Poche de Saint-Nazaire

La poche de Saint-Nazaire (Festung St. Nazaire — c'est-à-dire la forteresse de Saint-Nazaire) est, du mois d' au , une zone de repli des troupes allemandes de Loire-Inférieure (actuelle Loire-Atlantique) constituée au moment de la libération du département par les forces alliées. Elle se forme autour du port et de la base sous-marine de Saint-Nazaire ; elle s'étend à l'est jusqu'à Saint-Omer de Blain et de La Roche-Bernard au nord à Pornic au sud.

Contexte

Après la bataille de Normandie et la percée d'Avranches, les Alliés libèrent très rapidement l'ouest de la France pendant la première quinzaine d’ (Rennes le , Nantes le 12, Rezé le 29). Des poches de résistance allemandes se forment alors sur la façade atlantique à Brest, Lorient, Saint-Nazaire, La Rochelle et Royan. Elles recueillent des soldats allemands en déroute à la suite de cette libération rapide d'une grande partie de la Bretagne. La poche de Saint-Nazaire accueille aussi des militaires allemands provenant du sud de la Loire, à la suite de la libération de la Vendée et du Poitou par des groupes issus de la résistance intérieure française[2].

Hitler tient à préserver ces zones stratégiques : par ses instructions du aux généraux Jodl et Warlimont, il demande à ses troupes de « les défendre jusqu’au dernier homme ». Constituées en forteresses, elles pourraient redevenir des points d’appui non négligeables sur l’Atlantique dans l’hypothèse où les armes secrètes (Wunderwaffen) seraient mises au point à temps pour retourner la situation en faveur du Reich.

Laissant de côté ces ports en eau profonde qui vont pourtant leur faire gravement défaut, les Anglo-Américains qui viennent de piétiner trop longtemps en Normandie, privilégient la poursuite de l’offensive vers l'Allemagne. Ils laissent cependant des troupes pour contrôler les limites des poches, assistées par l'armée française et par des bataillons des Forces françaises de l'intérieur.

La poche de Brest tombe le après de durs combats, les quatre autres durent jusqu'à la capitulation du , voire un peu au-delà.

Présentation de la forteresse et de la défense allemande

La poche de Saint-Nazaire est centrée sur la ville et la base sous-marine de Saint-Nazaire. Au nord de la Loire, la ligne de front suit la rive gauche de la Vilaine, puis de l'Isac (c'est-à-dire, ici, le canal de Nantes à Brest), jusqu'au niveau de Blain (la partie de la commune située à l'ouest du canal) ; elle descend ensuite vers le sud-ouest jusqu'à Cordemais en passant entre Bouvron, Fay-de-Bretagne et Le Temple-de-Bretagne. Au sud de la Loire, elle inclut les communes de Frossay, Saint-Viaud, Paimbœuf, Arthon-en-Retz (La Sicaudais), Saint-Père-en-Retz, Saint-Brevin-les-Pins, Saint-Michel-Chef-Chef, La Plaine sur mer, Préfailles, Sainte-Marie-sur-Mer et Pornic. Le secteur défensif côtier de la poche s'étire sur 50 km environ de littoral[3].

Pour assurer la défense de l'embouchure de la Loire, les Allemands ont mis en place de puissantes batteries d'artillerie. Au nord, près de Batz-sur-Mer, une batterie constituée de deux canons d'origine française de 240 mm de calibre. On trouve une batterie similaire au sud de la Loire sur la pointe Saint-Gildas. Entre ces deux batteries, se trouvent d'autres pièces de calibre plus modeste, notamment à la pointe de Chemoulin avec quatre canons de 170 mm et quatre canons de 105 mm, ou encore, sur la rive sud, à Mindin et au Pointeau sur la commune de Saint-Brevin-les-Pins[4].

On trouve également une défense antiaérienne (flak) constituée de 80 pièces de gros calibre réparties en une vingtaine de batteries[5].

Au total, les Allemands disposent de 700 canons de toutes sortes (fixes, mobiles et DCA), avec une densité plus forte autour de la base sous-marine, des installations portuaires et du terrain d'aviation[5].

Plus près de Saint-Nazaire, on trouve une ceinture constituée de fossés antichar. Le périmètre part du fort de l'Ève, se dirige vers le nord, traverse Maisac[précision nécessaire], Trignac, longe le marais de la Grande Brière, Montoir-de-Bretagne, pour rejoindre la côte à Donges. Au sud de la Loire, la ceinture décrit un cercle partant de Paimbœuf jusqu'au sud de Saint-Brevin[6].

