Jénine

Jénine (en arabe : جنين, en hébreu : ג'נין) est une ville et capitale du gouvernorat de Jénine en Cisjordanie et un important marché agricole palestinien. Le nom de Jénine désigne également le district auquel la ville appartient dans son ensemble, et le camp de réfugiés de Jénine.

Jénine

Vue générale sur Jénine (2007)
Administration
Pays Palestine
Territoire Palestine
Gouvernorat Gouvernorat de Jénine
Maire Hadem Rida
Démographie
Gentilé Jéninois
Population 39 004 hab. (2007)
Densité 1 046 hab./km2
Géographie
Coordonnées 32° 27′ 42″ nord, 35° 18′ 05″ est
Superficie 3 730 ha = 37,3 km2
Localisation
Géolocalisation sur la carte : Palestine
Jénine

    Cette ville, qui était sous l'administration de l'Autorité palestinienne depuis l'application des accords d'Oslo de 1994, fut momentanément sous autorité israélienne au cours de l'opération militaire « Rempart » menée au printemps 2002.

    Noms

    A travers l'histoire, Jénine connaît plusieurs appellations : Gina, Ginae, Ein-Jenin ou Tel Jenin.

    Histoire

    Jénine est une localité existant depuis l'Antiquité. Dans la Bible, le Livre de Josué cite Ein Ganim, fondée par la tribu d'Issachar, que des historiens assimilent à l'actuelle Jénine[1],[2].

    Domination romaine

    Au Ier siècle, l'historien Flavius Josephe mentionne Ganim comme un village juif située dans le nord de la Samarie, en Palestine romaine.

    La ville était peuplée seulement de Samaritains lors de la période romaine car peu loin, se trouve le mont Garizim qui est le lieu saint de la communauté samaritaine[3],[4].

    Rue de Jenine avec, au centre, un soldat ottoman, 1917.

    Domination ottomane

    Sous la domination ottomane en Palestine qui a duré plusieurs siècles, Jénine appartient au « Jabal Nablus » (Naplouse) traditionnel[5]. Au XVIe siècle, elle est habitée par huit ménages musulmans. À la fin du XIXe siècle, c'est une capitale de district avec un petit bazar, une mosquée appelée « Ezz ed Din » au nord de la ville, où les maisons de pierre abritent environ 3 000 personnes majoritairement musulmanes et deux familles catholiques.

    Jénine est conquise par les troupes françaises en 1799 lors de la campagne d'Égypte. Après la bataille, Napoléon ordonne à son armée d’incendier et de piller la ville en représailles de l’aide apportée par ses habitants aux Ottomans[6].

    Jénine v. 1900

    Domination égyptienne

    La ville reste brièvement sous occupation égyptienne entre 1831 et 1840 puis redevient ottomane[5].

    Domination britannique

    Ruines de Jénine, 3 septembre 1938

    Sous le mandat britannique, le recensement de 1922 laisse apparaître une population variée composée de 2 637 personnes : 2 307 musulmans, 212 Hindous, 108 chrétiens, 7 Juifs et 3 Sikhs[7]. En 1931, il ne reste plus que 4 Juifs à Jénine[8].

    A partir de 1936, Jénine se rebelle contre les Britanniques, multipliant les actes d'intimidation, de sabotage et d'assassinats comme celui du commissaire adjoint anglais du district, le . Après avoir ordonné à la population de partir, un quart de la ville est dynamité par l’armée britannique en représailles collectives à cet assassinat[9].

    L’architecte de la ville, Henry Kendall, est sollicité pour concevoir une route de contournement, afin d'éviter les frictions inutiles entre les représentants du gouvernement et les émeutiers[10].


    Période contemporaine

    Durant la guerre arabo-israélienne de 1948, Jénine est sous contrôle jordanien. La ville est d'abord défendue par l'armée irakienne[6] puis capturée brièvement par les forces israéliennes qui veulent y attirer les soldats arabes afin de les éloigner des combats de Jérusalem ; ils l'abandonnent dès leur but atteint. La population civile qui avait fui temporairement avant la bataille retourne en ville.

    Un camp de réfugiés palestiniens sous l'égide de l'UNRWA est installé en 1953 à Jénine pour y loger en dur des réfugiés ou personnes déplacées venant notamment de Haïfa[6]. Sa superficie actuelle est de 0,42 kilomètres carrés et compte plus de 16 000 réfugiés. Ce camp est évoqué dans le roman de Susan Abulhawa, The Scar of David, publié en 2006 (et en 2008, en français sous le titre : Les Matins de Jénine).

