Art contemporain

L'art contemporain désigne — de façon générale et globale — l'ensemble des œuvres produites depuis 1945 à nos jours, et ce quels qu'en soient le style et la pratique esthétique mais principalement dans le champ des arts plastiques. Dans cette classification, l'art contemporain succède à l'art moderne (1850-1945).

Art & Language, Untitled Painting, 1965, Courtesy Tate Modern.

Cette désignation s'applique également aux musées, institutions, galeries, foires, salons, biennales montrant les œuvres de cette période.

On parle aussi d'art contemporain pour désigner — par convention — l'art des années 1960 et d'après. Le pop art marquerait, de ce fait, une rupture par rapport à l'art moderne[1]. Une autre convention existe, en juillet 2010, le directeur du Centre de Recherches de Philosophie Européenne de l'Université de Kingston à Londres, Peter Osborne donne une conférence à la Fondation Antonio Ratti et lance une polémique en annonçant que « l'Art Contemporain est post-Conceptuel »[2].

En France, l'expression « art contemporain » est aussi utilisée — avec un sens plus restreint — pour désigner les pratiques esthétiques et réalisations d'artistes revendiquant « une avancée dans la progression des avant-gardes »[3] et une transgression des frontières entre les domaines artistiques (dépassant la frontière de ce que le sens commun considère comme étant de l'art, c'est-à-dire les arts plastiques, en expérimentant le théâtre, le cinéma, la vidéo, la littérature…)[4], ou une transgression des « frontières de l'art telles que les conçoivent l'art moderne et l'art classique »[5].

Définition

La notion de « contemporanéité » est d’abord une notion historique. Selon cette approche, la période contemporaine commencerait à partir de 1945[6], avec la fin de la Seconde Guerre mondiale et, par commodité, la plupart des études traitent de la période qui débute en 1945 et va jusqu'à aujourd'hui.

« Contemporanéité » signifie aussi « simultanéité ». Est contemporain ce qui est dans la même période. Le « contemporain » serait donc la manière qui se fait aujourd'hui. Appliquée à l'art, cette notion revêt une spécificité esthétique qui peut devenir polémique, puisque les acteurs n’ont pas la distance nécessaire pour effectivement apprécier les œuvres. La désignation « art contemporain » ne doit donc pas uniquement être prise de façon chronologique, car toutes les productions contemporaines n'appartiennent pas à la démarche contemporaine, ni ne se revendiquent comme telles.

De nouvelles références permettent de définir ce qu'est la méthode contemporaine. Une des premières est la transgression vis-à-vis de l'époque antérieure ; ainsi la notion d'« art contemporain » voudrait affirmer son indépendance non seulement par rapport à la notion d'arts dits « classiques », par rapport aux « beaux-arts » et à ses catégories (peinture, sculpture, etc.), mais aussi par rapport à la notion de manière « moderne ». La manière contemporaine possède donc en elle-même des exclusions. Elle s’inscrit dans la suite de l’« art moderne » et voudrait mettre, en quelque sorte, fin à celle-ci.

De surcroît, l'expression « manière contemporaine » est aujourd'hui utilisée pour des artistes encore vivants et actifs ou pouvant encore l'être, ce qui dans ce cas placerait l'origine de la méthode contemporaine dans les années 1960, avec le pop art, l'art conceptuel, Fluxus, les happenings ou l'art vidéo. C'est avec ces courants artistiques que prendrait fin la période de l'art moderne et la théorie de Clement Greenberg qui la définissait comme la recherche de la spécificité de la technique.

F.I.U., Joseph Beuys, Difesa della Natura, 1983[7].

Dans cette recherche permanente d'une définition de la contemporanéité, la critique d'art et les institutions jouent un rôle important. Ainsi sont généralement exclues de la démarche contemporaine « labellisée » les formes d'art dont les problématiques ne reflètent pas les tendances promues par la critique « contemporaine ».

D'un point de vue géographique, à partir des grandes places artistiques médiatisées, essentiellement occidentales (Paris, Londres, New York), et avec la chute du mur de Berlin, en 1989, puis la montée en puissance de la Chine à cette même époque, la planète de l'art contemporain s'est mondialisée, l'Afrique et l'Amérique latine n'échappant pas à cette progression.

Pour Anne Cauquelin en 1992, les critères qui caractérisent l'art contemporain ne sont ni uniquement liés à l'époque de production, ni au contenu des œuvres (formes, références, matériaux), mais devraient être cherchés au-delà du pan artistique, dans la sociopolitique, les thématiques philosophiques et dans une économie mondialisée[8].

