Habitation Clément

L'habitation Clément, appelée autrefois Habitation de l'Acajou, est une ancienne habitation sucrière située sur la commune du François en Martinique.

Pour les articles homonymes, voir Clément.

Habitation Clément
Maison du maître de l'habitation
Informations générales
Type
Surface
16 ha (arbres et plantes tropicales)
Site web
Collections
Collections
habitation, musée et parc
Bâtiment
Protection
Localisation
Pays
Région
Commune
Adresse
Domaine de l'Acajou à Le François (97240)
Coordonnées
14° 36′ 07″ N, 60° 54′ 25″ O
Localisation sur la carte des Petites Antilles
Localisation sur la carte de la Martinique

La distillerie actuelle a été fondée par Homère Clément, un des tout premiers médecins de couleur de l'île, après son rachat de l'Habitation de l'Acajou en 1887. Rapidement, le rhum Clément acquiert une réputation internationale qu'il conserve aujourd'hui[1]. Désormais la distillation n'est plus réalisée sur place, mais le vieillissement se fait toujours dans plusieurs chais visitables.

L'habitation, un temps à l'abandon, est aujourd'hui un centre d'interprétation du rhum et un musée d'art contemporain. Avec près de 100 000 visiteurs chaque année, elle est un des sites touristiques les plus visitées de Martinique[2].

Histoire

Des petites habitations de 1770 au grand Domaine de l'Acajou

Une carte dressée par l’ingénieur Moreau du Temple en 1770, montre sur le site l’existence de plusieurs petites habitations, nom désignant les exploitations agricoles coloniales. Autour de l'Habitation Litré, qui prendra plus tard le nom d'Acajou, se dressent les Habitations La Place, Sainte-Suzanne et Vincenot, du nom de leurs propriétaires. Dans chacune d'elles se trouve une maison du maître (ou du géreur), un village d'esclaves, et des bâtiments agricoles entourés de plantations[3].

Louis Hodebourg-Desbrosses, béké propriétaire de l’Acajou, qui couvre alors 46 hectares, s’associe en 1798 à Jean-Modeste Simon de Bassigny pour exploiter l’habitation. Ce dernier s'installe sur dans la maison principale, dirige l'exploitation et gère les comptes[3].

En 1808, Simon de Bassigny rachète les parts de son associé ainsi que l'habitation voisine, celle de Soubeyran (anciennement La Place), également propriété des Hodebourg-Desbrosses, qu'il rattache à l'Acajou. l'ensemble forme alors un domaine de 124 ha[4]. En 1818, il revend l'habitation à Louis Marie Hodebourg-Desbrosses, fils de l'ancien propriétaire[3].

Des investissements sont faits pour renouveler l'outil industriel avec l'installation d'un moulin à vapeur, et le doublement de la population d'esclaves[3]. Ces derniers proviennent soit de la traite négrière, soit sont nés sur la plantation (créolisation), soit sont achetés à d'autres propriétaires. Leur population passe de 30 individus en 1798, à 81 en 1836[3]. Ils ont une espérance de vie qui est en moyenne de 35 ans sur les habitations coloniales[5].

La prise en main par Françoise Maillet en 1844

La békée Françoise Virginie de Franqueville, épouse d’Amédée Maillet[6], acquiert l’Acajou en 1844. Elle va la diriger durant 42 ans.

Pour alimenter en canne le moulin à vapeur de dix chevaux, Françoise Maillet, achète en 1847 les terres de deux habitations voisines, Chéry (anciennement Sainte-Suzanne) et Bagatelle (anciennement Vincenot), créant ainsi un domaine étendu sur 160 hectares.

L'abolition de l’esclavage en 1848

A l'abolition de l'esclavage, en 1848, Françoise Maillet est contrainte de signer des contrats d’association avec 51 de ses anciens esclaves. Cela se traduit par une hausse du coût de la production, et un effondrement de la rentabilité[7]. En 1854, elle compense le manque de main d’œuvre par l'importation de travailleurs immigrés en provenance des comptoirs français aux Indes.

En 1867, Françoise Maillet ferme sa sucrerie du Domaine de l’Acajou et livre ses cannes à la nouvelle usine du François dont elle est l'un des principaux actionnaires[3].

Au début des années 1880, faisant également face à l'émergence du sucre de betterave en métropole, l'exploitation tombe en faillite. En 1886, le Crédit foncier colonial saisit l’habitation en paiement des dettes de Françoise Maillet[4].

Le rachat par Homère Clément en 1887

Le , l'homme d'affaires Homère Clément, également premier médecin métis de Martinique, fait l’acquisition aux enchères du domaine Acajou. Il s’installe avec sa famille dans la maison principale et devient planteur, livrant sa canne à sucre à l’usine du François pendant 30 ans.

En 1917, poussé par l’effort de guerre, Homère Clément construit une distillerie sur le domaine de l’Acajou. En effet, durant la Première Guerre mondiale, les autorités encouragent la production du rhum pour satisfaire la forte demande des soldats au combat.

