Michel de Montaigne

Michel Eyquem de Montaigne, seigneur de Montaigne[1], plus connu sous la simple dénomination de Montaigne, né le et mort le au château de Saint-Michel-de-Montaigne (Dordogne), est un philosophe, humaniste et moraliste français de la Renaissance, ainsi qu'un écrivain érudit.

Pour les articles homonymes, voir Montaigne (homonymie).

Michel de Montaigne
Portrait présumé de Montaigne par un auteur anonyme (anciennement attribué à Dumonstier) repris par Thomas de Leu pour orner l’édition des Essais de 1608.
Ce portrait, dit de Chantilly car acquis par le duc d’Aumale en 1882, est aujourd’hui conservé au musée Condé.
Les vêtements et décorations désignent le détenteur de l'ordre de Saint-Michel qui lui fut attribué en 1577.
Naissance
Décès
Formation
École/tradition
Principaux intérêts
L'Homme et les sciences humaines en précurseur, histoire, histoire naturelle, mais aussi littérature, philosophie, politique, droit, religion
Idées remarquables
La vertu aimable
Œuvres principales
Influencé par
les lettres de l'Antiquité gréco-romaine (Plutarque, Cicéron, Sénèque, Lucain), les chroniqueurs médiévaux, les compilateurs humanistes de la Renaissance, la tradition littéraire espagnole (par son père), La Boétie, Sextus Empiricus, Guy de Bruès, Sanchez, les écrits de voyages (Jean de Léry), Zénon de Kition.
A influencé
l'érudition humaniste (Marie de Gournay, John Florio), le courant libertin (La Mothe Le Vayer) et celui de la science (Descartes, Pascal, Voltaire), la philosophie allemande (Schopenhauer, Nietzsche) et Merleau-Ponty, Cioran, Lévi-Strauss, Conche
Père
Conjoint
Signature

Enfant puis adolescent, éduqué par son père Pierre Eyquem de Montaigne dans la ferveur humaniste et polyglotte, le jeune Michel Eyquem se mue en étudiant batailleur et aventureux menant une vie itinérante parfois dissolue. Devenu pleinement adulte, homme à la santé allègre, de caractère bouillonnant, mais toujours avide lecteur, il entame en 1554 à la cour des aides de Périgueux un parcours professionnel au sein de la magistrature de la province de Guyenne qui le mène en 1556 au parlement de Bordeaux où il va détenir une charge de conseiller pendant treize ans. Il y noue une progressive et solide amitié avec un collègue, Étienne de La Boétie, dont la mort en le bouleverse, tout en lui donnant l’occasion de concrétiser ses conceptions philosophiques stoïques. Muté à la chambre des enquêtes, il y devient un diplomate de premier plan dans ces temps de guerres de religion, catholique sincère, mais opposé aux ligueurs et fidèle au roi de France. Après sa retraite en , il devient gentilhomme de la chambre du Roi, avec le titre de chevalier de l'ordre de Saint-Michel.

À la mort de son père en , Michel hérite de la terre et du titre de « seigneur de Montaigne » ; désormais riche, il peut quitter sa charge de magistrat diplomate. En Montaigne se consacre à l'écriture et à l'édition[2]. Cet art de l'otium ne l'empêche pas de prendre une part active à la vie politique en Aquitaine : il est à deux reprises maire de Bordeaux de 1581 à 1585, puis, au début de la huitième guerre de Religion, est un des négociateurs clés entre le maréchal de Matignon, gouverneur de Guyenne, et Henri de Bourbon, roi de Navarre, héritier présomptif du roi de France Henri III et chef du parti protestant[3] ; comme nombre de catholiques modérés, il continue de soutenir le roi de Navarre devenu roi de France en 1589 (Henri IV).

Probablement dès la fin , il constate qu'il est victime de petits calculs urinaires, et en dix-huit mois, la gravelle, maladie responsable de la mort de son père, s'aggrave et s'installe durablement. Désormais, le plus souvent souffrant ou malade, il cherche à hâter ses écrits et à combler ses curiosités : il essaie ainsi de guérir en voyageant vers des lieux de cure, puis voyage vers les contrées qui l'ont fasciné durant sa jeunesse.

Les Essais entrepris en 1572 et constamment continués et remaniés jusqu'aux derniers mois avant sa mort sont une œuvre singulière tolérée par les autorités (puis mise à l'Index par le Saint-Office en 1676). Ils ont nourri la réflexion des plus grands auteurs en France et en Europe, de Shakespeare à Pascal[4] et Descartes, de Nietzsche et Proust à Heidegger.

Le projet de se peindre soi-même pour instruire le lecteur semble original, si l'on ignore les Confessions de saint Augustin : « Je n’ai d’autre objet que de me peindre moi-même. » (cf. introspection) ; « Ce ne sont pas mes actes que je décris, c’est moi, c’est mon essence[5]. » Saint Augustin dans ses Confessions retraçait l'itinéraire d'une âme passée des erreurs de la jeunesse à la dévotion au Dieu de Jésus-Christ dont il aurait eu la révélation lors d'un séjour à Milan. Jean-Jacques Rousseau cherchera à se justifier devant ses contemporains. Stendhal cultive l'égotisme. À la différence de ces trois-là, Montaigne développe l'ambition de « se faire connaître à ses amis et parents » : celle d'explorer le psychisme humain, de décrire la forme de la condition humaine.

S'il proclame que son livre « ne sert à rien » Au lecteur »), parce qu'il se distingue des traités de morale autorisés par la Sorbonne, Montaigne souligne tout de même que quiconque le lira pourra tirer profit de son[6] expérience. Appréciée par les contemporains, la sagesse des Essais s'étend hors des barrières du dogmatisme, et peut en effet profiter à tous, car « chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition[7]. »

Le bonheur du sage consiste à aimer la vie et à la goûter pleinement : « C'est une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir loyalement de son être[8]. »

Biographie

Origines familiales

Le château de Montaigne a été presque complètement détruit par un incendie en 1885, mais la tour où se trouvait la bibliothèque de Montaigne a échappé au feu et est donc demeurée inchangée depuis le XVIe siècle.

Michel de Montaigne (prononcé "Montagne" car autrefois on mettait un i devant le gn pour indiquer la prononciation ɲ) est issu d'une famille anoblie de riches négociants bordelais en morue salée[9], les Eyquem. Peyre Eyquem est mentionné en 1358 comme marchand et bourgeois de Bordeaux[10].

En 1477, son arrière-grand-père, Ramon Eyquem (1402-1478), fait l'acquisition de la petite seigneurie périgourdine de Montaigne (composée de terres nobles et d’une maison forte), arrière-fief qui dépend pour la justice et pour l'hommage féodal de la baronnie de Montravel, laquelle, depuis l'an 1300, est vassale de l'évêché de Bordeaux[11]. Soucieux de développer son influence et ses ressources, Ramon Eyquem devient fermier des revenus de l'archevêché de Bordeaux. Cette acquisition est la première étape de l’accession à la noblesse[12].

Son grand-père, Grimon Eyquem (1450-1519), fils de Ramon Eyquem et de Isabeau de Ferraygues (1428-1508), reste marchand et continue à faire prospérer la maison de commerce de Bordeaux[13]. Sophie Jama suppose une origine marrane aux Eyquem[14].

Son père, Pierre Eyquem, premier de la famille à naître au château de Montaigne, en 1495, rompt avec le commerce et embrasse la carrière des armes. Il participe aux campagnes d'Italie.

Le , « noble homme, Pierre Eyquem, seigneur de Montaigne, écuyer », rend hommage à Jean de Foix, archevêque de Bordeaux, suzerain de la baronnie de Montravel. Sa roture est définitivement éteinte[15].

En 1529, il épouse Antoinette de Louppes de Villeneuve (ou Lopez de Villanueva), fille et nièce de marchands toulousains et bordelais enrichis dans le commerce du pastel. Antoinette de Louppes est fille de Pierre de Lopez et d'Honorette du Puy, d'Auch. Pierre de Lopez est fils d'Antoine Lopez, bourgeois de Saragosse[16] d'origine espagnole, descendant selon certains de juifs convertis[17] mais parfaitement intégrés dans le cadre de la société française et chrétienne. Les Louppes de Villeneuve jouissent d'une fortune identique à celle des Eyquem, mais sont en retard sur eux d'une génération dans l'accession à la noblesse. Ils abandonneront le nom de Louppes pour celui de Villeneuve, comme Montaigne celui d'Eyquem.

Les deux premiers enfants du couple meurent en bas âge ; Michel, arrivé au monde « entre onze heures et midi, le dernier jour de février de l’an mil cinq cent trente-trois »[18] est le premier qui survit. Il sera l'aîné de sept frères et sœurs.

Pierre de Montaigne, excellent gestionnaire de ses biens, arrondit son domaine avec l'aide de son épouse, forte personnalité et intendante hors pair, par achats ou par échanges de terres[19].

Reconnu et considéré par ses concitoyens bordelais, il parcourt tous les degrés de la carrière municipale avant d'obtenir en 1554 la mairie de Bordeaux.

Si Michel de Montaigne montre dans les Essais son admiration et sa reconnaissance pour son père, il ne dit presque rien de sa mère. Il aurait eu des rapports tendus avec elle. Pierre de Montaigne devait en être conscient, qui a pris soin dans son testament de définir dans les moindres détails les conditions de cohabitation entre la mère, fière d'avoir par son travail avec son mari « grandement évaluée, bonifiée et augmentée » la maison de Montaigne, comme elle l'écrit dans son testament de 1597, cinq ans après la mort de Michel, et le fils qui s'est contenté de jouir paisiblement de l'héritage acquis.

Montaigne est le frère de Jeanne Eyquem de Montaigne, mariée à Richard de Lestonnac, et donc l'oncle de sainte Jeanne de Lestonnac.

Éducation

Armoiries de Montaigne.
« Je porte d'azur semé de trèfles d'or, à une patte de lion de même, armée de gueules […] Quel privilège a cette figure pour demeurer particulièrement dans ma maison ? » (Essais, I, 46.).

« Le bon père que Dieu me donna m’envoya dès le berceau, pour que j’y fusse élevé, dans un pauvre village de ceux qui dépendaient de lui et m’y maintint aussi longtemps que j’y fus en nourrice et encore au-delà, m’habituant à la plus humble et à la plus ordinaire façon de vivre[20].» écrit Montaigne qui ajoute :

« La pensée de mon père visait aussi à une autre fin : m’accorder avec le peuple et cette classe d’hommes qui a besoin de notre aide, et il estimait que je devais être obligé à regarder plutôt vers celui qui me tend les bras que vers celui qui me tourne le dos […] Son dessein n’a pas mal réussi du tout : je me dévoue volontiers envers les petits. »

Père cultivé et tendre, Pierre Eyquem donne à son fils de retour au château une éducation selon les principes humanistes, en particulier inspirée du De pueris instituendis d’Érasme, se proposant à l’époque de lui donner le goût de l’étude « par une volonté non forcée et de son propre désir[21] ». L’enfant est élevé sans contrainte. La sollicitude paternelle va jusqu’à le faire éveiller « par un joueur d’épinette » pour ménager ses sens fragiles. Vers deux ans, il quitte sa nourrice puis a pour précepteur domestique un médecin allemand nommé Horstanus, qui doit lui enseigner les humanités et entretenir l’enfant en latin seulement (seconde langue de toute l’élite européenne cultivée, comme une langue maternelle), règle à laquelle se plie également le reste de la maisonnée :

« C’était une règle inviolable que ni mon père ni ma mère ni valet ni chambrière n’employassent, quand ils parlaient en ma compagnie, autre chose que des mots latins, autant que chacun en avait appris pour baragouiner avec moi. »

La méthode réussit parfaitement :

« Sans livre, sans grammaire, sans fouet et sans larmes, j’avais appris du latin — un latin aussi pur que mon maître d’école le connaissait. »

Mais ajoute Montaigne, « j’avais plus de six ans que je ne comprenais pas encore plus de français ou de périgourdin que d’arabe »[22]. De plus, le maître latin, nostalgique, lui confie bien plus que des rudiments dans ses langues natales tudesques, dialecte et langue noble confondues. De 7 à 13 ans, Montaigne est envoyé suivre le « cours » de grammaire et de rhétorique au collège de Guyenne à Bordeaux, haut lieu de l'humanisme bordelais, dirigé par un Portugais, André de Gouvéa entouré d’une équipe renommée : Cordier, Vinet, Buchanan, Visagier. Rétif à la dure discipline de l’époque, il gardera le souvenir des souffrances et des déplaisirs subis :

« Le collège est une vraie geôle pour une jeunesse captive. On la rend déréglée en la punissant de l’être avant qu’elle le soit. La belle manière d’éveiller l’intérêt pour la leçon chez des âmes tendres et craintives que de les y guider avec une trogne effrayante, les mains armées de fouet[21] ! »

Il y fait cependant de solides études et y acquiert le goût des livres (il lit Ovide, Virgile, Térence et Plaute), du théâtre (Gouvea encourageait la représentation des tragédies en latin) de la poésie (latine), et des joutes rhétoriques, véritable gymnastique de l’intelligence selon Érasme.