Marc Jimenez parle en 2005 d'« indéfinition » de l'art créée par l'art contemporain, liée à la « dé-définition de l'art » identifiée par Harold Rosenberg, et laissant aux critiques d'art le soin de délimiter art et non-art[9].

Origines de l'art contemporain

L'apparition de la photographie a exercé une influence sur de nombreux artistes dès le XIXe siècle, tel que Degas et permis de donner naissance à l'art moderne. L'art n'a plus uniquement pour fonction importante de représenter fidèlement le réel, la photographie est mieux à même de le faire, l'art peut désormais s'essayer à d'autres formes, casser les canons de la beauté, et proposer des expérimentations nouvelles et des idées conceptuelles.

Francis Picabia, Portrait d'Agnès E. Meyer ou Portrait d'une jeune fille Américaine dans l'état de nudité, 1915.

L'art contemporain a pour fondement les expérimentations de l'art moderne (début XXe siècle), et notamment le désir de sortir l'art des lieux traditionnels et institutionnels. En ce sens, l'art perd peu à peu de sa fonctionnalité représentative. La création contemporaine demeure un miroir pour une réalité baignée des conflits et des prises de pouvoir qu’occasionnent ces attaques contre la rationalité. L'art reflète les crises de la société et demeure le lieu d'expression des valeurs. Les rapports de l’art à l’histoire ne s’évaluent ni qualitativement ni quantitativement, mais ils débouchent sur une conception plus institutionnelle de l'art : collectionneurs, sièges sociaux, galeries, musées, etc. pour s'ouvrir à un plus large public. Cependant, les acteurs de l'art moderne dans leur volonté d'exprimer leur opinion artistique hors des cadres institutionnels pour s'adresser au public, restent liés aux institutions ; leur démarche était de s'opposer à une idéologie (Heartfield envers le nazisme) ou au contraire de participer à la propagation d'une pensée politique.

Malgré la fin des idéologies imposées dans l'art moderne, les artistes actuels reprennent cet héritage à leur compte en exprimant leur engagement profond par rapport aux institutions. Notamment, lorsque leur sensibilité y est perturbée.

Aujourd'hui, l'art contemporain subit le déclin des idéologies du moderne (dans les années 1960, puis à partir de 1990 avec la chute du communisme). Il se fonde sur de nouveaux comportements : renouveau stylistique, brassages artistiques, origines diverses, arts technologiques (accès à la puissance mathématique des ordinateurs et ergonomie des logiciels), mode d'approche de la réalité. Les technologies ont toujours apporté des outils à l'art. Aujourd'hui, l'artiste s'en sert comme d'un instrument de médiatisation, et en invente de nouveaux. Il se base sur la culture historique, répertoriée ; lit, visite, comprend, cherche, se spécialise, focalise son sujet et dépasse ce qui a été fait. Il prend position parfois, se veut démonstratif ou choquant, en tout cas il cherche la médiatisation.

Pour Anne Cauquelin, dès les années 1910, Marcel Duchamp met à nu le futur fonctionnement en réseau de l'art contemporain, avec la spéculation sur la valeur de l'exposition sur un objet qui peut être simplement un objet manufacturé (ready-made)[10].

L'exposition Quand les attitudes deviennent forme, en 1969, a un rôle pivot dans le passage de l'art moderne à l'art contemporain[11].

Art moderne contre art contemporain

La différence entre art moderne et art contemporain n'est pas clairement faite et, en France, le musée national d'art moderne ne fait pas, à la fin du XXe siècle, la différence dans ses collections[11]. L'expression « art contemporain » est forgée par les conservateurs de musée, et il pourrait s'agir de l'art qui modifie leur fonction et leur façon de travailler, quitte à la rendre plus difficile[11]. Pour Catherine Millet, l'art contemporain est réellement « contemporain » au sens où il est en phase avec son époque, alors que l'art moderne était en rupture[11].

Pour Anne Cauquelin, le passage de l'art moderne à l'art contemporain est aussi celui d'un système de consommation à un système de communication, où les acteurs du réseau en sont aussi les gestionnaires, et où le public n'a plus qu'un rôle d'approbation et de consommation passives[12].

Des « beaux-arts » aux arts plastiques

Marcel Duchamp, Ready-Made Urinoir, 1916-1917.

L'art contemporain a pour fondement les expérimentations de l'art moderne, et revendique régulièrement la brèche ouverte par Marcel Duchamp, et d'autres qui avaient libéré la pratique de l'art des contraintes classiques de représentation.

