Frisons
Les Frisons sont un peuple germanique appartenant sur le plan ethnolinguistique au rameau westique. Chez les Anglo-Saxons et les Néerlandais entre autres, on distingue les Frisons de l'Antiquité (Frisii) de ceux des périodes ultérieures qui portent un autre nom (Friezen, Frisians).
Pour les articles homonymes, voir Frison.
Frisii | |
Répartition des peuples germaniques au Ier siècle. | |
Période | Antiquité |
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Ethnie | Germanique |
Langue(s) | Germanique |
Religion | Polythéisme germanique |
Région d'origine | Litus saxonicus |
Région actuelle | Basse-Saxe, Drenthe |
Rois/monarques | Corsold (a fondé une colonie frisonne en Armorique)[1] |
Frontière | Sinus Germanicus au Nord-Ouest |
Au VIIIe siècle, les Anglo-Saxons de l'île de Bretagne conservaient le souvenir de cette origine commune : elle fut, selon Bède le Vénérable, le facteur qui déclencha l'envoi de missions chrétiennes anglaises sur le continent germanique du VIIe jusqu'au IXe siècle.
Origines
L'ensemble des ethnies mentionnées ci-dessus peuplait à l'époque romaine la plaine du Nord de l'Allemagne (actuels länder de Schleswig-Holstein et de Basse-Saxe), une partie des Pays-Bas et de la péninsule du Jutland au Danemark. Si l'on se réfère à la conquête de la Bretagne romaine ou aux actes de piraterie commis au début du Ve siècle sur les côtes septentrionales de l'Empire romain continental (le litus saxonicus), il faut croire que ces peuples s'étaient tournés vers la mer et pratiquaient depuis longtemps le cabotage le long des rivages de la mer du Nord. Les langues frisonnes ont survécu : le frison occidental est aujourd'hui une langue minoritaire parlée dans la région des Pays-Bas qui a pu constituer le berceau de l'ethnie des Frisons : la province de Frise (Friesland), tandis que le néerlandais est dérivé principalement, quant à lui, du francique, la langue des Francs, introduite par ces derniers au Ve siècle.
La période romaine
Les Frisons sont cités par Jules César dans la Guerre des Gaules, où le général romain montre son intérêt pour la race de chevaux devenus célèbres sous le nom de « Frisons » et qui portent au combat les cavaliers de cette région. L'Empire romain reconnaît aux Frisons un artisanat, notamment militaire, supérieur à celui de leurs voisins germains ou la plupart des belges de Gaule. Les armes forgées en Frise sont mises en vente sur les marchés de la mer du Nord que les Frisons gouvernent en maître lorsque les armées romaines pénètrent en Europe du Nord. C'est d'ailleurs à cette époque que cette mer est appelée mer frisonne. Établis à l'extérieur des frontières originelles de l'Empire romain, les Frisons firent partie des peuples soumis au tribut sous l'imperium d'Auguste (avant -14): pressés par les exigences du primipilaire Olennius, ils se révoltèrent sous l'imperium de Tibère en 28 (source : Tacite, Annales, IV)[2]. Leur victoire lors de la bataille de la forêt de Baduhenne leur permit de vivre « libres » sur leurs terres jusqu'au milieu de IIIe siècle, Rome ayant renoncé à étendre son empire au-delà du Rhin.
Vers 250, suite d'une péjoration de leur environnement due à une remontée du niveau de la mer, les Frisons durent abandonner leurs terres inondables protégées par des « tertres » (terp en néerlandais); l'intérieur du continent étant déjà occupé par d'autres tribus germaniques, ils harcelèrent avec les Saxons les frontières maritimes de l'Empire romain où ils finissent par s'établir, notamment dans la Flandre maritime, dans le Kent et sur la côte de la mer du Nord en Bretagne insulaire, où des cohortes auxiliaires de l'armée romaine étaient déjà établies (à Cuneus Frisiorum Vinoviensium - auj. Binchester, et à Cuneus Frisiorum Vercoviciensium - auj. Housesteads). L'Empire était alors agité par la crise politique du milieu du IIIe siècle, notamment en Gaule et dans l'île de Bretagne : plusieurs monnaies frappées sous l'empereur des Gaules Postume (260–261) sont ornées d'une galère, montrant l'importance qu'avait à ce moment la défense maritime romaine contre ces pirates.