On ne sait presque rien de sa vie de 14 à 22 ans. On retrouve le jeune Montaigne vers 1556 conseiller à la cour des Aides de Périgueux, reprenant la charge de son père qui était devenu maire de Bordeaux pour deux ans, au moment des guerres de religion. Ses biographes en ont déduit qu’il avait suivi, dans le collège de Guyenne, des cours de philosophie de la Faculté des Arts où enseignait l'humaniste Marc Antoine Muret puis fait des études de droit à l'université de Toulouse, de Paris ou probablement dans ces deux villes, rien ne permet à ce jour de trancher de façon décisive[23].

La carrière juridique peut surprendre pour un aîné traditionnellement dirigé dans la noblesse vers la carrière des armes, la diplomatie ou les offices royaux. À l’inverse de son père, Montaigne était peu doué pour les exercices physiques à l’exception de l’art de l'équitation, où il se révèle un cavalier accompli. Son tempérament nonchalant a peut-être déterminé Pierre Eyquem à orienter son fils vers la magistrature.

La « religion » de Montaigne

Oratoire de Montaigne dans sa tour.

Montaigne a été élevé dans la religion catholique et en respectera toutes les pratiques jusqu’à sa mort. Ses contemporains n’ont pas douté de la sincérité de son comportement. Ses convictions intimes sont-elles en harmonie avec cette dévotion extérieure ou se contente-t-il, plus probablement, d’accepter la religion en usage dans son pays ? :

« Nous sommes chrétiens au même titre que nous sommes ou périgourdins ou allemands »[24], « Ce n’est pas par la réflexion ou par notre intelligence que nous avons reçu notre religion, c’est par voie d’autorité et par un ordre étranger »[25].

Les interprétations sont contradictoires : à la fin des Essais (III, xiii), Montaigne, par le biais prudent d'une citation d'Horace, recommande non son âme, mais la vieillesse, — non au Dieu chrétien mais à Apollon.

On a vu en lui un incrédule (Sainte-Beuve, André Gide, Marcel Conche), un catholique sincère (Villey), un esprit favorable à la Réforme (Nakam[26]), un fidéiste (Tournon[27], Onfray[28]), un nouveau-chrétien contraint de taire les origines juives de sa famille (Jama[29]).

L’on se rappellera pourtant qu'il séjourna trois jours à Lorette du 23 au 26 avril 1581. Il a alors plus de cinquante ans, et a déjà écrit ses essais. Il fait alors ses dévotions à la Sainte Maison, y dépose un Ex-Voto d'argent avec la figure de la Vierge et les figures de sa propre personne, celles de sa femme et de sa fille, et parle du lieu de pèlerinage dans les Marches comme d'un lieu d’infinis miracles[30].

Pour Maturin Dréano (La Pensée religieuse de Montaigne, 1936[31]), la sincérité du catholicisme de Montaigne ne fait pas de doute, de même que son hostilité à la Réforme qu'il qualifie de « nouvelleté dangereuse ». Ainsi, le scepticisme professé dans L'Apologie de Raymond Sebond s'oppose précisément au rationalisme : pour Dréano Montaigne « critique la raison pour sauver la foi ». Maturin Dréano ne manque pas en ce sens de mettre en avant la vie de Montaigne, considérant que se limiter à l'étude des textes peut conduire à des mésinterprétations regrettables. Par ses origines, Montaigne appartient à une lignée de fervents catholiques, tant du côté paternel que du côté maternel. Il épouse une femme pieuse. Un de ses frères et deux de ses sœurs sont passés à la Réforme[32], mais il soutient le retour de sa nièce Jeanne de Lestonnac au catholicisme. Elle fonde en 1607 un ordre dévoué à l'éducation catholique, la Compagnie de Marie-Notre-Dame et sera canonisée.

Par ailleurs l'illustre ami de Montaigne, Étienne de La Boétie, est un catholique fervent et les entretiens qu'il a avec celui-ci à son lit de mort sont empreints du plus pur esprit chrétien. Au cours de son voyage à Rome, l'auteur des Essais trouve plaisir à entendre les sermons prononcés dans les diverses églises, il entre en relations avec le jésuite Maldonat, pour l'Ordre duquel il professe la plus haute estime et dont il proclame le rôle éminent dans l'Église catholique, avec un accent qui ne se comprendrait pas dans la bouche d'un catholique tiède ou hésitant.

Le philosophe Guillaume Cazeaux[33] voit, quant à lui, en Montaigne un catholique coutumier, dont la croyance en la vérité du christianisme est douteuse[34], qui admet certes l'existence de Dieu[35], sans pour autant avoir à proprement parler la foi et qui finit par afficher une certaine tendance au naturalisme à la manière d'un Spinoza : « Comme si, au terme de l'entreprise monumentale des Essais, Dieu finissait par se fondre dans la nature »[36]. Les Essais, reçus avec indulgence à Rome lors de son voyage de 1581 (le Saint-Office lui demandera seulement de retrancher ce qu'il jugerait « de mauvais goût » ; ils ne comportaient alors que les deux premiers livres), seront mis à l’Index en 1676 à la demande de Bossuet.

Magistrat (1556-1570)

Portrait présumé de Michel de Montaigne, vers 1565.

De l'âge de 22 ans à celui de 37 ans, Montaigne siège comme magistrat d’abord à la Cour des aides de Périgueux puis, après sa suppression en 1557, au Parlement de Bordeaux, où siègent déjà son oncle et deux cousins de sa mère, sans compter le grand-père et le père de sa future femme ainsi que son futur beau-frère.

Le Parlement de Bordeaux comporte une Grand’Chambre ou Chambre des plaidoiries et deux Chambres des enquêtes chargées d’examiner les dossiers trop complexes. Montaigne est affecté à l’une d’elles. Le Parlement ne se contente pas de rendre la justice. Il enregistre les édits et ordonnances du roi qui sans cela ne sont pas exécutoires. En périodes de troubles (la période des guerres de religion s’ouvre en 1562 et va durer trente ans), il collabore avec le gouverneur de la ville nommé par le roi et le maire élu par la municipalité pour maintenir l’ordre public et peut lever des troupes. Ses membres se recrutent par cooptation, les charges se vendant ou se transmettant par résignation.

La charge d’un conseiller au Parlement comporte aussi des missions politiques. Celles à la cour sont les plus recherchées. On en recense une dizaine pour Montaigne à la cour de Henri II, François II et Charles IX. Séduit par le climat de la cour, Montaigne, trop indépendant pour devenir un courtisan, n'a pas cherché à y faire carrière et en a critiqué les défauts[37].

Rappelons quelques missions du diplomate du gouvernement de Guyenne. En 1559, Michel Eyquem rejoint la cour du jeune François II à Paris, puis suit ce dernier jusqu'à Bar-le-Duc. En 1561, il est avec la cour au siège de Rouen. En , il fait serment de fidélité à la religion catholique à la cathédrale de Paris.

La Boétie

Gravure tirée de la publication mensuelle de 1839 Mosaïque du Midi.

L’événement le plus marquant de cette période de sa vie est sa rencontre à 25 ans avec La Boétie. La Boétie siège au Parlement de Bordeaux. Il a 28 ans – il meurt à 32 ans. Orphelin de bonne heure, marié, chargé par ses collègues de missions de confiance (pacification de la Guyenne durant les troubles de 1561), il est plus mûr et plus connu que Montaigne. Juriste érudit avec une solide culture humaniste, il écrit des poésies latines et des traités politiques. Son ouvrage le plus connu est le Discours de la servitude volontaire, également nommé « Le Contr'un », que Montaigne voulait insérer dans les Essais ; mais Montaigne s'en est abstenu quand les Protestants prétendirent présenter l'ouvrage de La Boétie comme une opposition au pouvoir royal catholique.

L’amitié de Montaigne et de La Boétie est devenue légendaire. Montaigne a écrit dans la première édition des Essais :

« Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer. »

C’est dans l’édition posthume de 1595 dite « d'après l'exemplaire de Bordeaux » qu’on lit la formule célèbre : « parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Cet ajout a été écrit par l'auteur dans la marge de son exemplaire personnel (édition de 1588) : d’abord « parce que c’était lui », puis d’une autre encore « parce que c’était moi ». Montaigne qui, fort sociable, a eu beaucoup d’amis ordinaires, a jugé exceptionnelle cette amitié, comme on n'en rencontre qu’« une fois en trois siècles » :

« Nos âmes ont marché si uniment ensemble […] que non seulement je connaissais la sienne comme la mienne, mais que je me serais certainement plus volontiers fié à lui qu’à moi à mon sujet […] C’est un assez grand miracle que de se doubler[38]. »

Son admiration pour la grandeur intellectuelle de son aîné s’allie à de profondes affinités culturelles et à un parfait accord idéologique dans cette période de guerres religieuses. Mais, quatre ans après leur rencontre, Étienne de La Boétie meurt, sans doute de la peste ou de la tuberculose, en 1563. Il conserve pendant trois jours d’agonie une force d’âme qui fascine Montaigne et qu’il veut faire connaître, d’abord dans une lettre à son père, puis dans un Discours publié en 1571 en postface aux œuvres de son ami.

« Il n’est action ou pensée où il ne me manque », écrit Montaigne[38] « J’étais déjà si formé et habitué à être deuxième partout qu’il me semble n’exister plus qu’à demi. »

Il va dès lors songer à perpétuer son souvenir, d’abord en publiant ses œuvres adressées à de hauts personnages, puis en continuant seul le dialogue avec son ami, dialogue intérieur qui aboutira aux Essais.

Mariage

Il semble que Montaigne ait voulu soulager le mal causé par la perte de son ami par des aventures amoureuses, ponctuées par des périodes de lecture assidue. La passion pour les femmes que Montaigne eut très jeune et tout au long de sa vie se confond chez lui avec le désir sensuel.

« Je trouve après tout que l’amour n’est pas autre chose que la soif de la jouissance sur un objet désiré et que Venus n’est pas autre chose non plus que le plaisir de décharger ses vases, qui devient vicieux ou s’il est immodéré ou s’il manque de discernement[39]. » « Qu’a fait aux hommes l’acte génital qui est si naturel, si nécessaire et si légitime pour que nous n’osions pas en parler sans honte. »

Trois chapitres des Essais – « De la force de l’imagination », « Les trois commerces » et « Sur des vers de Virgile » – parlent de ses expériences amoureuses. Mais on ne lui connaît aucune passion, aucune liaison durable. « Cet amoureux des femmes n’aurait-il, en fin de compte, aimé qu’un homme ? » se demande Jean Lacouture[40].

