Mise en abyme
La mise en abyme — plus rarement orthographiée mise en abîme[1], mise en abime ou, de façon archaïque, mise en abysme — est un procédé consistant à représenter une œuvre dans une œuvre similaire, par exemple dans les phénomènes de « film dans un film », ou encore en incrustant dans une image cette image elle-même (en réduction). Ce principe se retrouve dans le phénomène ou le concept d'« autosimilarité », comme dans le principe des figures géométriques fractales ou du principe mathématique de la récursivité.
Pour les articles homonymes, voir abyme.
Origine de l'expression
L'expression utilisée dans le sens sémiologique remonte à André Gide, lequel note dans son Journal en 1893 :
« J'aime assez qu'en une œuvre d'art on retrouve ainsi transposé, à l'échelle des personnages, le sujet même de cette œuvre par comparaison avec ce procédé du blason qui consiste, dans le premier, à mettre le second en abyme. »
Gide applique ce principe dans son roman, Les Faux-monnayeurs, construit sur une mise en abyme puisque l'oncle Édouard, écrivain, est présenté en train d'écrire un roman intitulé Les Faux-Monnayeurs, dans lequel il cherche à s'éloigner de la réalité, et qui a pour personnage principal un romancier[2].
En toute rigueur héraldique, « en abyme » (ou « en abysme ») ne s'utilise que pour qualifier une petite pièce ou un petit meuble lorsqu'il est en position centrale de l'écu et qu'il ne touche ni ne charge aucun autre ; à l'opposé d'une pièce ou d'un meuble « sur le tout », il est réputé être au fond (« abîmé ») et est nommé en dernier.
Il existe plusieurs exemples où cet élément reprend le motif de l'écu. Par exemple, le blason des seigneurs de Brandenbourg, comtes de Vianden, au Luxembourg, que l'on trouve ainsi décrit : « De gueules à l'écu en abyme d'argent »[3]. De même, les armoiries de la famille de Barbezieux portent « D'or à l'écu en abyme d'azur »[3]. En Lorraine, la famille Serre de Germiny porte « D'azur, à un écusson d'argent en abîme »[4] (tout comme les communes de Wavrin, Gouzeaucourt et Colombey-les-Belles) et la famille Amance alias Asmentz « D'argent à l'écusson en abyme d'azur »[3].
Il semble donc probable que Gide fasse bien référence à ce thème héraldique, plutôt qu'au genre poétique du « blason », en vogue au XVIe siècle, dans lequel l'auteur fait une description détaillée d'une personne ou d'un objet.
La locution exacte « mise en abyme » dans son sens littéraire est apparue en 1950 dans l'ouvrage Histoire du roman français depuis 1918 de Claude-Edmonde Magny[réf. nécessaire].
Bien qu'attestée par l'Académie française dans la dernière édition de son Dictionnaire[1], l'orthographe « abyme » — dernier vestige de l'ancienne graphie — a été discutée par certains grammairiens :
« Les théoriciens de la littérature […] ont ressuscité la vieille graphie abyme dans la formule en abyme servant à désigner un procédé évoquant le jeu des miroirs. […] Littré mentionne l'emploi d'abîme en héraldique, mais sans lui conférer une graphie particulière. Certains estiment, non sans raison, que, même dans ce sens, la graphie ordinaire peut convenir : “Qui sait si le but d'un tel jeu de miroirs n'est pas de nous donner, par cette réflexion en abîme de Hegel sur Genet, de Genet sur Hegel, le vertige de l'indéfini ?” (C. Delacampagne, in Le Monde, 3 janvier 1975[5]). »
— Maurice Grevisse, Le Bon Usage, §96(a)1º.
Procédé artistique
En littérature, la mise en abyme est un procédé consistant à placer à l'intérieur de l'œuvre principale (récit ou pièce de théâtre) une œuvre qui reprend de façon plus ou moins fidèle des actions ou des thèmes de l'œuvre principale, comme dans la pièce Hamlet (voir exemples ci-dessous). Il ne faut pas confondre la mise en abyme avec le récit enchâssé, qui consiste à faire raconter par le personnage d'un récit un autre récit, dans lequel peut apparaître un personnage qui en racontera encore un autre, comme dans les Mille et une nuits ou certaines des Lettres de mon Moulin (par exemple, La Chèvre de Monsieur Seguin et Le Curé de Cucugnan).