Au début du Ve siècle, les pirates frisons menaient des expéditions de pillage sur les côtes de la mer du Nord jusqu'à la Manche ; c'est à ce moment que certains d'entre eux durent former des établissements au moins temporaires sur la côte au Sud-Est de l'île de Bretagne, participant ensuite à l'invasion massive de cette province par les Anglo-Saxons (source : Procope de Césarée), invasion que l'historiographie place traditionnellement vers 450. Vers 500, certains s'établissent en Domnonée (Armorique) sous la conduite d'un chef nommé Corsold[3].
Le haut Moyen Âge
Quant aux Frisons demeurés dans le nord-est des Pays-Bas et le nord-ouest de l'Allemagne actuelle, ils se heurtent bientôt au pouvoir des Francs qui, établis entre Loire et Main et convertis au christianisme depuis le baptême de Clovis (après 496), étendent leurs royaumes en Germanie et tentent de soumettre la Frise encore païenne.
Devenus les dangereux voisins des royaumes mérovingiens après que Clovis eut soumis les Francs rhénans, les Frisons profitèrent des troubles liés aux successions à l'époque des premiers Mérovingiens. Thierry Ier (v. 485-534) les affronta et leur imposa un tribut (515). Mais ces païens s'étendirent à l'ouest autour d'Utrecht, de Dorestad et jusqu'au-delà de la Flandre maritime (Westhoek français) dont le premier nom était Frisia.
Par la suite et durant l'ensemble de la période mérovingienne, les Frisons profitèrent des luttes intestines qui mobilisaient les capacités militaires des royaumes francs afin de conserver leur indépendance : en 716, le maire du palais neustrien Ragenfred leur demanda même une trêve pour vaincre l'Austrasie.
Au début du VIIe siècle, alors que la richesse des Francs était essentiellement terrienne, les commerçants et les pirates frisons entretenaient des relations avec le monde scandinave et contrôlaient la majorité des côtes méridionales de la mer du Nord : cette dernière était connue pour cette raison sous le nom de « mer frisonne » et les territoires dominés par les Frisons formaient alors une « grande Frise » (magna frisia), s'étendant de l'Escaut jusqu'à la Weser et dont on ignore à peu près tout dès que l'on s'éloigne du littoral et des fleuves.
Évangélisation et conquête de la Frise
C'est avec les missions chrétiennes entreprises à partir de la période mérovingienne que l'historiographie des Frisons devient plus abondante.
La période mérovingienne
La Vie de Saint Éloi mentionne que ce dernier (mort en 660), qui fut auparavant conseiller des rois Clotaire II et Dagobert Ier, entreprit de convertir certains Frisons établis sur le littoral belge à partir de l'évêché d'Anvers (après 641) : ses efforts eurent vraisemblablement peu de succès, compte tenu des événements ultérieurs. Un autre missionnaire franc tenta d'évangéliser les Frisons durant cinq années, de 657 à 673 : saint Vulfran (source : Vita Vulfranni).
En définitive, la christianisation de la Frise occidentale fut le fait des missionnaires anglo-saxons, appuyés puis relayés par le pouvoir militaire franc. Elle dura de la fin de la période mérovingienne jusqu'à la fin du IXe siècle.
À la suite de Wilfrid d'York qui passa l'année 678 sur la côte frisonne à la suite d'un naufrage, des moines anglais partirent sur le continent pour convertir leurs frères demeurés païens dès la fin du VIIe siècle et durant la première moitié du VIIIe siècle. Ils parlaient une langue proche de celle des Frisons, ce qui n'empêcha pas ces derniers de résister avec ardeur à la religion de leurs ennemis. Ainsi, deux missionnaires nommés Hewald (en) subirent le martyre en Frise durant l'automne 690 (source : Bède le Vénérable, Histoire ecclésiastique du peuple anglais).
Parallèlement, les Francs entreprirent la conquête militaire de la Frise. Les Frisons furent soumis une première fois sous le règne de Radbod par Pépin de Herstal : le maire du palais austrasien fonda alors l'évêché franc d'Utrecht, à la tête duquel il plaça le missionnaire anglais Willibrord (mort en 739) en 696. L'aristocratie franque se partagea les terres des Frisons en plusieurs grands domaines, mais cette politique excessive suscita la résistance frisonne.
