Film de guerre
Un film de guerre est un film traitant le thème de la guerre, en s'attardant généralement sur l'aspect naval, aérien, ou terrestre des conflits. Il a été fortement associé au 20e siècle[1]. Les thèmes explorés incluent le combat, la survie et l'évasion, la camaraderie entre soldats, le sacrifice, la futilité et l'inhumanité de la bataille, les effets de la guerre sur la société et les problèmes moraux et humains soulevés par la guerre.
Chronologie
Du tabou à la propagande
Le film de guerre devint un genre en soi à partir de la Seconde Guerre mondiale. Jusque-là, les conflits relevaient du film historique (Guerre de Sécession avec le western, guerres de l'Antiquité avec le péplum...). Les conflits contemporains étaient tabous : en France, le film d'André Malraux Espoir, sierra de Teruel tourné dans les années 1930 au moment de la guerre d'Espagne, a été interdit jusqu'en 1945.
En Amérique, également, on ne parlait pas des guerres du moment malgré les mouvements antinazis qui apparaissaient notamment dans les milieux intellectuels (Alfred Hitchcock ne tourna Correspondant 17 qu'en 1940). L’attaque de Pearl Harbor le lèvera les derniers tabous pour évoquer le conflit mondial. Remember Pearl Harbor (en) de Joseph Santley fut distribué en , soit à peine deux mois après l’attaque japonaise. Le film ne laissa pas de trace dans l’histoire du cinéma. En revanche, Sergent York réalisé par Howard Hawks et La Bataille de Midway, court-métrage de 17 minutes de John Ford, reçurent Oscars et succès public en 1942. La plupart des films de guerre américains des années 1940 étaient faits pour créer un consensus à l'encontre de l'ennemi.
Les films avaient alors un rôle de propagande. Cela se retrouvait dans les autres pays évidemment. Les producteurs de l’Axe (Allemagne/Japon) et de l’Alliance (Grande-Bretagne et États-Unis) trouvèrent dans les conflits mondiaux matière à des films héroïques qui prenaient pour cadre la vie dans les bases militaires, dans les camps de prisonniers, dans les usines d’armement ou encore sur les navires de guerre.
De l’héroïsme à la polémique
En Europe, la Première Guerre mondiale avait apporté le pacifisme, et la Seconde Guerre mondiale n'a pu que le renforcer. Il était donc devenu, après 1945, impossible d'y réaliser des films à la gloire de la guerre. Cependant, les États-Unis ont beaucoup moins connu les souffrances liées à la guerre, ne l'ayant pas subie sur leur propre sol depuis la Guerre de Sécession, achevée en 1865.
Ces mêmes thèmes allaient servir de base à la production hollywoodienne des années 1950 et 1960. Ainsi, le grand succès des années 1960, La Grande Évasion (The Great Escape) avec Steve McQueen, reprend-il l’un des thèmes récurrents de la production anglaise des années de guerre : l’évasion des camps. La Grande Évasion, comme Le Jour le plus long ou Tora ! Tora ! Tora !, pour ne citer que les grands classiques, appartiennent aux œuvres qui exaltent les aspects les plus spectaculaires de la guerre et rendent hommage à l’héroïsme des combattants. Pourtant, à la même période, le cinéma américain devient plus critique. Dès 1945, Le Commando de la mort montre une troupe d'infanterie ayant pour unique objectif de survivre. En 1957, Stanley Kubrick livre avec Les Sentiers de la gloire (Paths of Glory) une émouvante démonstration de l’absurdité de la guerre. Il récidivera en 1964 avec Docteur Folamour. Dans Le Pont de la rivière Kwaï, on montre des soldats démoralisés et l’opposition de classe entre les officiers et les simples soldats.
Il fallut donc le traumatisme de la très médiatisée guerre du Viêt Nam pour que les films de guerre américains ne puissent plus faire l'apologie de la guerre, et soient forcés par l'opinion d'en montrer également les souffrances. La guerre du Vietnam amènera les cinéastes à aller beaucoup plus loin pour dénoncer les conséquences de la guerre. Que ce soit Voyage au bout de l'enfer, Apocalypse Now, Full Metal Jacket, Outrages, la trilogie d’Oliver Stone (Platoon, Né un 4 juillet et Entre ciel et terre) ou même M*A*S*H, le spectateur est amené à s’interroger sur le sens de l’histoire.