La pensée postmoderniste a formulé la plupart des problématiques inhérentes à l'art contemporain, affranchi des courants idéologiques (communisme et capitalisme), sans toutefois empêcher des artistes engagés de critiquer les abus politiques ou idéologiques.

En France, la création des facultés d'arts plastiques constitue une base de contestation de l'enseignement académique des beaux-arts ; des matières autrefois étrangères au champ de l'enseignement de l'art, sociologie, ethnologie, esthétique et autres, orientent la recherche artistique au diapason de ses évolutions récentes.

À la recherche formelle du beau succèdent des voies de recherche esthétiques nouvelles, dont les plus radicales, art conceptuel, minimalisme, performance, art corporel, modifient durablement la signification et la perception de l'art, qui s'oriente parfois dans des voies à première vue hermétiques aux non-initiés.

Certains courants, tels les nouveaux réalistes, la figuration libre et la trans-avant-garde, ainsi que certains francs-tireurs, ne quittent toutefois pas les médiums classiques, tout en modifiant radicalement leurs démarches créatives.

L'éclatement des types de médium (la peinture est souvent délaissée au profit d'installations, de performances ou autres) et du contenu des œuvres modifie en profondeur les réseaux de médiation d'art ; à de nouvelles galeries s'ajoutent des contextes d'exposition nouveaux et l'apparition de nouveaux médiums de diffusion.

À Paris, le Salon Comparaisons, au Musée d'art moderne de la ville de Paris, constitue dès 1954, le point de rencontre de tous les exposants de ces courants, confrontés, dans le même espace, aux peintres figuratifs et abstraits de la peinture sur chevalet.

L'art contemporain à l'ère de la globalisation

Nam June Paik, Superautoroute électronique: U.S.A., Alaska, Hawaii, 1995-1996.

À partir des années 1980, les arts à forte composante « technologique » font leur apparition, avec l'art vidéo, l'esthétique de la communication, l'art informatique puis, par la suite, l'art numérique, le bio-art, etc. La liste est non exhaustive et suit de très près les avancées de la recherche industrielle.

Dans les années 1990, l'art contemporain occidental a accordé son « label » à de nombreux artistes issus des pays dits « en voie de développement », à peu près absents autrefois. Les paradigmes de la globalisation et la perte des repères spatio-temporels classiques ont valorisé les modes d'approche personnels, ou les composantes biographiques, sociologiques, voire religieuses, sont valorisées au sein des démarches de travail.

La communication liée à l'Internet joue un rôle de plus en plus important dans la réception et la médiation de l'art contemporain, en amont des expositions elles-mêmes, qui intègrent de plus en plus les structures de médiation étatiques. Elle donne la place à des « conseillers en art contemporain » (en anglais The Contemporary Art Consultants), qui conseillent gratuitement sur les valeurs à venir. Les changements survenus au sein des pays les plus développés (notamment la part grandissante du tertiaire) ont suscité un besoin de plus en plus généralisé d'art, ce qui ne rend pas la tâche des artistes, crise oblige, plus facile pour autant.

L'art contemporain, souvent obscur et provocant aux yeux du grand public, est considéré bien souvent comme l'émanation d'un art officiel. Il est cependant aujourd'hui bien plus accepté et répandu qu'auparavant ; un déferlement de travaux de qualités inégales le rend déroutant et requiert le plus souvent un investissement personnel de la part du public (voir Les théories modernes de l'art).

Cotées sur l'internet, les œuvres d'art contemporain sont aussi une manne financière potentielle, qui n'excluent pas les effets de mode au détriment des travaux réellement originaux.

Entre médium et médiation

En plus des médiums classiques (peinture à l'huile, pastel, sanguine, bronze, marbre, etc.), l'art contemporain est particulièrement friand de médiums nouveaux, voire de « non médiums ». Notamment, la vocation éphémère ou « en cours » de nombre d'œuvres questionne la notion même de médium, qui devient souvent un simple vecteur de médiation plutôt qu'un support stable. Cela rejoint la mutation des supports d'information entamée dans les années 1980, qui se dématérialisent progressivement au profit d'une logique de « relation » :

Certains médiums, comme la photographie — qui devient « plasticienne » (Joel-Peter Witkin) — le cinéma — qui devient « expérimental » (série des Cremaster de Matthew Barney) — ont acquis le statut d'art à part entière (au même titre que la peinture, la sculpture ou la musique), et constituent aujourd'hui des catégories autonomes.

La notion d'art multimédia, largement remise en cause aujourd'hui, interroge le statut d'œuvres issues d'installations, de performances souvent mêlées, tels qu'elles sont apparues dans les années 1950.