À la mort d'Homère Clément en , son fils Charles hérite du domaine avec ses sœurs. Ce dernier prend la direction de la distillerie familiale et développe la marque de rhum. Il modernise les installations et améliore la qualité de sa production. En 1928, Charles Clément se marie avec Sarah Lazareff, qui l'assiste dans la gestion de l’Acajou, allant jusqu’à traiter avec les fournisseurs de la distillerie. Elle organise de nombreuses réceptions qui réunissent les visiteurs de renom en séjour à la Martinique.

La marque « Rhum Acajou » est créée en 1930 et la société se distingue en embouteillant elle-même ses rhums, quant à cette époque la grande majorité du rhum produit est envoyé en vrac aux négociants de métropole[8]. Deux ans plus tard, Charles Clément achète l’Habitation Moneroy, agrandissant son domaine agricole d’une centaine d’hectares supplémentaires.

En 1938, un incendie détruit la distillerie. L'usine reconstruite permet alors de multiplier la capacité de production par cinq, et devient la plus performante de l’île[8]. Le Rhum Acajou est renommé « Rhum Clément » en 1940.

En 1956 : les descendants d’Homère Clément fondent la société Héritiers H. Clément, puis en 1973, à la mort de Charles Clément, ses deux fils deviennent cogérants des Rhums Clément. Georges-Louis Clément dirige la distillerie de l’Acajou, tandis qu’à Bordeaux, où une succursale est créée, Jean-José commercialise les rhums en France et à l’international. Des difficultés financières et des différends familiaux amène la firme à confier sa gérance au groupe Cointreau, qui ne parvient toutefois pas à redresser la barre[8]. La famille Clément vend finalement la société en 1986.

Vente de l'habitation au Groupe Bernard Hayot en 1986

Le chai Jean-José Clément, construit en 1999

Nécessitant de nouveaux investissements pour assurer sa pérennité, le domaine de l’Acajou et la marque Clément sont rachetés en 1986 par Yves et Bernard Hayot, issus d'une vielle famille békée de Martinique. Le domaine prend le nom d’Habitation Clément, en hommage à la famille fondatrice, et s’ouvre au tourisme culturel.

En 1988, la distillerie est fermée. Elle sera transformée plus tard en musée. Le rhum est désormais distillé dans l'usine du Simon, située à quelques kilomètres, toujours dans la commune du François. Cette distillerie produit aussi le Rhum Saint-Étienne[9]. Sur l'Habitation restent les chais de vieillissement, ainsi que les opérations de réduction, brassage, et mise en bouteille[8].

Le 14 mars 1991 sur l'Habitation, les présidents Bush (père) et Mitterrand se rencontrent pour la première fois depuis la fin de la Guerre du Golfe. Ils s’entretiennent dans le nouveau parc, avant de déjeuner à l’intérieur de la maison principale. Il est possible que le président français ait dormi dans le lit à colonnes d'Homère Clément[10].

Cette année-là, la maison de maître de l'habitation est inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, avant son classement en 1996[11].

Le 17 décembre 2001, le poète et homme politique Aimé Césaire est invité par Bernard Hayot à planter dans le jardin de l’Habitation, un courbaril, symbole de solidarité pour le peuple martiniquais. Dans son discours, il affirme que le courbaril c'est « l’enracinement dans le roc s’il le faut, mais vainqueur grâce à l’entêtement et au vouloir vivre », et il ajoute que « ce qui est valable pour l’arbre est valable pour l’homme »[12].

Transformation de l'habitation en site touristique et culturel en 2003

L'ancienne distillerie

En 2003, La maison de maître et les dépendances sont entièrement restaurées, et l'ancienne distillerie, fermée depuis 1988, devient un centre d'interprétation du rhum, permettant de découvrir son histoire et le patrimoine de l'habitation. En 2007, la Fondation Clément aménage la cuverie en salle d'exposition consacrée à l'art contemporain[13].

Le 13 septembre 2011, Frédéric Mitterrand alors ministre de la Culture, attribue le label Maison des Illustres à la propriété pour son implication à conserver et transmettre au public la mémoire d’Homère Clément, médecin, homme politique et entrepreneur, qui fait partie de la première génération d’hommes de couleur à accéder au pouvoir économique et politique.

Un nouveau bâtiment, mêlant architecture contemporaine et matériaux historiques, dessiné par les architectes Reichen et Robert & Associés, est inaugurée le 24 janvier 2016 au cœur de l'habitation par la Fondation Clément. D'une superficie de 1 000 mètres carrés, dont 600 de salles d’exposition, il fait office de musée d'art moderne de la Martinique[14]. Accolé à cet édifice, une bibliothèque contient près de 10 000 ouvrages sur la Martinique et les Caraïbes.

Protection du patrimoine

La maison du maître, la cuisine, les écuries, les escaliers et les terrasses sont inscrits au titre des Monuments Historiques en 1991, puis classés par arrêté du [11].