Il écrira cependant (Essais, III, 5) que « Les femmes n'ont pas tort du tout quand elles refusent les reigles de vie qui sont introduites au monde, d'autant que ce sont les hommes qui les ont faictes sans elles »[41].

Cette période de dissipation et de débauches cesse en 1565, mais Michel devient alors plus que jamais un lecteur assidu, un homme bien souvent mélancolique. Il se laisse marier. Il épouse le , après un contrat passé le jour précédent devant le notaire Destivals, Françoise de la Chassaigne, qui a 20 ans, d’une bonne famille de parlementaires bordelais[42]. Concession de toute évidence faite à ses parents car la bonne Françoise est aussi une proche parente de sa tante. On ne sait si le mariage de Montaigne a été heureux, les avis de ses biographes divergent. On sait que Montaigne, avec toute son époque, distingue le mariage de l’amour. Convaincu de son utilité, il se résigne à suivre la coutume et l’usage mais dort seul dans une chambre à part. On sait cependant que sa femme a montré, après sa mort, beaucoup de soin de sa mémoire et de son œuvre[43].

La mort de son père, depuis longtemps accablé par la gravelle, en (ce qui le met en possession d’une belle fortune et du domaine familial qui lui permettent de vivre de ses rentes), et peut-être celle prématurée de cinq de ses six filles l'affectent et l'invitent à se retirer des affaires et abandonner sa charge de magistrat[44]. Il demande néanmoins en 1569 son admission à la Grand’Chambre, promotion qui lui est refusée. Il préfère alors se retirer et résigne sa charge en faveur de Florimond de Raemond le [45].

Editeur et écrivain (1571-1592)

Portrait présumé de Michel de Montaigne.

En démissionnant du Parlement, Montaigne désire changer de vie. Il se retire sur ses terres, désireux de jouir de sa fortune, de se consacrer à la fois à l’administration de son domaine et à l’étude et à la réflexion. Mais sa retraite n’est pas une réclusion. Quand le roi le convoque et que l'ost ou la diplomatie l'appelle, il se comporte comme un vrai seigneur. Il fait la guerre, s’entremet entre les clans lorsqu’on le lui demande, accepte la mairie de Bordeaux lorsqu’il est élu, sans rechercher les honneurs toutefois et surtout sans consentir à enchaîner sa liberté.

En 1571, il est fait chevalier de l’ordre de Saint-Michel par Charles IX qui l'inscrit encore pour le nommer gentilhomme ordinaire de sa chambre en 1573, charge purement honorifique mais très prisée. Montaigne fait graver dans ses armoiries le litre-collier. Henri de Navarre, le chef du parti protestant, futur Henri IV, fait de même en 1577. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner, en premier lieu, la récompense royale pour l'ensemble de sa carrière de magistrat et de diplomate et la volonté de s'attacher le noble retraité pour d'éventuels services extraordinaires, et, en second lieu, la volonté de se concilier un négociateur royal de premier plan en Guyenne et Gascogne[46].

Lors de la cinquième guerre civile, le voici à nouveau chargé de mission par le parlement de Bordeaux auprès du duc de Montpensier Louis III. Il se retrouve avec les soldats de l'armée royale dans le camp de Sainte-Hermine, près de Poitiers.

En 1577, il assiste à la Pacification de Beaulieu. Homme d'une grande vitalité, ce catholique diplomate galant et tolérant y est au titre de gentilhomme de la chambre du roi de Navarre, gouverneur de Guyenne. Il a désormais des amis protestants, à commencer par Henri de Navarre qui n'hésite pas à loger chez lui en et en , mais aussi la comtesse de Gurson, Diane de Foix pour laquelle il se mue à sa demande en pédagogue avec la « lettre sur l'institution des enfants » (Essais, I 26), la brillante Claude d'Estissac, fille de feu Louis de Madaillan d'Estissac, ancienne fille d'honneur de la reine Catherine de Médicis, pour laquelle il écrit « de l'affection des pères aux enfants », la belle et séduisante madame de Gramont, comtesse de Guiche, à laquelle il dédie ses « Vingt neuf sonnets » (Essais, I29) et à madame de Duras, née Marguerite de Gramont, belle-sœur de la précédente qui apparaît à la fin du livre II des Essais. Un de ses frères et deux de ses sœurs sont protestants[32].

Plus tard, malade, Michel de Montaigne n’hésitera pas non plus à s’absenter de chez lui plusieurs mois durant pour se faire soigner, ou voyager à travers l’Europe.

Les Essais

« La forme de ma bibliothèque est ronde et n’a de rectiligne que ce qu’il faut à ma table et à mon siège, et elle m’offre dans sa courbe, d’un seul regard, tous mes livres rangés sur cinq rayons tout autour[47]. »
Montaigne fait peindre sur les poutres de sa bibliothèque des sentences, en latin ou en grec, d'auteurs anciens[48]. Contrairement à une idée répandue, la maxime « Que sais-je ? », en langue française, n'y figure pas[49]. Sur la poutre la plus proche de son écritoire, l’adage latin de Térence : « Je suis homme et crois que rien d’humain ne m’est étranger. »

Dans son château, Montaigne s’est aménagé un refuge consacré à sa liberté, à sa tranquillité et à ses loisirs, sa bibliothèque :

« Je passe dans ma bibliothèque et la plupart des jours de ma vie et la plupart des heures du jour […] Je suis au-dessus de l’entrée et je vois sous moi mon jardin, ma basse-cour[50], ma cour et dans la plupart des parties de la maison. Là je feuillette tantôt un livre, tantôt un autre, sans ordre et sans dessein ; tantôt je rêve, tantôt je note et je dicte, en me promenant, mes rêveries que je vous livre. »

Il entame la rédaction des Essais au début de 1572 à 39 ans et la poursuivra jusqu’à sa mort en 1592 à 59 ans, soit une vingtaine d’années, travaillant lorsque sa vie politique, militaire, diplomatique et ses voyages lui en laissent le loisir. Les premiers Essais (livre I et début du livre II composés en 1572-1573) sont impersonnels et ont une structure qui les rapproche des ouvrages de vulgarisation des enseignements des auteurs de l'Antiquité, ouvrages très à la mode alors : petites compositions très simples rassemblant exemples historiques et sentences morales auxquels s’accrochent quelques réflexions souvent sans grande originalité. Le Moi est absent. « Parmi mes premiers Essais, certains sentent un peu l’étranger[51] » reconnaît Montaigne qui s’efforcera dans les additions de 1588 d’ajouter des confidences personnelles parfois mal jointes à l’ensemble. Puis, autour de 1579, au fur et à mesure qu’il comprend ce qu’il cherche à faire, il se peint lui-même. L'intérêt principal du livre passe dans ce portrait. Un genre est né.

« Si l’étrangeté et la nouveauté ne me sauvent pas, je ne sortirai jamais de cette sotte entreprise ; mais elle est si fantastique et a un air si éloigné de l’usage commun que cela pourra lui donner un passage […] Me trouvant entièrement dépourvu et vide de tout autre matière, je me suis offert à moi-même comme sujet. C’est le seul livre au monde de son espèce : le dessein en est bizarre et extravagant. Il n’y a rien dans ce travail qui soit digne d’être remarqué sinon cette bizarrerie…[52] »

L’avant-propos de la première édition confirme :

« Je veux qu’on m’y voie dans ma façon d’être simple, naturelle et ordinaire, sans recherche ni artifice : car c’est moi que je peins. Mes défauts s’y liront sur le vif, ainsi que ma manière d’être naturelle, autant que le respect humain me l’a permis […] Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : il n’est pas raisonnable que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole. Adieu donc ? De Montaigne, ce [53]. »

La première édition, environ un millier d’exemplaires, ne comportant que les deux premiers livres, est publiée à Bordeaux en 1580. La deuxième en 1582, de retour de son grand voyage en Allemagne et en Italie, étant maire de Bordeaux. Dès 1587, un imprimeur parisien réimprime les Essais sans attendre les annotations de Montaigne. Le livre se vend très bien. Une nouvelle édition, estimée à 4000 exemplaires, est éditée à Paris en 1588, avec le livre III, où la peinture du Moi atteint toute son ampleur et nous fait entrer dans l’intimité de sa pensée. Le succès de ses premières éditions, l’âge aussi lui donnent de l’assurance : « Je dis la vérité, non pas tout mon saoul, mais autant que j’ose la dire, et j’ose un peu plus en vieillissant[54]. » Il est attentif à se montrer en perpétuel devenir : « Je ne peins pas l’être, je peins le passage, non un passage d’un âge à un autre, mais de jour en jour, de minute en minute[54]. » Il est alors bien conscient de la portée de son projet : en s’étudiant pour se faire connaître, il fait connaître ses lecteurs à eux-mêmes :

« Si les gens se plaignent de ce que je parle trop de moi, moi je me plains de ce qu’ils ne pensent même pas à eux-mêmes »[54].

Il prépare une nouvelle mouture de son livre, l’« Exemplaire de Bordeaux » quand il meurt en 1592.

Soldat et diplomate

Portrait présumé de Michel de Montaigne.

Il est vraisemblable que Montaigne, convoqué par le roi comme tout gentilhomme, a pris part aux guerres qui se sont déchaînées entre 1573 et 1577. Les Essais ne disent pas à quels engagements il a pris part et les historiens et mémorialistes n’en font pas mention. Mais plusieurs allusions prouvent qu’il a été soldat et la part (le dixième) des livres I et II consacrée à l’armement et aux problèmes de stratégie montre son intérêt pour la vie militaire. Mais il condamne la guerre civile et la guerre de conquête, s’il admet la guerre défensive. Quant aux cruautés des guerres religieuses :

« Je pouvais avec peine me persuader, avant de l’avoir vu, qu’il eût existé des âmes si monstrueuses […] pour inventer des tortures inusitées et des mises à mort nouvelles, sans inimitié, sans profit et à seul fin de jouir de l’amusant spectacle des gestes et des mouvements pitoyables, des gémissements et des paroles lamentables d’un homme mourant dans la douleur[55]. »

Montaigne est toujours resté discret sur ses activités de négociateur. Nous savons cependant par les Mémoires de de Thou qu’il est chargé à la cour des négociations entre Henri de Navarre et Henri de Guise, peut-être en 1572. En 1574, à la demande du gouverneur de Bordeaux, il doit mettre fin à la rivalité entre les chefs de l’armée royale du Périgord et, en 1583, il s’entremet entre le maréchal de Matignon, lieutenant du roi en Guyenne et Henri de Navarre. Ce dernier lui rend visite à Montaigne en 1587. Enfin, en 1588, il est chargé d’une mission entre le roi de France et le roi de Navarre, mission dont on ignore l’objet précis mais dont la correspondance diplomatique fait état (proposition d’alliance militaire contre la Ligue ? éventualité d’une abjuration d’Henri de Navarre ?).

Montaigne décrit dans les Essais l’attitude qu’il a toujours adoptée « dans le peu que j’ai eu à négocier entre nos princes[56] » : « Les gens du métier restent le plus dissimulés qu’ils peuvent et se présentent comme les hommes les plus modérés et les plus proches des opinions de ceux qu’ils approchent. Moi je me montre avec mes opinions les plus vives et sous ma forme la plus personnelle : négociateur tendre et novice, j’aime mieux faillir à ma mission que faillir à moi-même ! Cette tâche a pourtant été faite jusqu’à cette heure avec une telle réussite (assurément le hasard y a la part principale) que peu d’hommes sont entrés en rapport avec un parti, puis avec l’autre, avec moins de soupçon, plus de faveur et de familiarité. »

Voyageur

Coffre du château de Montaigne dans lequel l'abbé Prunis, chanoine érudit et spécialiste de l’histoire du Périgord, retrouva le manuscrit du Journal de voyage en 1770.