Critiques vis-à-vis de l'art contemporain

Les critiques de l'art contemporain commencent dans les années 1990. En 1991 Marc Fumaroli critique l'institutionnalisation de l'art dans L'État culturel : une religion moderne. Jean Clair publie La Responsabilité de l’artiste en 1997. Aude de KerrosL'Imposture de l'Art contemporain en 2015. Aux États-Unis, Michelle Marder Kamhi (en) publie en 2014 Who Says That's Art ? (Qui dit que c'est de l'art ?). Les critiques sont dirigées à partir de différents points de vue : absence de fondement esthétique, institutionnalisation à outrance, perte de tout repère, logorrhée, utilisation nefaste dans les traitements medicaux, détournement de l'art en divertissement…

Les cinq extraits ci-dessous résument l'essentiel des critiques formulées à l'égard de l'art dit « contemporain » :

  • la vision pamphlétaire de Jean Monneret, qui y voit essentiellement un art d'État soutenu par des fonctionnaires irresponsables dilapidant l'argent du contribuable ;
  • l'analyse de Philippe Lejeune, qui va jusqu'au bout de la dialectique des tenants de l'art contemporain en démontrant leur négation de l'idée de beauté ;
  • Fred Forest qui est passé à l'acte pour défendre des convictions proches de celles de Jean Monneret en attaquant l'État devant les tribunaux administratifs ;
  • Le plasticien Daniel Buren constate la faillite de la pensée dans l'art contemporain d'un art vide de sens ;
  • Franck Lepage : au fil de ses « conférences gesticulées » intitulées Incultures 1 et 2 il retrace certaines évolutions et controverses autour de l'art et de la culture dans la France depuis 1945. Dans cette perspective, l'art contemporain est présenté comme un outil de dépolitisation et d'abêtissement des masses ainsi qu'une niche financière. Il se réfère en particulier à l'ouvrage Qui mène la danse ? La CIA et la Guerre froide culturelle (Who Paid the Piper?: CIA and the Cultural Cold War) de Frances Stonor Saunders qui décrit comment les États-Unis CIA ont promu la personnalité créative de l'artiste au détriment d'œuvres désormais formellement vidées de toute substance politique, sociale ou éthique ;
  • le jeune philosophe Benjamin Olivennes déconstruit les fausses valeurs pour mieux célébrer les « vrais » artistes.

Jean Monneret

Dans le catalogue raisonné du Salon des indépendants de 1999, le président du Salon, Jean Monneret, lance un violent pamphlet contre la définition convenue de l'art contemporain, après avoir longuement critiqué les fonctionnaires qui régissent l'enseignement des arts plastiques et le choix des œuvres achetées par l'État et les collectivités locales (p. 51) :

« L'art contemporain ? Tous les artistes vivants font partie de l'art contemporain. Ce sont les artistes qui font l'art. Tous les artistes. Librement !

Or, l'État veut faire croire au public qu'il n'y a qu'un art digne d'intérêt, l'art dit « contemporain », c'est-à-dire l'art d'État. Comme si l'installation, la performance ou l'art inculte — pour peu que la légende qui l'accompagne relève de la logorrhée — soient, à eux seuls, la suite historique, linéaire, indiscutable de la tradition artistique. Il est vrai qu'en art dit « contemporain », moins il y a à voir, plus il y a à dire ! Dans une exposition d'art contemporain, une gaine d'aération, le matériel de secours ou le carrelage des sanitaires se confondent souvent avec les œuvres présentées. La question alors est, où est l'œuvre ? Tant l'harmonie est parfaite entre le contenant et le contenu.

En réalité, l'art d'État emprunte une voie unique qui écarte arbitrairement l'art des meilleurs artistes des salons historiques. La démocratie exigerait que l'État, soucieux de l'argent du contribuable, rendît compte de la réalité contemporaine dans toute sa diversité, sans exclusion… »

Philippe Lejeune

Dans le rapport moral de Taylor de juillet 2006 (p. 6 et 7), revue de la fondation du baron Taylor, le vice-président, le peintre et journaliste Philippe Lejeune, distingue la notion de beaux-arts de celle d'art contemporain.

« […] Nous autres, pratiquons un art nommé « la peinture », cette activité était autrefois considérée comme faisant partie des Beaux-Arts […]. Soucieux de modernité, désireux surtout de se débarrasser d'un impératif aussi lourd à porter que la beauté, la querelle des anciens et des modernes que nous vivons consiste tout simplement à supprimer la référence à la beauté. Ne pouvant plus altérer davantage les valeurs traditionnelles de l'art après les expériences de la moitié du siècle dernier, ils se sont avisés, toujours avec la même étiquette apparente, de fournir une marchandise totalement différente. Ils ont eu l'honnêteté, reconnaissons-le, de changer de nom. Les salons contemporains ne sont plus des salons de peinture, ce sont des salons d'art contemporain […].

