le à Paris, morte le [1] à Cholet (Maine-et-Loire), sont un couple de cinéastes français.

Jean-Marie Straub et Danièle Huillet
Naissance Straub :
à Metz (Moselle, France)
Huillet :
à Paris (France)
Nationalité  Français
Décès Huillet :
à Cholet (Maine-et-Loire, France)
Profession Réalisateur, réalisatrice
Films notables

Parcours

Jeune homme, Jean-Marie Straub anime des ciné-clubs à Metz[2] avant de retrouver à Paris plusieurs futurs auteurs de la Nouvelle Vague, comme Jean-Luc Godard, Jacques Rivette, François Truffaut et Claude Chabrol.

Il rencontre alors Danièle Huillet. Ensemble, ils préparent plusieurs projets. En 1954, ils proposent le scénario de Chronique d'Anna Magdalena Bach à Robert Bresson qui leur répond : « Mes amis, c'est votre sujet, c'est vous qui devez faire le film »[3]. En 1956, Jean-Marie Straub travaille comme assistant de Jacques Rivette sur le court métrage Le Coup du berger[4].

Appelé à se battre en Algérie, Jean-Marie Straub déserte en 1958 par solidarité avec les indépendantistes algériens et quitte la France. Danièle Huillet le rejoint bientôt en Allemagne de l'Ouest pour préparer Chronique d'Anna Magdalena Bach qu'ils tourneront en 1967. En attendant, ils réalisent Machorka-Muff et Non réconciliés, deux films d'après Heinrich Böll qui les rattachent malgré eux au Nouveau cinéma allemand.

Après Le Fiancé, la Comédienne et le Maquereau en 1968, film d'« adieux » à l'Allemagne, ils partent en Italie – où ils s'installeront définitivement – pour réaliser Les yeux ne veulent pas en tout temps se fermer ou Peut-être qu'un jour Rome se permettra de choisir à son tour, d'après la pièce Othon de Pierre Corneille, qui leur vaut l'hostilité d'une partie de la critique française.

Par la suite, assistés de collaborateurs fidèles comme Louis Hochet au son ou Renato Berta et William Lubtchansky à l'image, ils auto-produisent et réalisent des films très divers, de durée variable, en couleurs ou en noir et blanc, en Italie, en Allemagne et en France, et jusqu'en Égypte (Trop tôt, trop tard).

En , le jury de la 63e Mostra de Venise, où ils présentent Ces rencontres avec eux (Quei loro incontri), leur décerne un prix spécial pour l’ensemble de leur œuvre, saluant son « innovation dans le langage cinématographique ».

Depuis le décès de Danièle Huillet en , Jean-Marie Straub continue de réaliser de nombreux films, assisté entre autres par le réalisateur Christophe Clavert et les producteurs Barbara Ulrich et Arnaud Dommerc.

Une rétrospective intégrale des films de Straub et Huillet est présentée au Centre Pompidou en 2016[5].

Le , dans le cadre des Journées du film européen, une « Master Class » consacrée à « Straub algérien ! » est assurée par l'essayiste et critique de cinéma Saad Chakali aux 17e Rencontres Cinématographiques de Béjaïa[6]. « Straub algérien, écrit Saad Chakali, parce que son cinéma dédié aux peuples qui manquent à leur place a pour l'un de ses actes fondateurs le refus en 1958 de faire la guerre en Algérie. »

Esthétique et politique

  • Tous les films de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet sont des « adaptations », de textes littéraires ou d’œuvres musicales.
  • Les deux cinéastes se qualifient d'« artisans » du cinéma, par opposition et/ou résistance à l’industrie cinématographique[7].
  • Jean-Marie Straub et Danièle Huillet ont régulièrement récusé le qualificatif de « minoritaire »[8] souvent employé pour évoquer leur cinéma, et ont au contraire toujours insisté sur le fait qu'ils n'étaient « pas des oiseaux rares ».
  • Straub et Huillet n'utilisent que le son direct des prises. Ils opposent à ce qu'ils appellent le « gaspillage » dans le cinéma dominant un cinéma de la modestie mais du luxe où l'on prendrait le temps de regarder et d'écouter, en particulier la nature qu'ils ont filmée avec de plus en plus d'insistance. La plupart de leurs acteurs sont des non-professionnels.
  • Straub et Huillet ont tôt reconnu leur dette envers Bertolt Brecht qu'ils ont adapté à plusieurs reprises (Leçons d'histoire, Introduction à la « Musique d'accompagnement pour une scène de film » d'Arnold Schoenberg, Antigone, Corneille-Brecht) et à qui ils y doivent le second titre de Non réconciliés : « Seule la violence aide où la violence règne. »

Filmographie

Les éditions Montparnasse ont débuté en l'édition de leur œuvre complète en DVD.

