Dolmen
Un dolmen est une construction mégalithique préhistorique constituée d'une ou plusieurs grosses dalles de couverture (tables) posées sur des pierres verticales qui lui servent de pieds (les orthostates). Le tout était originellement recouvert, maintenu et protégé par un amas de pierres et de terre nommé tumulus. Les dolmens sont généralement interprétés comme des tombes à chambre, des monuments funéraires ayant abrité des sépultures collectives[1],[2],[3].
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Les dolmens européens ont été construits entre le milieu du Ve millénaire av. J.-C. et la fin du IIIe millénaire av. J.-C., ceux d'Extrême-Orient au Ier millénaire av. J.-C.
Pour certains chercheurs, à côté de ces mégalithes, leurs équivalents en bois appelés, faute de terme créé pour les désigner, dolmens en bois, pourraient avoir existé[4].
Étymologie
Il semble que Théophile Malo Corret de La Tour d'Auvergne soit le premier à avoir utilisé le terme « dolmen », dans son ouvrage Origines gauloises. Celles des plus anciens peuples de l’Europe, puisées dans leur vraie source ou recherche sur la langue, l’origine et les antiquités des Celto-Bretons de l’Armorique, pour servir à l’histoire ancienne et moderne de ce peuple et à celle des Français, publié entre 1792 et 1796. Le terme « dolmen » est repris par Pierre Jean-Baptiste Legrand d'Aussy (1737-1800) qui propose une interprétation différente de la fonction du dolmen, en y voyant, non plus une table de sacrifice ou un autel comme le pensait Malo Corret, mais bien une sépulture.
Le , Legrand d’Aussy fait, à l’Institut National des Sciences et Arts, une lecture de son ouvrage, Des sépultures nationales, publié par la suite en 1824 :
« M. Coret, parlant d’une de ces tables que je ferai connaître bientôt, et qu’on voit à Locmariaker, dit qu’en bas-breton on l’appelle dolmin. Je saisis de nouveau cette expression, qui, comme les deux précédentes, m’est nécessaire. Dans un sujet totalement neuf, et dont par conséquent le vocabulaire n’existe pas, je suis forcé de m’en faire un ; et quoique, par mon droit, je fusse autorisé à créer des mots, je préfère néanmoins d’adopter ceux que je trouve existants, surtout quand ils me donnent, comme le bas-breton, l’espoir de représenter les anciennes dénominations gauloises. J’adopte donc le mot dolmine, et je vais l’employer pour désigner les tables dont je parle. »
Le terme semblerait forgé à partir des mots bretons : t(d)aol (apparenté au latin tabula), « table », et maen, « pierre ». Cependant, on dit généralement « liac’h ven »[5], « liaven », « lieven » ou « leven » dans les composés.
Certains dictionnaires étymologiques avancent que ce terme aurait été forgé outre-manche, à partir du cornique tolmen, qui aurait désigné à l’origine un cercle de pierres ou une pierre trouée[6].
Description
Dans leur état actuel de dégradation, les dolmens se présentent souvent sous l'apparence de simples tables. Ils ont longtemps pu faire penser à des autels païens, mais il s'agit bien de chambres sépulcrales et de galeries de tumulus (buttes artificielles), dont la partie meuble (remblai) a été érodée au cours des siècles. Leur architecture comporte parfois un couloir d'accès qui peut être construit en dalles ou en pierres sèches. La chambre sépulcrale, aux formes variables (rectangulaire, polygonale, ovale, circulaire…), peut aussi être précédée d'une antichambre. Dans certains dolmens, l'entrée présente une porte taillée dans une ou plusieurs dalles verticales.
La morphologie des dolmens peut varier en fonction des régions ; ainsi observe-t-on, par exemple en Loire-Atlantique, des dolmens dont le couloir central dessert plusieurs chambres, de part et d'autre, formant ainsi un ou deux transepts et compliquant notablement le plan de la sépulture.
En Bretagne, en région parisienne et dans d'autres pays, dans certains dolmens démesurément longs, la chambre et le couloir ont la même largeur et se confondent. Ils sont recouverts de plusieurs tables et sont appelés « allées couvertes ». La complexité et l'importance des monuments peuvent être telles que certains tumuli recouvrent plusieurs dolmens, comme le grand cairn de Barnenez (Finistère, France) qui couvre onze sépultures à couloir, les unes mégalithiques, et d'autres avec voûtes de pierres sèches, en encorbellement…
À l'opposé, la région des Cévennes est riche en tombes du genre coffre, souvent en dalles de schiste et pierres sèches, sans couloir, et sous un cairn assez bas, parfois réunis en nombre dans une nécropole de crête.
