Histoire du Guatemala

L'histoire du Guatemala traite de l'histoire des territoires et des peuples réunis aujourd'hui sur le territoire actuel du Guatemala.

Carte du Mexique et de la Nouvelle-Espagne, fin du XVIIIe siècle, où apparaît le territoire actuel du Guatemala.

Les premières traces de civilisation au Guatemala sont apportées par les Mayas vers 1000 av. J.-C. À la suite de la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, en 1492, débute une période de lutte entre les populations autochtones et les conquistadors espagnols, qui tourne en faveur de ces derniers. La région du Guatemala est ainsi placée sous le gouvernement de la Nouvelle-Espagne, jusqu'à son indépendance en 1821. Au cours du XXe siècle, le pays subit de nombreuses péripéties politiques, dont une longue période de guerre civile, entre 1960 et 1996. Le XXIe siècle marque un tournant démocratique, non sans être entaché toutefois de problèmes de pauvreté, de corruption et d'insécurité publique.

Période précolombienne : la civilisation maya

La civilisation maya est apparue environ 1 000 ans avant l'ère chrétienne. Elle s'est développée dans presque tout le Guatemala. Toutefois, la plupart des villes de l'époque classique de la région de Petén, située dans les plaines du nord, furent abandonnées vers l'an 1 000 après Jésus-Christ. En revanche, les États installés dans les plateaux du centre du pays continuèrent à prospérer jusqu'à l'arrivée des Espagnols. Les troupes espagnoles menées par Pedro de Alvarado détruisirent et soumirent brutalement ces États entre 1523 et 1524, grâce à leur supériorité technologique et aux antagonismes entre royaumes mayas des Hautes-Terres du Guatemala[1] ; protégé par son relatif isolement dans la jungle du Petén, le dernier État maya, le royaume itzá de Tayasal, ne succomba aux Espagnols qu'après la deuxième guerre du Tayasal, en 1697[2].

Les indigènes qui habitaient les hautes terres du Guatemala, comme les Cakchiquels, les Mam, les Quiché et les Tz'utujils, constituent encore une part importante de la population nationale.

Période coloniale : la Nouvelle-Espagne

Antigua, ancienne capitale guatémaltèque.

Les Espagnols conquirent toute l'Amérique centrale, et placèrent la majeure partie de l'actuel Guatemala sous la dépendance de la Capitainerie générale du Guatemala, au sein de la Nouvelle-Espagne.

En 1524, Pedro de Alvarado fonda Santiago de los Caballeros, aujourd'hui nommée Ciudad Vieja (littéralement la Vieille ville). Santiago de los Caballeros - qui devint la première des trois capitales que connaîtra le Guatemala - fut détruite par des inondations et un tremblement de terre en 1542.

Les survivants fondèrent, en 1543, une nouvelle ville qu'ils nomment Guatemala et qui porte aujourd'hui le nom d'Antigua. Elle devint l'une des capitales les plus riches du continent au XVIIe siècle. Elle fut à plusieurs reprises frappée par des éruptions volcaniques, inondations et tremblements de terre. Deux de ceux-ci détruisirent la ville en 1773. Certaines ruines datant d'avant la destruction sont conservées et sont aujourd'hui considérées comme des monuments nationaux.

En 1776, Matías de Gálvez y Gallardo, le président de l'Audiencia ordonna d’abandonner Antigua, la jugeant trop dangereuse, et fit construire la troisième et actuelle capitale du Guatemala : Ciudad de Guatemala.

L'indépendance et le XIXe siècle

Le Guatemala devient indépendant le . Le Guatemala fit partie de l'empire du Mexique pendant quelque temps puis intégra les Provinces unies d'Amérique centrale. Celles-ci sont démantelées à l'issue de la guerre civile de 1838-1840. Rafael Carrera est l'un des personnages-clé de la révolution contre le gouvernement fédéral et du morcellement du pays. Soutenu par les conservateurs, les grands propriétaires fonciers et l'Église, celui-ci demeure dictateur du Guatemala de 1844 jusqu'à sa mort en 1865.

