Houria Bouteldja

Houria Bouteldja est une militante politique franco-algérienne née le à Constantine en Algérie. Elle est porte-parole du parti des Indigènes de la République jusqu'en 2020.

Pour les articles homonymes, voir Bouteldja (homonymie).

Houria Bouteldja
Houria Bouteldja en 2016.
Biographie
Naissance
Nationalité
Activité

Se présentant comme engagée contre le racisme, l'islamophobie et le néocolonialisme, elle fait cependant l'objet de controverses récurrentes : plusieurs historiens, écrivains et journalistes l'accusent ainsi d'être elle-même antisémite, homophobe, sexiste, communautariste et raciste. Dans le monde universitaire et militant antiraciste, plusieurs voix se sont cependant élevées pour contester publiquement l’accusation d’antisémitisme faite à Houria Bouteldja, déclarant par ailleurs reconnaître en elle une « authentique militante décoloniale ».

Biographie

Née à Constantine le , Houria Bouteldja émigre avec ses parents vers la France alors qu'elle est encore enfant[réf. nécessaire]. Elle suit des études de langues étrangères appliquées en anglais et arabe à Lyon. À partir de 2001, elle est salariée de l'Institut du monde arabe[1].

Elle participe tout d'abord au « collectif Une école pour tous » (CEPT)[2] avant de fonder en 2004 en réaction au discours de Ni putes ni soumises « les Blédardes »[3], un mouvement se positionnant contre l'interdiction du voile à l'école, et définissant un « féminisme paradoxal de solidarité avec les hommes » de sa communauté[4].

Fondation du Mouvement des indigènes de la République (MIR)

Se rapprochant de Youssef Boussoumah, coordinateur des Campagnes civiles internationales pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), elle cofonde avec lui le mouvement des Indigènes de la République en 2005[4], mouvement dont elle devient la porte-parole, et qui se fait connaître en janvier 2005 avec son appel « Nous sommes les indigènes de la République ! »[5]. Les Blédardes devient au sein du MIR le Collectif féministe du Mouvement des indigènes de la République[4].

Les Indigènes de la République se présentent comme un mouvement de dénonciation du passé colonial de la France, de lutte contre les discriminations dont sont victimes les « descendants des populations colonisées  » et, plus largement, contre l'idéologie raciste et colonialiste qui, selon eux, sous-tendrait les politiques sociales actuelles de l'État français[6].

Le mouvement souhaite redonner leur place dans l'histoire de France aux histoires multiples de tous ceux qui vivent en France aujourd’hui [7].

Le Mouvement des indigènes de la République (MIR) se positionne contre la loi de mars 2004 interdisant le port des signes religieux ostensibles à l’école, considérant qu’il s’agit d’une pratique « néo-coloniale »[8].

Le , elle est aspergée de peinture par un homme devant l'Institut du monde arabe, action revendiquée le lendemain par la Ligue de défense juive (LDJ), déjà mise en cause dans deux agressions similaires[9]. Un faux entretien journalistique avait été organisé durant les jours précédents afin d'attirer Houria Bouteldja. Elle porte plainte et ses agresseurs sont condamnés. Le webmestre de la LDJ, Daniel Benassaya, est condamné en mai 2016 à 6 mois de prison avec sursis et 8 500  d'amende ; et Joseph Ayache, considéré comme le « chef » et absent au tribunal, est condamné à 1 an de prison ferme. Ce dernier s'est enfuit en Israël pour échapper à sa peine[10].

En 2014, elle remporte le prix du « combat contre l'islamophobie » de la Islamic Human Rights Commission (IHRC)[11], une organisation à but non lucratif militant contre les violations des droits des musulmans[réf. souhaitée]. Avec Fiammetta Venner, Caroline Fourest qualifie dès 2003 cette association d'« islamiste »[12]. Elle est qualifiée par des militants d'association communautariste[13] et par Caroline Fourest de « tête de pont du lobby khomeiniste à Londres[14]», et, selon elle, « la Islamic Human Rights Commission ne poursuit qu'un objectif : intimider les adversaires de l'Iran et de l'islam intégriste[14]».