Au théâtre, il ne faut pas confondre la mise en abyme et le « théâtre dans le théâtre », où un personnage joue le rôle d'un comédien qui joue un rôle… Il faut que la deuxième pièce de théâtre (celle qui est insérée dans l'autre) représente le sujet ou les personnages de la première.
En arts graphiques, Giotto di Bondone, dès le Trecento, utilise le procédé dans le triptyque Stefaneschi (musées du Vatican), où l'on voit, sur l'envers, le cardinal Giacomo Stefaneschi portant le triptyque de sa représentation portant le triptyque.
On peut également citer l'exemple du dessin, dû à Benjamin Rabier, de la boîte de fromage en portions « La vache qui rit » : la vache porte des boucles d'oreilles qui elles-mêmes sont des boîtes de Vache qui rit, etc. Ce procédé était également employé autrefois sur les paquets de chips « à l'ancienne » de la marque Lay's et l'est maintenant sur les paquets des mêmes chips de la marque belge Croky[6] après que ces deux marques se sont nettement différenciées. L'étiquette de la bouteille de Dubonnet montre un chat qui entoure une bouteille de Dubonnet avec la dite étiquette.
Utilisation du procédé
Le Malade imaginaire de Molière est une pièce présentant de nombreux exemples de mise en abyme[7], notamment lorsque Cléante et Angélique, deux amants, se jouent de la naïveté d'Argan, père d'Angélique : Cléante se fait passer pour un maître de musique et chante avec Angélique leur propre histoire d'amour qu'Argan prend pour une pastorale ; l'histoire du berger Tircis et de la bergère Philis est en tous points similaire à celle de Cléante et Angélique. La mise en abyme permet ici de rire de la naïveté d'un père et de montrer l'habileté de la jeunesse rebelle ; elle participe au comique de la pièce.
La mise en abyme peut également jouer le rôle de clin d'œil inséré par l'auteur, ou lui permettre d'engager, sur le mode de l'humour (autodérision), une critique sur sa propre œuvre, voire sur le genre auquel elle appartient.
Milan Kundera est un auteur qui a l'habitude d'utiliser la mise en abyme pour apporter une réflexion sur son œuvre que les protagonistes eux-mêmes ne pourraient avoir, puisqu'ils sont prisonniers, trop occupés par ce qui leur arrive.[réf. souhaitée]
Géométrie
En géométrie pure, une mise en abyme peut se répéter à l’infini. Par exemple, étant donné un octogone (régulier) étoilé inscrit dans un cercle, les huit côtés du polygone étoilé prolongent ceux d’un octogone régulier convexe, inscriptible dans un cercle concentrique plus petit. Les huit sommets de ce polygone convexe sont les sommets d’un nouvel octogone étoilé : une reproduction de l’étoile initiale, qui révèle encore le tracé d’un polygone convexe plus petit. On peut donc itérer le procédé. Si ce procédé est itérable indéfiniment, il s'agit d'une fractale.
L’action d’une homothétie se répète indéfiniment, qui réduit une paire d’octogones réguliers en une autre paire semblable, qu’elle réduit encore et encore. Le centre de l’homothétie est le centre commun des octogones réguliers, convexes et étoilés. Le rapport d’homothétie est √2 – 1 en valeur absolue ; il peut être négatif à cause de la symétrie centrale de la figure.
Multiples exemples dans la culture
Mise en garde : parmi les exemples cités ci-dessous, certains ne sont pas des mises en abyme, c'est-à-dire des occurrences de la situation elle-même, mais de simples enchâssements d'une situation similaire, qui ne donnent pas lieu à une structure infinie.
Peinture
- Le tableau Les Époux Arnolfini par le peintre primitif flamand Jan van Eyck datant de 1434, conservée à la National Gallery de Londres, qui figure un couple vus de dos et le peintre lui-même, qui se reflètent à l’envers dans une mise en abyme qui a rendu le tableau célèbre[8].
- L'autoportrait de Johannes Gumpp en 1646[8].
- Les Ménines, de Vélasquez, en 1656[8].
- Un bar aux Folies-Bergère, de Manet, en 1882[8].
- Éloge de la dialectique, de Magritte, en 1937[8].
- Triple autoportrait de Rockwell, en 1960[8].
- Dalí de dos peignant Gala de dos éternisée par six cornées virtuelles provisoirement réfléchies dans six vrais miroirs de Dalí, 1972[8].