Une fois Pépin mort, les Frisons furent temporairement libérés du joug austrasien après avoir conclu un accord de paix avec les Neustriens et à la suite de la victoire de ces derniers sur les Austrasiens.
Néanmoins, Charles Martel, le fils de Pépin, les affronta peu après et vainquit à nouveau Radbod lors des guerres qu'il mena pour rétablir le pouvoir des Francs aux frontières de leur royaume (717-719).
La période carolingienne
Bien qu'ayant véritablement commencé au VIIe siècle, l'évangélisation des Frisons dura jusqu'à la période carolingienne : intégrée à l'empire de Charlemagne, la Frise devint un comté franc après 785.
Jusqu'en 754, les efforts du missionnaire anglais Winfrid, c'est-à-dire saint Boniface, entraînèrent la conversion de nombreux Frisons sans que la Frise fut christianisée pour autant. L'entreprise de ce dernier se heurta notamment aux hostilités entre Radbod et Charles Martel (v. 715), puis à l'impopularité du pouvoir franc. Après avoir évangélisé les Bavarois et les Thuringes, Winfrid subit à son tour le martyre aux mains des Frisons à Dokkum, près de Groningue, en 755.
L'annexion de la Frise orientale (la région s'étendant du Zuiderzee jusqu'à l'embouchure de la Weser) par les Francs ne fut acquise, en apparence, qu'après 782, voire 785. C'est à cette dernière date que Widukind, le chef de la résistance païenne des Saxons se soumit à Charlemagne. Néanmoins, la situation politique demeura tendue encore plusieurs années pour les Francs.
Le capitulaire de partibus saxonis, qui établit le partage de la Saxe conquise par Charlemagne en 787, entraîna le soulèvement général des Saxons contre les Francs. À l'appel des Saxons, les Frisons demeurés païens se soulevèrent à leur tour. Ils subirent également les représailles sanglantes de l'armée franque.
Les Frisons au Moyen Âge
Après être devenue un comté franc, la Frise fut rattachée à la Francie médiane après le traité de Verdun (843), avant d'être intégrée à la Francie orientale (Germanie) et de devenir partie intégrante du Saint-Empire romain germanique.
Après avoir entretenu durant plusieurs siècles des relations commerciales avec les Vikings du Danemark, de Suède et de Norvège ; les Frisons ne purent contenir l'attaque des Danois qui voyaient en eux d'excellents fabricants d'armes. Les Frisons, qui vécurent un temps sous la domination danoise après l'effondrement du pouvoir carolingien (879-882), devinrent ensuite les sujets du roi saxon Henri Ier l'Oiseleur en 925.
Morcelée en plusieurs entités politiques après avoir été un temps dominée par l'évêché impérial d'Utrecht, une grande partie de la Frise tomba progressivement sous la coupe des comtes de Hollande du XIIe siècle jusqu'au XIVe siècle : c'est à cette époque que le néerlandais s'y imposa progressivement comme langue dominante.
Chronologie des « rois » frisons
Les « rois » frisons du haut Moyen Âge sont connus notamment grâce à l'historien de l'Église anglaise Bède le Vénérable (mort en 735).
Notes et références
- Prudence-Guillaume de Roujoux, Histoire des rois et des ducs de Bretagne, vol. 1, p. 212 sur consulté le 22 mai 2016.
- p.419 Chronology in Pax Romana d'Adrian Goldsworthy Ed. The Orion Publishing Group Ltd - Hachette UK Company 2016 (ISBN 978-1-4746-0437-6)
- Prudence-Guillaume de Roujoux, « Histoire des rois et des ducs de Bretagne », Vol. 1, p. 212 sur consulté le 22 mai 2016.
Voir aussi
Bibliographie
Liens externes
- Révolte des Frisons en 28, in les Annales de Tacite : traduction en français sur le site de la B.C.S. (Université de Laudun)
- Les Frisons et leur histoire in L'aménagement linguistique dans le monde, par Jacques Leclerc sur le site de l'université de Laval au Québec.
- Informations sur la Lex Frisionum sur le site de la Bibliotheca legum. A database on Carolingian secular law texts (allemand et anglais)
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