L'art contemporain expose dans des lieux où on exposait « la peinture », ce qui entretient naturellement une confusion. Mais plutôt que de définir une nouvelle forme d'art, on lui applique les règles d'une autre discipline, comme un joueur, lassé du bridge, adapte les règles de la belote… L'art contemporain refuse toutes règles, excepté celle de l'exclusion. Vous savez qu'un slogan fameux était d'interdire tout interdit. L'art contemporain ne vit que d'ukase. N'importe quoi sauf la représentation […].

L'art contemporain se dit conceptuel, c'est-à-dire que, partant d'un concept, on arrive à procurer une sensation.

Les Beaux-Arts se donnent un tout autre but, ont un programme bien différent. Partant de l'éprouvé, ils le confrontent à la mémoire collective pour arriver précisément à une idée, c'est-à-dire à un élément que l'on peut comparer […]. »

Fred Forest

Après son procès[16] contre le MNAM (centre Georges-Pompidou), Fred Forest écrit en dernière de couverture de son livre Fonctionnement et dysfonctionnements de l'art contemporain[17] :

« Ce livre tend à révéler les limites et les contradictions d'un système qui ne peut plus perdurer sous la forme élitaire actuelle au profit d'une poignée de privilégiés, toujours les mêmes, qui bénéficient de la complaisance et de la manne publique. Lutte du pot de terre contre le pot de fer, il s'agit de la description par le menu de mon procès jusqu'en Conseil d'État contre le centre Georges-Pompidou, et à travers lui, contre les institutions publiques de l'art contemporain pour leur refus de transparence sur les acquisitions et leur manquement au respect de la loi de 78 sur la comptabilité publique. Au-delà de l'art, la démarche engagée ici se veut avant tout une démarche citoyenne posant la vraie question de l'utilisation des fonds publics, et celle de la culture dans une démocratie. »

Daniel Buren

En septembre 2011, Daniel Buren dans la revue L'Œil constate, au cours d'un long interview[18], l'incapacité, la confusion et la faillite de l'expression « art contemporain » :

« En règle générale, je dirais que la santé ébouriffante qu'on lui prête — biennales dans le monde entier, foires à tous les tournants et salles de ventes débordées — sont des aspects quelque peu paradoxaux d'un domaine qui, sur le plan de la pensée, est au bord de la faillite. Ce n'est plus un moment de l'histoire, mais la mode au jour le jour. "Contemporain" est un terme complètement dénué de sens, mais c'est l'une des trouvailles les plus performantes jamais trouvées afin d'annihiler dans l'œuf tout ce qu'un artiste pourrait présenter d'un tant soit peu neuf et dérangeant[19]. […] »

Benjamin Olivennes

En , Benjamin Olivennes publie un essai, L'Autre Art contemporain, en forme de contre-histoire de l'art et de manuel de résistance au conformisme. Ce petit livre entend fournir un manuel de résistance au discours sur l’art contemporain. Ce dernier fonde son emprise sur une vision mythifiée de l’histoire de l’art : le XXe siècle aurait été avant tout le siècle des avant-gardes, chacune ayant été plus loin que la précédente dans la remise en cause de notions comme la figuration, la beauté, et même l’œuvre. Or non seulement ces notions anciennes ont continué d’exister dans les arts dits mineurs, mais surtout, il y a eu un autre XXe siècle artistique, une tradition de peinture qui s’est obstinée à représenter la réalité et qui réémerge au début des années 2020, de Bonnard à Balthus, de Morandi à Hopper, de Giacometti à Lucian Freud. Cet essai infirme le marché de l'art contemporain[20].

Ksenia Milicevic

Au 4e Congrès mondial sur la Résilience organisé par Resilio (Association internationale pour la promotion et la diffusion de la recherche sur la résilience) en partenariat avec l’université Aix-Marseille[21], dans son intervention sur la résilience en art, Quelle Art Thérapie pour la résilience, Ksenia Milicevic souligne :

« Lorsqu'il n'est que le jeu, l'art contemporain en réfutant le beau et reposant sur la laideur véhicule les névroses, les angoisses et diverses pathologies qui, sans être élaborés dans un cadre esthétique, mais sont présentés au premier degré, exercent une influence nocive sur le spectateur. Au lieu de le relier à l'harmonie du monde et à l'énergie du vivant, il propose la décomposition et la mort[22] (bio-art, art corporel, performance, art transgressif, bad painting). »

Mouvements artistiques en art contemporain

L'art contemporain se caractériserait notamment par une course à la nouveauté, avec un très grand nombre de mouvements et une évolution du concept moderne d'avant-garde[12].