« Faire des voyages me semble un exercice profitable. L’esprit y a une activité continuelle pour remarquer les choses inconnues et nouvelles, et je ne connais pas de meilleure école pour former la vie que de mettre sans cesse devant nos yeux la diversité de tant d’autres vies, opinions et usages[57]. »

Montaigne après quelques crises douloureuses n'hésite pas à partir en cure jusqu'aux confins de l'Aquitaine. Il veut croire aux potions naturelles pour mieux vivre. Il accomplit un séjour estival aux Eaux-Chaudes dans le val d'Ossau en Béarn. Il fréquente les bains de Dax à Préchacq-les-Bains, remonte l'Adour jusqu'à Bagnères-de-Bigorre, gagne les eaux à Barbotan en Armagnac dans l'actuel département du Gers.

Voyage en Allemagne et en Italie par l'équipage de Michel de Montaigne 1580-1581

En 1580, après la publication des deux premiers livres des Essais, Montaigne entreprend un grand voyage de dix-sept mois et huit jours, départ et retour au château de Montaigne du au , à travers le royaume de France, la Lorraine, la Suisse, l’Allemagne du Sud, le Tyrol et l’Italie, à la fois pour soigner sa maladie – la gravelle (coliques néphrétiques) dont son père avait souffert sept ans avant de mourir – dans diverses villes d’eaux, se libérer de ses soucis de maître de maison (« Absent, je me défais de toutes pensées de cette sorte, et je ressentirais alors moins l’écroulement d’une tour que je ne fais, présent, la chute d’une ardoise[58]. ») et du spectacle désolant de la guerre civile :

« Dans mon voisinage, nous sommes à présent incrustés dans une forme d’État si déréglée qu’à la vérité c’est miracle qu’elle puisse subsister […] Je vois des façons de se conduire, devenues habituelles et admises, si monstrueuses, particulièrement en inhumanité et déloyauté que je ne peux pas y penser sans éprouver de l’horreur »[59].

Le Journal de voyage n’est pas destiné au public, le manuscrit archivé sera retrouvé presque deux siècles plus tard après sa rédaction. C'est une simple collection de notes qui parlent surtout de la santé de Montaigne (il fait noter ou note tous les symptômes de sa maladie qu’il veut apprendre à connaître) et des curiosités locales, sans le moindre souci littéraire. La première partie (un peu moins de la moitié) est rédigée par un jeune secrétaire, également régisseur du voyage qui rapporte probablement sous la dictée les propos de « Monsieur de Montaigne » et semble avoir été chassé après quelques malversations avérées dans les comptes après l'arrivée à Rome, la deuxième par Montaigne qui souhaite poursuivre le compte rendu, parfois en italien à titre d’exercice. Il permet de saisir Montaigne sans apprêt.

Les voyages sont alors non sans risques ni difficultés et fort coûteux (« Les voyages ne me gênent que par la dépense qui est grande et excède mes moyens[60]. »). Le seigneur Montaigne, qui part en grand équipage (son plus jeune frère Bertrand de Matecoulon souhaite prendre des cours d'escrime à Rome, son beau-frère veuf Bertrand de Cazelis, écuyer et seigneur de la Freyche lui tient compagnie, un secrétaire, des domestiques, des mulets portant les bagages. Le jeune Charles d’Estissac, le fils d’une amie, qui se joint à lui et partage la dépense, est escorté d’un gentilhomme, d’un valet de chambre, d’un muletier et de deux laquais) et qui aime les logis confortables « dut dépenser une petite fortune sur les routes d’Europe[61]» .

Le Journal permet de connaître très exactement l’itinéraire des voyageurs[62]. Ils s’arrêtent en particulier à Plombières (11 jours), à Bâle, à Baden (5 jours), à Munich, à Venise (1 semaine), à Rome haut lieu de l'Antiquité romaine (5 mois) et à Lucques (17 jours). Montaigne obtient après quelques démarches administratives le statut de citoyen romain.

Montaigne voyage pour son plaisir :

« S’il ne fait pas beau à droite, je prends à gauche ; si je me trouve peu apte à monter à cheval, je m’arrête… Ai-je laissé quelque chose à voir derrière moi ? J’y retourne ; c’est toujours mon chemin. Je ne trace à l’avance aucune ligne déterminée, ni droite ni courbe […] J’ai une constitution physique qui se plie à tout et un goût qui accepte tout, autant qu’homme au monde. La diversité des usages d’un peuple à l’autre ne m’affecte que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison d’être »[63].

Les rencontres surtout l’intéressent, le plaisir de « frotter et limer » sa cervelle à celle d’autrui : autorités des lieux visités auxquelles il rend toujours visite et qui le reçoivent souvent avec beaucoup d’égards, « gens de savoir », personnalités religieuses les plus diverses (un des intérêts du voyage est de mener une vaste enquête sur les croyances). Il est assez peu sensible aux chefs-d’œuvre de l’art ou aux beautés de la nature.

En , il reçoit aux bains de Lucques la nouvelle qu’il a été élu maire de Bordeaux. Il prend alors le chemin du retour.

Maire de Bordeaux

Portrait présumé de Michel de Montaigne
(huile sur toile attribuée à Étienne Martellange, 1587).

« Messieurs de Bordeaux[64] m’élurent maire de leur ville alors que j’étais éloigné de la France et encore plus éloigné d’une telle pensée. Je refusai, mais on m’apprit que j’avais tort, l’ordre du roi intervenant aussi en l’affaire[65]. » En arrivant à son château, Montaigne trouve une lettre du roi Henri III le félicitant et lui enjoignant de prendre sa charge sans délai. « Et vous ferez chose qui me sera agréable et le contraire me déplairait grandement[66] » ajoute le souverain.

Il est vraisemblable que ce sont les qualités de négociateur de Montaigne, sa modération, son honnêteté, son impartialité et ses bonnes relations avec Henri III et Henri de Navarre, qui l’ont désigné pour ce poste.

« À mon arrivée, j’expliquai fidèlement et consciencieusement mon caractère, tel exactement que je le sens être : sans mémoire, sans vigilance, sans expérience et sans vigueur ; sans haine aussi, sans ambition, sans cupidité et sans violence, pour qu’ils fussent informés et instruits de ce qu’ils avaient à attendre de mon service […] Je ne veux pas que l’on refuse aux charges publiques que l’on assume l’attention, les pas, les paroles, et la sueur et le sang au besoin, mais je veux que l’on s’acquitte de ces fonctions en se prêtant seulement et accessoirement, l’esprit se tenant toujours en repos et en bonne santé, non pas sans action, mais sans tourment et passion ».

Sans passion surtout car « Nous ne conduisons jamais bien la chose par laquelle nous sommes possédés et conduits »[67].

Moyennant quoi, Montaigne déploie une grande activité pendant son mandat de maire pour conserver la ville en paix alors que les troubles sont incessants entre catholiques et protestants, le Parlement divisé entre catholiques ultras (la Ligue) et modérés, et la situation politique particulièrement délicate entre le roi de France (représenté sur place par le maréchal de Matignon, lieutenant général) et le roi de Navarre, gouverneur de la province.

Après deux ans de fonction, il est réélu en 1583 (rare honneur qui n’a été accordé que deux fois avant lui) malgré l’opposition violente de la Ligue.

À six semaines de l’expiration de son deuxième mandat (), la peste éclate à Bordeaux et fait de juin à décembre environ quatorze mille victimes. Montaigne absent ne revient pas dans la ville pour la cérémonie d’installation de son successeur et regagne son château, avouant sans embarras dans une lettre[68] qu’il craint la contagion. Cet incident — dont aucun contemporain ne parle — déclenchera trois siècles plus tard une polémique, les critiques de Montaigne lui reprochant d’avoir manqué aux obligations de sa charge.

Dernières années

Portrait présumé de Montaigne par François Quesnel, vers 1588.

Montaigne, mûri par ses expériences multiples, s’est remis à la rédaction des Essais, et commence le livre III dont la sensibilité s’est singulièrement enrichie. Mais la situation s’aggrave et la guerre est à sa porte (Henri III vient de s’allier avec Henri de Guise, chef de la Ligue, contre Henri de Navarre déclenchant la huitième guerre civile). En , l’armée royale met le siège, avec vingt mille hommes, devant Castillon défendu par Turenne, à huit kilomètres du château de Montaigne :

« J’avais d’une part les ennemis à ma porte, d’autre part les maraudeurs, ennemis pires[69]. »

Il n’a pas répondu à l’appel convoquant la noblesse à combattre dans l’armée royale. Son abstention le rend suspect aux deux partis : « Je fus étrillé par toutes les mains : pour le Gibelin, j’étais Guelfe, pour le Guelfe, Gibelin[70]. ». La peste fait son apparition en août et gagne toute la région. Le 1er septembre, Castillon tombe. Pour fuir la peste, Montaigne abandonne son château avec sa mère, sa femme et sa fille dans des chariots. Pendant six mois, il va errer, mal accueilli par les amis à qui il demande refuge, « ayant à changer de demeure aussitôt que quelqu’un de la troupe venait à souffrir du bout du doigt[71] ». Il rentre chez lui en pour retrouver son domaine dévasté par la guerre et la peste.

« Cet écroulement me stimula assurément plus qu’il ne m’atterra. […] Je me résigne un peu trop facilement aux malheurs qui me frappent personnellement, et, pour me plaindre à moi, je considère non pas tant ce que l’on m’enlève que ce qui me reste »[72].

Turenne reprend Castillon en avril. Le , Henri de Navarre, après sa victoire de Coutras arrive au château de Montaigne et y séjourne deux jours (pour solliciter ses conseils ?).

Montaigne embastillé ().
Note prise par Montaigne sur son Ephemeris historica (à la fois mémento historique et agenda).

En , à 55 ans, Montaigne part à Paris pour faire imprimer son livre, chargé aussi par le roi de Navarre et le maréchal de Matignon (Son fils aîné accompagne Montaigne) d’une négociation avec Henri III. Le voyage est mouvementé. Arrêté, dévalisé par une troupe de protestants près d’Angoulême, il est relâché sur l’intervention du prince de Condé. Il arrive à Paris le . Les ambassadeurs anglais et espagnols[73], qui connaissent ses liens avec Henri de Navarre, le soupçonnent d’être chargé d’une mission secrète auprès du roi (une alliance militaire contre la Ligue ?). On n’en sait pas plus, Montaigne ayant toujours gardé le silence sur ses activités de négociateur. En mai, toujours à Paris (il doit surveiller l’impression des Essais de 1588), il assiste à la journée des Barricades qui accompagne l’entrée triomphante d’Henri de Guise. Le roi s’enfuit. Montaigne le suit. De retour à Paris en juillet, les autorités de la Ligue le font enfermer le à la Bastille. La reine mère doit intervenir auprès du duc de Guise pour le faire libérer après une journée de rétention.

C’est à Paris qu’il rencontre Marie de Gournay (1565-1645), jeune fille de vingt-deux ans, lectrice fervente de ses Essais et admiratrice passionnée de son œuvre, à qui il propose, charmé par sa fougue et son infatigable soutien, de devenir sa « fille d’alliance ». Après la mort de Montaigne, Marie de Gournay consacrera sa vie et sa fortune à assurer jusqu’à onze éditions posthumes des Essais. Montaigne va la visiter à Gournay-sur-Aronde et y séjourne à plusieurs reprises. Marie de Gournay transmettra aux philosophes érudits du XVIIe siècle (l'évêque Pierre-Daniel Huet ou La Mothe Le Vayer) l'héritage dit « sceptique » de Montaigne ainsi que des livres hérités de son père d'élection[réf. nécessaire].