- Plusieurs œuvres de Maurits Cornelis Escher reprennent le principe de la mise en abîme, notamment la Galerie d’art[9].
Littérature
Un roman parlant d'un romancier en train d'écrire un livre ; par exemple :
- Une vie (1986) de Roger Laporte
- Je suis écrivain (1989) et Trois jours chez ma mère (2005) de François Weyergans ;
- La Vérité sur l'affaire Harry Quebert (2012) de Joël Dicker.
- Ce livre (2017) de Guy Bennett.
Un roman dont le sujet principal est ledit roman :
- Don Quichotte (1605-1615) de Miguel de Cervantes ;
- Les Désenchantées (1906) de Pierre Loti, où le narrateur (Loti) raconte la genèse d'un livre qui se trouve être le roman lui-même ;
- Les Faux-monnayeurs (1925) d'André Gide ;
- La Fête (1960) de Roger Vailland, où le narrateur, Duc (qui représente Roger Vailland lui-même), écrit sa propre histoire à propos d'un livre qu'il ne parvient pas à écrire et finalement écrit le récit qui est la trame du livre ;
- Les Fruits d'or (1963) de Nathalie Sarraute ;
- L'Histoire sans fin (1979) de Michael Ende ;
- La Favorite (1982) de Catherine Rihoit, où le personnage principal, Stella Delange, a écrit un roman également intitulé La Favorite ;
- Un aller simple (1994) de Didier Van Cauwelaert.
Mais aussi :
- dans le Manuscrit trouvé à Saragosse (1794) de Jan Potocki, un officier français lit à son geôlier un manuscrit dans lequel de multiples histoires s'intercalent jusqu'à un quintuple récit enchâssé ;
- dans la saga romanesque À la recherche du temps perdu (1913-1927) de Marcel Proust, « Un amour de Swann » (deuxième partie de Du côté de chez Swann, 1913), qui raconte les déboires amoureux entre Swann et Odette, est une mise en abyme de l'histoire d'amour entre le narrateur et Albertine, qui se passe tout au long du roman ;
- dans L'Être et le Néant (1943), Jean-Paul Sartre entretient le lecteur un temps sur la capacité que possède l'être humain d'être conscient de son existence, puis sur la possibilité d'être conscient que l'on est conscient. Il le prévient ensuite qu'il est préférable de s'arrêter à ce niveau de conscience pour toute étude philosophique, puisque tout niveau supérieur (c'est-à-dire la conscience d'être conscient d'être conscient) s’éloigne en quelque sorte de l'étude de la conscience elle-même ;
- dans le roman Le Tunnel (1948) d'Ernesto Sábato, le peintre a recours à une méthode de mise en abyme dans une de ses peintures. En effet, une fenêtre à l'intérieur du tableau révèle une autre scène, cachée. Celle-ci contient le véritable message de l'œuvre, alors que tout le reste n'est qu'une parure afin de tromper les moins éclairés ;
- dans Le Maître du Haut Château (1962) de Philip K. Dick, l'écrivain Hawthorne Abendsen écrit un livre décrivant le monde dans lequel il vit sans le changement qui en a fait une uchronie (cours faussé de l’histoire) ;
- dans Un cabinet d'amateur (1979) de Georges Perec, un tableau contenant une mise en abyme, puisqu'il se représente lui-même dans une galerie d'art, est l'objet principal de l'intrigue ;
- dans L’Ombre du vent (2001) de Carlos Ruiz Zafón, le personnage principal, Daniel Sempere, découvre l’auteur Julián Carax et, au cours de sa recherche sur Julián Carax, découvre que sa vie se rapproche fortement de celle de Julián Carax et répète son histoire ;
- dans Le Mystère des dieux (2007) de Bernard Werber, la mise en abyme est un thème majeur ;
- dans Je suis un écrivain japonais (2008) de Dany Laferrière, un écrivain ne parvient pas à écrire ledit roman homonyme, dont il est pourtant content du titre.