L'après-guerre : la transition entre moderne et contemporain

Années 1950

Années 1960

Années 1970

Années 1980

Années 1990

Années 2000

Années 2010

Histoire

Aux États-Unis

La vente aux enchères de la collection Scull en 1973 marque un tournant en montrant que la collection d’œuvres d'art n'est pas seulement un loisir de luxe mais aussi une source de profits[23]. Cette vente encourage la publication du prix des œuvres et la mise en place d'un marché de l'art vivace aux États-Unis[23]. Des achats fréquents et importants par des collectionneurs individuels fortunés entraînent une suite de records de prix, de plus en plus fréquents jusque dans les années 2010 au moins[23].

En Allemagne

Joseph Beuys : I like America and America likes Me (reconstitution).

L'Allemagne, dévastée et occupée puis divisée au sortie de la Seconde Guerre mondiale, se reconstruit notamment grâce aux subsides américains[24]. Mais elle reprend rapidement son indépendance culturelle, notamment grâce à des artistes comme Joseph Beuys[25]. Cette résistance efficace se traduit par la création de documenta à Cassel dès 1955 puis par celle de la première foire d'art contemporain, Art Cologne, en 1967[25].

Au Royaume-Uni

L'art contemporain britannique prend de l'ampleur au cours des libérales années 1980, avec la génération des Young British Artists (YBA) et des figures provocatrices comme Damien Hirst, Tracey Emin et Sarah Lucas[26]. Le collectionneur et homme d'affaires Charles Saatchi fait beaucoup pour la promotion des YBA, dont les prix des œuvres atteignent aux enchères ceux des œuvres américaines[26]. Londres devient une ville majeure de l'art contemporain, ce qui se traduit notamment par l'ouverture de la Tate Modern, pendant que l'Allemagne se retrouve marginalisée[26].

En France

Alors que Paris était le centre artistique du monde, elle perd cette place à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de débats philosophies et politiques sur le soutien à apporter au communisme[27]. La scène artistique française est perçue comme radicale, et seul le groupe des Nouveaux Réalistes, mené par Yves Klein et Pierre Restany, s'approche d'une forte notoriété internationale dans les années 1960[27]. Les artistes de ce mouvement, comme Martial Raysse, César ou Niki de Saint Phalle prennent leur indépendance[27]. Malgré la présence de peintres comme Pierre Soulages ou d'artistes comme Christian Boltanski, l'art contemporain reste plus empreint d'art conceptuel qu'ailleurs[27].

En Belgique

Pour Nathalie Obadia, la Belgique a un rayonnement exceptionnel par rapport à sa taille[28]. Dans la lignée de Marcel Broodthaers et René Magritte, des artistes comme Luc Tuymans, Wim Delvoye ou Jan Fabre, tous trois flamands, ont une grande réputation internationale[28]. Ils ne sont pas pour autant soutenus par une politique culturelle puissante, car celle-ci est beaucoup moins organisée qu'en France[28]. Depuis 2002, la Société du logement de la Région bruxelloise promeut l'art contemporain dans les logements sociaux avec son programme « 101e% »[29].

En Suisse

Plus en retrait à l'échelle européenne, le pays accueille néanmoins une foire majeure : Art Basel à Bâle[28]. Ses marchands d'art comme Bruno Bischofberger et Ernst Beyeler ont néanmoins été très puissants entre les années 1960 et 2000[28].

Acteurs de l'art contemporain

Galeries

Leo Castelli est une figure majeure parmi les galeristes et marchands d'art[10],[30]. Ouvrant sa galerie en 1957 à New York, il participe très fortement à la diffusion d'un art américain qui devient dominant[30]. Avec chacun de ses artistes principaux, il forme une équipe qui est ensuite un modèle pour de nombreux galeristes, et qui est pour Nathalie Obadia un « pivot du soft power américain »[30]. Ileana Sonnabend est également une galeriste influente, avec un rapport personnel différent aux artistes[30].

Collectionneurs

Le binôme marchand-collectionneur serait très efficace pour promouvoir un artiste ou un ensemble d'artistes[31]. La nationalité serait particulièrement regardée, les achats américains et chinois servant notamment de référence[31]. Les collections privées peuvent donner naissance à des institutions grâce à des dons ou des legs, comme c'est le cas aux États-Unis avec le Whitney Museum ou le MoMa[32].