Miguel García Granados devient le leader de la révolution libérale contre le gouvernement du général Vicente Cerna. Il fait fonction de président provisoire de 1871 à 1873 après la victoire libérale. Il entreprend de développer les infrastructures du pays et met en place une Assemblée constituante en 1872. Après sa démission, Justo Rufino Barrios est élu président du Guatemala. Celui-ci poursuit la politique de modernisation des infrastructures du pays et mène une politique économique entièrement centrée sur la production de café afin de développer les exportations. Soucieux de favoriser l'instruction, il veut l'école primaire gratuite, obligatoire et sans éducation religieuse. L'école normale est créée, et la vieille université San Carlos est nationalisée. Il proclame par ailleurs la liberté de culte et procède à l'expropriation des biens de l’Église[3].

Il instaure un style de gouvernement très personnel qui conduit à l'apparition d'une dictature libérale. La liberté d'expression est fortement restreinte. Nombre d'intellectuels progressistes qui le soutenaient au départ, comme José Martí, prennent leurs distances ou s'exilent. En 1875, durant la guerre pour l'indépendance de Cuba, toujours colonie de l'Espagne, il reconnait officiellement l'indépendance de l'ile. Fervent partisan de la réunion des pays d'Amérique centrale en une seule entité, il est tué en 1885 à la bataille de Chalchuapa en tentant d'imposer par la guerre son projet[3].

Dès 1880, une société de Boston (la Boston Fruit Company) démontre un intérêt pour les terres chaudes du Guatemala. La future United Fruit Company débute ainsi son intégration, qui s'étendra jusqu'à assurer une mainmise des États-Unis sur l'économie des pays d'Amérique latine. Quelque temps après, cette dernière achète l'ensemble des réseaux de chemins de fer du pays ainsi que le principal port, situé à Puerto Barrios. Durant près d'un siècle, nombre de dictateurs se succèdent et assureront l'intégrité incontestée du monopole américain sur le pays.

Le début du XXe siècle

Au début du XXe siècle, durant les longs mandats de Manuel José Estrada Cabrera et du général Jorge Ubico, basée aux États-Unis poursuivit son contrôle de l'économie guatemaltèque.

Entre 1898 et 1920, la dictature de Manuel José Estrada Cabrera censure la presse, persécute l'opposition et favorise les membres des grandes familles du café. Enfin, elle octroie d’énormes avantages aux compagnies étrangères qui investissent dans le pays, en particulier l'United Fruit Company (UFC). L’implantation dans le pays des firmes étrangères s'effectue au prix de la dépossession des indigènes, de la destruction de leurs communautés (ayllu), et à la prolétarisation des paysans soumis à l'obligation de travail sur les plantations capitalistes nouvelles et à la misère des salaires de subsistance.

En 1930, mécontente du président en exercice Manuel Orellana, l'UFC,impose par un coup de force le général Jorge Ubico à la tête de l’État.

Sous la dictature de Jorge Ubico, le pays s'ouvrit encore davantage aux investissements étrangers. Ubico accorda même des privilèges à United Fruit Company qui investit dans le pays, en achetant des parts dans le chemin de fer, l'électricité, le télégraphe et 40 pour cent des meilleures terres du Guatemala. L'entreprise contrôla aussi de fait la seule infrastructure portuaire du pays. En conséquence, le gouvernement adopta souvent une position soumise devant la United Fruit Company. L'UFC contribua à la construction de quelques écoles, mais elle s'opposa aussi à la construction de peur de voir un concurrent à son monopole dans le chemin de fer. En 1933, Jorge Ubico, fait adopter une nouvelle Constitution qui retire le droit de vote aux illettrés (75 % de la population). Il instaure en 1934 une loi contre le vagabondage, chacun devant avoir un carnet de travail dans lequel il était indiqué les jours et le nombre d'heures par jour pendant lesquelles il travaillait ; en l'absence de celui-ci, les personnes sont réquisitionnés pour effectuer des travaux publics d'intérêt général. Lors de la guerre civile espagnole, le régime soutient sans ambiguïté le camp franquiste.