- En France, le genre est peu développé. La guerre d'Algérie a longtemps été passée sous silence et le thème de la guerre est rarement abordé de front (La Victoire en chantant de Jean-Jacques Annaud, Un taxi pour Tobrouk de Denys de La Patellière, sans oublier Week-end à Zuydcoote et Les Morfalous, deux films de Henri Verneuil avec Belmondo). On préfère les films qui évoquent la Résistance. Même si récemment, le film L'Ennemi intime de Florent-Emilio Siri d'après le livre de Patrick Rotman, marque la volonté de lever le silence et de dévoiler les aspects sombres de l'Algérie française. Globalement les producteurs et surtout les critiques français renvoient une image relativement antimilitariste, les films qui évoquent l'armée française sous un aspect glorieux sont très souvent descendus par les critiques, par exemple on a énormément reproché au film Forces Spéciales d'avoir pu bénéficier de moyens mis à disposition par l'armée française lors de la réalisation, alors qu'en comparaison, le film Les Larmes du Soleil, dont le scénario est sensiblement identique et qui a également bénéficié de moyen mis à disposition par l'armée des États-Unis, a reçu des critiques élogieuses. Dans l'Hexagone, c'est aujourd'hui compliqué d'évoquer l'armée française dans un film sans faire un parallèle avec une morale anticolonialiste ou la torture.[réf. nécessaire]
- En Allemagne, Le bateau et ses sous-mariniers désillusionnés est le plus célèbre. Citons encore la vision du hollandais Paul Verhoeven dans Le Choix du destin (Soldaat von Oranje) qui montrait l'ambiguïté de la résistance à travers les choix d'un groupe d'amis et celle de Peter Weir dans Gallipoli qui raconte la tragique histoire d'amitié entre deux jeunes idéalistes (dont Mel Gibson) qui s'engagent dans l'armée pendant la Première Guerre mondiale.
- En Italie, dans la mouvance du western spaghetti dans les années 1960, beaucoup de ces films du genre ont progressivement évolué vers le film de guerre en dépeignant sous une image sale la Révolution mexicaine de 1910. Ainsi, dans des films comme Il était une fois la révolution de Sergio Leone ou El mercenario de Sergio Corbucci, les révolutionnaires sont finalement la plupart du temps des bandits recherchant plus un gain matériel qu'un véritable changement pour le pays. Hautement politisées, ces œuvres ont déclenché une polémique au Mexique.
Un genre comme un autre
Aujourd’hui, la polémique autour des films de guerre a pratiquement disparu : tout le monde est d’accord pour dire que la guerre constitue un spectacle d’horreur. Sous réserve de reprendre ce message (et quelques clichés), les productions hollywoodiennes peuvent donc considérer le film de guerre comme un genre comme un autre. La guerre n'est plus alors que le contexte pour raconter une histoire. La guerre perd tout aspect politique dans la majorité de la production de fiction.[réf. nécessaire] À la fin des années 1990, on trouvait sur les écrans :
- le film de guerre divertissement avec Les Rois du désert,
- le film de guerre « Jules et Jim » avec Pearl Harbor,
- le film de guerre mélo avec Harrison's Flowers,
- le film de guerre sans guerre avec Tigerland.
Le conflit en Irak va faire revenir fortement une conscience politique sur l'écran, mais c'est le documentaire qui va reprendre alors le rôle politique du film de guerre (Fahrenheit 9/11, The fog of war, Iraq in fragments...).
Clichés et points de vue
Les films de guerre (comme les films de chaque genre) sont associés à un certain nombre de clichés : par exemple dans de nombreux films des années 1940 et 1950, l'unité suivie était ethniquement diverse, mais les personnages n'étaient que peu développés en dehors de leur origine. L'officier était généralement le personnage principal, brave jusqu'à la témérité ; tout soldat faisant part de ses projets d'après guerre devait mourir peu de temps après, de même que tout personnage manquant de patriotisme ou de courage (d'une mort qui concourait souvent avec un sursaut d'héroïsme).
Cependant, d'autres films se veulent plus proches de la vérité historique, comme Platoon d'Oliver Stone sur la guerre du Viêt Nam ou Les Sentiers de la gloire sur la Première Guerre mondiale. Dans ce sens, Steven Spielberg a filmé un débarquement de Normandie très réaliste dans la première demi-heure de Il faut sauver le soldat Ryan (1998).
Outre le réalisme, le double point de vue permet de donner une vision plus objective d'un conflit. Clint Eastwood a ainsi filmé deux films de la bataille d'Iwo Jima de 1945, l'un avec le point de vue de soldats américains (Mémoires de nos pères), l'autre du point de vue japonais (Lettres d'Iwo Jima).
Pour décrire l'absurdité de la guerre, certains auteurs s'intéressent davantage à l'intégrer dans un parcours en montrant l'avant et l'après. Voyage au bout de l'enfer (1978) de Michael Cimino et Flandres (2006) de Bruno Dumont reprennent cette construction en triptyque. Outrages (1989) de Brian De Palma ne comprend que pendant et après. Né un 4 juillet (1989) en reprend uniquement la dernière partie. D'autres réalisateurs montent des images tournées par les soldats eux-mêmes, à l'insu de leur hiérarchie, comme le documentaire C'est pas le pied, la guerre ?[2], tourné en Afghanistan à l'été 2008[3].