« J'avais en tête de faire un livre où la littérature serait totalement mise en abyme, confie Dany Laferrière. Il y a bel et bien deux couvertures, mais il n'y a pas de livre. Un roman complet sur un roman qui n'existe pas, qui n'existera jamais, même dans la fiction, puisque le protagoniste rêvé par Laferrière ne l'écrira jamais après avoir pondu ce titre formidable. Et peut-être même a-t-il rêvé toute cette histoire[10]… »
- Un recueil de poèmes dont l'un des chapitres reproduit le livre en entier, dont le chapitre en question est remplacé par un point d’interrogation : Circonvolutions (2016) de Stéphane Sangral ;
- dans Gödel, Escher, Bach : Les Brins d'une Guirlande Éternelle, on trouve des extraits de pièces de théâtre avec un dialogue de protagonistes qui évoquent leur propre dialogue, ainsi que de nombreuses autres mises en abyme sophistiquées.
Imagerie populaire
- La boîte du fromage de la marque La vache qui rit où l'on voit une vache portant des boucles d'oreille représentant cette même boîte. Ce célèbre dessin est dû à Benjamin Rabier.
- L’étiquette du fromage Le Père Noël[11], où l'on voit le célèbre homme à la capuche rouge portant dans sa hotte des fromages sur les étiquettes desquelles on voit des boites de fromages avec des étiquettes portant la même scène[12].
- L'étiquette de l'apéritif de la marque Dubonnet où un chat entoure une bouteille sur laquelle il y a cette même étiquette.
- Ce procédé était également employé autrefois sur les paquets de chips « à l'ancienne » de la marque Lay's et l'est maintenant sur les paquets des mêmes chips de la marque belge Croky[6] après que ces deux marques se sont nettement différentiées.
- L'affiche du film Memento.
- La pochette de l'album Ummagumma du groupe Pink Floyd (avec malgré tout quelques différences voulues, notamment les positions des membres du groupe qui changent à chaque image, la dernière étant la pochette de leur album précédent, A Saucerful Of Secrets).
- La pochette de l'album (No mires) La Caratula de La Charanga Habanera.
- La couverture de la bande dessinée Vous n'avez pas honte ? de Dany.
- La boîte de cacao en poudre de la marque Droste, où l'on voit une sœur de Saint-Vincent-de-Paul portant un plateau sur lequel se trouve ce même paquet (la mise en abyme graphique est d'ailleurs connue des anglophones sous le nom de Droste effect).
- Le logo qui fut longtemps celui de la marque de nougat Chabert et Guillot, où l'on voit sur une boîte trois chiens se disputant cette même boîte.
Bande dessinée
- La série Julius Corentin Acquefacques de Marc-Antoine Mathieu contient de nombreux exemple de mise en abyme spécifique à ce médium.
- Le Retour à la terre, bande dessinée de Larcenet et Ferri où les personnages, représentant les auteurs, parlent de mise en abyme en réalisant celle-ci qui parle d'une mise en abyme et où le personnage de Manu ne comprend plus rien... Résultat, Manu se demande si on va rire de lui, ou du personnage que dessine le personnage qu'il dessine dans la bande dessinée...
Théâtre
- Dans L'Illusion comique, de Corneille, les spectateurs assistent à une pièce de théâtre (L'Illusion comique), et voient donc des acteurs jouer des personnages. Parmi ces personnages, certains sont des spectres, évoqués par le magicien Alcandre, qui vont représenter une sorte de pièce, dont un autre personnage, Pridamant, sera lui-même spectateur. Cette pièce est la vie de Clindor, fils de Pridamant. Or, ce dernier est lui-même devenu acteur, et on le découvre précisément au moment où il est en train de jouer une pièce. Il y a donc une imbrication de trois pièces de théâtre : le spectateur de L'Illusion comique assiste à une pièce jouée par Clindor, lui-même joué par un spectre, lui-même joué par un acteur. Ces récits enchâssés particulièrement poussés sont une illustration de l'idée de theatrum mundi, chère à l'esthétique baroque.
- La tragédie Hamlet, de Shakespeare : à l'intérieur de la pièce se joue une pièce de théâtre qui dénoncera l'adultère et le meurtre du père d'Hamlet (récit enchâssé).
- Six personnages en quête d'auteur, de Luigi Pirandello, une pièce théâtrale où les personnages vivent et rencontrent « leurs acteurs », qui devront jouer ces personnages, etc.
- La comédie de Molière Les Fourberies de Scapin présente également une mise en abyme dans la scène 2 de l’acte III lorsque Scapin se met à imiter lui même une scène de dialogue avec un homme armé pour pouvoir par la suite rouer Géronte de coups de bâton.
