Guerre des Goths (377-382)

La Guerre des Goths (377-382) est un conflit opposant les Goths à l'Empire Romain d'Orient. Il est considéré comme responsable de la cascade d'évènements qui mèneront à la chute de l'Empire Romain d'Occident.

Guerre des Goths
La face ouest du piédestal de l'obélisque de Théodose (389) représente Honorius, Arcadius, Théodose Ier, et Valentinien II, entourés par la cour impériale. Des Perses (à gauche) et des Goths (à droite) leur offrent des présents en signe de soumission.
Informations générales
Date 376382
Lieu Balkans
Issue Installation des Goths en Mésie par l'empereur Théodose Ier en tant que fédérés
Belligérants
Empire romainGoths
Huns
Alains
Commandants
Empereur Valens
Empereur Théodose
Empereur Gratien
Richomer
Saturninus
Trajan †
Frigeridus
Sébastien
Modares
Vitalianus
Bauto
Arbogast
Lupicin
Fritigern
Alaviv
Alatheus
Saphrax
Farnobe

Batailles

Bataille des Saules, Bataille de Dibaltum, Bataille d'Andrinople (378)

Contexte

Tentative d'installation des Goths dans l'Empire

À l'été 376, un nombre important de Goths se présente aux frontières de l'Empire sur les rives du Danube, requérant l'asile contre les Huns. Ceux-ci se divisent en deux groupes : les Thervinges, conduits par Fritigern et Alaviv, et les Greuthunges, menés par Alatheus et Saphrax.

Le rhéteur Eunape affirme que leur nombre était supérieur à 200 000, mais l'historien Peter Heather estime que les Thervinges ne pouvaient compter plus de 10 000 guerriers et 50 000 personnes au total, à l'instar des Greuthunges[1].

L'empereur Valens, en résidence à Antioche d'où il surveillait le front oriental, accueillit positivement la nouvelle. Selon l'historien et militaire romain Ammien Marcellin, contemporain des événements, la cour impériale vit dans cet afflux de réfugiés une opportunité pour l'armée et pour les finances de l'Empire[2] :

« L'affaire cause plus de joie que de peur et les courtisans lettrés louèrent sans retenue la bonne fortune du prince qui, depuis les extrémités de la terre, lui apportait à l'improviste des jeunes recrues en si grand nombre que, par l'union de ses propres forces et de ces forces étrangères, il aurait une armée invincible. De surplus, au lieu de la conscription de soldats, à laquelle contribuait annuellement chaque province, il affluerait vers le trésor une énorme quantité d'or. »

Les Goths traversèrent le Danube, probablement à la hauteur de la forteresse de Durostorum ou dans ses environs, et furent installés dans un premier camp, avant d'être déplacés pour passer l'hiver près de Marcianopolis, où se trouvait le camp du commandant des armées de campagne en Thrace, le comte Lupicin[2].

Le déclenchement de la guerre

La dégradation de la situation est généralement imputée par les auteurs antiques à la malhonnêteté des officiers romains sur le terrain, dont le comte Lupicin, qui organisèrent un système de marché noir lorsque les Goths, passés de l'autre côté de la frontière, se trouvèrent à cours de nourriture. La situation se dégrade d'autant plus à l'hiver 376[3] lorsque Lupicin profita d'un banquet prétendument donné en l'honneur des chefs goths pour tenter de les assassiner. Ammien Marcellin rapporte le déroulement de ces événements[4] :

« Après avoir invité Alaviv et Fritigern à un banquet, Luicin posta des soldats face au gros des troupes barbares et les tint à distance des murailles de la ville. [...] Une grande querelle éclata entre les habitants et ceux qui étaient bloqués dehors ; elle atteint un tel point que le combat devint inévitable. Sur quoi les barbares [...] tuèrent et dépouillèrent un grand nombre de soldats. Quand Lupicin apprit par un message secret ce qui était arrivé, [...] il fit mettre à mort les escortes des deux chefs qui, comme gardes d'honneur et pour assurer leur sécurité, les attendaient devant les quartiers du général. »

La tentative d'assassinat, qu'Ammien Marcellin semble imputer à la confusion, échoua cependant après que Fritigern ait menacé les Romains d'un conflit ouvert avec le reste des troupes gothiques stationnées devant la ville. Dès le lendemain, les Goths pillèrent la région environnant Marcianopolis. En réaction, Lupicin rassemble ses troupes et marche sur le camp gothique, situé à une quinzaine de kilomètres de la ville. Son armée est écrasée et lui-même est contraint à la fuite[4].