Les « dix ans de printemps »(1944-1954)

Une série de mouvement populaires contre le général dictateur et les grandes compagnies nord-américaines débouchent sur un coup d’État d'officiers libéraux, qui portent au pouvoir un président de centre gauche, Juan José Arévalo, qui ouvre le pays à dix années de démocratie. Soutenu par la petite bourgeoisie, les ouvriers et les paysans, Arévalo élabore un code du travail annulant le travail forcé, autorise la création de syndicats, reconnait le droit de grève, consacre un tiers du budget de l’État à des programmes sociaux et fonde un institut indigéniste. Au cours de ses six années de présidence, il doit faire face à vingt-huit tentatives de coup d’État, qu'il met toutes en échec. En quittant le pouvoir, il met implicitement en cause les États-Unis dans les troubles survenus sous sa présidence[4].. Les tensions sont alors particulièrement fortes entre grands propriétaires d’une part, syndicats et Parti communiste du Guatemala d’autre part.

Son ministre de la Défense, Jacobo Arbenz, colonel de trente-sept ans, est élu au suffrage universel en 1951 avec une large majorité de voix. Il lance plusieurs programmes de santé, d'alphabétisation et fait adopter le Décret 900, ou la loi de la réforme agraire, qui oblige les riches propriétaires fonciers à payer des impôts. Celle-ci, qui force la United Fruit Company à céder une partie importante de ses terres en friche (ou inutilisées) aux paysans, a un effet foudroyant à Washington. Le Directeur de la CIA, Allen Dulles, siège au conseil d’administration de la UFC, tandis que son frère, John Foster Dulles, dirige, à partir de janvier 1953, le Département d'État. Il avait autrefois rédigé les contrats de la UFC avec le dictateur Manuel José Estrada Cabrera[5].

Opération PBSUCCESS (1954)

Les États-Unis, après avoir déclaré qu'Arbenz faisait le jeu de l'Union soviétique, décident d'organiser un coup d'État. Au Nicaragua, des bases aériennes et terrestres sont installées en collaboration avec Anastasio Somoza, où sont entrainés des exilés guatémaltèques et des mercenaires. La CIA orchestre parallèlement une campagne de propagande : une radio clandestine, Voice of Liberation est implantée au Honduras.et des journalistes diffusent des articles alarmistes inspirés en sous-main par l'agence[4].

En , le lieutenant-colonel Carlos Castillo Armas pénètre dans le pays lors de l'opération PBSUCCESS, aidé par des troupes entraînées au Honduras par la Central Intelligence Agency, et s’arrête à quelques kilomètres de la frontières. L'objectif étant de faire apparaitre le renversement d'Arbenz comme le résultat d'un soulèvement populaire et non d'une intervention extérieure. Une douzaine de bombardiers américains, dépourvus de cocardes, s’envolent du Nicaragua pour pilonner San José, le plus important port de la cote pacifique, les casernes et les principales voix d'accès du pays. Sous le contrôle des attachés militaires américains, les chefs de l’armée guatémaltèques refusent d'attaquer les forces de Carlos Castillo Armas. Jacobo Arbenz, se rendant compte que ses généraux ne lui obéissent pas, refuse de risquer une guerre civile en armant des milices et démissionne le [6]. La répression qui suit la prise de pouvoir du général Carlos Castillo Armas fait 9 000 victimes entre les exécutions et les incarcérations[4]. La UFC retrouve un million d'hectares qui avaient été distribués aux paysans et inspire un nouveau Code du travail[4].