En octobre ou en , il est à Blois où doivent se tenir les états généraux. Y est-il encore lors de l’assassinat des Guise le ou est-il de retour dans son château ? Jusqu’à l’été 1590, il va se rendre encore à Bordeaux pour aider Matignon à maintenir la ville dans l’obéissance au nouveau roi Henri IV (Henri III, assassiné le par un moine ligueur, a publiquement déclaré Henri de Navarre son successeur). Puis jusqu’à sa mort en 1592, il va demeurer dans son château, perfectionnant, complétant les Essais en vue d’une sixième édition :

« Qui ne voit que j’ai pris une route par laquelle, sans cesse et sans peine, j’irai autant qu’il y aura d’encre et de papier au monde ? »[74]

Mort

Portrait présumé de Michel de Montaigne, vers 1590.

Les idées de Montaigne sur la mort ont évolué depuis 1572 quand il pensait, en stoïcien, que la grande affaire de l’homme est de se préparer à bien mourir. Il pense maintenant en épicurien qu’il faut suivre la nature :

« Nous troublons la vie par le souci de la mort […] Je ne vis jamais un paysan de mes voisins réfléchir pour savoir dans quelle attitude et avec quelle assurance il passerait cette heure dernière. La Nature lui apprend à ne songer à la mort que lorsqu’il est en train de mourir »[75].

La mort est « une chose trop momentanée » : « Un quart d’heure de souffrance passive sans conséquence, sans dommage, ne mérite pas des préceptes particuliers[76]. » « La mort est bien le bout, non pas le but de la vie ; la vie doit être pour elle-même son but, son dessein. » Et les Essais s’achèvent sur une invitation au bonheur de vivre :

« C’est une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir de son être. Nous cherchons d’autres manières d’être parce que nous ne comprenons pas l’usage des nôtres, et nous sortons hors de nous parce que nous ne savons pas quel temps il y fait. De même est-il pour nous inutile de monter sur des échasses, car sur des échasses il faut encore marcher avec nos jambes. Et sur le trône le plus élevé du monde, nous ne sommes encore assis que sur notre cul »[77].

Montaigne meurt dans son château le , à 59 ans. Nous n’avons aucun témoignage direct de sa mort, mais trois lettres d’amis qui n’ont pas assisté à ses derniers moments : deux de Pierre de Brach, datées d’ et , ne donnant pas d’informations précises et parlant d’une mort « prise avec douceur » ajoutant : « Après avoir heureusement vécu, il est heureusement mort. » et une d’Étienne Pasquier écrite vingt-sept ans plus tard, en 1619, plus détaillée, parlant d’une « esquinancie » (tumeur de la gorge) qui l’empêcha de parler durant ses trois derniers jours. Pasquier rapporte que Montaigne fit convoquer par écrit dans sa chambre sa femme et quelques gentilshommes du voisinage et que, pendant qu’on disait la messe en leur présence, il rendit l’âme au moment de l’élévation.

Selon son vœu, sa veuve le fait transporter à Bordeaux en l’église des Feuillants où il est inhumé. Son cœur est resté dans l'église de Saint-Michel de Montaigne. Lors de la démolition du couvent des Feuillants, ses cendres sont transportées au dépositoire du cimetière de la Chartreuse. Un an après son décès, son épouse commande aux sculpteurs Prieur et Guillermain un cénotaphe monumental couvert par le gisant de Montaigne en armure, le heaume derrière la tête, un lion couché à ses pieds. En 1886, ce cénotaphe est transféré en grande pompe dans le grand vestibule de la faculté des lettres de Bordeaux, devenue à présent le Musée d'Aquitaine. Le monument a été depuis transféré dans une autre salle du musée. Les cendres du philosophe, mêlées à celles des Dominicains des Feuillants, sont enfouies dans les murs du sous-sol du Musée d'Aquitaine.

En 2018, le directeur du musée d'Aquitaine Laurent Védrine, découvre dans ses réserves un tombeau anonyme situé à l’aplomb du cénotaphe[78]. Une équipe de scientifiques procède à son ouverture un an plus tard. Elle en extrait un premier cercueil avec une plaque de cuivre sur laquelle figure le nom du philosophe[79] puis un second cercueil en plomb. Un cylindre en plomb contenant une bouteille en verre protégeant un papier est également trouvé à côté du cercueil. Il s'agit d'un vélin daté de 1886 attestant que le corps de Montaigne a bien fait l’objet d’une réinhumation[80]. Des analyses ADN sur les ossements devront confirmer l'identité de la dépouille[81].

Son œuvre

Le style de Montaigne

La « librairie » où écrivait Montaigne, dans sa tour. Sur les poutres, les maximes lui rappellent les principes essentiels.

Montaigne choisit le français alors que les ouvrages philosophiques ou scientifiques sont écrits en latin et que le français, consacré comme langue administrative en 1539 par l'ordonnance de Villers-Cotterêts, est en pleine évolution :

« J’écris mon livre pour peu d’hommes et pour peu d’années. Si cela avait été une matière destinée à durer, il aurait fallu la confier à une langue plus stable. D’après la variation continuelle qui a accompagné la nôtre jusqu’à l’heure actuelle, qui peut espérer que sa forme actuelle sera en usage dans cinquante ans d’ici ? Depuis que je vis elle a changé pour la moitié[57]. »

Son style s’est développé en même temps que sa pensée. Les premiers essais de 1580 laissent voir une certaine raideur. N’ayant pas de sujet personnel, Montaigne n’a pas non plus de forme qui soit sienne. Il cherche alors à imiter le style de Sénèque[82]. Quand il conçoit le dessein de se peindre, il trouve son accent personnel. Pour l’analyse et pour la confidence il faut s’assouplir et se détendre. Il adopte l’allure de la causerie familière. Il a pris conscience de ce qu’il voulait faire, mais aussi de la manière de le faire. Son style arrive à la perfection dans les Essais de 1588 (Livre III). Montaigne écrit son livre comme il parle[83] : « Le langage que j’aime, c’est un langage simple et naturel, tel sur le papier qu’à la bouche[84]. » Il virevolte d'une pensée à l'autre. Pas de plan. Aucune rigueur dans l’ordonnance d’ensemble, ni dans la composition de chaque chapitre :

« J’aime l’allure poétique, par sauts et gambades […] Je m’égare, mais plutôt par licence que par mégarde. Mes idées se suivent, mais parfois c’est de loin, et se regardent, mais d’une vue oblique […] Les noms de mes chapitres n’en embrassent pas toujours la matière […] Mon style et mon esprit vagabondent l’un comme l’autre. Il faut avoir un peu de folie si l’on ne veut pas avoir plus de sottise[85]. »

Ce qui caractérise son style, en même temps que le naturel et la simplicité, c’est une grande intensité d’expression. Montaigne veut une langue simple mais aussi expressive : « Ah ! si j’avais pu ne me servir que des mots qui sont employés aux halles de Paris[86] ». Sa langue abonde en emprunts au langage populaire (comme Rabelais qu’il lit avec plaisir). L’emploi de comparaisons et d’images prises souvent dans les faits de la vie quotidienne et les objets les plus familiers lui permet de concrétiser sa pensée et de nuancer des sentiments et des impressions qu’il est difficile d’exprimer par des mots. « Dans l’habitude et la continuité de son style, écrit Sainte-Beuve[87], Montaigne est l’écrivain le plus riche en comparaisons vives, hardies, le plus naturellement fertile en métaphores, lesquelles chez lui ne se séparent jamais de la pensée, mais la prennent par le milieu, par le dedans, la joignent et l’étreignent… Ce style dont on peut dire qu’il est une épigramme continue, une métaphore toujours renaissante, n’a été employé chez nous avec succès qu’une seule fois, et c’est sous la plume de Montaigne. » Montaigne n’arrive pas sans travail à ce style si original. Il revoit inlassablement ses Essais pendant les quatre dernières années de sa vie. Les nombreuses corrections concernant le style ou le vocabulaire que l’on relève sur l’Exemplaire de Bordeaux, resté sur sa table de travail après sa mort, témoignent d’un idéal d’art très élevé et d’une extrême rigueur envers soi-même :

« Mes ouvrages à moi, il s’en faut tellement qu’ils me plaisent qu’au contraire autant de fois que je les réexamine autant de fois je suis par eux déçu et chagriné. J’ai toujours dans l’esprit une meilleure forme que celle que j’ai mise en œuvre, mais je ne peux pas la saisir et l’expliciter »[88].

On peut s’étonner de voir Montaigne multiplier les citations latines (plus de 1300) pour orner et embellir ses réflexions, dans un livre aussi personnel, où il n’a d’autre objet que de se peindre. Il en est conscient :

« Nos pédants ne cessent de grappiller la science dans les livres […] Il est étonnant de voir comme cette sottise trouve exactement place chez moi. Je ne cesse d’écornifler par-ci, par-là, dans les livres, les pensées qui me plaisent […] pour les transporter dans celui-ci où, à vrai dire, elles ne sont pas plus miennes qu’en leur première place »[89].

Il explique avoir cédé au goût de ses contemporains. Tout ce qui vient de l'Antiquité jouit alors d'une vogue considérable, un homme instruit doit faire des citations pour prouver son érudition :

« J’ai concédé à l’opinion publique que ces ornements empruntés m’accompagnent ; mais je ne veux pas qu’ils me recouvrent et qu’ils me cachent : c’est là le contraire de mon dessein, qui ne veut exposer que ce qui est mien, et ce qui est mien par nature ; et si je m’étais cru à ce sujet, j’aurais, à tout hasard, parlé absolument seul. Je me charge tous les jours plus fortement d’emprunts, au-delà de mon dessein et de ma forme première, pour suivre la fantaisie du siècle et les exhortations d’autrui. Si cela ne me convient pas à moi, comme je le crois, peu importe ; cela peut être utile à quelque autre »[90].

Montaigne, qui subit l'influence du milieu littéraire, a pleinement partagé ce goût général mais il va faire une œuvre profondément originale : « Si le grand public lit encore aujourd'hui Les Essais, écrit Michel Magnien[91], c'est que leur auteur a su s'arracher à cette fascination pour la culture livresque qui empèse et alourdit tous les beaux esprits d'alors. Ils furent légion, mais leurs œuvres croupissent, désormais inutiles, au fond des bibliothèques. Franc-tireur de l'Humanisme, Montaigne ne se trouve jamais là où on l'attend. À la différence de ses confrères en « parlerie », il est le premier sur la brèche à combattre, auprès des gens de cour et de guerre, la culture livresque lorsqu'elle conduit au pédantisme et au dessèchement de l'être. » Et toujours, ajoute Pierre Villey[92], il leur oppose « sa méthode à lui, celle dont il se sent maître et qu'il pense posséder presque seul à l'époque : je veux dire l'expression franche et libre d'une pensée personnelle, qui s'éclaire sans doute par les idées des anciens, mais qui est originale néanmoins ».

La philosophie de Montaigne

Le scepticisme représente un moment important de l'évolution de Montaigne. La devise qu'il fait graver sur une médaille en 1576 « Que-sais-je ? » signifie la volonté de rester en doute pour rechercher la vérité. La balance dont les plateaux sont en équilibre, la difficulté de juger.

« La philosophie est la science qui nous apprend à vivre[93] », dit Montaigne. Il entend par philosophie le mouvement de la pensée vivante quand elle se confronte à l’essentiel (la mort, l’amour, l’amitié, l’éducation des enfants, la solitude, l’expérience…) et à soi. C’est pour lui l’apprentissage de la sagesse : philosopher c’est vivre heureusement, ou le plus heureusement possible.

C’est « une très douce médecine que la philosophie, car des autres on n’en sent le plaisir qu’après la guérison, celle-ci plaît et guérit ensemble […] On a grand tort de la peindre comme inaccessible aux enfants et avec un visage renfrogné, sourcilleux et terrible. Il n’est rien de plus gai, de plus allègre et peu s’en faut que je ne dise folâtre. Elle ne prêche que fête et bon temps »[94].