En novembre 2017, un professeur d'un laboratoire de l'université de Limoges invite Houria Bouteldja à l'occasion d'un séminaire d’études décoloniales, ce qui provoque une polémique, du fait de ses prises de position controversées. Dans un premier temps, le président de l'université, Alain Célérier, assume cette sollicitation, avant de finalement annuler sa venue, évoquant un « risque de trouble à l'ordre public », la ministre de l'Enseignement supérieur Frédérique Vidal appelant pour sa part les universités « à la vigilance »[15],[16].

En mai 2018, elle participe à la conférence internationale « Bandung du Nord », organisée à la Bourse du Travail de Saint-Denis par le Decolonial International Network afin de « questionner la mémoire coloniale »[17]. Selon Politis, des figures historiques de l'antiracisme y participent, comme l’activiste afro-féministe Angela Davis ou encore Fred Hampton Jr. (en)[réf. nécessaire]. Selon Conspiracy Watch, y interviennent certaines personnalités « qui se sont déjà illustrées en matière de complotisme et d’antisémitisme »[18].

Elle démissionne de son poste de porte-parole des Indigènes de la République en octobre 2020[19]. Fin 2021, elle exprime sur la plateforme Twitch un soutien stratégique à la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l'élection présidentielle de 2022[20].

Prises de position et polémiques

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Militante antiraciste[21],[22],[23], elle se présente comme engagée contre l'islamophobie et le néocolonialisme, Houria Bouteldja fait l'objet de nombreuses critiques et se voit taxée de dérive identitaire[24],[25].

Le Mouvement des Indigènes de la République (MIR) et le parti des indigènes de la République (PIR)

Selon Jérémy Robine, le mouvement des indigènes participe à la rivalité pour le leadership sur les territoires des enfants de l’immigration. Depuis les émeutes, il « avance vers des discours de rupture avec la nation, ce que la radicalité progressive des mouvements militants exprime. Mais si les « indigènes » ne l’atteignent pas finalement, c’est peut-être que ceux qui sont capables de mobilisation politique gardent fondamentalement espoir pour leur avenir. La rupture avec la nation, seuls de jeunes émeutiers peuvent la mettre périodiquement et localement en pratique, mais sans la théoriser. Et leur situation économique et sociale calamiteuse, combinée aux rivalités identitaires dans leurs territoires, ne permet semble-t-il à aucun mouvement, ni les « indigènes » ni un autre, de canaliser et d’organiser la révolte ou la colère, même avec un discours de rupture apparente[26] »

Selon l'historienne Suzanne Citron, ce mouvement souhaite « dénationaliser » l’histoire de France afin de la réinsérer dans l’histoire du monde, et redonner leur place aux histoires multiples de tous ceux qui vivent en France aujourd’hui[7].

Le Mouvement des Indigènes de la République annonce en 2008 viser à se transformer en parti politique[27], sous le nom Parti des Indigènes de la République (PIR). À cette époque, il est, selon Christophe Cornevin du Figaro, particulièrement surveillé par la police en raison de son communautarisme allégué[28].

Le congrès fondateur du parti a lieu à la fin du mois de [29]. En 2015, les évaluations extérieures approximatives et non confirmées par le PIR parlent d'une fourchette entre quelques dizaines et une centaine de membres[30].

À l'occasion du dixième anniversaire de l'organisation « décoloniale », en présence d'Angela Davis, Houria Bouteldja centre l'action du PIR autour de la « lutte des races sociales ». Expliquant que « la race est une construction sociale[31] », elle déclare « Le mot fait peur et pourtant il n’y a rien de plus banal. [la lutte des races sociales] structure notre quotidien[32] ». Elle dénonce également le « philosémitisme d'État » qui est, selon elle : « une forme subtile et sophistiquée de l’antisémitisme de l’État-Nation[réf. nécessaire] », et qui se matérialiserait par un « traitement privilégié dont bénéficie la répression de l'antisémitisme par rapport aux autres racismes »[33].

