Histoire de la relativité générale

Les premières idées pour intégrer la gravitation à la relativité datent de 1905, date où la relativité restreinte est née. Henri Poincaré, Albert Einstein et bien d'autres ont fait des propositions pour cela. En 1915, Einstein et David Hilbert publient chacun un article proposant l'actuelle théorie de la relativité générale.

L’âge d'or de la relativité générale (de l'anglais : Golden age of general relativity) ou la renaissance de la relativité générale[1] est une période s'étendant grossièrement de 1960 à 1980. À partir de 1955, la relativité générale a commencé à faire l'objet de très intenses recherches alors qu'elle avait jusque-là été occultée par le retentissement du développement de la mécanique quantique vers le milieu des années 1920[2]. Pendant cette période d'une vingtaine d'années sont apparus nombre de concepts et de termes qui continuent encore aujourd'hui d'inspirer l'imagination des chercheurs en gravitation et celle du grand public, dont les trous noirs et les singularités gravitationnelles. Au même moment, à l'occasion d'un développement étroitement lié, l'étude de la cosmologie physique s'est intégrée dans ce courant principal et le Big Bang a fait l'objet d'une reconnaissance généralisée.

Révolutions scientifiques

Un grand nombre de révolutions scientifiques caractérisent l'âge d'or de la relativité générale. Tout d'abord, et le plus important, le Big Bang est devenu le modèle cosmologique de référence. D'autres révolutions scientifiques recouvraient un intérêt grandissant pour :

  • le rôle de la courbure dans la relativité générale ;
  • l'importance théorique des trous noirs ;
  • l'importance de la machinerie géométrique et les niveaux de structures mathématiques, spécialement l'opposition entre la structure locale de l'espace-temps (en) par rapport à la structure globale de l'espace-temps (en) ;
  • la légitimation générale de la cosmologie étendue à l'ensemble de la communauté des physiciens.

L'Âge d'Or vit l'apparition de la première théorie de la gravitation concurrente, la théorie de Brans et Dicke, et les premières expériences de précision des théories de la gravitation. Cette ère a vu également un grand nombre de découvertes étonnantes en astronomie observationnelle :

Historique

Premières validations expérimentales

En parallèle de la publication de sa théorie, Einstein s'est attaché à rechercher des phénomènes dont la relativité rendrait compte, mais pas la mécanique newtonienne. Il en dénombre trois :

  • un phénomène connu mais mal expliqué :
    • l'avance du périhélie de Mercure : Einstein trouve en 1915 par le calcul une valeur compatible avec les observations astronomiques[3];
  • deux phénomènes jusqu'alors inconnus :
    • la déviation des rayons lumineux passant près d'une étoile : une déviation de l'ordre de grandeur prédit est observée durant l'éclipse solaire de 1919 mais ces résultats sont accueillis avec circonspection[4];
    • un décalage vers le rouge des raies d'émission d'atomes identiques mais soumis à un champ de gravité différent : le phénomène est mis en évidence en 1925 en étudiant le spectre de la naine blanche Sirius B[5].

Ces trois tests constituent durant plusieurs décennies l'unique ancrage expérimental de la relativité générale.

Apport de Karl Schwarzschild

Ayant lu l'article d'Einstein présentant l'équation de la relativité générale, Karl Schwarzschild entreprend de la résoudre dans le cas où toute la masse est concentrée dans une unique sphère, ce qui peut en première approximation s'appliquer au système solaire et donc permettre de calculer l'avance du périhélie de Mercure. La solution qu'il obtient semble présenter une singularité lorsque la sphère contenant la masse a un rayon plus petit qu'une longueur nommée depuis rayon de Schwarzschild[6]. Karl Schwarzschild meurt l'année suivante sur le front russe[6]. L'absence de singularité au niveau du rayon de Schwarzschild sera montrée bien plus tard, à la fin des années 1950[7].