La philosophie de Montaigne, qui s’exprime le plus nettement dans les derniers essais à partir de 1588 et du livre III, est l’aboutissement de ses expériences (magistratures, guerres civiles, maladie, voyages) et de ses lectures philosophiques (systèmes qui l’ont influencé et modèles auxquels il a cherché à s’identifier : Caton, Épaminondas, Socrate enfin). Son évolution a été conforme à celle de la Renaissance elle-même, dit Pierre Villey[95], qui a commencé par répéter les leçons de l’Antiquité avant de produire des œuvres originales.

L'évolution de sa pensée

Dans les premiers essais, Montaigne s’enthousiasme, comme beaucoup d’humanistes de son époque, pour le stoïcisme (celui des Lettres à Lucilius de Sénèque en particulier) : la raison bien préparée est toute puissante et la volonté suffit à supporter tous les malheurs. En 1572 il écrit un essai pour prouver « que le goût des biens et des maux dépend de l’opinion que nous en avons (I, 14) ». Dans l’essai Que philosopher c’est apprendre à mourir (I, 20) de même tonalité, il emprunte la fin à Lucrèce (De la nature des choses) et à l’épicurisme. Mais dès qu’il commence à s’étudier lui-même et qu’il découvre ses vrais besoins et sa nature, il sent que les remèdes de Sénèque sont trop violents pour lui et il va s’en éloigner peu à peu :

« À quoi nous sert cette curiosité qui consiste à imaginer à l’avance tous les malheurs de la nature humaine et de nous préparer avec tant de peine à l’encontre de ceux mêmes qui peut-être ne sont pas destinés à nous atteindre ? C’est non seulement le coup, mais le vent et le bruit qui nous frappent […] Au contraire, le plus facile et le plus naturel serait d’en délivrer même sa pensée[96] ? « Il est certain qu’à la plupart des savants la préparation à la mort a donné plus de tourment que n’a fait la souffrance même de la mort[75]. »

Plutarque (Vies parallèles des hommes illustres, Œuvres morales), dont l’influence sur Montaigne est considérable (plus de 400 emprunts dans les Essais), l’aide à se montrer de plus en plus réservé à l’égard de ceux qui croient posséder la vérité absolue et incontestable. Le moraliste grec (traduit par Amyot en 1572) observateur de la vie courante, oriente sa pensée dans le sens de la complexité psychologique et de l’analyse intérieure. Sous son influence Montaigne va mêler de plus en plus la réflexion personnelle à ses Essais et développer son goût pour une morale familière, simple et pratique.

Vers 1576, à la lecture du sceptique grec Sextus Empiricus (Esquisses pyrrhoniennes), Montaigne adopte comme mode de pensée le scepticisme qui représente un moment important de son évolution et un aspect définitif de sa sagesse : une grande circonspection dans le jugement et une extrême prudence à se défendre des préjugés qui envahissent l’esprit de l’homme, du seul fait qu’il appartient à une époque, à un milieu, qu’il est pris dans un engrenage d’habitudes et d’idées. Il en expose la doctrine dans son essai Apologie de Sebond qui est un véritable livre à lui tout seul (trois fois plus long que le plus long de ses essais). Enfin, à travers Platon et Xénophon, il a accès à Socrate, « le maître des maîtres[20]», dont la personnalité domine le livre III.

Souffrant de la gravelle depuis 1578, il a du mal à supporter la douleur : « Je suis éprouvé un peu trop rudement pour un apprenti et par un changement bien soudain et bien rude, étant tombé tout à coup d’une condition de vie très douce et très heureuse dans la plus douloureuse et la plus pénible qui puisse s’imaginer[97] ». Il voit la mort tout près de lui. Il a là une ample matière à observations. Il se sent en possession d’idées bien siennes, originales. Il se jugera lui-même dans le chapitre Sur la présomption, et se reconnaitra un seul mérite celui d’avoir un jugement bon :

« je pense avoir des opinions bonnes et saines (mais qui n’en croit pas autant des siennes ?) : l’une des meilleures preuves que j’en aie, c’est le peu d’estime que j’ai de moi »[98].

Plus encore que ses idées, écrit Pierre Villey[99], il a une manière critique qui le distingue parmi ses contemporains : « il a le sentiment que tout est relatif, il sait qu’il ne faut pas affirmer trop vite, que les choses ont bien des faces, qu’il faut tourner autour et les examiner sous bien des aspects avant de prononcer un jugement […] Il sait que ses idées sont relatives à lui-même, qu’elles n’ont pas l’ambition de régenter les autres, qu’elles présentent au public non ce qu’il faut croire, mais ce que croit Montaigne, qu’elles ne sont que la peinture de ses humeurs :

« Les autres façonnent l’homme ; moi je le raconte, et je peins un homme particulier bien mal formé[100]. »

La sagesse de Montaigne

Portrait de Montaigne ornant l'édition des Essais de 1608 (estampe de Thomas de Leu d'après l'huile sur toile du musée Condé). Le quatrain qui suit est attribué, sans fondement, à Malherbe.

Il aboutit ainsi peu à peu à une philosophie très personnelle qui est l’expression de sa personnalité bien qu’elle soit faite de pièces empruntées à la grande philosophie grecque dont il se sent si proche. « Ne cherchez pas quelque principe logique qui en cimente les différentes parties et bâtisse un système, dit Pierre Villey[101]. Il n’y a pas de système chez Montaigne. Le seul lien qui unisse entre elles toutes ses idées, c’est sa personne, ce sont ses goûts, ses besoins, ses habitudes, qui tous s’expriment par elles. »

L’épicurisme de Montaigne ne fera que s’accentuer avec le temps (« Il faut étendre la joie, mais retrancher autant qu’on peut la tristesse[57] »), mais il reste un philosophe sceptique et n’arrive pas à croire que les autres aient pu se fier totalement à leurs propres conceptions :

« Je ne me persuade pas aisément qu’Épicure, Platon et Pythagore nous aient donné pour argent comptant leurs atomes, leurs Idées et leurs nombres. Ils étaient trop sages pour établir leurs articles de foi sur une chose aussi incertaine et contestable »[102].

La sagesse de Montaigne est une sagesse pour les gens ordinaires. « Qui ne se sent plus proche de Montaigne que de Socrate et d’Épicure, ou qui ne sent Montaigne plus proche de soi, tellement plus proche, tellement plus fraternel, oui, bouleversant de fraternelle proximité, plus intime que tout autre, plus éclairant, plus utile, plus vrai ? Montaigne accepte de n’être pas un sage, et c’est la seule sagesse peut-être qui ne mente pas, la seule, en tout cas, que nous puissions viser, nous, sans mentir ni rêver. Est-ce encore une sagesse ? Ceux qui ont lu les Essais savent bien que oui, et que c’est la plus humaine, la plus merveilleusement humaine […] Montaigne est un maître, aussi grand que les plus grands, et plus accessible que la plupart[103]. » Il nous apprend à suivre la nature :

« La nature a maternellement observé ce principe que les actions qu’elle nous a enjointes pour notre besoin nous fussent très agréables également, et elle nous y convie non seulement par la raison, mais aussi par le désir : c’est une injustice de détériorer ses règles[104]. »

à savoir rester libre :

« Mon opinion est qu’il faut se prêter à autrui et ne se donner qu’à soi-même[105]. »

à ne pas se prendre au sérieux :

« La plupart de nos occupations sont comiques. Il faut jouer notre rôle comme il faut, mais comme le rôle d’un personnage emprunté[106]. »

à se méfier de tous les extrémismes :

« Le peuple se trompe : on va bien plus facilement par les bouts, là où l’extrémité sert de borne d’arrêt et de guide, que par la voie du milieu large et ouverte, mais bien moins noblement et de façon moins estimable[107]. »

à être tolérant :

« Je ne partage point cette erreur commune de juger d’un autre d’après ce que je suis. Je crois aisément qu’il y a des qualités différentes des miennes […] Je conçois et crois bonnes mille manières de vivre opposées ; au contraire du commun des hommes, j’admets en nous plus facilement la différence que la ressemblance[108]. »

« j'estime tous les hommes mes compatriotes[57]. »

et surtout à aimer la vie telle qu’elle est et à la goûter pleinement :

« J’ai un dictionnaire tout à fait personnel ; je « passe » le temps quand il est mauvais et désagréable ; quand il est bon, je ne veux pas le « passer », je le goûte à nouveau, je m’y arrête. Il faut « passer » le mauvais en courant et s’arrêter au bon[109]. »

N’hésitons pas à bien accueillir les plaisirs voulus par la nature :

« Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; et même quand je me promène solitairement dans un beau verger[110], si mes pensées se sont occupées de choses étrangères pendant quelque partie du temps, une autre partie du temps je les ramène à la promenade, au verger, à la douceur de cette solitude et à moi[111]. »

et à savoir les amplifier :

« Les autres ressentent la douceur d’une satisfaction et de la prospérité ; je la ressens comme eux, mais ce n’est pas en passant et en glissant. Il faut plutôt l’étudier, la savourer et la ruminer pour en rendre grâces comme il convient à celui qui nous l’accorde. Eux jouissent des autres plaisirs comme ils le font de celui du sommeil, sans les connaître. Afin que le « dormir » lui-même ne m’échappât point stupidement ainsi, j’ai trouvé bon autrefois qu’on me le troublât pour que je l’entrevisse[112]. »

sans toutefois en être la dupe, en sachant qu’en tout cela il n’y a que vanité :

« Moi qui me vante d’accueillir avec tant de soin les agréments de la vie, je n’y trouve, quand je les considère ainsi avec minutie, à peu près que du vent. Mais quoi ! Nous sommes à tous égards du vent. Et encore le vent, plus sagement que nous, se complait à bruire, à s’agiter et il est content de ses propres fonctions, sans désirer la stabilité, la solidité, qualités qui ne sont pas siennes[113]. »

Jugements sur Montaigne

Sa personnalité et sa vie ont suscité des images contradictoires : « Sceptique retiré dans sa tour d’ivoire, égoïste ou généreux, lâche ou courageux, ambitieux ou sage souriant, stoïcien ou épicurien, chrétien sincère ou libre-penseur masqué, catholique convaincu ou sympathisant de la Réforme, esprit serein ou mélancolique redoutant la folie ? Les portraits qu’on a donnés de Michel de Montaigne sont aussi divers que les interprétations des Essais[114]. »

Le scepticisme de Montaigne a suscité de nombreuses réactions, de la part de Descartes et Pascal notamment[115].

Dans les Pensées, Pascal juge son entreprise avec sévérité  : « Le sot projet qu'il a de se peindre[116]», reprochant notamment à Montaigne son manque de piété et sa désinvolture vis-à-vis du salut.

En revanche, Voltaire lui est très favorable : « Savant dans un siècle d’ignorance, philosophe parmi des fanatiques, [Montaigne] qui peint sous son nom nos faiblesses et nos folies, est un homme qui sera toujours aimé[117]. »

Quant à Nietzsche, il écrit : « Je ne connais qu'un seul écrivain que, pour l'honnêteté, je place aussi haut, sinon plus, que Schopenhauer, c'est Montaigne. En vérité, qu'un tel homme ait écrit, vraiment la joie de vivre sur cette terre en a été augmentée[118]. »

Hommages

À Paris, dans le Quartier latin, une statue en bronze de Paul Landowski (1875-1961) datant de 1934, représente Montaigne assis et souriant. Elle se trouve rue des Écoles à Paris face à l'entrée principale de la Sorbonne (n° 47), le long du square Samuel-Paty (place Paul-Painlevé, dans le 5e arrondissement)

Une pièce de 10  en argent émise en 2012 par la Monnaie de Paris présente un portrait de Montaigne pour symboliser sa région natale, l'Aquitaine.