La guerre civile (1960-1996)

Castillo fut assassiné en juillet 1957 et remplacé en mars 1958 par le général Ydígoras Fuentes. Quelques sous-officiers se rebellèrent en 1960, mais leur tentative échoua. Certains d'entre eux partirent alors se cacher dans la forêt en établissant des contacts avec Cuba. Ce groupe de militaires forma le noyau de la guérilla qui s'opposa au gouvernement central jusqu'aux accords de 1996.

Quatre principaux groupes de guérilla d'extrême-gauche — l'« Armée des pauvres » (Ejército Guerillero de los Pobres (EGP)), l'« Organisation révolutionnaire du peuple armé » (ORPA), les « Forces armées rebelles » (FAR) et le « Parti guatémaltèque du travail » (PGT) — organisèrent de nombreux actes de sabotage économique en attaquant diverses installations gouvernementales ainsi que des membres de la force de sécurité du gouvernement lors d'attaques armées. Ces organisations s'unirent en 1982 pour former l'«Union révolutionnaire nationale guatémaltèque». Victimes de répression violente de la part de groupes d'extrême-droite, tels l'« Armée secrète anti-communiste » (ESA) et la « Main Blanche », qui torturaient étudiants, professionnels ou paysans soupçonnés de s'impliquer dans des activités dites de gauche, les membres de la résistance devinrent de plus en plus nombreux. Dès 1981, les assauts de l'armée sur les villages soupçonnés de soutenir la guérilla commencent à se généraliser, partout au pays.

Peu de temps après la prise du pouvoir, en 1966, du président Julio César Méndez Montenegro, l'armée lança une campagne militaire majeure contre les insurgés, qui brisa le mouvement guérillero en factions isolées principalement en campagne. Les attaques de la guérilla se concentrèrent dès lors sur la capitale, Guatemala, où les rebelles assassinèrent de nombreuses figures importantes, tels l'ambassadeur des États-Unis John Gordon Mein en 1968. Entre 1966 et 1982 se succédèrent une série de gouvernements militaires au Guatemala. En 1981, le général Fernando Romeo Lucas García déclare une offensive générale contre les guérillas qui se traduit par une vague de massacre et par la destruction de deux cent cinquante villages, considérés comme bases de soutien des rebelles. L'offensive laisse environ vingt mille morts et le déplacement de plus d'un million de personnes. Certains massacres sont accompagnés d'usage à grande échelle de la torture : « Tous ces gens qui sont morts... Ils leur arrachent a langue, leu écrasent le nez, sortent les yeux des orbites. On les pend par les pieds, on les brule... On trouve des femmes clouées au sol avec des machettes... »[7].

Les années Ríos Montt

Le , des troupes armées commandées par de jeunes officiers fomentèrent un coup d'État pour prévenir la prise de pouvoir par le général Ángel Aníbal Guevara, le choix du président sortant Fernando Romeo Lucas García. Ils dénoncèrent l'élection de Guevara. Ces mêmes officiers demandèrent au général à la retraite Efraín Ríos Montt de prendre la place laissée par Guevara à la présidence du pays. Alors pasteur de la Church of the Word, il déclara, lors de son inauguration, que sa présidence était le résultat du vœu de Dieu. Il forma, peu de temps après sa prise du pouvoir, une junte militaire à trois membres qui annula la constitution de 1965, il fit dissoudre le Congrès, suspendit les partis politiques et annula la loi électorale. Après quelques mois, il abandonna l'idée de dictature à trois membres et devint dictateur unique du Guatemala. Il mit en place les Patrullas de Autodefensa Civil (PAC), ou « patrouilles d'autodéfense civiles », miliciens recrutés de force par l'armée et ayant pour objectif d'éradiquer la guérilla. Il comptait porter le coup de grâce à cette dernière à l'aide d'actions militaires et économiques, de ses propres mots, à l'aide de « fusils et haricots ».