La forteresse compte 28 000 soldats allemands, elle est commandée par le général d'aviation Junck. La base sous-marine quant à elle reste sous le commandement de l'amiral Mirow.

Les forces alliées devant la poche

Face aux Allemands, on trouve des éléments de la 66e division d'infanterie américaine (général Kramer), de la Brigade Charles Martel (général Chomel), des bataillons FFI de Nantes, etc.

Les civils

La poche compte aussi près de 130 000 civils, dont l'ancienne population de Saint-Nazaire. La ville de Saint-Nazaire comptait, début 1943, 36 000 habitants environ. Soumise à des bombardements importants de la part des alliés, une décision d'évacuation de la ville avait été prise en février 1943. Les réfugiés avaient été accueillis en bonne partie dans la presqu'île guérandaise (et se sont retrouvés enfermés dans la poche de Saint-Nazaire) . D'autres avaient trouvé refuge dans la région nantaise ou au delà. La ville de Saint-Nazaire est officiellement vide, mais dans les faits, cent ou deux cents habitants environ y vivaient encore[7].

En octobre 1944, un assez grand nombre de civils enfermés dans la poche (femmes et enfants) sont autorisés à quitter la poche pour gagner le territoire libéré, ce qui soulage les Allemands d'autant de bouches à nourrir.

D'autres convois sont organisés par la suite par la Croix-Rouge.

Les trains quittent la poche non loin de Cordemais. Une trêve très provisoire est observée entre les belligérants lors de leur trajet. Les réfugiés, une fois arrivés à Nantes, sont soumis à un contrôle dans les locaux du lycée Clemenceau, en partie occupé par l'armée américaine après la libération de Nantes.

Par ailleurs, d'autres habitants de la poche la quittent par leurs propres moyens, notamment sur ses limites est et sud : par exemple, une partie des habitants de Fession (Saint-Omer-de-Blain) quittent leurs fermes, constamment sous le feu des mortiers américains à la fin de , et partent vers l'est à travers les lignes, bien qu'elles soient minées.

Entre novembre 1944 et février 1945, les Allemands évacuent peu à peu les alentours du front est (Fession et Saint-Gabriel à Saint-Omer, d'autres lieux-dits à Bouvron et Fay-de-Bretagne) ; leurs habitants sont invités à se replier à l'intérieur de la poche où à la quitter dans le cadre des trains de civils formés par la Croix-Rouge.

Le père François du Plessis de Grenédan (1921-2013), prêtre, fils du commandant du dirigeable Dixmude, a été aumônier des maquisards FTP et FFI de la Poche de Saint-Nazaire (sud, puis nord), prêtre-ouvrier, éducateur et visiteur des prisons. Cet homme d'action a raconté sa vie mouvementée de prêtre sulpicien dans un livre d'entretien en 2007.

Les opérations militaires

Après plusieurs raids lancés en septembre et octobre contre les troupes FFI de l'autre côté de la Vilaine, les Allemands effectuent au début du mois de novembre un nouveau coup de main dans le secteur oriental[8].

À part un petit débarquement effectué en décembre à la pointe de Pen Lan en Morbihan, les opérations les plus importantes sont menées en Pays de Retz dans le Sud Loire, où s'étendent des terres fertiles pouvant être utiles pour le ravitaillement[8].

Les Allemands s'emparent de Frossay en octobre et fin décembre, à la suite de violents combats, du village de La Sicaudais. Ils s'opposent au 2e bataillon FFI de la Vienne qui cède une bande de près de 100 km2. Le front se stabilise grâce à l'intervention du 8e régiment de cuirassiers[9].

Les Américains, quant à eux, délogent les Allemands de la forêt du Gâvre, les forçant à repasser sur l'autre rive du canal de Nantes à Brest et s'emparent du bourg de Blain[10].

En , grâce à des agents secrets vivant à l'intérieur de la forteresse, la Résistance avertit le commandement de l'imminence d'une attaque allemande près du canal de Nantes à Brest[10].

Au cours du mois de mars, l'artillerie américaine parvient à couler plusieurs cargos qui font la navette entre les forteresses de Lorient et de Saint-Nazaire, posant ainsi des problèmes de ravitaillement aux Allemands[11].