Pour l'historien Gérard Noiriel, « en se définissant eux-mêmes avec le vocabulaire de ceux qui les stigmatisent, les porte-parole de ce type d’associations pérennisent le système de représentations qui les exclut[34]. »

Utilisation du mot « souchien » en 2007

Dans l'émission de télévision Ce soir (ou jamais !) dont elle était une invitée régulière, Houria Bouteldja déclare le [35] :

« On met toujours la focale sur les quartiers populaires […] en déficit de connaissances, de conscience politique, il faut les éduquer, etc. et on occulte complètement le reste de la société et ses privilèges […] et moi, j'ai envie de dire : c'est le reste de la société qu'il faut éduquer, […] c'est le reste de la société occidentale, enfin de ce qu'on appelle, nous, les souchiens — parce qu'il faut bien leur donner un nom —, les Blancs, à qui il faut inculquer l'histoire de l'esclavage, de la colonisation… […] la question de l'identité nationale, elle doit être partagée par tout le monde et c'est là qu'il y a un déficit de connaissances. »

Houria Bouteldja affirme qu'elle parlait, sans ambiguïté, de « souchiens » (prononciation : /su.ʃjɛ̃/.), un néologisme construit à partir de l'expression « Français de souche », et non de « sous-chiens ». Elle clarifie ce point à plusieurs reprises, s'expliquant notamment dans un article dédié intitulé : « Petite leçon de français d'une sous-sous-chienne aux souchiens malentendants »[36],[37],[38]. Ses détracteurs affirment quant à eux que le terme employé est « sous-chiens » et qu'il s'agirait d'une insulte déguisée, masquée par un jeu volontaire sur l'homophonie. L'intéressée réfute les accusations en se désignant elle-même comme une « sous-sous-chienne » et affirme avoir fait usage du néologisme « souchiens » pour désigner les « Français de souche », les « Blancs »[38].

Un an plus tard, le ministre Brice Hortefeux revient sur l'idée qu'elle « traite les Français de sous-chiens »[39]. Un communiqué des Indigènes de la République réaffirme qu'il s'agit d'accusations mensongères[40].

Jugeant une plainte pour « injure raciale contre les Français » déposée par Bernard Antony, président de l'« Alliance générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne » (Agrif), le tribunal correctionnel de Toulouse relaxe Houria Bouteldja en décembre 2011, la cour donnant raison à l'avocat de la défense, maître Henri Braun : le terme « Français de souche » ne correspondait à aucune réalité scientifique[41]. La partie civile et le parquet font appel[42], mettant toujours en avant que le terme « souchien » constituerait une injure à caractère raciste envers les personnes blanches et les Français[41]. La cour d'appel de Toulouse confirme la décision de première instance le 19 novembre 2012[43],[44]. Le pourvoi en cassation de l'Agrif est rejeté le  : la Cour de cassation estime que « le terme employé désignait les Français « dits de souche » dans l'esprit de la prévenue » et que cette « catégorisation des souchiens en la rapprochant d'une entité ethnique ou raciale dites les Blancs, qu'il est d'usage de nommer en ethnologie les Caucasiens sans choquer quiconque » est licite[45],[46].

Lutte contre les discriminations raciales

Le Mouvement des Indigènes de la République, dont Houria Bouteldja a été porte-parole, s'est donné pour but de lutter contre toutes les discriminations de race, de sexe, de religion ou d’origine. Il estime qu’en France les discriminations raciales sont omniprésentes et structurelles car liées à son passé colonial.

Le mouvement souhaite « dénationaliser » l’histoire de France afin de la réinsérer dans l’histoire du monde, et redonner leur place aux histoires multiples de tous ceux qui vivent en France aujourd’hui[7].

En , Houria Bouteldja fait partie des signataires d'une tribune[47] dénonçant le texte d'orientation adopté pour trois ans par le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (Mrap) à son congrès du 30 mars et du à Bobigny, et notamment les références faites au racisme antiblanc. Houria Bouteldja déclare alors : « Le MRAP a peur d'être taxé d'islamo-gauchisme et veut devenir respectable »[48].

En 2016, au cours d'un débat dans l'émission Ce soir (ou jamais !), le politologue Thomas Guénolé interpelle Houria Bouteldja, également invitée, en déclarant : « Il y a une partie de l’antiracisme, et cela me fait beaucoup de peine de dire cela, qui est devenue raciste. Je parle de vous Madame Bouteldja »[49],[50],[note 1].

Il poursuit en accusant Houria Bouteldja d'être raciste, misogyne et homophobe, en citant son livre Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l'amour révolutionnaire[49],[50]. Selon Thomas Guénolé, Houria Bouteldja explique que « Si une femme noire est violée par un noir, c'est compréhensible qu'elle ne porte pas plainte pour protéger la communauté noire »[50]. Éric Hazan, éditeur de l'ouvrage de Bouteldja, réagit dans la revue Lundimatin, en qualifiant les propos de Thomas Guénolé d'« élucubrations »[52].