    En 1967, lors de la guerre des Six Jours, Jénine est occupée par les Forces de défense israéliennes (IDF) et incluse dans la région Judée-Samarie (Cisjordanie). Quand sont signés les accords d'Oslo en 1996, Israël cède cette ville pour en rendre le contrôle de la ville à l'Autorité palestinienne.

    Elle relève de la « zone A »[11] depuis 1994, sur laquelle l'Autorité palestinienne exerce une juridiction civile incluant les pouvoirs de police.

    Au début des années 2000, la ville est un bastion cisjordanien du mouvement du Jihad islamique et est connue pour son grand nombre de kamikazes qui partent pour Israël commettre des attentats-suicides pour être considérés comme des « martyrs  » dignes du paradis, dont l'Autorité palestinienne s'honore ouvertement[12] ; elle est en conséquence appelée la « capitale du suicide »[13],[14].

    Après l'opération Rempart de 2002, la population de Jénine s'investit pour redresser son économie et son niveau de vie dans une perspective de paix et de prospérité[15].

    Brigades des martyrs d'Al-Aqsa

    Le camp de Jénine est l'un des bastions de la contestation armée palestinienne notamment à travers l'organisation des brigades des martyrs d'Al-Aqsa, la branche armée du parti laïc Fatah, considérée comme terroriste, et dirigée par Zachari Zoubeidi[16],[17],[18].

    Incursion israélienne à Jénine en 2002

    Dans le cadre de l'opération Rempart, l'assaut contre le camp de réfugiés de Jénine considéré comme une pépinière d'auteurs d'attentats-suicides (surnommés par la presse « kamikazes ») ayant fait plus de 70 victimes israéliennes (et autres) depuis [17], a duré du 3 au . L'objectif d'Israël dans cette opération était de rechercher des membres d'organisations terroristes, particulièrement après l'attentat du 27 mars 2002 à l'hôtel Park de Netanya (ayant fait 30 victimes juives et 143 blessés) lors d'une fête religieuse, qui avait choqué l'opinion, et de détruire les infrastructures criminelles pour rompre l'escalade meurtrière, particulièrement celle des attentats-suicides[17].

    Les forces de défense israéliennes ont fait face à une forte résistance palestinienne issue principalement de trois organisations palestiniennes armées : le Hamas, le Jihad islamique palestinien et les Brigades des martyrs d'Al-Aqsa, retranchés dans le centre du camp de réfugiés[17] dont une partie a été rasée au bulldozer[18].

    Au cours du siège, l’armée israélienne coupe l’accès à l’eau, à la nourriture, à l’électricité, et interdit au personnel médical de pénétrer dans la ville, tout en procédant à des bombardements aériens et à des tirs d’artillerie[6].

    Après que plusieurs intervenants ont parlé de « massacre » (dont le « Jeningrad  » de Yasser Arafat[19] ou le documentaire Jenin Jenin[13]), provoquant un tollé international, et avaient du mal à s'entendre sur le nombre des victimes[20], il s'avère que les deux semaines de combat à Jénine ont causé la mort de 52 Palestiniens, majoritairement des civils, et 23 Israéliens[17],[21],[22].

    Après l'opération Rempart, l'office de secours des Nations Unies pour les Palestiniens, l'UNRWA, entreprend la reconstruction de nouvelles habitations à Jénine.

    Amélioration de la situation

    La construction de la barrière de séparation israélienne pour éviter l'incursion d'activistes, l’activité de l'armée israélienne et du Shinbet dans la ville et les villages voisins, ainsi que le renforcement des forces de sécurité de l'Autorité palestinienne dans la ville avec l’aide des Etats-Unis conduisent à une baisse notable du nombre d’attaques en provenance de Jénine, même si des groupes terroristes continuent à tenter de mener des agressions en Cisjordanie et sur le territoire israélien. Partant, la situation économique et administrative de la ville de Jénine s’améliore et la liberté de circulation s'étend dans la région[23].

    Evasion de 2021

    Début septembre 2021, six prisonniers palestiniens originaires de Jénine, précédemment écroués pour des attaques anti-israéliennes ou des responsabilités dans les brigades des martyrs d'Al-Aqsa, s'évadent de la prison israélienne de Gilboa via un tunnel creusé d'une cellule jusqu'à l'extérieur du pénitencier mais les « nouveaux héros de Jénine » sont capturés quelques jours plus tard[16],[24].

    Population

    La ville compte 39 004 habitants en 2007 et le camp de réfugiés en compte 10 371. En 2001, cette population s'élève à 11 000 personnes[12]. L'agglomération (le district) contient une population de 256 619 habitants en 2007.