Description du site

La propriété qui s'étend sur un terrain de 160 hectares, comprend trois parties :

  • l'ancienne distillerie du rhum Clément, maintenant reconvertie en musée consacré à la fabrication du rhum et en siège de la Fondation Clément ;
  • les chais de vieillissement du rhum Clément, toujours utilisés actuellement ;
  • des bâtiments d'habitation de style créole, dont certains sont ouverts à la visite et classés monuments historiques.

La maison du maître

La maison du maître est d'architecture antillaise traditionnelle[11]. Le noyau central de cette maison en bois fut construit à la fin du XVIIIe siècle ; il existait déjà à cette époque une galerie pavée. Considérablement agrandie vers 1842, un étage lui fut adjoint. Enfin, en 1887, la maison fut complétée par la construction d’une galerie supplémentaire sur la façade nord[15].

Le mobilier intérieur est de style compagnie des Indes.

Le parc botanique

Le parc botanique de 16 hectares, ouvert au public et labellisé jardin remarquable, comprend une collection de plus de 300 arbres et plantes tropicales environnés de pièces d'eau et de plus d'une douzaine de sculptures contemporaines (Bernar Venet, Thierry Alet, Jeppe Hein, Christian Lapie, Pablo Reinoso, Miguel Chevalier, etc.), une palmeraie d'une trentaine d'espèces, un verger et un champ de canne à sucre avec son moulin[16].

La Fondation Clément

La Fondation Clément, consacrée au patrimoine, à l'histoire et à la promotion des artistes et de l'art moderne et contemporain dans la Caraïbe[17], est installée dans l'ancienne cuverie réhabilitée par le cabinet d'architectes Reichen et Robert. Elle a été inaugurée le avec une exposition du peintre franco-haïtien Hervé Télémaque[18]. Outre l'organisation d'expositions temporaires sur 600 m²[19], elle possède une collection d’œuvres d'art, ainsi qu'une bibliothèque de 10 000 ouvrages, qui a recueilli des fonds historiques privés et une documentation iconographique sur la région[20].

Galerie de photos

Dans la culture

Plusieurs films ont été tournés sur le domaine, il s'agit notamment de :

Notes et références

  1. Brigitte Marry, Roland Suvélor, Jean-Luc de Laguarigue, Maisons des îles Martinique, Fondation Clément, , p. 186
  2. « Martinique : le rhum fait revivre l'habitation Clément », sur Les Echos, (consulté le )
  3. Christophe Charlery, Florent Plasse, « L'Habitation Clément - Du sucre au rhum agricole : deux siècles d'histoire », sur calameo.com (consulté le )
  4. « Habitation Clement », sur www.aux-antilles.fr (consulté le )
  5. Myriam Cottias, « Mortalité et créolisation sur les habitations martiniquaises du XVIIIe au XIXe siècle », Population, vol. 44, no 1, , p. 55–84 (DOI 10.2307/1533333, lire en ligne, consulté le )
  6. « Nom MAILLET : Visualisez en ligne l'ouvrage pour le nom MAILLET - Visualisation d'une page d'un ouvrage », sur www.geneanet.org (consulté le )
  7. leclaironblog, « Habitations de Martinique : de la canne au rhum », sur Le Clairon, le blog qui sonne la retraite, (consulté le )
  8. « Clément », sur Rhum Attitude (consulté le )
  9. Distillerie du Simon : entretien avec Yves Hayot, président de la distillerie, lacompagniedurhum.com, consulté le 21 juillet 2019
  10. Christine Chivallon, « Rendre visible l’esclavage. Muséographie et hiatus de la mémoire aux Antilles françaises », L’Homme. Revue française d’anthropologie, no 180, , p. 7–41 (ISSN 0439-4216, DOI 10.4000/lhomme.24706, lire en ligne, consulté le )
  11. Notice no PA00105971, base Mérimée, ministère français de la Culture
  12. Rédac Creoleways, « Martinique : Bernard Hayot invite Aimé Césaire à la plantation d’un Courbaril », sur Creoleways, (consulté le )
  13. Béatrice, « PICTURAL, une exposition collective nichée au sein d'un site magnifique. », sur Zenitude Profonde le Mag, (consulté le )
  14. « La Fondation Clément, ou la complexité d’une île », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
  15. ChristopheCharlery, « Maisons de maître et habitations coloniales dans les anciens territoires français de l’Amérique tropicale », sur www4.culture.fr (consulté le )
  16. Les jardins, site de la Fondation Clément.
  17. Le Centre d'art de la Fondation Clément, site fondation-clement.org
  18. Un nouveau musée d'art moderne en Martinique, Muriel Maalouf, 8 février 2016, site rfi.fr.
  19. Fondation Clément, site fondation-clement.org
  20. Béatrice de Rochebouët, « La Fondation Clément, l'unique musée de la Martinique », Le Figaro, (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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