Les journalistes de L'Obs Carole Barjon et Sara Daniel notent pour leur part qu'Houria Bouteldja affirme se situer en dehors du cadre républicain et « professe la haine de l'État-nation. En embrouillant le débat par de savants syllogismes et un lexique très personnel, elle joue à l'envi sur le champ sémantique de l'antiracisme de manière à se dédouaner de tout racisme anti-blanc »[53].

Description

Si elle précise que ces catégories de « Blancs », « Juifs » et « Noirs », sont utilisées dans leur sens « social et politique », et non dans leur acception de déterminisme biologique[24], loin de relativiser leur existence, elle en fait le principal fondement de sa réflexion. Pour elle, « ces catégories sont bel et bien opérantes dans la société et que par conséquent s’interdire d’en faire usage, c’est s’interdire de combattre l’inégalité raciale[54]. » Ainsi, Les « Blancs » sont invités à se débarrasser de leur « blanchité », les « Juifs », à renoncer à Israël et à redevenir les « indigènes » qu’ils étaient autrefois[24]. Selon Bouteldja, « on ne reconnaît pas un Juif parce qu’il se déclare Juif mais à sa soif de vouloir se fondre dans la blanchité, de plébisciter son oppresseur et de vouloir incarner les canons de la modernité. Comme nous[55],[56]. »

Réceptions positives

Dans Le Monde, une tribune d'une vingtaine d'universitaires et de militants indique[source secondaire nécessaire] :

« Dans le livre d’Houria Bouteldja, « Vers une politique de l’amour révolutionnaire » n’est pas un sous-titre de coquetterie ni une lubie d’éditeur : c’est un appel criant à quitter nos entre-soi, à déserter nos cloisonnements et nos endiguements »[57].

Océan Rose Marie salue  dans le quotidien Libération  le livre en ces termes :

« En mars est sorti un livre (up)percutant, électrique et déstabilisant : les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l'amour révolutionnaire de Houria Bouteldja, qui incarne cet antiracisme articulé en profondeur »[58].

Devant les critiques incendiaires que suscite la parution du livre, Éric Hazan, directeur des éditions La Fabrique qui ont publié l'ouvrage, écrit dans Lundimatin[source secondaire nécessaire] :

« Pourquoi Houria, qui n’est pas la seule à dénoncer le racisme « décomplexé » qui sévit actuellement en France, est elle une cible privilégiée ? La réponse me semble claire : c’est une femme, elle a un maintien noble et fier, elle s’exprime avec tranchant, et en plus elle est arabe. C’est trop. Elle ne se tient pas à la place qui lui revient, elle bouscule la hiérarchie des rapports sociaux, bref, elle exagère. L’équipe de la Fabrique, qui a édité le livre d’Houria, la soutient et la défendra contre les attaques de ceux qui sont tout autant nos ennemis que les siens »[52].

Critiques

L'écrivain et philosophe Tristan Garcia considère que les positions de l'ouvrage de Bouteldja utilisent la race comme « catégorie stratégique » et que, comme toute pensée décoloniale radicale, ses positions hésitent entre une réappropriation stratégique des divisions raciales et une « sorte d'épistémologie racialiste non blanche »[59].

Selon Clément Pétreault, journaliste du Point, elle est une « personnalité notoirement connue pour ses thèses racialistes et ses obsessions antisioniste »[60].

Dans Libération, Océan note que Houria Bouteldja ouvre son ouvrage les Blancs, les Juifs et nous « en expliquant qu'elle utilise les termes de «Blancs» et «blanchité» comme désignation d'un groupe social et évidemment pas d'un point de vue biologique. Pourtant, à gauche, on accuse le livre de racialiser la question sociale. Il faut probablement être du bon côté du voile, celui que décrit W.E.B Du Bois dans la société étasunienne d'après l'esclavage, pour se payer le luxe de minimiser les effets de race »[61].