Le président américain Ronald Reagan rétablit l'aide militaire (suspendue par Jimmy Carter) et déclare devant l’ambassadeur du Guatemala à Washington que « nos deux pays partagent les mêmes objectifs et les mêmes qualités tels que le pluralisme, les droits de l’Homme, la paix, la justice sociale et le progrès économique »[8]. En mai 1982, la Conférence des cardinaux catholiques accuse Ríos Montt de la responsabilité de la militarisation croissante du pays et pour le massacre constant de populations civiles. Le , le New York Times cite Ríos Montt lors d'un discours devant des guatémaltèques mayas : « Si vous êtes avec nous, nous vous nourrirons ; sinon, nous vous tuerons. »

Le massacre de Plan de Sánchez, qui fera, selon les sources, entre 100 et 268 victimes civiles, survint le même jour ; il était suivi, quelques mois plus tard, par le massacre de Dos Erres du , effectué par les forces spéciales Kaibiles. À la suite de la disparition de 250 personnes dans ce village, commise dans le cadre d'une politique de la terre brûlée, des officiels américains s'étant rendus sur place conclurent (dans des documents alors classifiés) que seule l'armée guatémaltèque avait pu faire disparaître ce village[9].

La présidence de Ríos Montt fut probablement la plus sanglante des 36 ans de guerre civile que connut le pays[10].Dans une interview au quotidien espagnol ABC, Ríos Montt estime que « notre succès est dû au fait que nos soldats ont été entrainés par les Israéliens »[8].

Le , Ríos Montt fut trompé par son ministre de la Défense, le général Óscar Humberto Mejía Victores, qui lui succéda comme président-dictateur du Guatemala. Sept personnes furent tuées durant le coup d'État tandis que Ríos Montt survécut pour fonder un nouveau parti politique, le Frente Republicano Guatemalteco (FRG), Front républicain guatémaltèque et fut élu président du Congrès en 1995 et 2000.

Le général Mejía permit un retour progressif d'un régime constitutionnel au Guatemala, avec une élection le pour une Assemblée constituante devant établir une constitution démocratique. Le , après près de neuf mois de débat, l'Assemblée constituante finit par rédiger une constitution, qui fut adoptée immédiatement par le gouvernement. Vinicio Cerezo, un politicien civil et le candidat du Parti démocratique chrétien, devint président le avec près de 70 % des votes. La guerre civile du Guatemala ne s'achèvera qu'en 1996, l'année où fut signé l'accord de paix.

La Commission pour l'éclaircissement historique estime que près de 93 % des violations aux droits humains furent commises par le gouvernement. La guerre laisse un bilan de 200 000 morts ou « disparus », un million de déplacés internes, 400 000 réfugiés à l’étranger, et 440 villages autochtones rasés entre 1960 et 1996. À la différence d'autres guerres civiles de la région (El Salvador, Nicaragua), le conflit au Guatemala se caractérisait en partie par une logique interne propre, celle du racisme structurel à l’encontre de la population maya majoritaire et de la peur historique des élites dominantes de voir la population indigène accéder à une pleine citoyenneté. En conséquence, 80 % des victimes étaient d'origine indigène[11].

1986 à 2000

À son inauguration en janvier 1986, le gouvernement civil du président Cerezo annonça que ses priorités seraient de mettre fin à la violence politique et d'établir un règne de la loi au pays. Les réformes comprenaient de nouvelles lois sur le habeas corpus et l’amparo (protection ordonnée par la Cour), la création d'un comité législatif sur les droits humains et l'établissement, dès 1987, de l'Office de l'ombudsman pour les droits humains. La Cour Suprême adopta également une série de réformes pour éliminer la corruption et améliorer l'efficacité du système judiciaire.

Avec l'élection de Cerezo, l'armée s'éloigna de la gouvernance pour retourner à son rôle plus traditionnel de maintien de la sécurité interne, plus spécifiquement en attaquant des groupes d'insurgés. Les premiers deux ans de l'administration Cerezo furent caractérisés par une stabilité économique et une baisse significative de la violence politique. Certains militaires insatisfaits tentèrent deux coups d'État en mai 1988 et 1989, sans succès, les dirigeants militaires préférant supporter l'ordre constitutionnel. Le gouvernement fut sévèrement critiqué pour son manque de volonté lors d'enquêtes concernant des cas de violation de droits humains.

