Jean-Étienne-Marie Portalis
Jean-Étienne-Marie Portalis, né le au Beausset (Var) et mort à Paris le , est un avocat, homme d'État, jurisconsulte, philosophe du Droit français, membre de l’Académie française et Grand aigle de la Légion d'honneur (1805). Il est connu pour avoir été l'un des rédacteurs du Code civil.
Pour les articles homonymes, voir Portalis.
Portrait par Claude Gautherot
Ministre des Cultes | |
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Fauteuil 25 de l'Académie française | |
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Président du Conseil des Anciens | |
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(à 61 ans) Paris |
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Joseph-Marie Portalis Jean-Baptiste-David Portalis (d) |
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Biographie
Formation d'avocat
Issu d'une vieille famille bourgeoise, fils de notaire, Portalis étudia chez les oratoriens de Toulon puis de Marseille, et suivit les cours de l’École de droit d'Aix-en-Provence.
En même temps il débutait dans les lettres par un essai intitulé Observations sur l'ouvrage intitulé Émile ou de l'éducation (1763), et par une brochure qui fit quelque bruit dans sa province : Des préjugés.
Reçu avocat en 1765, il débuta avec succès au barreau d'Aix, il ne tarde pas à s'imposer parmi les tout premiers jurisconsultes de Provence. Il se forgea très vite une réputation, exerçant ses talents dans plusieurs procès retentissants comme celui contre Beaumarchais (auteur du Mariage de Figaro) ou celui de Mirabeau. Son modèle intellectuel est d'Aguesseau. Portalis se fit surtout remarquer, dans les discussions, par la simplicité qu'il apportait à ses plaidoiries : c'était rompre avec les traditions, les vieux avocats blâmèrent le ton du débutant, qui riposta, dit-on, avec vivacité : « C'est le barreau qui a besoin de changer d'allure, et non pas moi ! »
La science juridique de Portalis se révéla pour la première fois dans un écrit intitulé : Sur la distinction des deux puissances, écrit composé à l'occasion d'une lutte engagée par le clergé contre le parlement d'Aix : l'auteur fut l'objet de violentes attaques, mais se défendit à son honneur. Une consultation qu'il publia en 1770, à la demande de M. de Choiseul, sur la validité des mariages des protestants en France, lui valut des éloges de Voltaire, et le désigna bientôt pour les fonctions d'assesseur d'Aix.
Député aux États de Provence, il y tient un rang distingué. Il retrouva, sa mission expirée, de brillants succès au barreau, et se vit confier plusieurs affaires qui eurent un grand retentissement. Il s'illustra à l'occasion d'un procès intenté contre Beaumarchais.
Mais sa première vraie célébrité lui vint de sa défense de la cause de la comtesse de Mirabeau, plaidant en séparation de corps contre son mari, le célèbre comte de Mirabeau, qui se défendit lui-même. En cette année 1783 on parlera de ce procès jusqu'à Paris, il lui vaudra une rancune à vie de la part du Comte de Mirabeau, défait.
Il sera initié franc-maçon puis rejoindra la loge les Arts et l'Amitié à l'Orient d'Aix-en-Provence dont il sera successivement orateur puis vénérable[1].
En 1787, Portalis devint le second des quatre administrateurs électifs de la province de Provence, connus sous le nom de procureurs du pays. L'année suivante, il rédigea, au nom de l'ordre des avocats du parlement d'Aix, une Lettre au garde des sceaux contre les tentatives de l'archevêque de Sens, Loménie de Brienne, pour amener un changement dans la constitution du royaume et le rétablissement des états de Provence. Cette lettre fut bientôt suivie d'un autre écrit sur le même sujet, intitulé : Examen impartial des édits du .
Révolution
Le jeune avocat était en possession d'une belle situation dans sa province quand éclata la Révolution.
Lorsque les États généraux sont convoqués par Louis XVI, il évoque l'idée de se présenter comme député d'Aix, soutenu par de nombreux membres du parlement de Provence. La candidature de Mirabeau, au nom du tiers état le décide à se présenter à Toulon. Mais il doit également renoncer. Il adopte tout de même les idées révolutionnaires de 1789 qu'il défend au parlement de Provence et au conseil municipal d'Aix.