Jean-Marie Straub et Danièle Huillet

Jean-Marie Straub

  • 2008 : Le genou d'Artémide, d'après Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese (1947), 35 mm, couleurs, deux versions, 26 min et 27 min
  • 2008 : Le streghe, femmes entre elles, d'après Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese (1947), 35 mm, couleurs, 21 min
  • 2009 : Corneille-Brecht, d'après la pièce radiophonique Le Procès de Lucullus de Bertolt Brecht (1940) et de deux stances de Pierre Corneille extraites de Horace et Othon, miniDV (Panasonic AG DVX 100), format : 4/3, couleurs, trois versions de 27 minutes environ
  • 2009 : O somma luce, d'après Dante Alighieri, HD, couleurs, format 16/9, 18 min
  • 2009 : Joachim Gatti, HD, couleurs, format 16/9, 1 min 30 s
  • 2010 L'inconsolable, d'après Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese (1947), miniDV (Panasonic AG DVX 100), format : 4/3, couleurs, deux versions de 15 min environ
  • 2010 : Un héritier, d'après un chapitre d'Au service de l'Allemagne de Maurice Barrès (1903), miniDV (Panasonic AG DVX 100), format 4/3, couleurs, deux versions de 21 min environ
  • 2011 : Schakale und Araber (Chacals et Arabes), d'après la nouvelle de Franz Kafka (1917), miniDV (Panasonic AG DVX 100), format : 4/3, couleurs, deux versions de 11 min environ
  • 2011 : La Madre, d'après Dialogues avec Leuco de Cesare Pavese (1947), HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, deux versions de 20 min environ
  • 2012 : Un conte de Michel de Montaigne, d'après « De l'exercitation », chapitre VI du livre deux des Essais de Montaigne, HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 34 min
  • 2013 : Dialogue d'ombres, d'après la nouvelle de Georges Bernanos (1928), HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 29 min (film réalisé par Jean-Marie Straub et conçu en collaboration avec Danièle Huillet)
  • 2014 : À propos de Venise (Geschichtsunterricht), d'après La Mort de Venise de Maurice Barrès (1903), HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 24 min
  • 2014 : Kommunisten, d'après André Malraux, film constitué de deux séquences tournée en HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, et d'extraits de quatre films précédents de J-M Straub & Danièle Huillet, 70 min
  • 2014 : La guerre d'Algérie, d'après Jean Sandretto, HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 2 min
  • 2015 : L'aquarium et la Nation, d'après Les Noyers de l'Altenburg d'André Malraux (1943), HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 32 min
  • 2016 : Où en êtes-vous Jean-Marie Straub ?, HD (Canon 5D), format : 4/3, couleurs, 9 min
  • 2017 : Gens du Lac, d'après le roman éponyme de Janine Massard (2013), HD, format : 4/3, couleurs, 18 min (Mention spéciale du Prix du Court métrage Cinéma du réel 2018[10])
  • 2020 : La France contre les Robots, d'après l'essai de Georges Bernanos (1945), HD, format : 4/3, couleurs, 9 min

Voir aussi

Bibliographie

  • Louis Seguin, Aux distraitement désespérés que nous sommes..., Paris, 2007.
  • Anne-Marie Faux (dir.), Jean-Marie Straub et Danièle Huillet. Conversation en archipel, Paris/Milan, Cinémathèque française/Mazzotta, 1999.
  • Barton Byg, (en) Landscapes of Resistance: The German Films of Danièle Huillet and Jean-Marie Straub, Berkeley, 1995.
  • Domique Païni et Charles Tesson (dir.), Jean-Marie Straub, Danièle Huillet, Aigremont, Ed. Antigone, 1990.   
  • Riccardo Rossetti, (en) Straub-Huillet Film, Rome, 1984.
  • Richard Roud, (en) Jean-Marie Straub, New York, 1972.
  • Ted Fendt, (de) Jean-Marie Straub & Danièle Huillet, FilmmuseumSynemaPublikationen 26, Vienne 2016, (ISBN 978-3-901644-64-1).