En France, les collectionneurs sont principalement des hommes (73 % des collectionneurs d'après une enquête de 2015), plus âgés, plus diplômés et plus franciliens que la population française moyenne[33]. Bien que certains d'entre eux, comme François Pinault, fassent partie des plus importants au monde, ceux-ci restent discrets dans le pays, notamment en raison d'un regard de suspicion porté sur leur statut[34].

Institutions

Les musées ont un rôle de légitimation des œuvres et des artistes, et tissent un lien entre la création contemporaine et la création passée, participant à l'historisation rapide de cette création[35].

Public

À partir du ready-made, le public aurait une responsabilité énorme, puisqu'il doit décider que ce qui l'observe est bien ou non une œuvre d'art[35].

Lieux d'exposition

Grands événements d'art contemporain

Les foires permettent à partir des années 1950 de structurer le marché de l'art contemporain, en allant au-delà de l'organisation des galeries[36]. Les grandes foires déterminent le calendrier de l'art, auxquels doivent s'adapter les acteurs du secteur mais aussi du luxe[36]. Pour Nathalie Obadia, il s'agit d'une « eventisation » du marché de l'art, qui permet notamment aux galeristes de capter les collectionneurs[36].

Grands musées

Lieux institutionnels qui ont pour mission de conserver des œuvres, ils achètent de l'art contemporain et montrent les collections ainsi réalisés. Ils réalisent aussi des expositions en empruntant des œuvres à d'autres collections publiques ou privées.

Afrique

Pour Nathalie Obadia, il n'y a en 2019 pas de scène africaine unique, les cinquante-quatre pays du continent ayant de fortes disparités. Bien que des artistes africains aient émergé, ceux-ci sont largement basés à Paris ou Londres, et il n'y a pas de structure comparable aux pays occidentaux, à part potentiellement en Afrique du Sud[37].

Amériques

Asie

  • Chine (sites)
    • (en) Beijing Museum Of Contemporary Art (MOCA Pékin)
    • (en) National Art Museum of China (NAMOC), Pékin
    • (en) Today Art Museum], Pékin, 2002
    • (en) Shanghai Museum Of Contemporary Art (MOCA Shanghai)
    • (zh) Zendai Museum of Art, Shanghai, 2005
    • (en) Zendai Museum of Art, Shanghai,
    • (en) Taipei Fine Arts Museum (TFAM), Taipei
    • (en) Square Gallery of Contemporary Art, Nankin

Europe

Centres d'art contemporain

Les centres d'art contemporain ont pour objectif de présenter le travail d'artistes contemporains. Ils se différencient des musées dans le sens où ils ne conservent pas les œuvres qu'ils présentent. De ce fait, ils ne constituent pas de collections. Ils montent des expositions en fonction de leurs choix éditoriaux, propres à chaque lieu, l'objectif étant la diffusion et la promotion de l'art contemporain. On trouve de tels centres de plus ou moins grande importance dans le monde entier.

Afrique

Amériques

Asie

Europe

Les FRAC (France)

Les FRAC ou fonds régionaux d'art contemporain sont des institutions culturelles, créées en 1981, qui visent à promouvoir l'art contemporain. Leur mission est avant tout de constituer un patrimoine, de soutenir la création et de diffuser largement le fonds constitué en sensibilisant le public aux démarches artistiques contemporaines.

Marché de l'art contemporain

Prix moyen

Part des pays dans le marché mondial

Chiffres à partir des ventes du au 30 septembre 2005 : États-Unis 58 %, Royaume-Uni 27 %, France 3 %, Italie 2 %, Allemagne 2 %, autres 8 %

  • Évolution de la part de la France : 35 % en 1990, 9 % en 1995, 5 % en 2003, 3 % en 2004
  • Évolution de la part du Royaume-Uni : 4 % en 1990, 27 % en 2004

Grandes foires

Pavillon d'Art Basel en 2011.

Les foires d'art contemporain sont le lieu où les grandes galeries présentent à leur clientèle internationale une sélection parmi les artistes qu'elles représentent.

Grandes galeries et marchands

En France

À l'étranger

Représentations de l'art contemporain

La pièce de théâtre « Art », de Yasmina Reza, est pour Arthur Danto et Marc Jimenez une allégorie de l'art contemporain[44]. Dans cette pièce, trois hommes amis se divisent au sujet de l'achat par l'un d'eux d'un tableau monochrome, sur le caractère esthétique et sur la figuration[44].