Tant l'inimitié de Mirabeau à son égard que le peu d'enthousiasme qu'il sembla avoir manifesté pour les idées nouvelles, éloignèrent Portalis de l'Assemblée constituante.
Dans les premiers mois de 1790, il refusa d'être commissaire du roi pour l'organisation d'un des trois départements formés de l'ancienne Provence. Se présentant comme un monarchiste constitutionnel, il fut élu au comité central d'organisation des gardes nationales. Mais très vite, il se détache des « excès » de la révolution. De nombreuses émeutes (souvent organisées par les partisans de Mirabeau) agitent la Provence. Lui-même a la vie menacée à plusieurs reprises. le 27 septembre, il se retira avec les siens dans sa propriété des Pradeaux de Saint-Cyr-sur-Mer et y demeura à l'écart des affaires jusqu'en . Il arrête également sa carrière d'avocat.
Avec la fuite du roi à Varennes et la prise de pouvoir par les révolutionnaires radicaux aux élections de 1792, la situation change et être tenu pour royaliste (même constitutionnel) l'oblige à se réfugier à Lyon où il redevient avocat, tout en restant prudent sur ses propos durant la Terreur. En , en plein procès de Louis XVI, sa nature courageuse et l'indignation le poussèrent à rédiger et plaider une défense du Roi devant de nombreuses personnes. À partir de ce moment, il allait vivre traqué, par les armées révolutionnaires et les commissaires de la convention, dans la banlieue de Lyon.
En , le meurtre de son secrétaire à Villeurbanne, le pousse à fuir. Il pense que l'anonymat parisien le protégera mais, dénoncé, il fut emprisonné dès son arrivée, le 31 décembre. Il dut son salut, comme beaucoup, à la chute de Robespierre, le 9 thermidor an II ().
Directoire
Il se fixa alors à Paris, y reprit l'exercice de sa profession d'avocat et se fit élire[2], le 28 vendémiaire an IV (1795), député de la Seine au Conseil des Anciens. En même temps, il obtenait la majorité dans les Bouches-du-Rhône. Il opta pour Paris et prit place, aux Anciens, dans les rangs du parti contre-révolutionnaire qui faisait au Directoire une vive opposition.
Il unit ses efforts à ceux de Joseph Jérôme Siméon (son compatriote et beau-frère), de Barbé-Marbois, de Lebrun et autres, s'opposa à la création d'un ministère de la Police, fut secrétaire, puis président de l'assemblée, prit la défense des prêtres et des émigrés, combattit la résolution relative aux délits de presse, se prononça en maintes circonstances contre les sociétés populaires, fut mêlé à l'affaire de la conspiration de La Villeheurnois, comme devant remplacer Cochon de Lapparent au ministère de la Police, et fit un rapport sur le divorce.
Portalis fut, comme royaliste, condamné à la déportation lors du coup d'État du 18 fructidor an V. Il se cacha chez le banquier de Lessert à Passy, put gagner la Suisse, puis le duché de Holstein en Allemagne, où il est hébergé, deux ans durant, par le comte et la comtesse de Reventlow.
Consulat et Empire
Portalis ne rentra en France qu'après le coup d'État du 18 Brumaire. Le premier Consul, qui estimait ses talents, le nomma d'abord commissaire du gouvernement près le Conseil des prises ; puis commissaire, avec Tronchet, Bigot de Préameneu et Maleville, pour la rédaction du Code civil. C'est à Portalis que sont dus le « Discours préliminaire » qui précède le projet de Code civil, et les exposés des motifs des titres du Mariage, de la Propriété, des Contrats aléatoires, etc. : la science, la clarté, l'élégance et la pureté de style dont il fit preuve, ont été souvent admirées, et sa collaboration au Code civil a constamment passé pour son principal titre de gloire.
« Portalis serait l’orateur le plus fleuri et le plus éloquent s’il savait s’arrêter. »
Conseiller d'État en , il se vit chargé principalement de toutes les affaires concernant les cultes qu'il eut à réorganiser. Portalis prit personnellement la plus grande part au Concordat de 1801 conclu avec le pape Pie VII, et aux articles organiques unilatéraux destinés à le compléter et jamais reconnus par le Saint-Siège. Les discours qu'il prononça à cette époque furent empreints des idées et des sentiments qu'avait toujours professés l'Église catholique gallicane.
