Fête de la Fédération
La Fête de la Fédération est la fête célébrée le , premier anniversaire de la prise de la Bastille, l'un des événements inauguraux et emblématiques de la Révolution française, sur le Champ-de-Mars, à Paris. Louis XVI, roi de France, assiste à cette fête et y prête serment à la Nation et à la loi dans un climat d'unité nationale, en présence des députés des 83 départements de l'époque.
Une seconde fédération a lieu le , deux ans plus tard ; mais l'union et l'entraînement qui avaient marqué la première font déjà place à la méfiance. Pendant les Cent-Jours (1815), on tente de renouveler les anciennes fédérations à Paris et en Bretagne sans résultat.
Fête de la réconciliation et de l’unité
Origine
Un grand nombre de départements avaient institué des fêtes civiques pour la prestation du serment civique. Dans ces fêtes, la milice populaire, les gardes nationales des districts fraternisent avec les troupes de ligne.
Ce sont ces fêtes civiques spontanées qui inspirent l'idée d'une grande fête d'union nationale aux députés de l'Assemblée constituante et au marquis de La Fayette, homme de confiance du roi Louis XVI.
Fête de la Fédération de Lyon, le 30 mai 1790
Le , la municipalité de Lyon organise une grande fête civique : les 28 bataillons de la garde nationale de Lyon et des délégations des départements voisins défilent et s'assemblent dans le « Grand-Camp », à l'extérieur de la ville dans la plaine des Brotteaux, où l'on a construit pour l'occasion un temple de la Concorde et un rocher surmonté par une statue de la liberté portant d'une main une pique surmontée du bonnet phrygien et de l'autre une branche d'olivier. Un vaste public est spectateur. Une messe est célébrée par le curé de la paroisse Saint-Georges, l'abbé Benoît-Nizier Servier[3]. Le serment suivant est prononcé[4] :
« Nous, députés des détachements des différentes gardes nationales rassemblées sous les murs de Lyon, pénétrés de l'importance de la mission sacrée qui nous a été confiée par nos commettants,
Jurons sur l'autel de la patrie, et en présence de l'Être suprême, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, d'exécuter et de faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés ou acceptés par le roi.
Nous jurons d'être inviolablement attachés à ce grand principe de la liberté individuelle, de protéger les propriétés particulières et les propriétés déclarées nationales, d'assurer la perception de tous les impôts ordonnés pour le maintien de la force publique, d'entretenir la libre circulation des subsistances dans toute l'étendue du royaume, de maintenir, partout où nous serons appelés, l'ordre et l'harmonie, sans lesquels les sociétés se détruisent au lieu de se perpétuer.
Nous jurons enfin de regarder comme ennemis irréconciliables tous ceux qui tenteraient de porter atteinte à la nouvelle Constitution ; et nous reposant avec confiance sur la Providence qui soutient notre patriotisme, nous promettons de sacrifier nos fortunes et nos vies pour conserver à nos descendants cette liberté après laquelle nous soupirions depuis si longtemps. »
Aménagement du Champ-de-Mars
À l’imitation des fédérations régionales de gardes nationales qui commencent dans le Midi dès août 1789 et s’étendent à toute la France, La Fayette, commandant de la Garde nationale de Paris, fait organiser à Paris pour l’anniversaire de la prise de la Bastille une fête nationale de la Fédération.
Dès le , 1 200 ouvriers commencent les travaux de terrassement. Ils sont nourris, mais mal payés et, quand on leur reproche leur lenteur, ils menacent de quitter le chantier[réf. nécessaire]. Il s’agit de transformer le Champ-de-Mars en un vaste cirque, d’une capacité de 100 000 spectateurs, au centre duquel doit s’élever l’autel de la patrie. On fait appel à la bonne volonté des Parisiens. Ils répondent en masse. Louis XVI vient de Saint-Cloud donner un coup de pioche, La Fayette, en manches de chemise, travaille comme un ouvrier. C'est bientôt une fourmilière humaine, où les ouvriers du faubourg Saint-Antoine côtoient les nobles, où les moines côtoient les bourgeois, où les courtisanes donnent la main aux dames des beaux quartiers. Les charbonniers, les bouchers, les imprimeurs viennent avec leurs bannières décorées de tricolore. On chante le Ah ! ça ira et autres couplets patriotiques. Les soldats se mêlent aux gardes nationaux. On héberge les fédérés venus de la province ; ils sont au moins 50 000[5],[6].