Phases de la guerre

L'armée romaine

La guerre des Goths commence à la fin de l'hiver 376-377. Embourbé sur le front oriental, l'empereur Valens sollicite l'aide militaire de son neveu Gratien, empereur romain d'Occident. Gratien envoie au secours de l'Empire d'Orient le chef de sa garde du corps, le comte des Domestiques Richomer, à la tête d'une armée modeste constituée selon Ammien Marcellin de quelques « cohortes qui n'en avaient que le nom », issues de l'armée des Gaules[5],[6].

L'Empire romain d'Orient a de son côté placé ses meilleures troupes, le comitatus, sur la frontière orientale. L'armée qui combat en Thrace est placée sous le commandement du magister peditum Trajan et de Profuturus et est constituée des légions d'Arménie, au nombre de trois et représentant tout au plus 3 000 hommes selon la Notitia Dignitatum[6].

Les Goths

Les Goths se déplacent quant à eux avec leurs charriots et leurs familles, se dispersant en plusieurs groupes mobiles et s'armant d'épées et de lances récupérées au cours de leurs pillages, notamment dans la fabrique impériale de Marcianopolis. Leurs troupes sont renforcées durant la campagne par certains mercenaires goths recrutés par Valens et peut-être d'ouvriers agricoles, de travailleurs des mines impériales et d'esclaves en fuite. Ils sont également rejoints par les cavaliers d'Alatheus et de Saphrax qui mettent à profit la confusion provoquée par les événements pour traverser le Danube à leur tour[7].

Théâtre d'opération et tactiques
Mouvement des armées romaines et barbares en 377

L'ensemble des opérations de la guerre des Goths se déroulent dans une zone comprise entre le Danube et le Nord des Balkans, en Thrace, dans une région au relief très ondulé, dont Ammien Marcellin souligne l'importance dans les événements de la guerre des Goths. Le relief karstique complique en effet la détection des mouvements de troupes adverses, favorise les opérations de défilement et la guérilla au détriment des batailles rangées dans lesquelles les Romains pourraient théoriquement dominer leurs adversaires. De fait, les trois batailles d'ampleur menées au cours de l'année 377, aux Saules, à Dibaltum et près de Béroia, sont toutes dues à la « découverte-surprise » de l'ennemi[6].

Les Goths, peu versés dans l'art de la poliorcétique, renoncent à assiéger des villes et préfèrent agir en ordre dispersé, sans trop s'avancer en territoire romain et en exploitant les ressources du terrain pour se cacher et prendre l'ascendant sur les troupes romaines. Afin de nourrir leurs familles qui les accompagnent dans des charriots, les Goths sont dépendants des ressources disponibles dans la campagne thrace.

Les Romains cherchent quant à eux dans un premier temps à mener une bataille décisive malgré l'infériorité numérique de leurs troupes, probablement jugée suffisante par les deux empereurs[8]. L'issue indécise de la bataille des Saules et les lourdes pertes subies lors de l'affrontement les amènent à changer de stratégie. Les armées romaines optent alors pour une guerre d'attrition en se repliant dans des sites fortifiés des monts Hémus pour fixer les Goths durant l'hiver dans la campagne dévastée du Nord des Balkans. L'arrivée de renforts du côté des Goths à l'automne force les Romains à changer à nouveau de stratégie. Ceux-ci se replient sur les villes de la région, d'où ils lancent des attaques éclair contre des groupes isolés de Goths, en attendant l'arrivée de Valens pour chercher à nouveau à mener une bataille décisive[9],[6].

Jonction des deux armées romaines et bataille des Saules ()

Les deux armées d'Orient et d'Occident effectuent leur jonction après que les troupes menées par Richomer aient traversé le col du Succi, près de la via Militaris. Malgré leur infériorité numérique, les troupes romaines cherchent à mener une bataille décisive contre les Goths et engagent au début du mois de l'armée des Goths près du lieu dit Ad Salices. L'issue de la bataille est indécise et les pertes importantes des deux côtés. Durant plus d'une semaine après l'affrontement, les Goths demeurent retranchés derrière le cercle de leurs chariots[8].