Le directeur de la rédaction du Monde diplomatique, Serge Halimi lui reproche notamment de sommer la gauche de « tout subordonner — la domination sociale, la domination masculine, la persécution des minorités sexuelles — au combat contre l’hégémonie « blanche » et de le faire adossée à une réflexion théorique ne comportant en définitive qu’une variable, « Occident » contre « Indigènes », symétriquement conçus en blocs presque toujours homogènes, solidaires, immuables »[62].

Aux yeux d’Halimi, avec de telles conceptions, « toutes les balises historiques du combat multiséculaire pour l’émancipation humaine (le rationalisme, le syndicalisme, le socialisme, le féminisme, l’internationalisme…) seront balayées par les torrents essentialistes et religieux »[62]. Caroline Fourest considère le livre comme étant d'extrême droite[63].

Clément Ghys dans Libération qualifie l'ouvrage de « logorrhée haineuse » et de « brûlot odieux ». Le journal dénonce la « dérive identitaire » de Houria Bouteldja, soulignant que si cette dernière conserve de « justes indignations », elle apporte des réponses « ahurissantes » aux problèmes qu'elle soulève, tout en faisant preuve d'une « ignorance historique crasse »[24].

Le Canard enchaîné affirme que Houria Bouteldja parle du vivre-ensemble dans son livre publié en 2016 mais « qu'elle n'en veut pas. Non aux luttes communes », citant en exemple qu'elle refuserait à l'historien Pascal Blanchard de travailler sur le fait colonial, parce que c'est un blanc[1].

Pour Didier Leschi, président de l’Institut européen en sciences des religions, « Qu'inférer d'un tel pamphlet sinon que l'éditeur qui le publie et les intellectuels qui invitent son auteure à en débattre cautionnent ainsi un condensé “décolonisé” [sic] du noyau dur de la pensée de Charles Maurras : la haine du juif associée au dégoût du métissage pensé comme vecteur de l'effémination de la race[64]. »

Océan Rose Marie écrit dans Libération qu'« il est très facile de discréditer un texte, surtout quand la pensée est complexe et formulée sous forme de paradoxes » et ajoute :

« L’auteure est de longue date «grillée» par ses détracteurs, bien plus puissants qu’elle dans les champs politiques et médiatiques. Depuis des années, ils s’attellent à extraire des passages de ses écrits afin de leur donner une tournure bien dégueulasse »[58].

Féminisme

Houria Bouteldja dénonce le « féminisme blanc »[1]. Houria Bouteldja est à l'origine de l'association féministe Les Blédardes (2003) et du Collectif féministe du Mouvement des Indigènes de la République (2005)[65]. Marie-Carmen Garcia étudie le positionnement du Collectif féministe du Mouvement des Indigènes de la République, par rapport à celui de Ni Putes Ni Soumises, organisation fondée par Fadela Amara[66]. Selon cette sociologue, les femmes du Collectif féministe du MIR « mènent leur combat féministe « à l’intérieur » de leur « communauté », mais elles font front avec « leurs hommes » en dehors de celle-ci »[66]. « Cette attention accordée à la condition des hommes de leur groupe, estime Marie-Carmen Garcia, est significative d’« un féminisme aux prises avec la question posée par l’intersection de plusieurs rapports de pouvoir »[66]. Au contraire, Ni Putes Ni Soumises demande l'intervention de l'État français contre les comportements sexistes dans les cités[66].

Projet décolonial

Selon Nicolas Lebourg, « À en croire Houria Bouteldja, sa « médiatique porte-parole » [du PIR] ; un « projet décolonial ne peut être pensé à partir des individualités mais à partir des cultures et des identités opprimés. Le PIR reconnait l’organisation communautaire si celle-ci se revendique d’une communauté racialement opprimée. » Son antisionisme s’accompagne de la dénonciation du « philosémitisme d’État ». Il prône l'absence de métissage avec les Blancs et, a minima, en cas de mariage interethnique, la conversion du Blanc à l'islam[note 2],[67]. ».

Antisémitisme

Selon Éric Dupin, « Les thématiques ultra-identitaires du PIR flirtent dangereusement avec l'antisémitisme[68] ».

En 2013, Houria Bouteldja pose sur une photographie, en souriant, près d'une pancarte où est écrit : « Les sionistes au goulag[50]. »

En 2017, Barbara Lefebvre qualifie son livre de « pamphlet raciste et antisémite de Bouteldja[69] ».