Déroulement de la Fête de la Fédération
La Fête de la Fédération a lieu le , pendant la Révolution française, un an jour pour jour après la prise de la Bastille. Les fédérés défilent avec leurs tambours et leurs drapeaux ; ils sont 100 000, y compris ceux de Paris. Les Parisiens prennent place sur les talus qu’on a élevés autour de l’esplanade. Louis XVI arrive de Saint-Cloud et prend place dans le pavillon dressé devant l’École militaire. La participation de la foule est immense, très enthousiaste, malgré le mauvais temps.
La Fayette, commandant de la Garde nationale, en grand uniforme, arrive sur un cheval blanc et monte sur l’estrade. Il prête serment le premier, au nom des gardes nationaux fédérés : « Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi et de protéger conformément aux lois la sûreté des personnes et des propriétés, la circulation des grains et des subsistances dans l'intérieur du royaume, la prescription des contributions publiques sous quelque forme qu'elle existe, et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité. ».
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, évêque d’Autun, célèbre la messe, entouré de 300 prêtres en surplis de cérémonie. En montant sur l'estrade, il aurait dit à La Fayette : « Par pitié, ne me faites pas rire »[7].
Puis c'est au tour du président de l'Assemblée de prêter serment au nom des députés et des électeurs.
Enfin, le roi prête à son tour serment de fidélité aux lois nouvelles : « Moi, roi des Français, je jure d'employer le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'État, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois ».
La reine, se levant et montrant le Dauphin, déclare : « Voilà mon fils, il s'unit, ainsi que moi, aux mêmes sentiments ». Le Marquis de Ferrières se souvient que : « ce mouvement inattendu fut payé par mille cris de : vive le roi, vive la reine, vive Monsieur le dauphin! »[8]
La multitude prête serment et on entonne un Te Deum, puis on se sépare au milieu des embrassements et des vivats dont beaucoup s’adressent à Louis XVI. Ferrières raconte : « C’était un spectacle digne de l’observation philosophique que cette foule d’hommes venus des parties les plus opposées de la France, entraînés par l’impulsion du caractère national, bannissant tout souvenir du passé, toute idée du présent, toute crainte de l’avenir, se livrant à une délicieuse insouciance. »
À l’étranger, dans plusieurs villes, notamment à Hambourg, on célèbre l’anniversaire de la prise de la Bastille.
Postérité
Fête nationale française
Le , le 14 juillet devient officiellement jour de la Fête nationale française, sur proposition du député Benjamin Raspail. L'année 1789 (prise de la Bastille chère aux républicains) ou 1790 (fête de la fédération chère aux conservateurs) n'est pas spécifiée par la loi afin de satisfaire les deux courants de l’époque.
Serment civique
La Fête de la Fédération institue le serment civique, inaugurant une série de serments républicains[9].
Historiographie
L'historien Jules Michelet lui consacre deux longs chapitres de son Histoire de la Révolution française[10], contre un petit chapitre pour Edgar Quinet[11] et quelques pages pour Adolphe Thiers[12].
Plus récemment, Mona Ozouf consacre un chapitre entier à cette seule fête dans La fête révolutionnaire, 1789-1799[13].
Iconographie
La Fête de la Fédération a donné lieu à une importante iconographie : Hubert Robert, Charles Thévenin, François Louis Swebach-Desfontaines, Jean-François Janinet, Moreau le Jeune et Pierre-Antoine Demachy l'ont représentée.
Le mouvement fédéraliste « La Fédération » a coorganisé le un colloque scientifique pour le 220e anniversaire de la Fête de la Fédération ()[14],[15].
Voir aussi
Bibliographie
- Pascal Dupuy (dir.), La fête de la Fédération, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, coll. « Changer d'époque » (no 25), , 159 p. (ISBN 978-2-87775-565-8, présentation en ligne).