    Le camp de Jénine est devenu un faubourg à part entière, dont les habitants aujourd'hui sont parmi les plus pauvres de l'agglomération[12].

    Evolution de la population

    Un bazar à Jénine, 2013
    Ville de Jénine
    Année Habitants Remarques
    1596 8 ménages
    1821 1 500 - 2 000
    1838 2 000
    1870 2 000
    1882 3 000
    1922 2 637 Musulmans, Hindous, chrétiens, Juifs et Sikhs[7]
    1931 2 700 - 2 800
    1945 2 990
    1961 14 402
    1997 26 681
    2001 11 000 (camp[12])
    2007 39 004

    Religion

    La population de Jénine est majoritairement musulmane.

    Son plus grand lieu de culte est la mosquée Fatima-Khatoun dite aussi « grande mosquée de Jénine », fondée en 1566[25].

    Enseignement

    Culture

    Cinema Jenin, 2008.

    Cinema Jenin

    Construit en 1957, le Cinema Jenin ferme en 1987, puis rouvre ses portes en grâce aux efforts de l'Allemand Markus Vetter qui avait obtenu le soutien financier ou amical de nombre de célébrités dont Roger Waters des Pink Floyd ou Bianca Jagger, présents à son inauguration. En 2016, le cinéma Jenin ferme définitivement par manque de spectateurs - la population de Jenin à l'esprit conservateur ne voulait pas sembler cautionner l'occupation israélienne en se rendant au cinéma[26].

    The Freedom Theatre

    Entrée du Freedom Theatre

    The Freedom Theatre (le théâtre de la Liberté) créé en 2006 avec le soutien de Zakaria Zubeidi[27] (ancien chef militaire des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa), Jonatan Stanczak et Dror Feilerest (militant et artiste israélo-suédois), est le fruit du travail du réalisateur et militant pro-palestinien Juliano Mer Khamis (1958-2011), arabe par son père Saliba Khamis, et juif par sa mère Arna Mer (1929-1995). Investie toute sa vie dans le combat en faveur de l’égalité des droits des citoyens, particulièrement pour ceux du peuple palestinien, Arna avait créé des centres d'éducation culturelle à Jénine fréquentée par 1 500 enfants, fondé l’organisation « Care and Learning » et y avait fait construire une école de théâtre pour les enfants[28],[29] financée par le prix Nobel alternatif dont elle est récipiendaire en 1994.

    Son fils, Juliano, voulut poursuivre son œuvre éducative et émancipatrice pour les enfants et les adultes de Jénine à travers la création de ce théâtre Freedom[30] qui a été incendié à deux reprises par ses opposants conservateurs[31]. Juliano meurt à Jénine en 2011 sous les balles des Brigades des martyrs d'al-Aqsa affiliées au Fatah, selon l'Autorité palestinienne mais le coupable court toujours[31],[29]. Après cet assassinat, le théâtre de la Liberté est dirigé par Jonathan Stanczyk qui lève des fonds et le promeut à l'international[29].

    Autres

    Au début de l'année 2020, une exposition-rencontre intitulée "« Vivre dans un camp de réfugiés palestiniens », s'ouvre à l’espace Cosmopolis de Nantes, avec le soutien de l'Association France Palestine Solidarité de Loire-Atlantique[32] .

    Lieux d'intérêt

    A Jénine, se trouve l’une des plus anciennes églises de Palestine, un moulin à huile, une entreprise de commerce équitable et un centre de paintball.