Les dolmens de plan simple (sans couloir) abondent dans tout le sud de la France avec plusieurs milliers d'unités.
Types de dolmens
Il existe trois types fondamentaux de dolmens. Chaque type principal peut se décliner en variantes locales caractérisant une culture néolithique spécifique ou résultant d'une phase transitoire résultant de différentes influences.
Les dolmens simples
La chambre ouvre directement sur l'extérieur. Ils sont généralement composés de deux à trois orthostates et d'une dalle de chevet. La chambre ainsi définie est de forme rectangulaire (dolmen dit de « type A ») ou polygonale (dolmen dit de « type B »)[7]. Ce type de dolmens est très répandu dans le sud-ouest (Aveyron, Lot) et le centre (Puy-de-Dôme) de la France. Ce type de construction connaît parfois des adaptions spécifiques très localisées :
- dolmens avec chambre compartimentée (Nécropole mégalithique de la Pointe du Souc'h) ;
- dolmens à cabinets latéraux où de petites cellules sont adossées à la chambre.
Les dolmens à couloir
Parfois aussi appelés tombes à couloir, ou dolmens à galerie (Passage Grave en anglais), les dolmens à couloir sont des dolmens où l'entrée de la chambre communique avec l'extérieur par un couloir, axial ou non, de dimensions très variables. Ce type de dolmen connaît de nombreuses déclinaisons locales :
- les sépultures en V qui se caractérisent par une chambre trapézoïdale, où la largeur interne et la hauteur sous dalle s'accroît depuis l'entrée vers le fond, raccordée sans rupture au couloir d'accès ;
- les dolmens transeptés qui se caractérisent par un couloir conduisant à une chambre terminale précédée d'un double jeu de chambres latérales dessinant une croix de Lorraine (Tumulus des Mousseaux, Dolmen de la Joselière) ;
- les dolmens coudés, où la chambre et le couloir dessinent une équerre, se rencontrent fréquemment dans le Morbihan ;
- les dolmens angevins, ou dolmens à portique, construction de taille monumentale composée d'une grande chambre précédée d'une antichambre surbaissée (La Roche-aux-Fées) ;
- les dolmens angoumoisins (Bougon dans les Deux-Sèvres) à chambre funéraire carrée, ou rectangulaire.
- les dolmens à chambres latérales, plusieurs chambres sont placées de chaque cotés du couloir (site de Larcuste Cairn II)
Structures simples | Les structures les plus simples comportent un couloir menant à une seule chambre | |
Chambres séparées | Dans ce cas le couloir mène à des chambres séparées. | |
Structures simples à plusieurs chambres | Ils comportent plusieurs couloirs menant chacun à une chambre englobé dans un seul cairn tel qu'à Larcuste Cairn I et Barnenez. Ces chambres peuvent êtres de types différents, il peut s'en trouver de type compartimentées | |
Chambres compartimentées | Certaines chambres pouvaient êtres compartimentées par des dalles formant un système de cloisons | |
Couloirs à chambres latérales | Ces structures sont composées d'un couloir menant à plusieurs chambres placées de chaque cotés tel que Larcuste Cairn II | |
Type Angevin | Ces structures comprennent une chambre principale précédée par une antichambre plus étroite et un portique. |
Les dolmens en allée couverte
Elles se caractérisent par une chambre très allongée, distincte ou non du couloir. L'allée couverte est emblématique de la culture Seine-Oise-Marne mais elle se retrouve avec des adaptations régionales en Bretagne (Côtes-d'Armor, Finistère) et jusqu'en Provence.
Fonction
Les dolmens étaient des sépultures collectives à caractère réutilisable. Cela explique que, dans certains dolmens, on ait pu découvrir les restes humains de plusieurs centaines d'individus et du mobilier de périodes différentes (Néolithique, âge du cuivre, du bronze, du fer, ou même périodes plus tardives). Un peu à l'image des caveaux familiaux de l'époque contemporaine, les dolmens pouvaient servir bien plus longtemps qu'aujourd'hui, et il est sûr que certaines tombes ont dû servir durant des siècles. Les ossements pouvaient être superposés en plusieurs couches et, pour faire de la place, subir une réduction ou une évacuation dans les couloirs[8].