En réaction, les Romains décident de faire évoluer leur stratégie. Tandis que Richomer retourne en Gaule après la bataille pour chercher des renforts en Occident[9], l'empereur Valens nomme Flavius Saturninus en tant que commandant temporaire de la cavalerie, pour soutenir le magister peditum Trajan[10]. L'armée romaine fortifie les cols qui traversent les monts Hémus et les routes menant vers le Sud en y installant des troupes de fédérés sarrasins[9]. L'objectif poursuivi par les deux généraux est de bloquer l'avancée de l'armée des Goths entre le Nord des Balkans et le Danube avant l'hiver, pour l'affaiblir en la privant de nourriture[6].

À la fin de l'automne, les Goths sont cependant renforcés par l'arrivée de guerriers Huns et Alains en quête de pillage. Face à la supériorité numérique de leurs adversaires, Saturninus estime ne plus pouvoir tenir sa position et ordonne le repli de ses troupes[8].

Repli tactique et bataille de Dibaltum ()

Durant la retraite de l'armée romaine, un détachement composé de cavaliers lourds et de fantassins commandé par le tribun des scutaires Barzimer s'installe devant les murs de Dibaltum[8]. Les Romains sont surpris par l'arrivée des Goths et forcés de mener bataille. Après un combat frontal d'infanterie, les troupes romaines sont enveloppées par les flancs par la cavalerie gothique, et anéanties. L'utilisation de cette tactique constitue selon l'historien Philippe Richardot « une répétition d'Andrinople à une échelle moindre »[6].

Pillage de la Thrace par les Goths (hiver 377 - printemps 378)

La bataille de Dibaltum et le repli de l'armée romaine au Sud des monts Hémus laissent le champ libre aux Goths pour piller la Thrace jusqu'à la province de Rhodope.

Valens réclame à son neveu Gratien le secours de l'un de ses généraux, Sébastien, qui se met au service de l'empereur d'Orient. Le général devient magister peditum à la place de Trajan, à qui Valens reproche les lourdes pertes de la bataille des Saules[6]. Sébastien adopte une nouvelle stratégie. Il et répartit ses troupes dans les villes fortifiées de la région, d'où celles-ci lancent des raids contre les armées barbares isolées.

À la fin de l'automne, le duc de Valérie Frigeridus, général de l'Empire romain d'Occident, inflige une sévère défaite aux Goths de Farnobe alliés aux Taïfales près de Béroia. Les survivants de la bataille sont installés dans les régions de Parme, de Modène et de Reggio[7]. En dépit de ce succès, les Romains n'enregistrent aucun résultat définitif à la fin de l'année[6].

En réaction aux attaques des Romains, Fritigern appelle les Goths dispersés dans la province de Thrace à se rassembler autour lui, soit pour affronter l'armée romaine dans une bataille décisive, soit pour éviter l'anéantissement de troupes gothiques éparses[7].

Arrivée de Valens en Thrace ()

La via Egnatia, menacée par l'avancée vers le Sud de l'armée de Fritigern

Au début de l'année 378, Valens décide avec Gratien, alors installé face à la frontière rhénane à Trèves, de mener une campagne conjointe dans les Balkans contre les Goths[11]. Pour se désengager du front oriental, Valens accorde également de lourdes concessions aux Sassanides. Il quitte ensuite Antioche pour Constantinople, où il arrive le [3]. Valens est accueilli dans la capitale par une populace mécontente qui lui reproche son manque d'efficacité pour repousser les Goths. Au cours de spectacles donnés dans l'hippodrome, le peuple demande des armes pour se défendre, ce que Valens refuse en quittant l'arène[7].

Après douze jours passés à Constantinople, l'empereur quitte la ville le et se rend dans une villa impériale nommée Mélanthias à une cinquantaine de kilomètres de sa capitale. Il y séjourne un mois[3], peut-être, pour réorganiser l'armée et son état-major et attendre les renforts promis par Gratien. Ammien Marcellin rapporte que l'empereur verse leurs soldes à ses troupes et s'applique à améliorer leur moral en prévision de l'affrontement contre les Goths[7].

En juillet, Sébastien, à tête d'un détachement de 2 000 hommes, surprend et écrase une colonne de Goths chargée de butin près de Béroia[6]. Cette défaite conduit Fritigern à changer de tactique et à se replier vers Cabyle avec ses troupes, dans une plaine où l'effet de surprise est impossible, avant de prendre la direction du Sud[12].

Valens est informé de cette victoire alors qu'il vient de gagner une station du cursus publicus appelée Niké, sans doute sur la route d'Andrinople. L'empereur s'y rend ensuite, fait restaurer les forticiations et installe son camp sous les murs de la ville. Son objectif est d'empêcher que la route traversant les Balkans d'Est en Ouest, la via Egnatia, ne soit coupée par les Goths[12].