Articles

  • Frustration of Violence, in Cahiers du Cinéma in English (New York), .
  • Roud, Richard, in Sight and Sound (London), été 1968.
  • Polt, Harriet, in Film Quarterly (Berkeley), hiver 1968–69.
  • Baxter, B., Jean-Marie Straub, in Film (London), été 1969.
  • Engel, Andi, Jean-Marie Straub, in Second Wave, New York, 1970.
  • Armes, Roy, Jean-Marie Straub, in London Magazine, .
  • Roth, W., and G. Pflaum, Gesprach mit Danièle Huillet und Jean-Marie Straub, in Filmkritik (Munich), .
  • Die Filmographie – Jean-Marie Straub, in Information (Wiesbaden), .
  • Walsh, M., Political Formations in the Cinema of Jean-Marie Straub, in Jump Cut (Chicago), novembre-.
  • Seguin, L., La Famille, l'histoire, le roman, in Cahiers du Cinéma (Paris), octobre-.
  • Greene, N., Report from Vienna: Cinema and Ideology, in Praxis (Berkeley), no. 2, 1976.
  • Danièle Huillet/Jean-Marie Straub's Fortini/Cani,in Filmkritik (Munich), .
  • Dermody, S., Straub/Huillet: The Politics of Film Practice, in Cinema Papers (Melbourne), septembre-.
  • Simsolo, Noël, Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, in Cinéma (Paris), .
  • Grant, J., Le Combat contre l'impression, in Cinéma (Paris), .
  • Nau, P., Die Kunst des Filmesehens, in Filmkritik (Munich), .
  • Vatrican, V., Tout est musique, in Cahiers du Cinéma (Paris), no. 492, .
  • Chakali S. & Roux A., Straub algérien !, in le blog Des nouvelles du front (Saint-Denis), .

Films documentaires

  • Schaut euch diesen Berg an, einstmals war er Feuer d'Harald Bergmann, documentaire, Allemagne, 1991. Le film a été tourné à Hambourg pendant le montage de la troisième version de "La mort d'Empédocle". Il est publié dans la partie archives du dvd de Lyrische Suite / Das untergehende Vaterland (Suite lyrique / La patrie qui sombre) sorti en 2012. Une transcription complète des dialogues en allemand est également disponible dans le livre accompagnant le dvd.
  • Lyrische Suite d'Harald Bergmann, Allemagne, 1992.
  • Sicilia! Si gira de Jean-Charles Fitoussi, documentaire sur le tournage du film Sicilia !, tourné en 1998 et sorti en 2001.
  • Danièle Huillet, Jean-Marie Straub : cinéastes, de Pedro Costa, documentaire de la série Cinéma de notre temps sur le montage d’une troisième version du film Sicilia !, 72 minutes, 2001[11]
  • Où gît votre sourire enfoui ? de Pedro Costa, version longue de Danièle Huillet, Jean-Marie Straub : cinéastes, 2001.

Liens externes

Notes et références

  1. AlloCine, « Décès de la cinéaste Danièle Huillet » (consulté le )
  2. « Je m'intéressais au cinéma. J'avais eu deux ciné-clubs de type différent à Metz. Je venais à Paris en auto-stop pour voir les derniers films de Renoir, de Buñuel, de Bresson ou de John Ford, comme L'Homme tranquille. » Rencontres avec Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2008, p. 98-99.
  3. Rencontres avec Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2008, p. 98.
  4. « Le seul réalisateur pour lequel j'ai travaillé est Rivette, et j'ai juste porté des cartons. J'ai fait ça parce que c'était une réunion d'amis, et qu'ils n'avaient pas assez d'argent pour payer des assistants. J'étais très content de le faire, bien sûr, mais ma participation se bornait à porter des cartons » (entretien réalisé en 1976 par Joel Rogers pour Jump Cut. Traduction de Mehdi Benallal)
  5. Straub-Huillet, en sens interdit, Libération, 3 juin 2016
  6. Les RCB 2019 sous le signe des luttes à travers le septième art, Reporters Algérie, 21 septembre 2019
  7. cf. la conférence sur « l'acte de création » de Gilles Deleuze
  8. « Je ne sais pas ce que c’est qu’une minorité. De toute manière, Lénine a répondu à cette question en disant que la minorité d’aujourd’hui sera la majorité de demain. Donc ça n’a pas de sens. Mais on ne peut pas savoir… Si on donnait les mêmes chances, en termes de distribution et de publicité, aux films accusés d’être faits pour une minorité qu’à ceux dits « commerciaux », la question n’aurait pas lieu d’être. Mais ce n’est pas le cas. » Conversation entre Pierre Clémenti, Miklós Jancsó, Glauber Rocha et Jean-Marie Straub
  9. editionsmontparnasse.fr > Huillet et Straub – Volume 1 (DVD)
  10. Palmarès du 40ème festival du Cinéma du réel
  11. « Danièle Huillet, Jean-Marie Straub : cinéastes - Tënk », sur www.tenk.fr (consulté le )
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