Houria Bouteldja déclare notamment : « Les Juifs sont les boucliers, les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe[70]. » Le refus de la député Danièle Obono de condamner cette dernière phrase et le propos considéré par SOS racisme comme antisémite, raciste, sexiste et homophobe[71], affirmant respecter Bouteldja[72], déclenche des critiques[73].

Selon les journalistes de L'Obs Carole Barjon et Sara Daniel, Houria Bouteldja se défend d'être antisémite, mais emploie pour se justifier, des « comparaisons glaçantes », « comme celle des "indigènes judéophobes [qui] n'ont pas les moyens d'affréter des trains pour Auschwitz"… Pour elle, les "indigènes" ne peuvent être que des victimes… même lorsqu'ils s'appellent Mohammed Merah[53] ! »

Selon le politologue et historien Pierre-André Taguieff, elle n'hésite pas à appliquer la célèbre formule de Jean-Paul Sartre de la préface aux Damnés de la terre de Frantz Fanon, à la lettre, au conflit israélo-palestinien. Elle juge que Sartre s'est trahi lui-même en défendant le droit à l'existence de Israël : « Sartre a survécu. Car l’homme de la préface des Damnés de la terre n’a pas achevé son œuvre : tuer le Blanc. Sartre n’est pas Camus, mais il n’est pas Genet non plus. Car au-delà de son empathie pour les colonisés et leur légitime violence, pour lui, rien ne viendra détrôner la légitimité de l’existence d’Israël. […] La bonne conscience blanche de Sartre… C’est elle qui l’empêche d’accomplir son œuvre : liquider le Blanc. Pour exterminer le Blanc qui le torture, il aurait fallu que Sartre écrive : “Abattre un Israélien, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre.” Se résoudre à la défaite ou à la mort de l’oppresseur, fût-il Juif. C’est le pas que Sartre n’a pas su franchir. C’est là sa faillite. Le Blanc résiste. Le philosémitisme n’est-il pas le dernier refuge de l’humanisme blanc[74],[75] ? »

Océan Rose Marie, réfute dans Libération toute accusation d'antisémitisme contre Houria Bouteldja, et écrit : « Antisioniste, Houria Bouteldja l’est sans ambiguïté. Et, c’est à travers cet engagement qu’elle déconstruit la question de l’antisémitisme. Elle la développe par une argumentation stimulante et enfin déprise d’européocentrisme. Elle interroge l’extermination des Juifs d’Europe et son instrumentalisation par le projet sioniste depuis le monde colonisé. Car la violence rationalisée et industrialisée envers une catégorie de population, c’est bien une invention du colonialisme européen. Et, oui, il y a, en France, un monde colonisé, dont les Juifs ont été historiquement (et encore aujourd’hui sous des formes renouvelées) les victimes »[58].

Houria Bouteldja fait de nouveau polémique en 2020 pour avoir déclaré « On ne peut pas être Israélien innocemment », après une vague de haine antisémite à l'encontre de la Miss Provence April Benayoum. Elle affirme, pour défendre ces commentaires, que « Chez les indigènes vivant dans l'Hexagone, vous trouverez, chez les moins politisés, un antijuifisme confus, à mi-chemin entre l'antisémitisme gaulois, fruit de leur grande intégration, et l'anti-israélisme, fruit de leur spontanéité anticoloniale » ; elle est accusée d’antisémitisme[76]. À la suite de cette polémique, une pétition de soutien est organisée le 17 janvier 2021 sur le site acta.zone, dénonçant les accusations d'antisémitisme portées contre la militante, et affirmant qu'elle n'est pas antisémite ; pour la sociologue Nathalie Heinich, cette initiative est « invraisemblable », et ses signataires gâchent leur réputation en soutenant Bouteldja[77].

Homophobie

En 2013, dans le contexte du débat sur le mariage homosexuel, Houria Bouteldja déclare que « le mode de vie homosexuel n’existe pas dans les quartiers populaires », « ce qui n’est pas une tare », et que « le mariage pour tous ne concerne que les homos blancs », tout en précisant que « ça ne signifie pas qu’il n’y a pas de pratiques homosexuelles dans les quartiers, ça signifie qu’elle n’est pas prioritaire et qu’on a d’autres choses beaucoup plus importantes et urgentes. » Le sociologue Daniel Welzer-Lang commente à ce propos : « Dire que des personnes n’existent pas comme le fait Bouteldja, alors qu’il suffit d’ouvrir les yeux pour les voir, c’est de l’homophobie » ; l'association Le Refuge juge quant à elle qu'un tel discours risque de stigmatiser encore plus les jeunes homosexuels des cités[78].

