Mellotron

Le mellotron est un instrument de musique polyphonique à clavier qui produit des sons préalablement enregistrés sur des bandes magnétiques. Il est largement utilisé dans les années 1960 et 1970, notamment par les formations de rock progressif.

Un mellotron

Fonctionnement

Le mellotron est un instrument analogique qui génère ses sonorités à partir d'enregistrements sur bandes : chaque note du clavier contrôle directement la lecture d’une petite bande magnétique contenant l’enregistrement à restituer. Il fonctionne de manière similaire à un échantillonneur, à la différence qu'il ne permet pas de capturer ses propres sons et qu'il n'a pas non plus la possibilité de modifier les sons (cf. bouclage, transposition, mise à l'envers, etc.). C’est un instrument entièrement polyphonique car chaque touche du clavier actionne sa propre bande. L’échantillon préenregistré est linéaire (la note n’est pas jouée en boucle), et dure environ 8 secondes. Sur les modèles les plus anciens, les banques sonores sont intégrées dans l’appareil et ne sont pas changeables. Le modèle M400, simplifié, utilise des racks interchangeables contenant 35 bandes magnétiques (largeur 3/8 de pouce), ce qui permet d’étendre considérablement le registre des sonorités, comme sur un échantillonneur numérique.

Position touche au repos

Chaque touche (1) est montée sur une tige qui contrôle, par l’intermédiaire de vis de réglage, un patin de feutre (2) et un galet presseur (3) destinés à appuyer sur la bande magnétique (représentée en rouge sur les schémas). Le mellotron dispose d’un seul arbre de cabestan (5), qui est transversal à toutes les bandes magnétiques. Cet arbre est en rotation permanente à une vitesse constante.

Position touche enfoncée

Lorsqu’on presse une touche (1), le galet (4) correspondant vient pincer la bande associée sur le cabestan (6), qui l’entraîne par friction. Simultanément, le patin de feutre (3) plaque la bande contre la tête de lecture (5), ce qui permet la restitution du son préenregistré. La bande se déroule, le mou se repliant en accordéon dans un réceptacle (7) : soit jusqu’à ce que le musicien relâche la touche, soit jusqu’à arriver en bout de bande. Lorsque la touche est relâchée, le patin et le galet se relèvent, libérant un système de double poulie (8), mû par un ressort (9) ; ce mécanisme repositionne très rapidement la bande pour la prochaine note.

Histoire

Origines

Le mellotron est apparu au début des années 1960. Il est issu d’un instrument similaire, le chamberlin, créé par Harry Chamberlin en 1948. Bill Fransen, un agent commercial de Chamberlin, se rend en Angleterre en 1962 pour trouver un fabricant capable de produire 70 têtes de lecture magnétique pour les futurs chamberlins. La société Bradmatic Ltd de Birmingham (dirigée par les frères Les, Frank et Norman Bradley) décide de reprendre l’idée de Chamberlin à son compte, en la modifiant et l’améliorant. Après quelques disputes concernant la paternité de cette invention, un arrangement est trouvé entre les deux compagnies.

Mark I & II

Le nouvel instrument, baptisé mellotron (de MELOdy et elecTRONics avec l'ajout d'un L), voit le jour en 1963. Le premier mellotron est le modèle Mark I, dont 55 exemplaires sont produits cette année-là. Équipé de deux claviers de 35 notes côte à côte, il ressemble à un orgue électronique. Le clavier inférieur, destiné à l’accompagnement, produit des sons de basse ou des rythmiques. La partie supérieure offre six banques de trois sons différents, chaque bande magnétique possède trois pistes enregistrées. On trouve ainsi des sons de violons, de flûtes, de cuivres, etc.

La commercialisation du modèle Mark ll est proposé en 1964. Il est similaire et sa fabrication dure jusqu’en 1968 (environ 250 exemplaires produits).

Une version spéciale, la FX console, ne comporte pas de sons instrumentaux mais est capable de reproduire 1260 effets spéciaux sonores, enregistrés par la BBC. Une soixantaine de machines de ce type sont produites jusqu’en 1970, essentiellement destinées aux stations de radio et de télévision.