Les deux dernières années du gouvernement Cerezo furent, quant à elles, marquées par une économie défaillante, de nombreuses grèves et manifestations, sans compter de nombreuses allégations de corruption généralisée. L'incapacité du gouvernement à répondre aux nombreux problèmes d'ordre national (mortalité infantile, analphabétisme, système de santé et services sociaux déficients, violence grandissante, etc.) contribuèrent au mécontentement populaire.

Des élections présidentielle et législatives furent appelées pour le . Jorge Antonio Serrano Elías fut élu président et officiellement nommé le , complétant de ce fait la première transition depuis un citoyen élu démocratiquement à un autre. Son parti, le Mouvement d'action solidaire (MAS) n'ayant obtenu que 18 des 116 sièges du Congrès guatémaltèque, Serrano dut établir une alliance avec les démocrates chrétiens et l'Union nationale du Centre (UNC).

Le bilan de l'administration Serrano fut plutôt décevant. Elle eut du succès dans la consolidation du pouvoir militaire aux mains des civils, remplaçant de nombreux officiers expérimentés tout en persuadant l'armée à participer aux négociations de paix avec l'Union révolutionnaire nationale guatémaltèque (UNRG). Serrano entreprit de reconnaître, malgré les critiques, la souveraineté du Belize. Le gouvernement réussit à renverser la tendance négative de l'économie, réduisant l'inflation et engrangeant une croissance réelle.

Coup d'État de 1993

Le , Serrano fit dissoudre illégalement le Congrès, sous ce qui fut appelé le l'autogolpe, toujours avec l'appui de la CIA et la Cour Suprême et tenta de restreindre les libertés civiles, disant vouloir éliminer la corruption. Cette tentative d'établissement d'une dictature fit face à un peuple guatémaltèque uni contre ces mesures, à de nombreuses pressions de la communauté internationale et à l'éventualité d'une intervention de l'armée guatémaltèque, qui reconnaissait la décision de la Cour constitutionnelle, qui vota contre la tentative de coup d'État. Face à ces pressions, Serrano s'exila du pays.

Le , le Congrès, suivant les règles de la Constitution de 1985, élit Ramiro de León Carpio, alors Ombudsman des droits humains, pour terminer la session présidentielle de Serrano. De León n'était pas membre d'aucun parti politique; malgré ses bases politiques plutôt restreintes, il put s'appuyer sur un fort soutien de la part de la population. Il lança un ambitieux programme d'élimination de la corruption afin de "purifier" le Congrès et la Cour Suprême, demandant la démission de tous les membres des deux entités.

Malgré une résistance considérable de la part du Congrès, la pression populaire et présidentielle mena en à un accord entre l'administration et le Congrès, où l'Église catholique romaine servit de médiateur. Le , un référendum populaire approuva l'ensemble des réformes constitutionnelles. En , un nouveau Congrès fut élu afin de compléter la session en cours.

Sous de Léon, les négociations de paix reprirent, maintenant supervisées par les Nations unies. Le gouvernement et l'UNRG signèrent des accords sur les droits humains (), la réhabilitation de personnes déplacées (), la clarification historique () et les droits autochtones (mars 1995). Ils firent aussi des avancées considérables sur l'accord socioéconomique et agraire.

Des élections nationales présidentielle, législatives et municipales eurent lieu en . Avec près de 20 partis s'opposant au premier tour, l'élection présidentielle se transforma le en course dans laquelle le candidat du PAN (Álvaro Arzú Irigoyen) défit Alfonso Portillo Cabrera du FRG par un mince 2 % du vote. Arzú gagna grâce à sa popularité dans la capitale Guatemala, où il fut maire, et dans toute la zone urbaine environnante. Portillo gagna l'ensemble des départements ruraux, excepté le Petén. Sous Arzú, les négociations de paix furent complétées et le gouvernement signa les accords de paix en , mettant fin à trente-six ans de guerre civile. La situation des droits humains s'améliora également, et des étapes furent franchies afin de réduire l'influence de l'armée dans les affaires nationales.