Plus récemment, Démineurs de Kathryn Bigelow, film basé sur la guerre d'Irak, a obtenu 6 Oscars en 2010.
De nombreux films de guerre ont été produits avec la coopération des autorités militaires. Cette stratégie a pour but de financer les films les plus patriotiques ; un film très critique vis-à-vis de l'armée n'ayant évidemment pas droit à ce financement.
Notes et références
- Neale 2000, p. 117.
- Guy Assouline, « Des soldats filment la guerre en caméra embarquée », sur Le Figaro, (consulté le )
- Pierre Challier, « Castres. Afghanistan : quand nos soldats filment la guerre », sur ladepeche.fr, (consulté le )
Bibliographie
- Edward Dolan (trad. de l'anglais par Michèle Delagneau), Hollywood s'en va-t-en guerre [« Hollywood goes to war »], Paris, Éditions Atlas, , 176 p. (ISBN 978-2-731-20525-1).
- Pierre Tchernia et Jean-Claude Romer, 80 grands succès: les films de guerre, Paris, Casterman, , 93 p. (ISBN 978-2-203-29810-1).
- Pierre Gabaston, "La 317e section", film de guerre, ou, La longue marche des hommes : essai, Paris, France, L'Harmattan, coll. « De visu », , 132 p. (ISBN 978-2-747-58521-7).
- Patrick Brion (préf. François Cochet), Le cinéma et la guerre de 14-18, Paris, Riveneuve, coll. « Cinéma », , 223 p. (ISBN 978-2-360-13195-2).
- Laurent Véray, La Grande Guerre au cinéma de la gloire à la mémoire, Paris, Ramsay, coll. « cinéma », , 230 p. (ISBN 978-2-841-14992-6).
- Karl Kraus, Laurent Véray (dir.) et David Lescot (dir.), Les mises en scène de la guerre au XXe siècle théâtre et cinéma, Paris, Nouveau monde éditions, coll. « Culture-médias. », , 692 p. (ISBN 978-2-847-36576-4).
- Patrick Brion, Le Cinéma de guerre : les grands classiques américains : des "Cœurs du monde" à "Platoon, Paris, Editions de la Martinière, , 360 p. (ISBN 978-2-732-42262-6).
- Sébastien Denis, Le cinéma et la guerre d'Algérie la propagande à l'écran, des origines du conflit à la proclamation de l'indépendance, 1945-1962, Alger, Editions Sédia, , 315 p. (ISBN 978-9-947-87260-4).
- Pascal Vennesson (dir.), Guerres et soldats au cinéma, Paris, Harmattan, coll. « Champs visuels », , 302 p. (ISBN 978-2-747-58450-0).
- Paul Virilio, Guerre et cinéma, Paris, Les Cahiers du cinéma, coll. « Essais », (ISBN 978-2-866-42108-3).
- Michel Jacquet, Nuit américaine sur le Viêt-nam. Le cinéma U.S. et la "sale guerre", Anovi, 2009.
- Philippe d' Hugues (dir.) et Hervé Coutau-Bégarie (dir.), Le cinéma et la guerre, Paris, Commission française d'histoire militaire Institut de stratégie comparée, EPHE IV-Sorbonne Economica, coll. « Bibliothèque stratégique », , 184 p. (ISBN 978-2-717-85107-6).
- André Muraire, Hollywood-Vietnam : la guerre du Vietnam dans le cinéma américain, mythes et réalités, Paris, M. Houdiard, (ISBN 978-2-356-92044-7).
- Sylvie Lindeperg, Les écrans de l'ombre : la Seconde Guerre mondiale dans le cinéma français (1944-1969), Paris, CNRS Éditions, coll. « CNRS Histoire », , 443 p. (ISBN 2-07-074312-8, présentation en ligne). Nouvelle édition augmentée : Sylvie Lindeperg, Les écrans de l'ombre : la Seconde Guerre mondiale dans le cinéma français (1944-1969), Paris, Éditions Points, coll. « Points. Histoire » (no H490), , 567 p., poche (ISBN 978-2-7578-3746-7).
- Jean-Pierre Andrevon, Encyclopédie de la guerre au cinéma et à la télévision, Paris, Vendémiaire, , 572 p. (ISBN 978-2-363-58304-8).
- Stephen Neale, War Films, Psychology Press, , 117–124 p. (ISBN 978-0-415-02606-2, lire en ligne)
- Jean-Christophe Piot, « Du Soldat Ryan à Game of Thrones : pourquoi filmer la guerre est-il si compliqué ? : Entretien avec Jean Michelin, Bénédicte Chéron et Fadi El Hage », Blog Déjà vu sur franceinfo.fr, .
Article connexe
- Films sur la Seconde Guerre mondiale
- En ligne de mire, comment filmer la guerre ?, documentaire français de Jean-Baptiste Thoret (2016).
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