Notes et références

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  4. Dominique Sagot-Duvauroux, Nathalie Moureau, Le marché de l'art contemporain, La Découverte, , p. 22.
  5. « L'art contemporain n'est-il qu'un discours ? », sur franceculture.fr, (consulté le ). Entretien avec Nathalie Heinich.
  6. 1945 est aussi la date repère utilisée par les sociétés de ventes comme Sotheby's, pour la peinture et la sculpture, même si Christie's considère que la peinture contemporaine commence après 1960 (Christie's utilise une catégorie intermédiaire « Art des années 50 » pour la période 1945-1960).
  7. Courtesy Zagreb Museum of Contemporary Art.
  8. Anne Cauquelin, L'Art contemporain, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », (1re éd. 1992) (ISBN 978-2-13-057544-3 et 2-13-057544-7, OCLC 457266879), p. 5-10.
  9. Marc Jimenez, La querelle de l'art contemporain, Gallimard, , 402 p. (ISBN 2-07-042641-6 et 978-2-07-042641-6, OCLC 300281910), « Avant-propos », p. 9-37
  10. Anne Cauquelin, L'art contemporain, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », (1re éd. 1992) (ISBN 978-2-13-057544-3 et 2-13-057544-7, OCLC 457266879), Deuxième partie. Figures et modes de l’art contemporain, chap. I (« Les embrayeurs »), p. 65-96.
  11. Catherine Millet, L'art contemporain, Paris, Flammarion, coll. « Dominos » (no 120), , 126 p. (ISBN 978-2-08-035441-9, OCLC 465649632, lire en ligne), Le monde de l'art, « Naissance de l'art contemporain ».
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  34. Nathalie Obadia, Géopolitique de l'art contemporain : une remise en cause de l'hégémonie américaine?, Le Cavalier Bleu, coll. « Géopolitique de… », (ISBN 979-10-318-0344-9, OCLC 1091635052), Le collectionneur, au centre du jeu, « La France trop longtemps sans figure de proue », p. 117-119.
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  36. Nathalie Obadia, Géopolitique de l'art contemporain : une remise en cause de l'hégémonie américaine?, Éditions du Cavalier bleu, coll. « Géopolitique de… », (ISBN 979-10-318-0344-9, OCLC 1091635052), Le collectionneur, au centre du jeu, « Les foires, invention rhénane pour capter les collectionneurs », p. 121-126.
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Annexes

Bibliographie générale

  • De 1839 à nos jours
    • Florence de Mèredieu, Histoire matérielle et immatérielle de l'art moderne et contemporain, Paris, Bordas, 1994 ; nouvelles éditions augmentées, Paris, Larousse, 2004 ; 2008, 2017.

Bibliographie

  • Années 1980
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  • Années 1990
    • Marc Fumaroli, L'État culturel : une religion moderne, Éditions de Fallois, 1991 ; rééd. Livre de Poche, 1999 (ISBN 2-253-06081-X)
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    • Nathalie Heinich, Le Triple Jeu de l'art contemporain, Paris, éditions de Minuit, coll. « Paradoxe », , 380 p. (ISBN 978-2-7073-1623-3)
    • Jean Clair, La Responsabilité de l’artiste, Paris, Gallimard, coll. « Le débat », 1997
    • Jean-Philippe Domecq, Misère de l'art. : Essai sur le dernier demi-siècle de création, Paris, éditions Calmann-Lévy, , 256 p. (ISBN 978-2-7021-3021-6).
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    • Nathalie Heinich, Le paradigme de l'art contemporain : structures d'une révolution artistique, Paris, Gallimard, , 373 p. (ISBN 978-2-07-013923-1, BNF 43771145)
    • Aude de Kerros, L'Imposture de l'art contemporain - Une utopie financière, Eyrolles, 2015.
    • Aram Kebabdjian, Les désœuvrés, Le Seuil, 2015, 528 p. (ISBN 9782021286403)
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    • Baptiste Morizot, Estelle Zhong mengual, Esthétique de la rencontre. L'énigme de l'art contemporain, Le Seuil, , 167 p. (lire en ligne)
    • (en) Michael Shnayerson, Boom : Mad Money, Mega Dealers, and the Rise of Contemporary Art, New York, PublicAffairs, , 464 p. (ISBN 978-1610398404)
  • Années 2020
    • Ksenia Milicevic,Résilience en art et art thérapie pour la résilience, Edilivre, 2020
    • Benjamin Olivennes, L'Autre Art contemporain. Vrais artistes et fausses valeurs, Grasset, , 168 p.

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Articles connexes

Liens externes

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