1925 - 1950 : traversée du désert

L'engouement pour la relativité générale consécutif à l'éclipse de 1919 retombe durablement dès le début des années 1920 : alors qu'elle représente un peu plus de 2,5% des articles publiés dans le domaine de la physique en 1921, moins de 0,5% des articles publiés n'en traite dès 1929 et ce jusqu'en 1958[8].

L'âge d'or

Certains des principaux évènements survenus pendant et autour de l'Âge d'Or sont :

Les années 1950

Les années 1960-1964

Les années 1965-1969

Les années 1970

  • 1970 : Franco J. Zerilli dérive l'équation de Zerilli ;
  • 1970 : Vladimir A. Belinskiǐ, Isaak Markovich Khalatnikov et Evgeny Lifshitz présentent la conjecture BKL ;
  • 1970 : Chandrasekhar parvient jusqu'à l'ordre post-Newtonien 5/2 ;
  • 1970 : Hawking et Penrose prouvent que des surfaces pièges doivent être présentes dans les trous noirs ;
  • 1970 : fusée à photon de Kinnersley-Walker ;
  • 1970 : Peter Szekeres présente les ondes planes en collision ;
  • 1971 : Peter C. Aichelburg (en) et Roman U. Sexl (en) présentent l'ultra poussée de Aichelburg-Sexl (en) ;
  • 1971 : Présentation du vide de Khan-Penrose, un espace-temps d'onde plane en collision simple et explicite ;
  • 1971 : Robert H. Gowdy présente les solutions du vide de Gowdy, modèles cosmologiques contenant des ondes gravitationnelles en circulation ;
  • 1971: Cygnus X-1, le premier candidat solide pour un trou noir, découvert par le satellite Uhuru ;
  • 1971: William H. Press découvre les anneaux des trous noirs par simulation numérique (en) ;
  • 1971 : algorithme de Harrison et Estabrook pour la résolution des systèmes de PDE ;
  • 1971 : James W. York (en) présente la méthode conformale générant les données initiales pour la formulation de la valeur initial d'ADM ;
  • 1971 : Robert Geroch (en) présente le groupe de Geroch (en) et une méthode génératrice de solutions ;
  • 1972 : Jacob Bekenstein propose que les trous noirs ont une entropie non-décroissante, qui peut s'identifier aux surfaces ;
  • 1972 : Carter, Hawking et James M. Bardeen proposent les quatre lois de mécanique des trous noirs ;
  • 1972 : Sachs présente les scalaires optiques (en) et prouve le théorème des pelures ;
  • 1972 : Rainer Weiss propose le concept de détecteur interférométrique d'ondes gravitationnelles ;
  • 1972 : J. C. Hafele et R. E. Keating réalisent l'expérience de Hafele-Keating ;
  • 1972 : Richard H. Price étudie l'effondrement gravitationnel par simulations numériques ;
  • 1972 : Saul Teukolsky dérive l'équation de Teukolsky ;
  • 1972 : Iakov Zeldovitch prédit la transmutation de la radiation électromagnétique et gravitationnelle ;
  • 1973 : P. C. Vaidya et L. K. Patel présentent la solution de la poussière nulle de Kerr-Vaidya ;
  • 1973 : Publication par Charles W. Misner, Kip Thorne et John Wheeler du traité Gravitation, le premier texte moderne de relativité générale ;
  • 1973 : Publication par Stephen W. Hawking et George F. R. Ellis de la monographie The Large Scale Structure of Spacetime (en) (Structures à grande échelle de l'espace-temps) ;
  • 1973 : Robert Geroch présente le formalisme de GHP (en) ;
  • 1974 : Russell Alan Hulse et Joseph Hooton Taylor découvrent le pulsar binaire Hulse-Taylor PSR 1913+16 ;
  • 1974 : James W. York (en) et Niall Ó Murchadha présentent l'analyse de la formulation de la valeur initiale et examinent la stabilité de ces solutions ;
  • 1974 : R. O. Hansen présentent les moments multipolaires de Hansen-Geroch ;
  • 1974 : Tullio Regge présente le calcul de Regge ;
  • 1974 : Hawking découvre la radiation d'Hawking ;
  • 1975 : Chandrasekhar et Steven Detweiler calculent les modes quasinormaux ;
  • 1975 : Szekeres et D. A. Szafron découvrent les solutions de la poussière de Szekeres-Szafron ;
  • 1976 : Penrose présente les limites de Penrose qui postulent que chaque géodésique nulle dans un espace-temps Lorentzien se comporte comme une onde plane ;
  • 1978 : Penrose présente la notion d'un thunderbolt ;
  • 1978 : Belinskiǐ et Zakharov montrent comment résoudre l'équation de champ d'Einstein en utilisant la transformation inverse par diffusion (en) ;
  • 1978 : premier solitons gravitationnels ;
  • 1979 : Richard Schoen et Shing-Tung Yau prouvent le théorème de la masse positive (en).