Défaite de l'armée romaine d'Orient à Andrinople ()

La première phase de la bataille d'Andrinople. L'armée romaine engage les soldats de Fritigern, réfugiés derrière le cercle de leurs charriots, avant d'être surprise par l'attaque de la cavalerie gothique sur ses flancs.

Parti d'Italie en avril, Gratien ne parvient quant à lui qu'avec un léger détachement à Castra Martis en Mésie au début du mois d'août. L'empereur d'Occident doit en effet faire face depuis le mois de février à un nouveau conflit ouvert avec les Alamans du roi Priarius sur le cours supérieur du Rhin, et a choisi de renvoyer une partie de ses troupes sur la frontière rhénane[13].

Gratien, qui est alors atteint d'une forte fièvre, doit de surcroît faire face aux attaques des Alains, qui harcèlent l'armée romaine en profitant de ses difficultés[14]. Dans une lettre qu'il fait remettre le par l'intermédiaire du comte Richomer à Valens, Gratien enjoint son oncle à ne pas engager le combat avant son arrivée. Fritigern, de son côté, fait porter dans la nuit du 8 au une offre de « paix perpétuelle » par un prêtre à l'empereur en échange de l'octroi d'un statut de roi client en Thrace. Sur la foi d'informations erronées de ses éclaireurs, Valens pense avoir face à lui une armée d'à peine 10 000 guerriers[3]. Confiant dans la supériorité de ses troupes, fortes de 15 000 à 30 000 hommes, Valens décide d'engager la bataille, sans attendre l'arrivée des troupes de l'Empire romain d'Occident[12].

Le au matin, les troupes romaines se mettent en marche vers le camp des Goths, qu'elles atteignent vers 14 h, épuisées et assoiffées en raison de la chaleur du jour et de la difficulté du terrain. Alors que Valens s'apprête à envoyer le général Richomer en ambassade afin d'examiner les dernières offres du camp adverse, le combat s'engage spontanément à la suite d'une fasse manœuvre de la schole palatine des scutaires archers. Alors que la bataille semble tourner à l'avantage des Romains, ceux-ci sont surpris par l'arrivée de cavaliers huns, alains et greuthunges sur leurs flancs. En fin d'après-midi, la ligne de l'infanterie romaine se disloque. Les unités qui ne réussissent pas à s'enfuir sont écrasées par l'armée gothique.

Les pertes du côté romain sont lourdes. Dans la déroute, l'empereur Valens disparait et son corps n'est jamais retrouvé. De plus, 35 commandants d'unités ou tribuns affectés à l'état-major ainsi que les deux généraux commandant l'infanterie, Saturninus et Trajan, sont tués au cours de la bataille[12].

Sièges d'Andrinople et de Constantinople (été 378)

Après leur victoire, les Goths poursuivent les hostilités. Contre l'avis de Fritigern, les Goths mettent le siège devant la ville d'Andrinople où se trouvait le trésor impérial ainsi qu'une partie des survivants de la bataille. Après trois jours de combats acharnés, ceux-ci sont repoussés par les défenseurs de la ville[7].

Avec leurs alliés huns et alains, les Goths se dirigent par la suite vers Périnthe, dont ils ravagent la campagne, avant de se porter vers Constantinople. Après s'être heurtés aux murs de la ville, ils sont mis en déroute après un féroce combat par la cavalerie des auxiliaires sarrasins de l'armée romaine. Ayant échoué à s'emparer de ces deux villes, l'armée gothique se replie vers la Thrace. Les troupes conduites par Alatheus et Saphrax, composées de Greuthunges, de Huns et d'Alains, se séparent alors des Thervinges, peut-être en raison de la difficulté à trouver suffisamment de nourriture. Elles franchissent le col de Succi avant de se diriger vers la Pannonie[7].

Les suites de la bataille d'Andrinople du côté romain

Informé de la défaite de Valens par le maître de cavalerie Victor, l'empereur romain d'Occident Gratien se retire à Sirmium, entouré de ses généraux[12]. Il y nomme deux nouveaux maîtres des milices pour rétablir la situation militaire en Orient, mais attend jusqu'en janvier de l'année suivante avant de nommer un nouvel Auguste pour la partie orientale de l'Empire[7].