Néanmoins, après la fin de la guerre civile, d'anciens militaires se sont organisés en bandes criminelles pour éviter la mise en place d'une justice transitionnelle effective pour les victimes de crimes de guerre. Menacés par le processus de transition démocratique, ils répondaient par des exécutions (de militants politiques ou associatifs). L'exemple le plus notable fut l'assassinat de l’évêque Juan José Gerardi Conedera sur ordre d'un commandant d'une base militaire. Le politiste Edgar Gutierrez souligne que ces groupes « étaient mus par une ambition plus vaste : le contrôle de l’État et de l'économie. La plupart des officiers de renseignement de la dictature militaire sont devenus pendant ces années des infiltrés de la criminalité organisée à proximité ou au sein de l’État[12].

Le Guatemala eut de nouvelles élections présidentielle, législatives et municipales le et une course à l'élection présidentielle le 26 décembre de la même année. Au premier tour, le FRG acquit 63 des 113 sièges législatifs, tandis que le PAN en récolta 37. L'Alliance de la nouvelle nation (ANN) gagna 9 de ces sièges, et trois partis minoritaires récoltèrent les quatre sièges restants. Dans la course du , Alfonso Portillo du FRG récolta 68 % du vote contre 32 % pour son adversaire du PAN, Óscar Berger. Portillo gagna l'ensemble des 22 départements et la capitale, auparavant considérée comme un château-fort du PAN.

Portillo fut critiqué durant la campagne pour ses liens avec le dirigeant du FRG, Ríos Montt. Plusieurs analystes accusent ce dernier d'avoir commis, durant son règne, les pires violations aux droits humains de la guerre civile. Néanmoins, la victoire éclatante de Portillo, récoltant près des deux-tiers du vote au second tour, lui donna la crédibilité pour établir son programme de réforme.

Le président Portillo s'arrangea pour conserver des liens forts avec les États-Unis tout en améliorant la coopération du pays avec le Mexique, en travaillant activement dans le processus d'intégration du pays à l'Amérique centrale et à l'hémisphère ouest. Il supporta également la libéralisation continuelle de l'économie, l'augmentation du capital humain et l'infrastructure, l'établissement d'une banque centrale. Il s'adonna aussi à un renforcement de la perception des taxes au pays au lieu d'opter pour une augmentation.

Le XXIe siècle

Faisant face à un taux de criminalité très élevé, à des problèmes de corruption publique, à une intimidation constante dirigée envers des activistes pour les droits humains, des juristes, des journalistes et des témoins des tribunaux, le gouvernement débuta pour la première fois, en 2001, des tentatives de réconciliation nationale afin de trouver des solutions à ces problèmes récurrents.

En juillet 2003, de nombreuses manifestations déambulèrent dans la capitale, forçant la fermeture de l'Ambassade des États-Unis alors que les partisans de Ríos Montt demandaient son retour au pouvoir. Ils demandaient, entre autres, que soit abolie l'interdiction imposée par le gouvernement, qui empêchait ce dernier de se présenter en tant que candidat présidentiel aux élections de 2003. Les manifestants reçurent un repas gratuit de la part du Front révolutionnaire du Guatemala en échange de leur participation.

Le , Óscar Berger, l'ancien maire de Guatemala Ciudad, gagne l'élection avec près de 38,8 % des voix, contre près de 11 % pour l'ex-dictateur Ríos Montt, qui termina troisième après Álvaro Colom, candidat du centre-gauche.