Cinéma
Un film qui montre son propre tournage :
- L'Homme à la caméra (1929) de Dziga Vertov ;
- Pinot simple flic (1984) de Gérard Jugnot : à la fin du film, Pinot (interprété par Gérard Jugnot) est à bord d'un fourgon de police ; tandis que celui-ci démarre, le plan s'élargit sur l'équipe technique dirigée par Gérard Jugnot en train de tourner la séquence ;
- Living in Oblivion (1995) de Tom DiCillo ;
- Non-film (2001) de Quentin Dupieux ;
- Les Clefs de bagnole (2003) de Laurent Baffie ;
- Akoibon (2005) d'Édouard Baer ;
- Super Cash Me (2011) de Morgan Spurlock.
Un film contenant un film[13] :
- La Rose pourpre du Caire (1985) de Woody Allen ;
- Last Action Hero (1993) de John McTiernan;
- Je hais les acteurs (1986) de Gérard Krawczyk
Mais aussi :
- dans Sherlock Junior (1924) de Buster Keaton, celui-ci, projectionniste, s'endort et entre en rêve dans le film projeté. Il se retrouve alors renvoyé d'une scène à l'autre, dans des environnements paradoxaux et inattendus ;
- dans Le Million (1931) de René Clair, la scène de l'opéra montre deux amoureux, Prosper et Béatrice, arrivant sur scène, obligés de se cacher derrière les décors pendant un duo d'amour ; les paroles de cet air correspondent à leurs propres déboires et leur permettent de se réconcilier ;
- dans une scène de Nous les gosses (1941), l'instituteur lit un extrait des Contes du chat perché de Marcel Aymé, alors que l'écrivain est l'auteur des dialogues du film[14] ;
- dans Noblesse oblige (1949) de Robert Hamer, un gentilhomme, condamné pour le seul crime qu'il n'a pas commis, décrit dans sa cellule ses véritables crimes, et… y oublie son manuscrit lors de sa libération ;
- dans Sueurs froides (Vertigo, 1958) d'Alfred Hitchcock, le personnage de Madeleine est une représentation de la mystérieuse Carlotta du tableau, mais est aussi Judy qui jouait le rôle de Madeleine lors de l'horrible machination. L'ironie du sort fait que le protagoniste principal la transformera en Madeleine ;
- dans Le Charme discret de la bourgeoisie (1972) de Luis Buñuel, on assiste à un rêve, puis à un rêve dans le rêve ;
- dans La Nuit américaine (1973) de François Truffaut, les astuces et incidents de tournage ainsi que les péripéties amoureuses des personnages sont évoqués par le tournage d'un film (Je vous présente Pamela) avec une perspective qui s'apparente à une mise en abyme ;
- dans Y a-t-il enfin un pilote dans l'avion ? (1982) de Ken Finkleman, un des nombreux gags visuels du film utilise une mise en abyme photographique de l'acteur Lloyd Bridges alors qu'il s'accoude à un pupitre, disant pour lui-même que « les choses n'ont pas beaucoup changé ici » ;
- dans La Folle Histoire de l'espace (1987) de Mel Brooks, l'équipage regarde la vidéo du film et arrive le moment « maintenant est en train d'arriver » ;
- dans La Cité de la peur (1994) de Alain Berbérian, l'intrigue se concentre autour de la diffusion d'un autre film, nommé Red Is Dead ;
- dans Scream 2 (1997) de Wes Craven, une parodie du premier opus de la trilogie Scream (1996), sous la forme d'un film de série B : Stab ;
- dans Shakespeare In Love (1998) de John Madden, plusieurs scènes de la pièce de Shakespeare Roméo et Juliette, qui est écrite et jouée par les personnages du film, se confondent avec l'histoire de ces mêmes personnages. Un exemple parmi plusieurs : lorsque les comédiens s'apprêtent à répéter la scène de la dispute entre les Capulets et les Montaigus, un groupe d'hommes hostiles fait irruption et une véritable bagarre commence ;
- dans eXistenZ (1999) de David Cronenberg, qui est entièrement consacré au thème de la mise en abyme, les personnages connectés à un jeu virtuel se retrouvent forcés de jouer à un jeu dans le jeu, à n'en plus savoir à quel moment ils se situent dans la réalité ;
- dans Adaptation (2003) de Spike Jonze (sur un scénario de Charlie Kaufman), le film raconte l'histoire de Charlie Kaufman en train d'écrire le film Adaptation ;