La défaite d'Andrinople provoque un choc dans l'Empire romain. Ammien Marcellin déplore la barbarisation de l'armée[9]. Julius, maître des milices en Orient, fait exécuter tous les Goths récemment engagés dans les troupes stationnées dans les régions sous son commandement dans les mois suivant la bataille et garantit la stabilité dans les provinces orientales[7].

379 : début de reprise en main par les Romains dans les Balkans

Monnaie présentant le buste de l'empereur Théodose Ier

Le , l'empereur Gratien proclame Théodose empereur en lui confiant l'Orient, la Macédoine et la Dacie. Ce général d'origine espagnole, âgé de 32 ans, avait exercé un commandement militaire en Mésie première, avant de subir la disgrâce de son père en 376 pour des raisons confuses.

Les deux empereurs se concentrent sur le rétablissement de la situation en Thrace. La mort du souverain sassanide Chapour II et sa succession troublée, qui détournent la Perse de toute entreprise contre l'Empire romain, permettent à Gratien et à Théodose de porter tous leurs efforts dans les Balkans.

Les deux empereurs combattent ensemble en Thrace durant le printemps 378 sans que le détail de leurs opérations ne nous soit parvenu. En juin, Théodose s'installe à Thessalonique. Gratien, quant à lui, repart vers l'Italie. Il atteint Aquilée le et est de retour dans ses quartiers d'hiver à Trèves le [7]. Le , Théodose rétablit les communications avec l'empire d'Occident via la vallée de la Save[15].

Théodose engage une vaste réorganisation de l'armée pour compenser les pertes subies lors de la défaite d'Andrinople, notamment en recrutant des soldats parmi les barbares ayant envahi l'empire en 376. Il transfère deux légions stationnées en Égypte dans les Balkans (la IIIe légion dioclétienne et la Ire légion Maximiana), en les remplaçant dans leur terre d'origine par plusieurs corps de troupes d'origine barbare. Théodose s'attache également à mélanger les effectifs barbares aux effectifs romains et légifère sur le recrutement pour s'assurer de la bonne qualité des nouvelles recrues[7].

Théodose renouvelle son état-major en confiant le commandement militaire pour le diocèse de Thrace à Modares, un prince goth de haut lignage, père du futur roi Wallia et beau-père d'Alaric, et apparenté au roi thervinge Athanaric. Ayant traversé le Danube en 376, Modares s'était récemment rallié à l'armée romaine. Il remporte à l'été ou à l'automne une victoire contre les Goths en s'emparant de plus de 4 000 chariots. Ce fait d'arme, le seul rapporté par l'historien Zosime, permet au nouvel empereur d'Orient d'annoncer une victoire à Constantinople le [16].

380-381 : derniers affrontements et négociations de paix

Au printemps 380, les Goths menés par Fritigern envahissent la Thessalie, l'Épire et l'Achaïe. Théodose fait appel à Gratien, qui lui envoie deux de ses généraux, Vitalianus, et le maître des milices Bauto, secondé par son fils Arbogast, à la tête d'une armée. Gratien lui-même se rend à Sirmium, où il s'établit pendant une année. L'empereur d'Occident intervient en Pannonie, où s'est réfugié en 378 le groupe composite de Goths Greuthunges, de Huns et d'Alains menés par Alatheus et Saphrax. Après avoir remporté la victoire sur les barbares, Gratien leur accorde le statut de fédérés et les installe dans la province selon l'historien Jordanès.

Théodose approuve le traité conclu par son collègue. Il parvient dans la première moitié de l'année 380 à repousser les Goths au nord de la Thrace, au-delà des monts Hémus. Il se rend par la suite à Andrinople le puis à Sirmium le , où il rencontre Gratien. L'empereur d'Occident regagne par la suite la Gaule, menacée par les Alamans[7].

Le , le vieux roi thervinge Athanaric se rend à Constantinople et demande l'asile à Théodose, qui le reçoit avec les honneurs. Il meurt le et reçoit des funérailles royales qui impressionnent favorablement les Goths[7]. Certains des compagnons d'Athanaric repartent au-delà du Danube, quand d'autres s'installent sur les rives du fleuve où, selon Zosime, « ils empêchèrent pour longtemps les attaques contre les Romains »[7].

Théodose négocie un deuxième traité avec Alatheus et Saphrax, les autorisant à s'établir avec des fonctions militaires permanentes dans l'empire[7].

D'autres combats se déroulent en Thrace. L'historien Zosime mentionne des affrontements entre les Romains et les Skires, les Daces et les Huns, constituant peut-être des groupes errants dans les provinces de Thrace[7].