Œuvres de Montaigne

Les éditions des Essais

Le fameux exemplaire de l’édition de 1588 – connu sous le nom d’Exemplaire de Bordeaux – sur lequel l’auteur a accumulé corrections et additions jusqu’à sa mort en 1592, longtemps considéré comme la dernière volonté littéraire de Montaigne.
  • Éditions scientifiques :
    • Essais, éd. F.Strowski, P.Villey, F.Gébelin, dite Édition municipale, 1906-1933.
    • Essais, reproduction phototypique de l’Exemplaire de Bordeaux, Paris, Hachette, 1912 (réimpression Slatkine, 1988, 3 vol.).
    • Essais, reproduction typographique de l’Exemplaire de Bordeaux, Paris, Imprimerie nationale, 1913-1931.
    • Essais, reproduction photographique du texte de 1580, Genève, Slatkine, 1976
  • Éditions de référence :
    • Essais, éd. Villey-Saulnier (reproduisant l’Exemplaire de Bordeaux), Paris, PUF, 1965 (réimpression en 2 vol., 1978) avec notices, notes et répertoire des sources par P.Villey dont la thèse sur Les sources et l’évolution des Essais (1933), fait toujours autorité. Réimpression dans la coll. Quadrige, PUF, 2004.
      Cette édition distingue par des lettres les strates successives du texte des Essais (A désigne le texte de 1580, B le texte de 1588, C le texte postérieur).
    • Les Essais, édition du texte de 1595 établie, presentée et annotée par J. Céard en collaboration avec D. Bjaï, B. Boudou et I. Pantin, avec tables des matières ajoutées au XVIIe siècle ; La Pochothèque, Livre de Poche / Classiques modernes, 2001 (1854 p).
    • Essais, éd. J. Balsamo, C. Magnien-Simonin et M. Magnien (reproduisant l'édition posthume publiée en 1595 par Marie de Gournay), Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2007, suivis des sonnets de La Boétie supprimés en 1588, des annotations de Montaigne sur des livres de sa bibliothèque, et du recueil de sentences latines et grecques peintes sur les poutres de sa bibliothèque.
      Cette édition, comme la précédente, prend à revers la tradition installée depuis le début du XXe siècle par F. Strowski et P. Villey, adoptant pour base l'Exemplaire de Bordeaux que les éditeurs de La Pléiade tiennent pour un premier état de l'édition de 1595, esquissé en marge du texte de 1588. Ils conjecturent l'existence d'un état définitif du texte en deux exemplaires disparus, l'un resté en Gascogne, l'autre envoyé à Paris pour établir l'édition de 1595.
  • Éditions en français moderne :
    • Les Essais, orthographe modernisée par Claude Pinganaud, Arléa, 1994, 813 p.
    • Essais, transcription en français moderne par A. Lanly (à partir de l’Exemplaire de Bordeaux), coll. Quarto, Gallimard, 2009. Cette édition conserve la structure de la phrase de Montaigne.
    • Essais, traduction en français moderne par Guy de Pernon (à partir de l'édition de 1595), parution sur Internet, 2008.
    • Des idées que l'on se fait sur soi (De la présomption), traduction en français moderne (à partir de l'édition de 1595) par Christophe Salaün, Mille et une nuits, 2014.
    • Des Cannibales, Des voitures (Des coches), Des idées que l'on se fait sur soi (De la présomption), traduction en français moderne (à partir de l'édition de 1595) par Christophe Salaün, The Minute Philosopher, 2019.
    • Les Essais, transcription en français moderne par B. Combeaud (à partir de l'édition de 1595), préface M. Onfray, coll. Bouquins, Robert Laffont, 2019. Cette édition conserve la structure de la phrase de Montaigne.

Journal de voyage

Notes et références

Les citations des Essais, sauf mention spéciale, sont faites d’après l’édition en français moderne d’André Lanly, Quarto Gallimard, 2002.

  1. Il faudrait normalement prononcer /mɔ̃taɲ/, mais aujourd'hui on prononce généralement /mɔ̃tɛɲ/. Voir Jean-Marie Pierret, Phonétique historique du français et notions de phonétique générale, Peeters, Louvain-la-Neuve, 1994, p. 102.
  2. Il a déjà édité en 1568 la Théologie naturelle de Sebond à la demande de son père. Il veut éditer l'œuvre De la servitude volontaire ou Le contre'un de son ami Étienne La Boétie, mais il se rend compte que cette publication crypto-protestante risque de le livrer à la vindicte en ces temps d'intolérance.
  3. Cette négociation, écrit Montaigne, était « un tintamarre de cervelles ». Le royaume est alors en pleine guerre civile et religieuse et les massacres entre partis chrétiens catholiques ligueurs et réformés extrémistes se succèdent.
  4. Pascal : « Le sot projet que Montaigne a eu de se peindre. » Pascal, Pensées, XXIV « Pensées morales ». Édition de Port-Royal, éd. de Guillaume Desprez, 1670, (lire sur Wikisource).
  5. Essais, II, 6 « De l'exercitation ».
  6. Celle de Montaigne.
  7. Essais, III, 2 « Du repentir ».
  8. Essais, III, 13 « De l'expérience », p. 1347.
  9. Daniel Bastien, « La morue : saga d'une reine des mers », sur lesechos.fr, (consulté le )
  10. Concetta Cavallini, « Montaigne, Les Essais », Studi Francesi, no 153 (LI | III), , p. 642–643 (ISSN 0039-2944 et 2421-5856, DOI 10.4000/studifrancesi.9485, lire en ligne, consulté le )
  11. Théophile Malvezin, Michel de Montaigne. Son Origine, Sa Famille, Slatkine, , p. 27.
  12. Une famille roturière pouvait obtenir l’anoblissement au bout de deux générations à condition de « vivre noblement » c'est-à-dire de ne pas exercer d’activité commerçante ou de travail manuel, de participer aux assemblées de la noblesse, d'aller à la guerre et de payer de lourdes charges (droits de francs fiefs, service du ban et de l’arrière-ban).
  13. Théophile Malvezin, op. cit., p. 33.
  14. Jama, Sophie., L'histoire juive de Montaigne, Flammarion, (ISBN 2-08-212535-1 et 978-2-08-212535-2, OCLC 46319268, lire en ligne)
  15. Madeleine Lazard, Michel de Montaigne, Fayard, , p. 27.
  16. Montaigne, Michel de, 1533-1592., Les essais, Gallimard, (ISBN 978-2-07-011505-1 et 2-07-011505-4, OCLC 300402176, lire en ligne)
  17. Madeleine Lazard, Michel de Montaigne, Fayard, 1992, p. 24. Ce point a fait l'objet de controverses et n'est pas résolu. L'hypothèse retenue par les tenants de cette origine est que l'arrière-grand-père agnatique d'Antoinette Louppes de Villeneuve serait Meyer Moshé Paçagon, Juif de Calatayud (Espagne), baptisé au début du XVe siècle sous le nom de Juan Garcia Lopez (de Villanueva). Principales références : Sophie Jama, L'Histoire juive de Montaigne, Flammarion, 2001 ; Jean Lacouture, Montaigne à cheval, Seuil, 1998 Donald Frame Montaigne, a bibliography, 1975 ; Cecil Roth, Revue de Cours et Conférences 1937 ; Léon Berman (Grand-rabbin de Lille), Histoire des Juifs de France, Librairie Lipschutz, Paris, 1937 ; Théophile Malvezin, Michel de Montaigne, son origine, sa famille 1875 ; Paul Staffer (doyen de la faculté de Lettres de Bordeaux), La Famille et les amis de Montaigne, Hachette, 1896 rééd. BNF 2012, (ISBN 9782012680913).
  18. Essais, I, 19 « Philosopher, c’est apprendre à mourir », éd. Michaud, Firmin-Didot, 1907, p. 112.
  19. Son notaire passe 250 actes en trente ans.
  20. Essais, III, 13.
  21. Essais, I, 26.
  22. Alain Ruiz, Présence de l'Allemagne à Bordeaux : du siècle de Montaigne à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Presses universitaires de Bordeaux, , p. 175-176.
  23. Roger Trinquet. La jeunesse de Montaigne. Ses origines familiales, son enfance et ses études, Nizet, , 684 p..
  24. Essais, II, 12, p. 540.
  25. Essais, II, 12, p. 608.
  26. Géralde Nakam, Montaigne et son temps. Les évènements et les Essais, Nizet, 1982.
  27. A. Tournon, Montaigne en toutes lettres, Bordas, 1989.
  28. Michel Onfray, Du droit à l'athéisme, Le Monde du 6-7 février 2011, p. 26.
  29. Sophie Jama, L'Histoire juive de Montaigne, Flammarion, 2001.
  30. François Moureau, Paris, Presses de L’université Paris-Sorbonne, 2005, p 296-297
  31. J.-B. Sabrié, « Maturin Dréano. La pensée religieuse de Montaigne », Revue d'histoire de l'Église de France, vol. 24, no 102, , p. 72–73 (lire en ligne, consulté le )
  32. Pascal Ceaux, « 1562-1589: Montaigne, le sage entre guerres et religions », sur L'Express, (consulté le )
  33. Guillaume Cazeaux, Montaigne et la coutume, Paris, Mimésis, , 280 p. (ISBN 978-88-6976-004-4, présentation en ligne).
  34. Ibid., p. 177 : « il se pourrait [...] qu'en son for intérieur, il range le christianisme parmi toutes les autres religions que l'esprit humain et la nature ont produites, [...] mais qu'en tant que formé par la coutume chrétienne — qu'il accepte de bon gré — [...] il affiche la croyance, toute extérieure, qu'un catholique (coutumier) se doit d'afficher. ».
  35. Ibid., p. 190-191 : « Il croit en un Dieu dont nous ne pouvons et ne devrions, selon lui, pratiquement rien dire, d'autant qu'en croyant parler de lui, nous ne parlons en fait que de nous. ».
  36. Ibid., p. 179-180.
  37. Jean Dhommeaux, « Montaigne : essais sur la justice [" La vertu royale semble le plus consister en la justice"] », Revue Juridique de l'Ouest, vol. 5, no 4, , p. 521–538 (DOI 10.3406/juro.1992.2019, lire en ligne, consulté le )
  38. Essais, I, 28.
  39. Essais, III, 5.
  40. Jean Lacouture, Montaigne à cheval, Seuil, 1996, p. 65.
  41. Michel de Montaigne, « Les Essais de Montaigne with page images from the Bordeaux copy », Essais III, 5, sur artflsrv03.uchicago.edu (consulté le ).
  42. Le père de son épouse est alors un important collègue parlementaire du conseiller Montaigne, il devient président du Parlement en 1569.
  43. Paul Bonnefon, Montaigne et ses amis, Armand Colin, , p. 86.
  44. Les morts en bas-âge étaient communes, un couple perdaient souvent beaucoup d'enfants. Mais le couple Montaigne pourra élever la petite Léonor née le jeudi .Fiche généalogique.
  45. La Vie intellectuelle à Bordeaux aux XVIe et XVIIe siècles, Clèdes, , p. 56.
  46. sans que les historiens méticuleux et pointillistes sachent précisément quels mérites étaient récompensés par toutes ces distinctions.
  47. Essais, III, 3.
  48. Alain Legros et Anne-Marie Cocula, Montaigne aux champs, Sud-Ouest, , 256 p. (ISBN 978-2817701530), note 4 :
    « Comme dans un conte, je fais ici trois vœux : 1. Qu'on n'ajoute plus à la liste des sentences la fameuse devise de Montaigne en français : nul témoignage en ce sens, nul vestige d'un « Que sais-je » inscrit dans la tour. 2. Qu'on évite de dire, même par métaphore, que les sentences sont « gravées », car elles sont peintes : ce qu'on sent au toucher est vérifié par l'analyse chimique. 3. Que le nombre, d'ailleurs provisoire, de 66 sentences désormais identifiées soit substitué à celui de 57, nombre canonique depuis plus d'un siècle[...]. »
  49. Alain Legros, « Sentences peintes au plafond de la « librairie » » , sur montaigne.univ-tours.fr, (consulté le )
  50. Où se trouvent les écuries, les équipages.
  51. Essais, III, 5, p. 1060.
  52. Essais, II, 8.
  53. Essais, « Au lecteur ».
  54. Essais, III, 2.
  55. Essais, II, XI, p. 527.
  56. Essais, III, I, p. 957.
  57. Essais, III, 9.
  58. Essais, III, 9, p. 1154.
  59. Essais, III, 9, p. 1156.
  60. Essais, III, 9, p. 1148.
  61. Madeleine Lazard, Michel de Montaigne, Fayard, 1992, p. 263. En septembre, à Rome, François du Hautois l'accompagne au retour.
  62. Montaigne, Paris, La Fère, Beaumont-sur-Oise, Dormans, Épernay, Chalons, Vitry-le-François, Bar-le-Duc, Vaucouleurs, Domrémy, Mirecourt, Épinal, Plombières, Remiremont, Thann, Mulhouse, Bâle, Baden, Constance, Lindau, Augsbourg, Munich, Innsbruck, Bolzano, Trente, Vérone, Vicence, Padoue, Venise, Ferrare, Bologne, Florence, Sienne, Rome, Lorette, Ancône, Urbin, Florence, Lucques, Pise, Plaisance, Pavie, Milan, Turin, Lyon, Thiers, Clermont-Ferrand, Limoges, Périgueux, Mauriac, Montaigne.
  63. Essais, III, 9, p. 1191.
  64. Le maire de Bordeaux était élu par six « jurats » comportant deux nobles, deux hommes de loi et deux hommes d’affaires.
  65. Essais, III, 10, p. 1214.
  66. Grün, La vie publique de Michel de Montaigne, Paris, 1855.
  67. Essais, III, 10, p. 1215–1217.
  68. « Lettre de Montaigne à la Jurade ; il refuse de revenir à Bordeaux à cause de la peste »
  69. Essais, III, 12, p. 1256.
  70. Essais, III, 12, p. 1260.
  71. Essais, III, 12, p. 1264.
  72. Essais, III, 12, p. 1263.
  73. « Ici est arrivé, dit-on, Monsieur de Montaigne, qui est gentilhomme catholique… ceux qui conduisent les affaires du Béarnais ne savent pas la cause de sa venue et soupçonnent qu’il a en main quelque commission secrète. » écrit l’ambassadeur espagnol don Bernardino de Mendoza à Philippe II. Sir Edouard Stafford, l’ambassadeur anglais parle lui de « la venue d’un certain Montaigne, de la part du roi de Navarre avec le fils de Matignon… Tous les serviteurs de ce roi ici ne savent pas un iota de la raison de ce voyage…Ils craignent qu’il ne soit venu traiter quelque affaire particulière avec le roi… L’homme dont il s’agit est catholique, très capable. Il a été maire de Bordeaux et n’est pas homme à apporter au roi quelque chose qui ne lui plaise pas. ».
  74. Essais, III, 9, p. 1144.
  75. Essais, III, 12, p. 1268.
  76. Essais, III, 12, p. 1269.
  77. Essais, III, 13, p. 1347.
  78. Le Monde avec AFP, « Bordeaux : la dépouille de Montaigne peut-être enfin localisée », sur Le Monde, (consulté le ).
  79. Double inscription tracée à la peinture rouge : "M. de Montaigne" et "24/12/80"
  80. « Bordeaux : un squelette mis au jour dans le cercueil présumé de Montaigne », sur France 3 Nouvelle-Aquitaine (consulté le )
  81. Carole Chatelain, « Sur les traces de l'ADN de Montaigne », Sciences et Avenir, no 873, , p. 21
  82. Pierre Villey, Les Sources et l’évolution des Essais de Montaigne, thèse pour le doctorat, Hachette, 1908, p. 294.
  83. Document sonore de France Culture enregistré par Henri Van Lier intitulé Montaigne dans Une histoire langagière de la littérature.
  84. Essais, I, 26, p. 212.
  85. Essais, III, 9, p. 1203.
  86. Essais, I, 26, p. 213.
  87. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, Garnier, 1852, T.4, p. 65.
  88. Essais, II, 17, p. 775.
  89. Essais, I, 25, p. 168.
  90. Essais, III, 12, p. 1274.
  91. Dans l'une des introductions à la nouvelle édition des Essais dans la Pléiade, Gallimard, 2007.
  92. Pierre Villey, Les Sources et l’évolution des Essais de Montaigne, Hachette, 1908, T.2, p. 104.
  93. Essais, I, 26, p. 201.
  94. Essais, I, 2, p. 198.
  95. Pierre Villey, Les Sources et l’évolution des Essais de Montaigne, Hachette, 1908, t.2, p. 516.
  96. Essais, III, 12, p. 1267.
  97. Essais, II, 37, p. 924.
  98. Essais, II, 17, p. 799.
  99. Pierre Villey, Les Sources et l’évolution des Essais de Montaigne, Hachette, 1908, t.2, p. 233.
  100. Essais, III, 2, p. 974.
  101. Pierre Villey, Les Sources et l’évolution des Essais de Montaigne, Hachette, 1908, t.2, p. 432.
  102. Essais, II, 12, p. 622.
  103. André Comte-Sponville, « Je ne suis pas philosophe », Montaigne et la philosophie, Paris, Honoré Champion, 1993, p. 13.
  104. Essais, III, 13, p. 1337.
  105. Essais, III, 10, p. 1212.
  106. Essais, III, 10, p. 1222.
  107. Essais, III, 13, p. 1340.
  108. Essais, I, 27, p. 283.
  109. Essais, III, 13, p. 1341.
  110. Il s’agit de ce que nous appelons un jardin d’agrément.
  111. Essais, III, 13, p. 1336.
  112. Essais, III, 13, p. 1342.
  113. Essais, III, 13, p. 1335.
  114. Madeleine Lazard, Michel de Montaigne, Fayard, 1992, p. 10.
  115. Sylvia Giocanti 2011, p. 28.
  116. Pascal, Pensées, XXIX.
  117. Voltaire, Lettres philosophiques, Vingt-cinquième lettre sur les pensées de M. Pascal ; dans cette lettre, Voltaire répond au jugement de Pascal sur Montaigne à l'observation 41 ; voir l'édition de 1770.
  118. Nietzsche, Considérations inactuelles, III. Schopenhauer éducateur, 2.