- dans Nous étions libres (2004) de John Duigan, l'héroïne Gilda Bessé (Charlize Theron) tient un rôle dans un péplum que l'on aperçoit au cinéma ;
- dans Team America, police du monde (2004) de Trey Parker, la scène d'ouverture montre une marionnette qui joue devant un mur dessiné de Paris, puis la caméra se décale en montrant que l’action se situe à Paris ;
- dans le premier Saw (2004) de James Wan, une situation présente un flashback (de Lawrence) et ensuite un flashback dans ce même flashback (d'Amanda) ;
- dans Reviens-moi (2007) de Joe Wright, le personnage de Briony explique à la caméra qu'elle a écrit un livre intitulé Expiation (Atonement en anglais) racontant l'histoire de sa sœur Cecilia et de Robby — c'est-à-dire l'histoire que le spectateur vient de voir se raconter tout au long du film ;
- dans Le Nombre 23 (2007) de Joel Schumacher, le personnage incarné par Jim Carrey découvre à la fin du film que le livre qu'il est en train de lire est sa propre histoire, qu'il a oubliée ;
- dans Synecdoche, New York (2008) de Charlie Kaufman, le personnage principal, un metteur en scène de théâtre, monte une pièce sur sa vie actuelle. Un acteur l'interprète donc dans la pièce en train de mettre en scène la pièce, et ainsi de suite ;
- dans High School Musical 3 : Nos années lycée (2008) de Kenny Ortega, les personnages mettent sur point une comédie musicale qu'ils nomment « Senior Years », et qui raconte leur propre histoire ;
- dans Micmacs à tire-larigot (2009) de Jean-Pierre Jeunet, on aperçoit dans plusieurs séquences du film des affiches de ce dernier film, qui correspondent à la scène qui est en train de se dérouler ;
- dans Inception (2010) de Christopher Nolan, le procédé est utilisé avec le « rêve dans le rêve », amenant le spectateur à penser que ce qui est présenté comme étant la réalité est elle-même issue d'un rêve ;
- dans Même la pluie d'Iciar Bollain (2010), les personnages tournent un film en Bolivie au début des années 2000 ;
- dans Rubber (2010) de Quentin Dupieux, on voit des spectateurs qui regardent le film et qui font partie de l'histoire. Les responsables du film essayent de les tuer afin de mettre fin au film. Le réalisateur reprend ce procédé en le complexifiant encore dans son autre long-métrage Réalité (2014) ;
- dans Scream 4 (2011) de Wes Craven, une double mise en abyme prend place dès le début du film, passant du film fictif Stab 6 au film Stab 7 pour arriver dans l'histoire originale : deux adolescentes regardant un film d'horreur (en l’occurrence Stab 7) ;
- dans Le Hobbit : La Désolation de Smaug (2013) de Peter Jackson, lors de l'affrontement entre Gandalf et l'esprit de Sauron, la caméra effectue un zoom sur l'« Œil de Sauron » dans lequel se trouve un autre œil, et ainsi de suite.
Télévision
- Dans certaines séries télévisées, il arrive que les personnages écoutent ou chantent la musique du générique ; par exemple dans Les Simpson (Homer : « – Bart ! Arrête de siffler cette chanson débile ! »). Par ailleurs, L'Histoire apparemment sans fin met en scène tout au long de l'épisode un enchâssement de récit.
- Dans l'épisode « Bandersnatch » de la série Netflix Black Mirror, qui est un épisode interactif dont le déroulement de l'histoire dépend des choix du spectateur, le personnage principal développe un jeu vidéo narratif suivant le même principe, en s'inspirant d'un livre dont vous êtes le héros.
Musique
- Dans les deuxième et troisième versions francophones de l'opéra-rock Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon, le personnage de Ziggy annonce qu'il compte « envoyer une lettre pour passer dans Starmania » (au début de La Chanson de Ziggy).
- Le clip de la chanson Bachelorette de Björk, réalisé par Michel Gondry, se base sur un principe de mise en abyme à plusieurs niveaux.
- Le titre Pictures Of People Taking Pictures, de Jack Johnson.
- Dans la chanson Rêves bizarres d'Orelsan, le rappeur Damso commence son couplet par « C'est qu'une mise en abyme de mes péchés morts » .