382 : conclusion d'un traité de paix

En 382, l'empereur Théodose envoie le maître des milices Saturninus négocier un trait de paix avec les Goths. Le , les deux parties parviennent à un accord, par lequel les Goths sont installés par fœdus en Mésie et en Thrace. En échange, les Goths s'engagent à défendre les frontières de l'Empire.

Conséquences

L'analyse des conséquences de la guerre des Goths se focalisent essentiellement sur le choc de la bataille d'Andrinople et sur l'installation des Goths dans l'Empire en l'absence de victoire décisive des armées romaines, conséquence du traité de paix de 382.

Pour l'historien goth Jordanès, le traité conclu avec Théodose représente un renouvellement du traité de Constantin en 332[7].

Notes et références

  1. Peter Heather, Rome et les Barbares, Paris, Alma Editeur, , 631 p. (ISBN 978-2362792311), p. 178
  2. Peter Heather, Rome et les Barbares, Paris, Alma Editeur, , 631 p. (ISBN 978-2362792311), p. 193
  3. Jean-Pierre Bois (dir.), Dialogue militaire entre Anciens et Modernes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, , 183 p. (EAN 9782753500785, lire en ligne), p. 101-115
  4. Peter Heather, Rome et les Barbares, Paris, Alma Editeur, , 631 p. (ISBN 978-2362792311), p. 200-203
  5. Ammien Marcellin, XXXI VII, 4.
  6. Philippe Richardot, La fin de l'armée romaine 284-476, Paris, Economica, , 408 p. (ISBN 978-2717848618), p. 305-321
  7. Claire Sotinel, Rome, la fin d'un empire, Paris, Belin, , 688 p. (ISBN 978-2701164977), p. 401-411
  8. Peter Heather, Rome et les Barbares, Paris, Alma Editeur, , 631 p. (ISBN 978-2362792311), p. 210-212
  9. Yann Le Bohec, L'armée romaine sous le Bas-Empire, Editions A&J Picard, , 256 p. (ISBN 978-2708407657), p. 193-198
  10. Ammien Marcellin, XXXI VIII, 3.
  11. (en) Hugh Elton, The Roman Empire in Late Antiquity. A political and Military History, Cambridge, Cambridge University Press, , 402 p. (ISBN 978-1108456319)
  12. Michel De Jaeghere, Les derniers jours, Paris, Tempus Perrin, , 736 p. (ISBN 978-2262064259), p. 288-292
  13. Peter Heather, Rome et les Barbares, Paris, Alma Editeur, , 631 p. (ISBN 978-2362792311), p. 214-215
  14. Zosime, IV, 23, 2-5.
  15. Victor Duruy, Histoire des Romains : depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin du règne des Antonins, vol. 7, Paris, Hachette, (présentation en ligne)
  16. (en) Herwig Wolfram et Thomas J. Dunlap, History of the Goths, University of California Press, , 580 p. (ISBN 978-0-520-06983-1, présentation en ligne)

Voir aussi

Bibliographie

  • Thomas S. Burns, Barbarians Within the Gates of Rome: A Study of Roman Military Policy and the Barbarians, Ca. 375–425 A.D., Bloomington and Indianapolis, Indiana University Press, (ISBN 978-0-253-31288-4)
  • A. Cameron et P. Garnsey, The Cambridge Ancient History, vol. 13, London, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-139-05440-9)
  • Edward Gibbon, The History of the Decline & Fall of the Roman Empire, New York, Penguin, (ISBN 978-0-14-043393-7)
  • P. Heather et D. Moncur, Politics, Philosophy and Empire in the Fourth Century: Select Orations of Themistius, vol. 36, Liverpool, Liverpool University Press, coll. « Translated Texts for Historians », (ISBN 978-1-84631-382-0)
  • P. Heather, The Fall of the Roman Empire, (ISBN 978-0-19-515954-7)
  • M.i Kulikowski, Rome's Gothic Wars, (ISBN 978-0-521-8-4633-2)
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  • S. Williams et J. G. P. Friell, Theodosius: The Empire at Bay, New York, Yale University Press, coll. « Roman Imperial Biographies », (1re éd. 1994) (ISBN 978-0-300-07447-5, lire en ligne )
  • Herwig Wolfram, The Roman Empire and Its Germanic Peoples, Berkeley, University of California Press, (1re éd. 1990) (ISBN 978-0-520-08511-4)

Articles connexes

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