Quand le comte de Provence fit des ouvertures de restauration à Bonaparte, Portalis, consulté, conseilla « de détruire jusque dans leurs germes les espérances chimériques d'une ancienne famille, moins préoccupée de recouvrer ses titres que de faire revivre les abus qui les lui ont fait perdre. »
Membre de la Légion d'honneur le 1er vendémiaire an XII, Grand officier de l'ordre le 25 prairial suivant, et Grand aigle le 13 pluviôse an XIII, Portalis fut nommé, le , ministre des Cultes.
L'année précédente il était entré à l'Institut de France, à la réorganisation de ce corps, et avait composé en cette qualité L'Éloge de l'avocat général Séguier.[3]
Atteint alors d'une cécité presque complète, en 1806 il se fit opérer de la cataracte par le chirurgien célèbre Joseph Forlenze[4]. L'opération eut un succès instantané mais celle-ci devait se révéler un échec. Cependant, Portalis s'exclama : « N'importe. J'ai pu voir mes petits-enfans! »[5]
Il mourut sans avoir recouvré la vue définitivement, le .
Son corps fut déposé dans les caveaux du Panthéon (Paris) un jour seulement après ses obsèques.
Son fils (Joseph Marie), et son petit-fils ont publié un ouvrage posthume de lui : De l'usage et de l'abus de l'esprit philosophique durant le dix-huitième siècle (1820), et des Discours, rapports et travaux inédits.
Hommages
À Aix-en-Provence :
- Une statue de Portalis trône devant la cour d'appel ;
- Un des bâtiments de la faculté de Droit et le grand amphithéâtre portent le nom de Portalis ;
- Un institut de la faculté de Droit porte le nom d'« Institut Portalis » ;
- Une plaque apposée en façade du 25 rue de l'Opéra signale la maison dans laquelle Portalis a vécu jusqu'à la Révolution ;
- La ville a célébré en les 200 ans de la mort du juriste avec divers événements (conférences, théâtre, expositions, visites) durant un mois et demi ;
À Paris :
- Il est inhumé dans le caveau V du Panthéon.
- Une statue de Portalis est installée au salon Casimir-Perier du palais Bourbon.
- Une représentation en marbre de 1877 par Joseph Osbach se trouve dans la galerie des bustes de la Cour de Cassation.
- Un buste de Portalis est dans les bureaux du Conseil d’État au Palais-Royal.
- Une place face à la mairie porte son nom.
Publications
- Consultation sur la validité du mariage des protestants en France (1770);
- De l'Usage et de l'abus de l'esprit philosophique durant le XVIIIe siècle (2 volumes, 1820);
- Écrits et discours juridiques et politiques, Aix-en-Provence : Presses universitaires d'Aix-Marseille (1988);
- Discours préliminaire au premier projet de Code civil, éditions Confluences, , 78 pp. Collection : Voix de la Cité;
- Discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil, Joubert (1844), 495 pp.[6]
- Discours prononcé lors de la présentation du projet de la commission du gouvernement, 1er ventôse an IX, Fenet, tome I, p. 476.
Tout ou partie de ses archives firent l'objet d'une vente publique à Marseille le 24/11/2012 (cf."Arts et métiers du livre" n°293 - novembre-décembre 2012, p.83), qui comprenait entre autres son manuscrit de sa Validité des mariages des protestants en France), consultation juridique demandée par Choiseul qui fut admirée par Voltaire, les bouillons du Discours préliminaire au Code civil, et d'un discours de présentation sur l'organisation des Cultes (126 pages), ainsi qu'un "ensemble de correspondances et de rapports confidentiels".
Citations
- La loi permet, ordonne ou interdit.
- L'expérience prouve que les hommes changent plus facilement de domination que de lois. (Discours préliminaire prononcé lors de la présentation du projet de Code civil)
- Nous appelons esprit révolutionnaire, le désir exalté de sacrifier violemment tous les droits à un but politique. (Discours préliminaire prononcé lors de la présentation du projet de Code civil)
- En matière criminelle, il faut des lois précises et point de jurisprudence. (Discours préliminaire prononcé lors de la présentation du projet de Code civil)
- Il faut toujours présumer le bien quand le mal n'est pas prouvé.