Depuis le début de l’année 2013, des associations alertent sur la recrudescence du « nettoyage social » au sein des dirigeants et communautés mayas militant pour la défense de leurs territoires et ressources naturelles, dont souhaiteraient s'emparer certaines grandes entreprises. Cent soixante-neuf attaques de défenseurs des droits humains ont eu lieu au premier trimestre 2013 selon l’Unité de protection des défenseurs du Guatemala[11].

Le , Jimmy Morales est élu président de la république sous les couleurs du Front de convergence nationale.

Selon le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), « au Guatemala, le coefficient de Gini – qui mesure les inégalités de revenus – s’élève à 0,63, l’un des plus hauts taux du monde ». Le pays est l'un des seuls du continent américain à ne pas avoir enregistré de diminution de la pauvreté durant la période de cours élevés des matières premières exportées (2000-2015). Au contraire, elle augmente de 7 %, pour atteindre en 2017, 66,7 % des Guatémaltèques, dont 86,6 % des seuls indigènes[13].

Notes et références

  1. Robert J. Sharer, The Ancient Maya (6e éd.), Stanford University Press, 2006, p. 763.
  2. David Drew, The Lost Chronicles of the Maya Kings, Phoenix, 2000, p. 393.
  3. Jean Lamore, José Martí. La liberté de Cuba et de l'Amérique latine, Éditions Ellipses, , p. 53-54, 260
  4. Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation, Don Quichotte, , p. 107-109
  5. Sébastien JAHAN, Les violences génocidaires au Guatemala. Une histoire en perspectives, Paris, L’Harmattan,
  6. Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, Agone, 2002, p. 498.
  7. Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation, Don Quichotte, , p. 119
  8. « Entre le Guatemala et Israël, une histoire ancienne et pleine de sang », América Latina en Movimiento,
  9. Former Guatemalan Soldier Arrested for Alleged Role in Dos Erres Massacre, National Security Archive Electronic Briefing Book n°316, 7 mai 2010
  10. Courrier international n° 1169 du 28 mars au 3 avril, p.28
  11. Lucette Bottinelli, « Au Guatemala, la mano dura face aux revendications sociales »,
  12. Clément Detry, « Quand le Guatemala organise l’impunité »,
  13. Bernard Duterme, « Des changements en vue au Guatemala ? », sur CETRI, Centre Tricontinental,

Bibliographie

Bibliographie en anglais :

  • Paul J. Dosal, Doing Business with the Dictators: A Political History of United Fruit in Guatemala 1899-1944, Wilmington, De., Scholarly Resources 1993 (ISBN 0-8420-2590-1)
  • Greg Grandin, The Last Colonial Massacre: Latin America in the Cold War, Chicago 2004 (ISBN 0-2263-0571-6) ou (ISBN 0-2263-0572-4)
  • Immerman, R. H., The CIA in Guatemala: The Foreign Policy of Intervention, University of Texas Press: Austin, 1982 (ISBN 0-2927-1083-6)
  • Walter LaFeber, Inevitable Revolutions: The United States in Central America. New York: W.W. Norton & Company, 1993 (ISBN 0-3933-0964-9)
  • Victoria Sanford, Buried secrets : truth and human rights in Guatemala, New York [u.a.] : Palgrave Macmillan, 2003 (ISBN 1-4039-6023-2)
  • Stephen Schlesinger, Stephen Kinzer, Bitter Fruit: The Untold Story of the American Coup in Guatemala, Garden City, NY : Doubleday, 1982 (ISBN 0-3851-4861-5)
  • Cullather, Nick (1999). Secret History: The CIA's classified account of its operations in Guatemala, 1952-1954. Standform University Press (ISBN 0-8047-3311-2)

Bibliographie en français :

  • Gilles Bataillon, Genèse des guerres internes en Amériques centrale (1960-1983), Les belles lettres : Paris, 2003 (ISBN 2-2513-8065-5)
  • Maurice Barth, L’Enfer guatémaltèque 1960-1996 : Le rapport de la Commission « Reconstitution de la mémoire historique », CCFD-Karthala, 2000 (ISBN 2-8458-6088-9)

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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