M300

Le successeur du Mark II est le modèle M300, apparu en 1968. Il est équipé d’un unique clavier de 52 touches, dont les notes qui se trouvent à gauche du clavier permettent de reproduire des rythmiques (samba, valse, etc.). La banque de sons est renouvelée, incorporant des sons de piano, de clavecin, d’orgues électroniques, de clarinette, de trombone, etc. Cependant, une baisse des coûts de production entraîne des problèmes d’utilisation (pas de possibilité de s’accorder, mauvaise qualité des guides de bandes…). Environ 60 exemplaires sont produits.

M400

En 1970, Mellotronics commence à produire le modèle M400, qui reste le modèle le plus populaire de la marque. Pour faciliter le transport de l’instrument, son poids est réduit à 55 kg et le système complexe destiné à gérer les banques de sons est simplifié. Ce nouveau modèle est équipé de racks interchangeables dont chaque bande magnetique offre trois sons différents. La section des boucles rythmiques est supprimée, le M400 devient ainsi un instrument à clavier polyphonique standard. Des nouveaux sons sont proposés, dont les fameux chœurs à huit voix. Mellotronics offre la possibilité de leur envoyer ses propres enregistrements musicaux pour qu’ils soient intégrés dans un rack M400. Il existe également une option qui permet d’enregistrer soi-même des bandes magnétiques standard (deux pistes d’un quart de pouce), et de les faire jouer par le mellotron mais cette manipulation nécessite un kit d’adaptation des guides de bande.

Le modèle M400 connaît un grand succès, notamment auprès des groupes de rock progressif des années 1970. L’entreprise en fabrique environ 2 000 exemplaires jusqu’en 1986 (dont une centaine sous la marque Novatron). À cette époque la fabrication du mellotron est abandonnée, l’instrument devient obsolète à côté des échantillonneurs numériques qui gagnent le marché. La société Streetly Electronics assure toujours un support technique auprès des possesseurs de mellotrons et David keans, avec son entreprise Mellotron Archives, fabrique un nouveau modèle en 1999, le Mark VI.

Utilisation musicale

Changement de la cartouche des bandes magnétiques d'un mellotron

En offrant une riche palette sonore dans un seul instrument, le mellotron connaît un certain succès auprès des groupes des années 1960 (Graham Bond est le premier à l'utiliser en Angleterre dès 1963). Mais le mellotron s’impose à la fin de cette décennie auprès des groupes rock. Au sein du groupe The Beatles, Paul McCartney compose, fin 1966, l'introduction de la chanson de John Lennon Strawberry Fields Forever sur un mellotron. A ce propos, il raconte : « Comme je pensais que le Syndicat des musiciens ne laisserait pas passer ça, on n'en a pas parlé en public, on l'a seulement fait venir pour les séances. Il avait ce qu'on appelle encore aujourd'hui des échantillons de flûte, qui sont en fait des bandes qu'on passe et puis qu'on rembobine. Sur chaque bande, on disposait de onze secondes qui pouvaient être jouées dans tous les tons »[1].

Les Moody Blues sont quant à eux les premiers à l'utiliser de manière systématique[2]. Dans le style musical rock progressif, des groupes comme King Crimson, Yes et Genesis en font usage, apportant un son orchestral à leur musique déjà très élaborée. Notons toutefois que son coût élevé (5 200 $ en 1973) a réservé son usage aux plus fortunés. Il est important de préciser que le mellotron est fragile, ce qui le rend difficile à utiliser lors d’une tournée. Son transport a tendance à dérégler l’alignement des têtes, et des ruptures de bandes ne sont pas exceptionnelles. Certains groupes des années 1970 emportent deux mellotrons lors de leurs tournées pour ne pas risquer de tomber en panne. Si le mellotron a presque disparu à la fin des années 1980, avec l’arrivée des échantillonneurs numériques, il fait un retour remarqué à partir des années 1990 et des groupes comme Radiohead ou, plus récemment Pearl Jam (album Riot Act de 2002), Spock's Beard et le groupe suédois The Flower Kings l’utilisent.

De 1960 à 1989

Depuis 1990

Notes et références

  1. The Beatles Anthology, op. cit., p. 237.
  2. Christophe Pirenne, Le rock progressif anglais (1967-1977), Paris, Librairie Honoré Champion, coll. « Musique - Musicologie », , 354 p. (ISBN 978-2-7453-1200-6), p. 113

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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