En avril, les Allemands redoublent d'agressivité et harcèlent sans cesse les positions alliées avec leur puissante artillerie. Ainsi, le des accrochages se produisent entre trois patrouilles franco-américaines et les Allemands causant trois morts et plus d'une vingtaine de blessés (et la perte de trois chars) côté allié et la perte de 33 hommes (morts ou blessés) côté allemand[12] (à cette même période, sur le front de l'Ouest, les troupes anglo-américaines ont déjà largement envahi l'Allemagne et atteint l'Elbe).

Rémy Desquesnes évalue à 500 tués, blessés ou prisonniers les pertes du côté des Alliés[13].

La reddition

La signature de la reddition de la poche a lieu à Cordemais, au lieu-dit « Les Sables » sur la route menant à Saint-Étienne-de-Montluc, le , le jour même de la capitulation de l'Allemagne, en milieu de journée. Cordemais est sur la limite Est de la poche de Saint-Nazaire, vers Nantes[14]. Cette commune était aussi le lieu de passage des trains pour l'évacuation des civils empochés.

Le , la cérémonie de la reddition se déroule à l'hippodrome du Grand Clos à Bouvron, à partir de 10h[15]. Au cours de cette cérémonie, le général Hans Junck remet son arme au général américain Herman Frederick Kramer et déclare « conformément à la capitulation signé à Cordemais le 8 mai, j’en remets entre vos main les forces armées allemande qui était sous mes ordres à Saint-Nazaire. En symbole de cette reddition , je vous remets mon arme personnelle. Elle n’est pas chargée et la sécurité est mise » en présence du général Chomel, du préfet de Loire-Inférieure, Alexandre Vincent, et de détachements français et américains[15]. Puis le général Kramer remet au préfet les pouvoirs civils sur le territoire englobé dans l'ex-poche allemande. Vers midi, le préfet, le général français Chomel et le général américain Foster procèdent à la mise en place de leur PC à La Baule[15]. L'ultime partie du territoire occupé par les Allemands en France est libérée, 24 heures après la libération de la poche de Lorient et 3 jours après la capitulation définitive du pouvoir nazi[15].

Le 23 juillet 1945, le général de Gaulle atterrit sur le terrain d'aviation d'Escoublac, et se rend à Saint-Nazaire où il prononce un discours, après un bain de foule, puis parcourt les rues de la ville, en grande partie détruite par les bombardements alliés[16].

Quelques années plus tard, en 1949, un monument en forme de croix de Lorraine est érigé à Bouvron pour commémorer la reddition officielle.

Depuis 1997, le Grand Blockhaus de Batz-sur-Mer accueille le musée de la poche de Saint-Nazaire.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Michel Alexandre Gautier, Poche de Saint-Nazaire. Neuf mois d'une guerre oubliée, Geste éditions, 2015, 424 p.
  • Janine et Yves Pilven Le Sévellec, Les délaissés de la Libération. La vie de tous les jours dans la poche de Saint-Nazaire, Ouest Éditions, Nantes, 1995 (ISBN 2-908261-44-8).
  • Dominique Bloyet, Saint-Nazaire. La Poche, Éditions CMD, Montreuil-Bellay, 1998.
  • Éric Rondel, Lorient, Saint-Nazaire. Les poches de l'Atlantique, Éditions Astoure, 2001 (ISBN 2-84583-037-8).
  • Luc Braeuer, L’incroyable histoire de la poche de Saint-Nazaire, Batz-Sur-Mer, 2003.
  • Daniel Sicard, La Poche de Saint-Nazaire, Nantes, Éditions Siloë, . 
  • (de)Stefan Noack, Die Belagerung der französischen Hafenstadt Saint Nazaire. Autobiografische und literarische Auseinandersetzungen der deutschen Nachkriegszeit, Bachelorarbeit an der Freien Universität Berlin, 2010.
  • Rémy Desquesnes, Les poches de résistance allemandes sur le littoral français : août 1944 - mai 1945, Rennes, éd. Ouest-France, coll. « Histoire », , 127 p. (ISBN 978-2-7373-4685-9). 
  • Stéphane Simonnet, Les poches de l'Atlantique : Les batailles oubliées de la Libération Janvier 1944 - mai 1945, Tallandier, , 314 p. (ISBN 979-10-210-0492-4)

Articles connexes

Liens externes

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