- Quand la raison n'a point de frein, l'erreur n'a point de bornes.
- Une loi n'est point injuste par cela seul qu'elle est répressive ; et il est souvent nécessaire que la loi soit répressive pour ne pas être insuffisante.
- Il ne faut point de lois inutiles, elles affaibliraient les lois nécessaires.
- Il est utile de conserver tout ce qu'il n'est pas nécessaire de détruire. (Discours préliminaire prononcé lors de la présentation du projet de Code civil)
- [le code civil] est un corps de lois destinées à diriger et à fixer les relations de sociabilité, de famille et d'intérêt qu'ont entre eux les hommes qui appartiennent à la même cité.
- Les lois sont faites pour les Hommes et non les Hommes pour les lois. (Discours préliminaire prononcé lors de la présentation du projet de Code civil)
- De bonnes lois civiles sont le plus grand bien que les hommes puissent donner et recevoir ; elles sont la source des mœurs, la palladium de la propriété et la garantie de toute paix publique et particulière : elles le maintiennent ; elles modèrent la puissance et contribuent à la faire respecter, comme si elle était la justice même. Elles atteignent chaque individu, elles se mêlent aux principales actions de sa vie et toujours elles font partie de sa liberté : enfin, elles consolent chaque citoyen des sacrifices que la loi politique lui commande pour la cité, en le protégeant, quand il le faut, dans sa personne et dans ses biens, comme s’il était, lui seul, la cité tout entière. (Discours préliminaire prononcé lors de la présentation du projet de Code civil)
L'image dans la postérité
Dans Sade à l'ombre de la loi[7], le juriste et philosophe belge François Ost consacre la dernière partie de son ouvrage à un dialogue imaginaire sur la loi entre le marquis de Sade et Portalis.
Quelques biographies du célèbre juriste sont parues ces dernières années.
Notes et références
- Maurice Agulhon, Pénitents et francs-maçons de l'ancienne Provence, essai sur la sociabilité méridionale, Paris, Editions Fayard, , 454 p. (ISBN 2-213-01433-7)
- Par 316 voix sur 685 votants.
- Jean-Etienne-Marie Portalis, « Eloge d'Antoine-Louis Séguier » (consulté le )
- Marie-Nicolas Bouillet, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie: t. 2, L. Hachette et Cie., 1842, p. 636
- Auguste-Aimé Boullée, Essai sur la vie, le caractère et les ouvrages de J.-E.-M. Portalis, Didier et cie, 1859, p. 137
- Jean-Etienne-Marie Portalis, « Discours, rapports et travaux inédits sur le Code civil » [PDF], sur Google Books (consulté le )
- Sade à l'ombre de la loi, F. Ost, éd. Odile Jacob, 2005. (ISBN 2738116698)
Annexes
Articles connexes
Liens externes
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- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Archives départementales des Bouches-du-Rhône
- Biographie sur le site de la Fondation Napoléon
- Portalis, corédacteur du Code civil
- Portalis par ses descendants
- La correspondance et les rapports des ministres des Cultes (dont Portalis, 1804-1808) au Secrétaire d’État sous Napoléon Ier sont conservées aux Archives nationales (France).
Bibliographie
- « Jean-Étienne-Marie Portalis », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [détail de l’édition] ;
- Adolphe (Schimsewitch) Lydie, Portalis et son temps, l'homme, le penseur, le législateur, Les Presses modernes, 1936 (thèse).
- Adolphe (Schimsewitch) Lydie, Portalis et son temps : "le bon génie de Napoléon", Sirey, 1936.
- Jean-Luc Chartier, Portalis, père du Code civil, Fayard, 2004
- Joël-Benoît d'Onorio, Portalis : l'esprit des siècles, Dalloz, 2005
- Marceau Long, Jean-Claude Monier Portalis: l'esprit de justice, Michalon, 1997
- Cet article comprend des extraits du Dictionnaire Bouillet. Il est possible de supprimer cette indication, si le texte reflète le savoir actuel sur ce thème, si les sources sont citées, s'il satisfait aux exigences linguistiques actuelles et s'il ne contient pas de propos qui vont à l'encontre des règles de neutralité de Wikipédia. ;
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