Elle affirme également : « l'homme arabe qui fait son coming-out, c'est un acte de soumission à la domination blanche[1] » et dénonce l'« impérialisme gay »[53].

Dans une interview avec Jeune Afrique, elle se défend des accusations d'homophobie :

« Mes propos ont été déformés dans la presse. J’ai simplement dit que les identités LGBT sont un phénomène nouveau en Europe, au XIXe siècle ça n’existait pas. Elles sont essentiellement européennes. Il faut distinguer la pratique homosexuelle et l’identité sociale homosexuelle. Celle-ci n’est pas reconnue et nommée dans tous les pays. Dans certains pays il y a une reconnaissance sociale d’un phénomène sans que cela soit politisé, lié à des revendications ou à une demande d’identification. Et, dans d’autres pays c’est l’inverse, comme en Occident[79]. »

Le journaliste Serge Halimi relève cet extrait du livre Les Blancs, les Juifs et nous : « « Il n’y a pas d’homosexuels en Iran ». C’est Ahmadinejad qui parle. Cette réplique m’a percé le cerveau. Je l’encadre et je l’admire. […] Ahmadinejad, mon héros. […] La Civilisation est indignée. […] Et moi j’exulte. » Il s'étonne : « Étrange jubilation de sa part, tout de même, à entendre le président d’un pays qui exécute les homosexuels prétendre qu’ils n’existent pas[62]. »

Les journalistes Carole Barjon et Sara Daniel affirment : « D'après elle, la répression qui vise les homosexuels dans bon nombre de pays musulmans est le simple résultat de l'influence occidentale et de ses "normes hétéro-sexistes" »[53].

Dans le même ouvrage, elle écrit, à propos des homosexuels arabes qui font leur coming out : « Les Blancs, lorsqu’ils se réjouissent du coming out du mâle indigène, c’est à la fois par homophobie et par racisme. Comme chacun sait, “la tarlouze” n’est pas tout à fait “un homme”, ainsi, l’Arabe qui perd sa puissance virile n’est plus un homme ». Dans l'émission télévisuelle Ce soir (ou jamais !) du 18 mars 2016 intitulée Comment réconcilier les antiracistes ?, Thomas Guénolé cite ce passage de manière tronquée[source insuffisante] pour l'accuser d'homophobie[50],[80].

Terrorisme

Pour analyser les causes sociales des actes de Mohamed Merah tout en les réprouvant, Houria Bouteldja a déclaré le  : « Le 13 juillet 1998, je me suis endormie moi et me suis réveillée Zinedine Zidane (...) pourtant, je ne suis pas footballeuse. Le 21 mars 2012, je me suis couchée moi et me suis réveillée Mohamed Merah. Pourtant, je n’ai jamais porté d’armes et n’ai jamais tiré sur personne (...) Pourquoi sommes-nous liés à Mohamed Merah, comme la corde l’est au pendu ? »[81]. et un peu plus loin : « le pire c'est que c'est vrai. Comme moi, il est d'origine algérienne, comme moi il a grandi dans un quartier, comme moi il est musulman.… Comme moi, il sait qu'il sera traité d'antisémite s'il soutient les Palestiniens colonisés, d'intégriste s'il soutient le droit de porter le foulard. Mohamed Merah c'est moi et moi je suis lui. Nous sommes de la même origine et surtout de la même condition. Nous sommes des sujets postcoloniaux. Nous sommes des indigènes de la république… (…) Mohamed Merah, c’est moi et ça n’est pas moi. (…) Par son acte, [Mohammed Merah] a rejoint le camp de ses propres adversaires. De NOS adversaires. Par son acte, il s’empare d’une des dimensions principales de nos ennemis : celle de considérer les Juifs comme une essence sioniste ou une essence tout court[75],[82]. »

Pour la chercheuse autrichienne Julia Ebner, spécialiste du terrorisme, ces phrases et toute sa rhétorique générale reflètent une profonde haine des blancs[83].