L'expression « sépulture collective » n'implique pas forcément qu'il s'agisse d'un tombeau pour tous : au vu de la quantité d'ossements parfois assez faible découverte dans des sépultures de grande taille — monuments prestigieux —, on se demande si certaines n'étaient pas réservées à un groupe de privilégiés de la communauté.
L'interprétation, comme tombeau, ne doit peut-être pas être généralisée. Certains dolmens n'ont pas livré de restes humains de type sépulcral, mais cela peut être une conséquence de phénomènes taphonomiques, de l'érosion, de pillages, de fouilles anciennes peu méthodiques, ou de fouilles clandestines. Lors de son ouverture, le dolmen sous tumulus de Mané-er-Hroeh, à Locmariaquer ne contenait pas de restes humains[9].
Quant au tumulus, il n'avait pas qu'une utilité protectrice de la chambre funéraire, mais sans doute aussi une fonction de signalisation, voire d'ostentation : un grand tumulus, parementé, imposait sa masse au visiteur, devait inspirer le respect du lieu et conférer un prestige certain à la communauté qui l'avait érigé.
Par ailleurs, plusieurs trouvailles archéologiques (offrandes, autel, allées, etc.) font penser que ces monuments funéraires ont pu avoir une fonction religieuse. Même bien après la grande période d'érection des mégalithes en Europe, les peuples celtes les ont, semble-t-il, parfois utilisés à des fins religieuses, mais n'en sont pas pour autant les constructeurs, comme l'affirmèrent les premiers chercheurs celtomanes des XVIIIe siècle et XIXe siècle, qui rattachaient systématiquement les mégalithes aux Gaulois et aux Bretons.
Localisation
Cinquante mille dolmens auraient été recensés dans le monde, dont vingt mille en Europe.
Ils étaient très nombreux dans certaines régions de France et, si certains ont disparu, il en reste plus de 4 000, disséminés dans une soixantaine de départements. Pour schématiser l'implantation des dolmens en France, on peut partir de l'ouest du pays, avec la Bretagne, les Pays de la Loire, puis en descendant par le Poitou, pour ensuite rejoindre, plus au sud, les causses du Quercy et de l'Aveyron et, enfin, arriver en bord de mer Méditerranée, au Languedoc (voir carte), et en Roussillon ( Campoussy - Arboussols, etc.). Ils sont nombreux en Aveyron (1 000 dolmens), Bretagne, Pays de la Loire, Quercy (800 dolmens), Ardèche (800 dolmens dans ce seul département), Poitou, Charentes et en Languedoc (au moins 700 dolmens). La Provence en compte une centaine.
On en trouve aussi en Irlande, au Pays de Galles avec, notamment, les portal dolmens ou passage graves (Tombe à couloir), dans les comtés anglais du Devon et de Cornouailles. Au Portugal, on recense les sites spectaculaires du Haut-Alentejo, près de la ville d'Evora. Dans le sud de l'Espagne, les sites remarquables d'Antequera, qui comptent parmi les dolmens les plus imposants et les plus anciens au monde.
En Belgique, où l'on recense 120 vestiges de dolmens et de menhirs, tels que ceux d'Oppagne et de Barvaux-sur-Ourthe, les mégalithes du domaine de Wéris, près de Durbuy (dont le dolmen de Weris et les menhirs et cromlechs qui ont subsisté dans la même région), ainsi que des sépultures en grotte sous rocher, les Blancs Cailloux de Mousny, les pierres levées de Neerwinden et de Manderfeld, la tombelle de Tourinnes-Saint-Lambert[10],[11], et jusque dans une commune bruxelloise, avec le Tomberg, tumulus détruit au XVIIIe siècle, mais dont il existe des traces de l'inventaire des objets qu'il contenait.
En Scandinavie, en Allemagne du Nord et aux Pays-Bas, ces vestiges sont appelés hunebed ou hunegraf. L'Afrique du Nord et l'Inde contiennent de tels vestiges et, plus modestement, la Syrie, l'Éthiopie et la Crimée (Ukraine). En Tunisie, la nécropole à dolmens du Djebel Gorra, située près de la petite ville de Thibar, sur la route qui mène à Téboursouk, présente deux à trois cents sépultures mégalithiques bien reconnaissables.