- Adolphe Thiers, La fête de la Fédération, in Chrestomathie française, ou choix de morceaux tirés des meilleurs écrivains français, Volume 2 par Alexandre Vinet, 1838, p. 128-131, [lire en ligne].
- Récit exact et circonstancié de tout ce qui s'est passé à Paris le à la Fédération [lire en ligne] incluant notamment l'Hymne pour la fête de la Fédération, de Marie-Joseph Chénier, dans Chrestomathie française, ou choix de morceaux tirés des meilleurs écrivains français, Volume 2 Par Alexandre Vinet, 1838, p. 182, [lire en ligne].
- Alain Charles Gruber, Les décors élevés à Paris pour la fête de la Fédération le [lire en ligne], dans Les grandes fêtes et leurs décors à l'époque de Louis XVI, page 149 et suivantes, 1972.
- Jean-Louis Courriol, Les préparatifs de la Fête de la Fédération au Puy, juillet 1790 : in Cahiers de la Haute-Loire 1965, Le Puy-en-Velay, Cahiers de la Haute-Loire, (lire en ligne)
Articles connexes
Notes et références
- « Les 100 000 fédérés ».
- « La Fête de la Fédération », Max Gallo, dans Le Figaro, 1er janvier 1970.
- Jean-Baptiste Monfalcon, Histoire de la ville de Lyon, Volume 2, Guilbert et Dorier, 1847, p. 884-885.
- A. Ray, Réimpression de l'ancien Moniteur : seule histoire authentique et inaltérée de la révolution française depuis la réunion des États-généraux jusqu'au consulat (mai 1789-novembre 1799), volume 4, H. Plon, 1860, p. 550.
- Max Gallo, La Fête de la Fédération, , [lire en ligne].
- Ernest Lavisse, Philippe Sagnac ,Histoire de la France contemporaine depuis la Révolution jusqu'à la paix de 1919, 1er juillet 1970, [lire en ligne].
- Le mot est maintes fois cité, adressé suivant les sources à des personnes différentes, cf. par exemple l'Encyclopédie Larousse. Dans Monsieur de Talleyrand (1835), Charles Maxime Catherinet de Villemarest écrit : « Nous bornerons donc à raconter la part que prit l'évêque d'Autun à cette cérémonie imposante pour les spectateurs, mais qui peut-être parut ridicule à ceux qui en furent les acteurs. On sait qu'au moment où il se rendit à l'autel pour y célébrer la messe, l'évêque ayant aperçu le commandant de la garde nationale, M. de Lafayette, placé près de lui, lui dit tout bas : « Ah ça ! je vous en prie, ne me faites pas rire. »
- Charles-Élie Marquis de Ferrières, Mémoires du marquis de Ferrières : avec une notice sur sa vie, des notes et des éclaircissements historiques, Volume 3, Bruxelles, Wahlen, (lire en ligne), pp.21-22.
- Mélanges républicains.
- Jules Michelet, Histoire de la Révolution française, Paris, Chamerot, 1847, tome II, livre III, chapitre XI : « De la religion nouvelle. Fédérations (juillet 89-juillet 90) » et chapitre XII : « De la religion nouvelle. Fédération générale (14 juillet 1790) », p. 161-195.
- Edgar Quinet, La Révolution, Paris, A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, 1866, tome 1, livre sept : « Varennes », chapitre 1 : « Fédération », p. 251-253.
- Adolphe Thiers, Histoire de la révolution française, Bruxelles, J.-P. Meline, 1834, tome 1, chapitre V, p. 167-175.
- Mona Ozouf, La fête révolutionnaire, 1789-1799, Paris, Gallimard, 1976, chapitre II : « La fête de la Fédération : le modèle et les réalités ».
- « Actualités de la Recherche à l’École Doctorale II », sur site officiel de l'université Paris-Sorbonne, (consulté le ).
- « Commémorer la fête de La Fédération et contribuer au débat sur l’identité nationale », sur site de l'hebdomadaire France catholique, (consulté le ).
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