Jeux vidéo
- Le jeu vidéo Wing Commander (simulateur de vol avec batailles), ainsi que de nombreux jeux du même genre, comporte lui-même dans la salle des pilotes un simulateur de vol sur lequel les pilotes peuvent s'entraîner à piloter leurs appareils.
- Dans Maniac Mansion: Day of the Tentacle, on peut jouer à la version complète de Maniac Mansion en utilisant l'ordinateur d'Ed Edison le fou. Maniac Mansion: Day of the Tentacle n'est autre que la suite de Maniac Mansion sorti six ans plus tôt.
- Dans Runaway: A Road Adventure, le héros se plaint d'avoir l'impression de ne pas décider de ce qu'il fait et d'être contrôlé comme dans les anciens jeux d'aventure. C'est une référence à des jeux comme Maniac Mansion: Day of the Tentacle, dont Runaway se pose en successeur.
- Dans la plupart des jeux Pokémon, on peut distinguer dans la chambre du personnage la console de salon correspondant à la même génération (une NES pour les jeux Game Boy, etc.). Le réalisateur du jeu (et parfois d'autres membres du staff, comme dans Pokémon Version Noire ou Pokémon Version Blanche) est présent dans le jeu.
- Dans Planescape: Torment, il est possible de trouver un accès à un dédale. Ce dédale caricature une expérience qui n'est autre qu'un jeu de rôle. Cette caricature est d'autant plus forte que le jeu original est axé sur la réflexion et la lecture de dialogues, tandis que le jeu intérieur est un hack and slash.
Informatique
- Les acronymes récursifs, procédé répandu dans le monde du logiciel libre : le projet GNU signifiant « GNU is Not Unix », PHP pour « PHP Hypertext Preprocessor », LAME pour « LAME Ain't an Mp3 Encoder », Wine pour « Wine Is Not an Emulator »…
- Les quines (informatique) sont des programmes informatiques qui impriment leur propre code source.
Divers
- The Infinite Cat Project[15] : des chats qui regardent des chats dans un écran qui projette des chats regardant des chats dans un écran.
- Les poupées russes.
- Plusieurs miroirs disposés les uns en face des autres.
- Une caméra braquée sur son moniteur vidéo (video feedback (en)).
Notes et références
- Dictionnaire de l'Académie française, 9e édition, en ligne
- Pierre-Louis Rey, Le Roman, Paris, Hachette, coll. « Contours littéraires », , 192 p. (ISBN 2-01-016956-5), p. 140.
- Claude-François Ménestrier, Nouvelle méthode raisonnée du blason, ou de l'art héraldique, Lyon, 1770
- Paul Digot, La Chevalerie Lorraine (1000-1665), Nancy, Mangeot-Collin, 1887
- À propos de Jacques Derrida, Glas, éditions Galilée, Paris, 1974.
- une image d'un paquet de chips à l'ancienne Croky.
- Samuel Duvivier, Le Malade imaginaire de Molière (analyse approfondie), Profil-Litteraire.fr, , 103 p. (ISBN 978-2-8062-7596-7, lire en ligne), p. 37-39.
- « La mise en abyme en peinture », sur artplastoc.blogspot.com, ArtPlastoc, .
- « Escher et l'effet de Droste sur Galerie d'art (Galerij) (Escher in het Paleis - août 2010) », sur carto.net (consulté le )
- « L'art poétique de Dany Laferrière », article du journal Le Devoir, le 12 avril 2008 (consulté le 30 avril 2016).
- Étiquette du fromage Le Père Noël.
- A la différence des autres exemples, où l'image répétée est unique, on aperçoit dans cet exemple, trois étiquettes, ce qui montre qu'un branchement ternaire est possible, quoique plus rare ! Sur une autre étiquette le branchement est de 5.
- Qui ne sont donc pas des mises an abyme.
- Site avoir-alire.com, page critique "Nous les gosses", consulté le 31 octobre 2019.
- site The Infinite Cat Project, consulté le 21 février 2015.
Voir aussi
Bibliographie
- Lucien Dällenbach, Le Récit spéculaire. Essai sur la mise en abyme, Paris, Seuil, 1977.
- Article Mise en abyme dans le Dictionnaire international des termes littéraires.
- Le Cinéma au miroir du cinéma (sous la direction de René Prédal), Cinémaction, no 124, Corlet, 2007.
- Yannick Mouren, Filmer la création cinématographique, le film-art poétique, L'Harmattan, 2009.
Articles connexes
Liens externes
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