En 2015, malgré leur désaccord avec la ligne éditoriale de Charlie Hebdo, le PIR condamne le jour-même l'attentat dont l'hebdomadaire est victime[84]. Quelques jours plus tard, tout en réitérant leur condamnation, les Indigènes de la République refusent de participer à la manifestation du 11 janvier 2015, l'expliquant ainsi :

« Pour notre part, nous ne participerons pas à la manifestation de dimanche 11 janvier car nous ne répondons à aucune convocation et ne marchons pas derrière les agents de la contre-révolution coloniale, fauteurs de désordre social et politique parmi lesquels la chancelière allemande, Angela Merkel, le président ukrainien, Petro Porochenko, ami des néo-nazis de son pays, le criminel Netanyahou, représentant de l’État sioniste et … Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN »[85].

Publications

Ouvrages

  • Avec Sadri Khiari, Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella Magliani-Belkacem, Nous sommes les indigènes de la République, Paris, Amsterdam, , 435 + VIII (ISBN 978-2-35480-113-7, BNF 42762745)
  • Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l'amour révolutionnaire, Paris, La Fabrique, , 143 p. (ISBN 978-2-35872-081-6, BNF 44520326)

Revues

  • Chapitre dans La Révolution en 2010 ? : les vrais enjeux de 2007, Descartes et Cie, collection « Cahier Laser », no 10, 2007 (ISBN 2844461034) (BNF 4096128)
  • Houria Bouteldja, « Pouvoir politique et races sociales », Période, (lire en ligne)

Notes et références

Notes

  1. Pour Houria Bouteldja, « La race est un rapport social comme le genre, comme la classe. Il est fondé sur de supposées catégories raciales, ethniques et religieuses qui sont issues de l’histoire de l’esclavage et de la colonisation. Pour autant, la racialisation ne concerne pas seulement les populations issues de la colonisation. Les Turcs sont musulmans et n’ont pas été colonisés. Mais la race se réinvente : on n’a pas besoin de venir de l’histoire coloniale pour être racisé et infériorisé dans la mesure où c’est la France qui est coloniale et qui décide qui elle infériorise. Et les Turcs ayant cet attribut de musulmans sont infériorisés. C’est la France qui est raciale. Nous voulons assumer le stigmate pour le dépasser. Personne n’échappe à la racialisation, blancs ou indigènes. Mais les uns sont dominants et les autres dominés[51]. »
  2. Houria Bouteldja précise en 2015 : « En fait, les indigènes se sont rendus compte que les filles partaient de chez elles pour se marier avec des blancs et que cela détruisait la structure familiale à laquelle ils tenaient, à mon avis à juste titre. Les enfants allaient-ils rester musulmans ? Et puis il y avait le contentieux colonial non réglé… Aujourd’hui, il y a une forme de pragmatisme. Il y a énormément de mariages mixtes. On règle le problème avec la conversion, ce qui me semble être au fond un compromis acceptable si bien sûr on comprend que l’intérêt des indigènes, c’est-à-dire des dominés, doit prévaloir. Les indigènes ont su créer un rapport de force pour endiguer la blanchité et je pense qu’il faut savoir le respecter[51]. »

Références

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  3. Christelle Hamel et Christine Delphy, « On vous a tant aimé·e·s !: Entretien avec Houria Boutelja, initiatrice du Mouvement des Indigènes de la République et de l’association féministe Les Blédardes », Nouvelles Questions Féministes, vol. 25, no 1, , p. 122 (ISSN 0248-4951 et 2297-3850, DOI 10.3917/nqf.251.0122, lire en ligne, consulté le ).
  4. Marie-Carmen Garcia, « Des féminismes aux prises avec l'« intersectionnalité » : le mouvement Ni Putes Ni Soumises et le Collectif féministe du Mouvement des indigènes de la République », Cahiers du Genre, vol. 52, no 1, , p. 145 (ISSN 1298-6046 et 1968-3928, DOI 10.3917/cdge.052.0145, lire en ligne, consulté le ).
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Voir aussi

Bibliographie

  • Manuel Boucher, La gauche et la race : réflexions sur les marches de la dignité et les antimouvements décoloniaux, Paris, Éditions L'Harmattan, coll. « Recherche et transformation sociale », , 277 p. (ISBN 978-2-343-16011-5, présentation en ligne).

Articles connexes

Liens externes

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