Voir aussi

Bibliographie

Les sources principales de cet article sont :

Autres ouvrages

  • Album Montaigne, iconographie choisie et annotée par Jean Lacouture, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2007 (ISBN 9782070118298).
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  • Yvonne Bellenger, Montaigne, une fête pour l'esprit, Paris, Balland, 1987.
  • Paul Bonnefon, Montaigne : l’homme et l’œuvre, Bordeaux, G. Gounouilhon, 1893 ; xiii + 502 p.
  • Ferdinand Brunetière, Études sur Montaigne, préface d'Antoine Compagnon, Paris, Champion, 1999, « Études montaignistes » no 34, 157 p.
  • Léon Brunschvicg Descartes et Pascal, lecteurs de Montaigne, éd. de la Baconnière, 1945.
  • Michel Butor, Essais sur les Essais, Paris, Gallimard, 1968.
  • Guillaume Cazeaux, Montaigne et la coutume, Éditions Mimésis, 2015.
  • Michel de Certeau, Le lieu d’autre. Montaigne ‘Des Cannibales’, in : Œuvres et critiques, vol. 8, no. 1-2, 1983, p. 59-72.
  • Jacques Chaban-Delmas, Montaigne, Paris, Éditions Laffont, 1992 (ISBN 2-908652-03-X).
  • A.-Ed. Chaignet, Montaigne psychologue et pédagogue, Paris, 1964.
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  • André Comte-Sponville, Dictionnaire amoureux de Montaigne, Plon, 2020.
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  • Joseph Dedieu, « Montaigne et le cardinal Sadolet », dans Bulletin de littérature ecclésiastique, 1909, tome 10, p. 8-22 (lire en ligne).
  • Marie-Luce Demonet, Michel de Montaigne : « Les Essais », Paris, P.U.F., 1985, 128 p. ; rééd. 2002.
  • Philippe Desan, Les Commerces de Montaigne, Paris, Nizet, 1992.
  • Philippe Desan, Montaigne, les Cannibales et les Conquistadores, Paris, A.-G. Nizet, 1994.
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  • Philippe Desan (dir.), Montaigne politique, Paris, Honoré Champion, 2006.
  • Philippe Desan, Portraits à l'essai : iconographie de Montaigne, Paris, Honoré Champion, 2007.
  • Philippe Desan, Montaigne. Les formes du monde et de l'esprit, Paris, Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 2008.
  • Philippe Desan (dir.), Les Chapitres oubliés des Essais, Paris, Honoré Champion, 2011.
  • Philippe Desan, Montaigne. Une biographie politique, Paris, Odile Jacob, 2014.
  • Philippe Desan (dir.), Montaigne à l'étranger : voyages avérés, possibles et imaginés, Paris, Classiques Garnier, 2016.
  • Mathurin Dréano, La religion de Montaigne, Paris, Nizet, 1969.
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  • Hugo Friedrich, Montaigne, Paris, Gallimard, 1968 (ISBN 978-2-07-070105-6).
  • Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence : rhétorique et « res literaria » de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Paris, Albin Michel, 1994.
  • Marc Fumaroli, La diplomatie de l’esprit, de Montaigne à La Fontaine, Paris, Gallimard, 2001, 563 p.
  • Marc Fumaroli, Michel de Montaigne ou l’éloquence du for intérieur, Les formes brèves de la prose et le discours continu (xvie-xviie s.), éd. J. Lafond, Paris, Vrin, 1984, p. 27-50.
  • Floyd Gray, Le Style de Montaigne, Paris, Nizet, 1967 (ou 1958?).
  • Charles Gagnebin La Philosophie critique de Montaigne, Vevey, Éditions de l'Aire, 2007, 315 p.
  • André Gide Essai sur Montaigne, Paris, Éditions de la Pléiade, 1929.
  • Sophie Jama, L'Histoire juive de Montaigne, Paris, Flammarion, 2001.
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  • Madeleine Lazard, Michel de Montaigne (biographie), Paris, Éditions Fayard, 2002, (ISBN 2-213-61398-2).
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  • Charles-Augustin Sainte-Beuve, Causeries sur Montaigne, Paris, Honoré Champion, 2003.
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  • Jean Starobinski, Montaigne. Denken und Existenz, Frankfurt am Main, Fischer-Taschenbuch-Verlag, 1989 (ISBN 3-596-27411-7) (Fischer 7411 Fischer-Wissenschaft) (en allemand).
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  • Roger Trinquet, La Jeunesse de Montaigne, Paris, Nizet, 1972.
  • Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues, Fragments sur Montaigne, manuscrit édité et précédé d'une étude Vauvenargues et les philosophes par Jean Dagen, Champion, Paris, 1994 ; 128 p. (ISBN 978-2-85203-335-1).
  • Pierre Villey, L'influence de Montaigne sur les idées pédagogiques de Locke et de Rousseau, Paris, Hachette, 1911, 270 p. (lire en ligne).
  • Pierre Villey, Lexique de la langue des Essais de Montaigne et index des noms propres, 1933.
  • Pierre Villey, Montaigne devant la postérité, Paris, Boivin, 1935, 379 p.
  • Stefan Zweig, Montaigne, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1982.

Articles connexes

Vue d'artiste de Montaigne (huile sur toile anonyme, vers 1800-1820).
Statue de Michel de Montaigne, en marbre blanc par Dominique Fortuné Maggesi, 1858 (Bordeaux, esplanade des Quinconces).

Liens externes

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