La Corée recèle, à elle seule, 30 000 dolmens, de différents types, élevés durant le Ier millénaire av. J.-C., et selon des techniques évolutives. On en trouve également au Japon, mais de période beaucoup plus récente.[réf. nécessaire]
Sur le continent américain, le livre-référence très détaillé, "Les découvertes des Amériques avant Colomb" de Hans-Joachim Zillmer, détaille les structures mégalithiques telles que les dolmens, menhirs, cromlechs, cairns, et autres tumulus. Celles-ci sont nombreuses sur le territoire nord-américain, principalement dans le Nord-Est, Massachusetts, New Jersey, New-York, Connecticut, et les états côtiers. Des photos d'archives, souvent en noir et blanc, figurent dans l'ouvrage. En Amérique du Sud, ces structures sont aussi présentes, par exemple en Argentine.
Galerie
- Carte postale du dolmen de Ménardeix vers 1920.
- La Roche-aux-Fées, Bretagne, France.
- Le dolmen de Chianca Pouilles.
- Le Dolmen de Sa Coveccada Sardaigne.
- Dolmen du Poitou, France.
- Dolmen de Paço das Vinhas, Portugal.
- Dolmen de Barrocal, région d'Évora, Portugal.
- Dolmen de Dougga, Tunisie.
- Vue intérieure vers l'entrée du dolmen de Gallardet, France.
Notes et références
- Jean Arnal, « Petit lexique du mégalithisme », sur persee.fr.
- R. Joussaume, J. Leclerc et J. Tarrête, « Dolmen », in : A. Leroi-Gourhan, Dictionnaire de la Préhistoire, Paris, éd. PUF, 1988, pp. 325-326.
- R. Joussaume, « Dolmen », in : D. Vialou, La Préhistoire - Histoire et dictionnaire, Paris, éd. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2004, p. 540.
- Charles-T. Le Roux et Jean-L. Monnier, « Des menhirs en bois ? », La Recherche, no 360, , p. 21
- Louis Le Pelletier, 1752, Dictionnaire de la langue bretonne, nouvelle édition en 1975, Rennes, Bibliothèque municipale.
- Définitions lexicographiques et étymologiques de « dolmen » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
- Sylvie Amblard, Inventaire des mégalithes de la France, 8-Puy-de-Dôme, Paris, CNRS, , 104 p. (ISBN 2-222-03207-5), p. 80
- Jean-Noël Guyodo et Audrey Blanchard, « Histoires de mégalithes : enquête à Port-Blanc (Saint-Pierre-Quiberon, Morbihan) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, nos 121-2, , p. 12-13 (DOI 10.4000/abpo.2772, lire en ligne).
- Gwenc’hlan Le Scouëzec & Jean-Robert Masson, Bretagne mégalithique, Paris, Seuil, 1987, p. 207 (ISBN 2020098237).
- 120 dolmens et menhirs en Gaule belge, Willy et Marcel Brou (sous le patronage du Touring-Club de Belgique, 1973)
- Nos pierres et leurs légendes, Willy et Marcel Brou, Ed. Techniques et Scientifiques, Bruxelles, 1979
Voir aussi
Bibliographie
- Roger Joussaume, Des dolmens pour les morts, éditions Hachette, 1985.
- Gwenc’hlan Le Scouëzec & Jean-Robert Masson, Bretagne mégalithique, éd. Seuil, 1987 (ISBN 978-2-02-009823-6).
- Jean Markale, Dolmens et Menhirs: la civilisation mégalithique, ed. Payot & Rivages, 1994, illustrations Môn Rigole (présentation sur Google Book)
- Salvatore, Piccolo (2013). Ancient Stones: The Prehistoric Dolmens of Sicily. Abingdon/UK: Brazen Head Publishing. (ISBN 978-0-9565106-2-4).
- Daniel Riba, Dolmens & menhirs de Provence, Nice, Équilibres, Éditions Serre, , 141 p. (ISBN 2-86410-050-9)
- Jean-Sébastien Pourtaud et Yves Olivet, Dolmens, menhirs, tumulus et pierres de légendes de Charente-Maritime. Ed.Le Croît vif.2015