    Panorama de la ville

    Voir aussi

    Articles connexes

    Liens externes

    Notes

    1. Josué 21: 29.
    2. (he) Isaiah Peres, « ארץ-ישראל: ספר-המסעות », dans ויקיפדיה, (lire en ligne), p. 286
    3. Ursula Schattner-Rieser (chargée de cours d'araméen et de grammaire comparée des langues sémitiques à l'ELCOA de l'Institut catholique de Paris, et chargée de conférences d’"hébreu qumrânien et dialectes araméens des premiers siècles" à l'École pratique des hautes études en Sorbonne), Des Samariens au bon Samaritain, ou le plus petit groupe ethnico-religieux.
    4. « Jénine », sur Masar Ibrahim al-Khalil (consulté le )
    5. Jean-François Legrain, « Jénine », dans Les Palestines du quotidien : Les élections de l’autonomie, janvier 1996, Presses de l’Ifpo, coll. « Cahiers du Cermoc (1991-2001) », (ISBN 9782351594803, lire en ligne), p. 241–253
    6. « « Nous vaincrons » : l’histoire rebelle de Jénine racontée par ses aînés », sur Middle East Eye édition française,
    7. Palestine Census ( 1922) (lire en ligne)
    8. (en) « https://merhav.nli.org.il/primo-explore/fulldisplay?vid=NLI&docid=NNL_MAPS_JER002369513&context=L », sur merhav.nli.org.il (consulté le )
    9. The British in Jenin, History Today, juillet 2002, Gordon Corera, pp. 2-4.
    10. (he) « החברה לחקירת ארץ-ישראל ועתיקותיה », dans ויקיפדיה, (lire en ligne), p. 70-71
    11. Appartiennent également à la zone A, les villes de Gaza, Jericho, Qalqilya, Ramallah, Tulkarem, Naplouse.
    12. Philippe Broussard, « A Jénine, les enfants de l'Intifada grandissent dans l'admiration des "martyrs" », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
    13. Times of Israel Staff, « Un juge de la Haute Cour se récuse dans l’affaire du film « Jenin, Jenin » », sur fr.timesofisrael.com, (consulté le )
    14. Faysal Lahar, « Fiche technique n° 2 - Hamas mouvement de la résistance islamique hamas : harakat 'al-muqawama 'al-islamiyya falastin », Outre-Terre, vol. 13, no 4, , p. 277 (ISSN 1636-3671 et 1951-624X, DOI 10.3917/oute.013.0277, lire en ligne, consulté le )
    15. Avi Issacharoff, « La (fragile) transformation de Jénine, l’ancienne "capitale des terroristes-suicides" », The Time of Israel, 2 mai 2015
    16. « A Jénine, la "victoire incomplète" des évadés palestiniens », La Croix, (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
    17. (en) Human Rights Watch, « Israel, The Occupied West Bank and Gaza Strip, and the Palestinian Authority Territories : Jenin : IDF Military Operations », Vol. 14, N° 3 (E), sur www.hrw.org, (consulté le )
    18. Dominique Dhombres, « Les morts de Jénine », Le Monde, (lire en ligne)
    19. Guillaume Gendron, « Cisjordanie : à Jénine, les fantômes de l’intifada », sur Libération, (consulté le )
    20. « Massacre » selon le dirigeant travailliste Shimon Pérès dans le quotidien Haaretz, édition du 9 avril 2002 ; « des centaines de morts » selon le docteur Mohamed Abou Ghali, directeur de l'hôpital de Jénine. Yasser Arafat a parlé de « Jeningrad », faisant référence à la bataille de Stalingrad ayant fait plus d'un million de morts en 1942.
    21. Philippe Duval, « Pas de massacre à Jénine », sur leparisien.fr, (consulté le )
    22. Christophe Ayad, « Des violences mais pas de massacre », sur Libération, (consulté le )
    23. (he) אבי יששכרוף et עמוס הראל, « ג'נין? ג'נין! », הארץ, (lire en ligne, consulté le )
    24. Louis Imbert, « Dans les rues de Jénine, un parfum de veillée d’armes », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le )
    25. (en) Sarah Irving, Palestine, Bradt Travel Guides, (lire en ligne), p. 243.
    26. « Le cinéma des célébrités en Cisjordanie ferme ses portes », leparisien.fr, (lire en ligne, consulté le )
    27. En 2015, Zubeidi est en « détention préventive dans un complexe de la Force de sécurité préventive palestinienne à Ramallah, dans le cadre d’un accord avec Israël – un arrangement dont le but est de l’empêcher de s’impliquer dans des activités hostiles et d’éviter d’éventuelles tentatives d’assassinat ». Lire en ligne
    28. En 2003, Juliano Mer-Khamis produit et réalise avec Danniel Danniel, son premier film documentaire, Les Enfants d'Arna,qui raconte le travail de sa mère pour créer une troupe théâtrale d’enfants à Jénine pendant les années 1980.
    29. Adam Shatz, « The Life and Death of Juliano Mer-Khamis », London Review of Books, , p. 3–11 (ISSN 0260-9592, lire en ligne, consulté le )
    30. Les Amis du Théâtre de la Liberté de Jénine, « ARNA », sur http://www.atljenine.net, (consulté le )
    31. (en) Jack Khoury, Avi Issacharoff, Anshel Pfeffer et Haaretz Service, « Israeli Actor Juliano Mer-Khamis Shot Dead in Jenin », Haaretz, (lire en ligne, consulté le )
    32. « Nantes : "Vivre dans un camp de réfugiés palestiniens" une rencontre à l’espace Cosmopolis », sur France 3 Pays de la Loire, (consulté le )
    33. (en-US) Greg Myre, « New Battle Over Jenin, on Television », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le )


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