La fin d'une ère

Le terme de l'âge d'or de la relativité générale est situé à la fin des années 1970 avec la prédiction théorique de l'évaporation des trous noirs par Stephen Hawking (radiation d'Hawking). Cette découverte est parfois considérée comme ouvrant la perspective d'une « quantification » de la relativité générale, c'est-à-dire de son inclusion dans une théorie quantique plus large, bien que cela ne fasse pas consensus[2].

Notes et références

  1. Clifford M. Will, La Renaissance de la relativité générale, dans Raymond A. Serway, Physique 3 Optique et physique moderne, De Boeck Université, 3e édition 1992, p. 362-375 books.google.com - Jean Eisenstaedt, Einstein et la relativité générale - Les chemins de l’espace-temps CNRS Éditions, 2002, 3 compte-rendu sur scienceshumaines.com.
  2. (en) Julian B. Barbour, The End of Time : The Next Revolution in Physics, Oxford University Press US, , 384 p. (ISBN 978-0-19-514592-2, lire en ligne), p. 165-166.
  3. Jean Eisenstaedt, Einstein et la relativité générale, France Paris, CNRS Éditions, , 345 p. (ISBN 978-2-271-06535-3), chap. 7 (« La relativité vérifiée : l'anomalie de Mercure »). — Préface de Thibault Damour.
  4. Jean Eisenstaedt, Einstein et la relativité générale, Paris, CNRS éd., , 344 p. (ISBN 978-2-271-06535-3), chap. 8 (« La relativité vérifiée : la déviation des rayons lumineux »).
  5. Jean Eisenstaedt, Einstein et la relativité générale, , chap. 9 (« La relativité vérifiée : le déplacement des raies »).
  6. Jean Eisenstaedt, Einstein et la relativité générale, Paris, CNRS éd., , 344 p. (ISBN 978-2-271-06535-3), chap. 12 (« Le refus des trous noirs »).
  7. Jean Eisenstaedt, Einstein et la relativité générale, Paris, CNRS éd., , 344 p. (ISBN 978-2-271-06535-3), chap. 13 (« Les chemins de l'espace-temps de Schwarzschild »).
  8. Jean Eisenstaedt, Einstein et la relativité générale, Paris, CNRS éd., , 345 p. (ISBN 978-2-271-06535-3), chap. 11 (« Une théorie mal aimée »).

Voir aussi

Bibliographie

  • Dennis William Sciama, George Francis Rayner Ellis, Antonio Lanza et John Miller The renaissance of general relativity and cosmology: a survey to celebrate the 65th birthday of Dennis Sciama Cambridge University Press, 1993 extraits sur googlebooks
  • Jean Eisenstaedt, Einstein et la relativité générale : les chemins de l'espace-temps, France Paris, CNRS Éditions, , 345 p. (ISBN 978-2-271-06535-3). . — Préface de Thibault Damour.

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